Je vous remercie de la vôtre et de celle de M. Meyssonnier, [2] lequel je vous prie de remercier pour moi, n’ayant rien à lui mander car il me parle d’astrologie [3] où je n’entends rien, et je n’en veux pas même rien apprendre de peur d’en devenir fou. Je n’ai rien vu des observations d’Allemagne sur la comète, [4] dont il me parle, qu’une simple taille-douce faite à Strasbourg, qui n’est pas fort considérable. La nièce Marie, [5] qui est une des princesses mazarines, [6] a été aujourd’hui mariée par procureur au prince Colonna ; [1][7] on lui donne en mariage un million de livres en beaux louis d’or. Le mariage de Mademoiselle d’Orléans, [8] fille aînée du second lit du duc d’Orléans, est reculé faute d’argent comptant : [2] il n’y en a point pour les enfants de la Maison, quoiqu’il y en ait de reste pour les mazarines.
On a ici découvert que le cardinal Mazarin [9] n’était point naturalisé français et qu’ainsi tout le bien qu’il a laissé est sujet à l’aubaine. [3] On en parle fort ici : quelques-uns disent que sa haute fortune l’a aveuglé ; d’autres, qui vont plus loin, prétendent qu’il avait dessein de devenir pape et que cette naturalisation l’en aurait empêché ; sur quoi l’on dit en riant qu’il a bien ferré la mule, mais qu’il n’a jamais monté dessus. Ce proverbe de ferrer la mule vient de Suétone, [10] dans la vie de Vespasien [11] lorsque ce bon mais avare prince demanda à son muletier Quanti calceasti ? [4] Mais à l’avarice près, plût à Dieu que la France en eût plusieurs semblables ! Le fils du maréchal de Villeroy [12][13] tomba hier de cheval à l’académie et se blessa fort à la tête. [5] Ce serait grand dommage qu’il lui en arrivât accident. Je suis votre, etc.
De Paris, ce 12e d’avril 1661.
"Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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