L’évêque d’Évreux [2] est mort ici asthmatique [3] avec le vin émétique [4][5] de Guénault [6] et des Fougerais. [7] Le jour avant sa mort, comme on le saignait de peur qu’il n’étouffât, [8] il sortit avec le sang un ver [9] gros comme une plume et long d’un quartier. [1] Le cardinal Mazarin [10] a touché avant que de mourir 500 000 livres d’argent comptant pour la charge de chancelier de la reine, qu’il a vendue à M. de Fieubet, [11] maître des requêtes. [2] De plus, il s’est fait payer de ses gages pour l’an 1661 des places et gouvernements qu’il avait, et a demandé à M. Tubeuf [12] une somme de 26 francs qu’il lui devait de reste d’un certain jour qu’ils avaient joué ensemble, n’était-ce pas être bon ménager ? On dit qu’il n’a rien fait en mourant que ce qu’il avait fait durant sa vie. Il pria M. Joly, [13] curé de Saint-Nicolas, [14] de lui parler de Dieu jusqu’au dernier soupir de sa vie, et que pour lui témoigner qu’il l’entendait, il promit de lui serrer la main : c’est un métier qu’il a toujours fait et qu’il a fort exercé à son profit. [3] Le roi [15] a défendu dans le Louvre que personne n’eût à dire du mal de Mazarin. Il n’en faut donc point parler, ni en mal, de peur de déplaire au roi, ni en bien, de peur de mentir. On commence à débiter ici des épitaphes contre lui. Quand il y en aura quelques bons, nous vous en ferons part ; ils ne se disent encore qu’à l’oreille. Je suis, etc.
De Paris, ce 15e de mars 1661.
"Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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