Texte
Jean Pecquet
Dissertatio anatomica
de circulatione sanguinis
et motu chyli
(1651)
Chapitre vi  >
[Page 43 | LAT | IMG]

On recherche le principe du mouvement sanguin. On prouve que le poids que possède le sang ne suffit pas à le faire circuler, même si les artères exerçaient un effet de siphon sur les veines[1]

Tant qu’elle nous échappe encore, la cause visible d’une découverte [2] augmente le tourment. Le mouvement du sang est connu, mais son principe demeure obscur. Cela incite à entreprendre une nouvelle recherche, dont je vais m’efforcer de t’expliquer les difficultés par les avis que voici.

Soit le sang s’écoule de son propre élan, soit il est aiguillonné par autre chose. Nous le lui connaissons aucune autre force propre que sa pesanteur, dont il me plaît de démontrer comme suit la faible efficacité. [3]

Le sang pourrait être emporté par son propre poids vers le bas quand il progresse dans les artères descendantes et dans la veine cave supérieure, [4] mais n’est certainement pas capable, sous la même impulsion, de s’écouler vers le haut, dans les artères ascendantes, non plus que dans la veine cave inférieure ; [5] à moins que tu n’attribues un tel effet à la disposition des vaisseaux, comme font certains philosophes de grand renom : ils prétendent en effet que les artères sont si intimement liées aux veines que tu n’aurais pas tort de dire qu’elles imitent la structure d’un siphon.

Ils appellent siphon un tuyau recourbé dont la plus longue des deux jambes [Page 44 | LAT | IMG] descend vers leur angle de jonction, et la plus courte en remonte. [1][6][7]

Ainsi donc, pour que de l’eau parvienne à monter après avoir franchi l’angle inférieur d’un siphon, faut-il que la jambe dans laquelle elle s’écoule soit moins haute que celle d’où elle sort, de façon que le poids du liquide l’emporte jusqu’au plus bas des deux orifices. C’est ainsi (disent-ils) que le sang s’écoule vers le haut dans la veine cave inférieure, parce que la providence de la nature l’a placée un peu plus bas que les orifices des artères ascendantes. [2][8]

Le liquide emporté par son propre poids se rue dans l’autre versant de l’angle inférieur du siphon, dont son propre élan l’éloigne, jusqu’à ce qu’il trouve le repos quand les niveaux des deux branches se sont équilibrés ; en revanche, si le tuyau de sortie est plus court et s’élargit en entonnoir pour procurer une issue plus basse que la jambe entrante du siphon, le liquide jaillira spontanément, toujours emporté par son propre poids. Ainsi donc, disent-ils encore, le sang de la veine cave inférieure, par écoulement naturel, remonte-t-il des profondeurs et bondit dans le gouffre du cœur, du fait que son ostium est un peu plus bas situé, et que la crosse ascendante de l’aorte et la veine cave supérieure précipitent le sang vers leurs avals respectifs. [3][9]

Souviens-toi cependant, pour que les ambiguïtés de mon vocabulaire ne te mettent pas dans l’embarras, qu’est dite ascendante la veine cave qui monte se jeter dans le cœur, et descendante, celle dont le tronc y déverse ses affluents vers le bas. Ces dénominations sont liées à leurs origines et non pas aux fonctions qu’elles accomplissent. [4]

Tu pourrais certes dire que le talent de la nature a en réalité [Page 45 | LAT | IMG] conspiré contre la sentence de ces philosophes, et trouver de très solides arguments pour réfuter les compliments que je leur adresse indûment.

Néanmoins, si comme moi tu observes que le liquide venant d’en bas monte vers la plus haute jambe du siphon, et qu’au contraire, celui qui s’y déverse descend de la plus basse jambe, tu verras à quel point une telle conjugaison d’écoulement dans le siphon n’est pas adaptée au mouvement du sang car, au même instant, il en pénètre tout autant dans le cœur qu’il en sort du cœur.

Les systoles éjectent autant de sang dans les artères que ce qu’au même moment les veines y ont injecté depuis les extrémités ; [10] mais il ne pénètre depuis les veines dans le cœur qu’une fois la systole achevée, quand il accorde une diastole aux parties qui le composent. [11] Il est donc patent que le sang n’imite en aucune façon le déplacement des liquides dans les siphons.

Puisque nous sommes en désaccord complet avec ceux qui se plaisent à croire le contraire, je leur demande : si les vaisseaux sanguins fonctionnent comme un siphon, et en vertu de la règle du contrepoids qui impose obligatoirement que le remplissage soit égal de part et d’autre, comment se fait-il que, chez le cadavre, la mort vide entièrement les artères dans les veines qui regorgent de sang ? [5][12][13]

Les expériences menées sur la circulation militeront aussi contre le siphon. [14] La veine jugulaire [15] représente la branche haute d’un siphon qui envoie le sang au cœur ; quand je l’ai liée au cou, du sang a néanmoins continué de monter dans les artères ascendantes et la veine jugulaire a énormément gonflé au-dessus du lien. [6][16]

