Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii
Note [8]
Sur le rôle des artères mésentériques dans l’absorption du chyle, qu’il jugeait déjà aberrant, Thomas Bartholin citait trois auteurs.
« Dans ce conduit si long, si étroit, si tortueux, toutes les parties de l’aliment rencontrent nécessairement l’orifice d’un vaisseau. En effet, la circonférence de l’intestin est percée d’un nombre infini d’orifices intérieurs qui saisissent au passage la partie utile de l’aliment qui le parcourt. De cette façon il n’échappe et ne se perd aucune partie de l’humeur bonne pour la nourriture de l’animal, quand du moins la loi naturelle régit les fonctions du corps.[…] nous avons expliqué aussi {b} comment les orifices des artères qui pénètrent dans l’intestin absorbent peu de nourriture, tandis que la plus grande partie passe dans les veines. »
- Daremberg, volume 1, pages 326‑328.
- Une parenthèse de Daremberg renvoie au livre iii des Facultés naturelles, chapitres xiii‑xv.
Et quoniam vt iam declaratum est, duplex in nobis sanguis generatur, propterea ad intestina, non solum venæ sanguini venali dicatæ, sed etiam arteriæ plurima copia accedunt. Vt portionem chyli purissimam ad sanguinem arterialem generandum idoneum exsugerent, ad corque deferrent. Hanc autem meam sententiam de actione, et vsu arteriarum mesenterii iam à communi omnium opinione remotam verissimam esse ne dubites. Quoniam cum aperte constet, hunc sanguinem in sinistro cordis ventriculo generari, vt omnes etiam fatentur ; et, cum nullus sit transitus à dextro ventriculo in sinistrum, (nisi forte cum aliis vias, et quoad rationem quæ sint, et quod ad agendum pertinet, imperceptibiles somniare velimus) dicendum est materiam ad hanc generationem ab intestinis desumi, et per arterias rectà ad cor deferri. […]. Dico, cum homini duplex sanguis necessarius foret, propterea ad intestina non solum venarum, sed etiam arteriarum plurimam sobolem accedere, vt velut radices sibi conueniens alliciant alimentum ; nec mihi respondeas, tot arterias ad intestina accedere, vt illis calorem vitalem impartiantur, quando quidem plurimo calore intestina abundarent ; cuius oppositum sensus, et experientia cognouerunt ; et huius veritatis tanta fuit vis apud Galenum vt in 4. De facul. nat. et 4. De vsu partium, coactus fuerit confiteri arterias mesaraicas portionem chyli ad se ipsas ex intestinis attrahere. Et quoniam chylus prædicta vasa ingressus non adhuc omni cœnoso, ac putrescibili humido destiturus erat ; propterea per mesenterium plurimæ glandulæ distribuuntur, quæ in ductu vasorum cœnum illud sensim ex vtraque materia depascuntur. Vt inde dispositiones sanguineas gradatim acquirat, et ad alias partes inferius declarandas deferatur.[Et puisque, comme je l’ai déjà énoncé, nous élaborons deux sortes de sang, il n’arrive aux intestins que des veines qui viennent y acheter de quoi faire leur sang, mais aussi une multitude d’artères, qui y puisent la partie la plus pure du chyle pour produire un sang artériel adéquat, puis le mènent au cœur. Vous n’avez pas à douter que ma sentence sur l’action et la fonction des artères du mésentère ne soit absolument exacte, bien que fort éloignée de l’opinion commune et unanime : puisqu’il est bien clair et puisque tout le monde convient que ce sang est élaboré dans le ventricule gauche, et puisqu’il n’y a aucun passage du ventricule droit dans le gauche (sauf peut-être à rêver, comme d’autres, qu’existent des voies imperceptibles, quelles qu’en soient la raison et la fonction), force est de dire que la matière requise pour cette production est puisée dans les intestins, et menée tout droit au cœur par les artères. {a} (…) Étant donné que l’homme a besoin de deux sangs, les vaisseaux qui s’éparpillent dans les intestins en vue d’en extraire l’aliment, à la manière de racines, sont non seulement veineux, mais artériels ; et vous ne m’objecterez pas que tant d’artères parviennent aux intestins pour leur transmettre leur chaleur, puisqu’elle y est déjà surabondante, et la raison et l’expérience ne permettent pas de dire le contraire ; cette vérité s’impose avec tant de force que Galien, dans le livre iii des Facultés naturelles et dans le livre iv de l’Utilité des parties, {b} a été contraint de reconnaître que les artères mésaraïques captent une partie du chyle qui est dans les intestins. Le chyle ainsi absorbé par les artères n’a pourtant pas encore été débarrassé de sa fange putrescible et humide : de nombreuses petites glandes sont donc disséminées par tout le mésentère, afin d’extraire peu à peu cette boue qui est contenue dans ses artères comme dans ses veines ; et c’est ainsi que le chyle se dispose à la sanguification et gagne les autres parties du corps dont je parlerai plus loin]. {c}
- Varole aurait exulté s’il avait connu la découverte de Jean Pecquet.
- V. la référence 1 supra (j’ai corrigé en conséquence le numéro du premier livre cité).
- Varole, qui décrivait le fonctionnement des organes sains, séparait le chyle entre le foie pour le sang veineux, le cœur pour le sang artériel et la rate pour les déchets.
[…] Ostendit non Venas tantum, sed et Arterias mesaraicas chylum ad se manifesto trahere. […] Atque hic usus mesentericarum arteriarum præclarus est, dum Homo perfecta sanitate fungitur : præter quem nos alium quoque addimus, quoties à sanitatis limite declinaverit. Suscipiunt enim arteriæ hæ excrementa universi corporis, ut ad intestina deponant, non secus atque Venæ, per quas et attrahit Chylum Natura, et expellit similiter humores noxios è corpore ; Bilem puta, Pituitam, et Melancholiam.
[(…) Il {b} montre qu’outre les veines, les artères mésaraïques puisent manifestement le chyle. (…) Cette fonction des artères mésentériques est très claire quand l’homme est en parfaite santé, mais nous ajoutons qu’il en va différemment dans le cas contraire : les artères se chargent alors des excréments de tout le corps pour s’en libérer dans les intestins, tout comme font les veines que la nature charge à la fois d’attirer le chyle et de chasser du corps les humeurs nuisibles, comme sont la bile, la pituite et l’atrabile].
- Adriaan van de Spiegel, anatomiste flamand mort à Padoue en 1625 : v. note Patin 5/115, qui donne la référence complète de ses Opera omnia [Œuvres complètes] (Amsterdam, 1645) auxquelles j’ai eu recours ; v. notes [35]‑[37], Responsio ad Pecquetianos, 1re partie, pour l’avis critique de Jean ii Riolan sur ce livre.
- Galien.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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