Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre x
Note [8]
Thomas Bartholin concluait son chapitre par deux observations aussi scabreuses et consternantes que toutes les autres.
Addo crocum, quod raptim vterum petit : adeò vt cùm quædam excludere fœtum non posset, dato croco, prodierit fœtus croco tinctus.[J’ajoute le safran {b} qui gagne immédiatement l’utérus, à tel point que quand on en donne à une femme qui ne parvient pas à expulser son fœtus, l’enfant qui sort a la couleur du safran].
- V. notes Patin 3/139 pour Jan van Heurne, mort en 1601, et 12/446 pour ses Œuvres complètes, réédition de Lyon 1658.
- V. note Patin 52/1384 pour le safran, ou crocus, et ses emplois médicinaux.
Anno 1603. uxori gregarii militis, difficili partu pæne enectæ, dedi pulverem testium equi, in aqua liliorum alborum cum croco, pudendo saponem nigrum applicandum curavi. dimidio quadrante citius puerum croceo colore tintissimum Indoque mulatto similem enixa est. Mirabar tantulo temporis intervallo, crocum utero fœtuique vim suam communicasse, idque tam pertinaciter, ut aliquot post mensibus, puer ille flavedinis nihil amiserit. de eventu, cum milites in aliud præsidium secesserint, non constat. Nota, me cum testibus aliquoties fæliciter in ejiciendis fœtibus secundinisque usus essem, cogitasse eosdem ad menses movendos aptos fore, tentasse in virginibus mihi familiaribus, sed nullo successu ; etiamsi una totam unciam octo dosibus usurpaverit, me vidente.[En 1603, à l’épouse d’un simple soldat, qui avait presque succombé à un accouchement difficile, j’ai donné une poudre préparée à partir de testicule de cheval, dissoute dans de l’eau de lis blancs avec du safran, et l’ai soignée en appliquant du savon noir sur ses parties intimes. Moins de trois heures après, elle a expulsé un enfant de couleur safran très foncée, et semblable à celle d’un mulâtre indien. {e} J’étais émerveillé que le safran ait transmis son pouvoir à l’utérus et au fœtus en si peu de temps ; et ce si opiniâtrement qu’au bout de quelques mois l’enfant n’avait rien perdu de son teint jaune. {f} Comme j’avais plusieurs fois recouru aux testicules équins pour provoquer l’expulsion des fœtus et des secondines, j’ai pensé qu’ils pourraient déclencher la menstruation et en ai fait l’essai chez des jeunes filles de mon entourage, mais sachez que je n’obtins aucun succès, même en en administrant une dose d’une once à huit reprises]. {g}
- Mot hybride forgé sur κρηνη, « source », et Spadanus vicus, « bourg de Spa » (v. note Patin 7/292).
- Henricus de Heer (vers 1570-1636) ; Tongres est une ville de Flandres, dans la province de Limbourg.
- Archevêque électeur de Cologne, mort en 1650, v. note Patin 15/244.
- Leyde, Franciscus Moiardus et Adrianus Wyngaerden, 1645, in‑12 de 254 pages, pour l’une de nombreuses éditions, dont la première a paru en 1616 ; cette observation ne figure pas dans la traduction française de Liège, 1646.
- Mulatto n’est pas latin, mais adapté de l’espagnol mulato.
- La ficelle est énorme, et de Heer feignait sans doute de ne pas s’interroger sur l’identité réelle du père de l’enfant : il est sidérant que Thomas Bartholin n’ait pas flairé le subterfuge du safran utilisé pour dissimuler l’infidélité de la mère à son soldat d’époux.
- Naïve et vaine exploitation de l’idée qui a bien plus tard abouti à l’opothérapie (traitements hormonaux).
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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