La ligature serrée de veine crurale [17] m’a enseigné exactement la même chose : en aval, du côté du cœur, elle s’est affaissée par manque patent de sang ; je pense donc insensé [Page 46 | LAT | IMG] d’attribuer sa montée dans le cœur au poids de celui qui se rue dans l’aorte. [7]

Quand on lie l’artère qui irrigue le membre inférieur, [18] elle ne devrait pas pouvoir se vider (si on doit attribuer le mouvement au poids du sang, comme dans un siphon inversé), mais l’expérience prouve le contraire : la toute petite quantité de sang qui y subsiste ne peut égaler tout celui qui pèse dans la veine cave et dont la masse devrait remplir l’artère de bas en haut. [8]

Comme déjà dit, les artères des morts sont vides de sang, [5] mais garde-toi de rejeter cela en pensant que la subtilité du sang artériel s’est évanouie, car il n’est ni moins dense, ni peut-être moins épais que celui que contiennent la veine cave et même la veine porte. [19][20]

L’expérience en procurera un argument simple : blesse en même temps la veine cave et l’aorte d’un animal vivant, et aussi sa veine porte, si ça te fait plaisir ; le sang que contient chacun de ces vaisseaux s’épanche évidemment, mais sans jamais dégager la moindre vapeur ; celui qui sort des branches artérielles est certes d’un rouge plus soutenu, mais tu perdrais ton temps à chercher une autre différence entre eux. [9][21]

Chez un animal moribond, tu pourras aussi arrêter le sang artériel en lui liant une artère crurale : j’ai moi-même observé à maintes reprises qu’elle enfle alors un peu du côté qui regarde le cœur, mais je n’ai jamais vu le sang s’y dissiper.

Puisque le siphon ne permet pas d’expliquer le mouvement circulaire du sang, et que son propre poids ne semble pas non plus y contribuer, car souvent il l’entrave plutôt (comme le montre bien la flasque immobilité des membres chez les pendus), il faut donc conclure qu’il n’est pas spontané et invoquer l’intervention d’une force qui est extérieure au sang lui-même. [10]


1.

En hydraulique, {a} un siphon est un « tuyau recourbé dont les jambes sont inégales, et dont on se sert pour faire passer une liqueur d’un vase dans un autre » ; {b} c’est-à-dire de la plus longue vers la plus courte.

Je n’ai pas identifié les « philosophes de grand renom » qui ont recouru au siphon pour expliquer le mouvement du sang. Dans ses copieuses critiques de la circulation harvéenne, Pierre Gassendi {c} n’y a fait qu’une allusion, en employant les verbes exsugi, « être sucé », et percolari, « être filtré », pour expliquer le passage imaginaire du sang du ventricule droit dans le gauche au travers de la perforation qu’il supposait exister entre eux. {d}

Dans le présent chapitre, Jean Pecquet veut combattre l’idée qu’un phénomène de siphon explique le retour du sang veineux au cœur ; mais en se fondant sur un raisonnement difficile, voire impossible à comprendre aujourd’hui. {e}


  1. V. note [3], Dissertatio anatomica, chapitre ix.

  2. Dictionnaire de l’Académie française, 1762.

  3. V. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre vi.

  4. Second extrait de l’Epistolica exercitatio [Essai épistolaire] de Gassendi sur la philosophie de Robert Fludd (1630), cité dans la note Patin 28/152.

    Dans le Discours sceptique (Leyde, 1648, cité dans la même note Patin), que Samuel Sorbière a signé mais que Gassendi a écrit, on lit en outre cette Comparaison fort à propos (pages 124‑126), qui ne se fonde pas sur le sens hydraulique, mais météorologique du mot siphon, qui est celui d’ouragan (trombe ou typhon, où le vent se déplace de la plus haute vers la plus basse pression) :

    « Je ne saurais vous mieux comparer ce mouvement du sang qu’à celui de l’air lorsque le vent souffle dans une fenêtre ouverte. Si la chambre est partout ailleurs bien fermée, il n’y fait aucune impression car, étant une fois pleine, il n’y en entre pas davantage ; mais si vous faites quelque trou par lequel le vent puisse sortir, vous sentirez incontinent avec quelle violence il entre et sort par cette ouverture. Ce qui me confirme d’ailleurs en cette pensée est qu’en la section de l’artère, le sang ne coule pas uniforme, mais rejaillit en chaque systole (bien qu’il me semble la plupart du temps, à cause du peu d’intervalle qu’il y a d’une pulsation à l’autre, que ce soit plutôt en la diastole), de même que le vent en notre exemple entre et sort par secousses et par ondées, presque tout ainsi que les flots de la mer qui s’entresuivent. Cette considération toute seule me semble capable de renverser de fond en comble tous les raisonnements de Harvey : car si le sang passe de l’artère dans la veine, il ne doit pas en la phlébotomie couler uniformément comme il fait, mais rejaillir à diverses reprises, n’y ayant aucune raison qui l’oblige de changer son cours en changeant de canal. »

  5. V. infra notes [9] et [10].

2.

