Note [1] | |
Abraham-Nicolas Amelot de La Houssaye {a} a publié un récit anonyme de cette tragédie : Abrégé du procès fait aux juifs de Metz, avec trois arrêts du Parlement qui les déclarent convaincus de plusieurs crimes, et particulièrement Raphaël Levi d’avoir enlevé sur le grand chemin de Metz à Boulay, un enfant chrétien âgé de trois ans : pour réparation de quoi il a été brûlé vif le 17 janvier 1670. {b} Il s’agit d’un virulent pamphlet contre les juifs (antisémite, dirait-on aujourd’hui).
Le polémiste antidreyfusard Édouard Drumont (1844-1917) y a puisé pour alimenter son écœurante France juive (43e édition, Paris, Marpon et Flammarion, 1886, 2 volumes in‑18, tome ii, pages 391‑399). Sa narration n’a que l’intérêt de préciser les détails de cet épouvantable drame. Le 25 septembre 1669, la femme de Lemoine, charron de Glatigny (douze kilomètres à l’est de Metz, dans l’actuel département de la Moselle), était allée laver du linge à la fontaine, accompagnée de son fils Didier, âgé de trois ans ; ayant un moment perdu l’enfant de vue, elle constata bientôt avec frayeur sa disparition ; on fouilla en vain les alentours, pour ne recueillir que le témoignage d’un soldat disant qu’il avait vu un juif
Une rapide enquête identifia le suspect comme étant un dénommé Raphaël Lévy, marchand de bestiaux demeurant à Boulay (aujourd’hui Boulay-Moselle, à 23 kilomètres au nord-est de Metz) :
le 26 novembre 1669, des porchers découvrirent la tête de l’enfant « à laquelle tenait encore partie du cou et des côtes » avec, à côté, ses vêtements « sans être ni déchirés ni ensanglantés ». On accusa les complices de Lévy d’être allés eux-mêmes exposer ces dépouilles pour faire croire que le garçonnet avait été dévoré par un loup. Ce reste de cadavre fut examiné par deux maîtres chirurgiens qui reconnurent « que les chairs étaient encore rouges et sanguinolentes, et que l’enfant n’avait été mis à mort que plusieurs jours après son enlèvement, depuis lequel jusqu’au jour que la tête avait été trouvée, il s’était écoulé deux mois et un jour ». Les preuves furent jugées suffisantes pour que le parlement fît emprisonner Lévy et commencer son procès. Sur le chef de crime rituel d’un enfant catholique, il fut condamné à être brûlé vif ; la sentence fut exécutée le 17 janvier 1670.
Bienveillante lectrice de la Correspondance de Guy Patin, Simone Gilgenkrantz, professeur émérite de génétique humaine à l’Université de Lorraine et historienne de la médecine, m’a informé sur le lent dénouement de ce drame :
S. Gilgenkrantz a depuis publié son travail sur le drame de Raphaël Lévy dans le journal Histoire des sciences médicale, tome li, no 3, 2017, pages 339‑347). Quand à l’empereur Léopold ier de Habsbourg, sous l’influence de son épouse Margurite d’Autriche, ci-devant infante d’Espagne (v. note [4], lettre 837), il fit chasser en 1670 tous les juifs du faubourg qu’ils occupaient à Vienne, et en changea le nom de Judenstadt en Leopoldstadt. |
Imprimer cette note |
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À André Falconet, le 11 avril 1670, note 1.
Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/patin/?do=pg&let=0980&cln=1 (Consulté le 18/02/2025) |