Dans le cœur d’un adulte debout, l’orifice inférieur de l’oreillette droite, où s’abouche la veine cave ascendante (inférieure), se situe 3 à 5 centimètres plus bas que la valve aortique du ventricule gauche, où s’insère la crosse de l’aorte, laquelle donne naissance aux trois artères (tronc brachio-céphalique, et carotide primitive et subclavière gauches) qui montent vers la tête et les deux membres supérieurs. À la double condition (1) de nier la circulation pulmonaire et (2) d’admettre qu’existe une large communication directe entre les cavités cardiaques droites et gauches, on pouvait rêver que l’aorte siphonne la veine cave inférieure.

3.

Aux deux postulats erronés qui sont énoncés dans la note [2] supra s’ajoute ici la double « aspiration » exercée (1) par le sang qui s’écoule de la crosse aortique dans l’aorte descendante, et (2) par celui de la tête et des membres supérieurs (veines jugulaires et subclavières) qui revient au cœur en passant par la veine cave supérieure.

4.

Ces précisions sémantiques paraissent aujourd’hui superflues, mais sont liées au fait que certains établissaient une hiérarchie fonctionnelle entre les deux veines caves : dans l’antique idée que les veines ne drainaient pas, mais irriguaient les organes, ceux-là tenaient la veine cave supérieure pour plus noble que l’inférieure, parce qu’elle délivrait son sang au cerveau. Jean Pecquet rendait aux mots leur véritable sens anatomique (v. note [5], Experimenta nova anatomica, chapitre ii).

Conformément à la nomenclature moderne, mes traductions ont partout qualifié les veines caves de supérieure (descendante) ou inférieure (ascendante) car elles incluent des textes émanant d’auteurs qui ne suivaient pas la règle de Pecquet.

5.

V. note [2], Dissertatio anatomica, chapitre vii, pour les artères vides et les veines pleines de sang chez le cadavre.

6.

Cette expérience menée chez un animal vivant, probablement un chien, prouve que quand on lie la jambe haute du prétendu siphon (veine jugulaire interne qui descend de la tête), sa jambe basse (artères à destination céphalique) continue à envoyer du sang dans la tête, ce qui provoque la dilatation de la jugulaire en amont du lien, où il continue à essayer de descendre.

7.

L’expérience est indiscutable, mais je n’ai pas compris la déduction qu’en tirait Jean Pecquet.

8.

Le sang de la veine cave (jambe haute du siphon) ne reflue pas dans un membre inférieur (jambe basse) dont l’artère principale a été liée.

9.

Jean Pecquet aurait pu concevoir une expérience plus élégante que ce carnage pour analyser les différences entre les sangs artériel et veineux. J’ignore quelle « vapeur » (vapor) quiconque aurait pu s’attendre à voir émaner du sang ainsi épanché. V. note [31], première Responsio de Jean ii Riolan, 6e partie, pour sa critique de ce passage et un copieux complément sur la stricte identité des sangs artériel et veineux défendue par William Harvey.

Pecquet ne remarquait pas le jaillissement pulsé du sang hors des artères car nul ne contestait ce fait évident. Les avis divergeaient seulement sur ce qu’il fallait en déduire pour et surtout contre la circulation : ses adversaires jugeaient que l’impétuosité et la célérité du mouvement créé par les battements du cœur étaient telles qu’elles ne permettaient pas au sang artériel de libérer ses « esprits vitaux » à la périphérie du corps et de les restaurer dans le cœur, et qu’elles étaient donc tout simplement incompatibles avec la vie ; les artères ne semblaient battre que pour procurer un ventilateur, un radiateur et une soupape à la circulation veineuse, censée être beaucoup plus douce et calme. L’ignorance des capillaires bloquait le raisonnement de ceux qui n’avaient pas l’audace d’en postuler l’existence, comme a fait Pecquet (après Harvey) avec ses anastomoses du chapitre précédent.

10.

Jean Pecquet finissait par avoir raison, mais j’avoue ne pas être parvenu à suivre son argumentaire contre le siphon pour expliquer le retour du sang veineux vers le cœur. Un tel dispositif hydraulique suppose en effet une communication à plein canal entre ses deux jambes, l’une artérielle et l’autre veineuse, que le barrage capillaire (pulmonaire ou périphérique) rend partout inconcevable ; cette objection anatomique, aujourd’hui évidente, ne pouvait pourtant pas être sûrement énoncée en 1651.

En somme, me semble-t-il, après mûre réflexion, Pecquet se servait de cette digression sur l’inexistence du siphon pour consolider le postulat sur les anastomoses capillaires qu’il avait énoncé dans son chapitre précédent. Cela devait lui sembler si trivial qu’il ne prenait pas la peine de l’expliquer.

a.

Page 43, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

Caput vi.

Sanguinei motûs principium inquiritur. Innatum
Sanguini pondus, licet Arteriæ cum Venis Sipho-
nem agerent, ejus Circulationi probatur non suf-
ficere
.

Angorem aggerat, non aufert dete-
ctæ rei nondum evidens causa. San-
guinis motus cognitus est, sed ejus-
dem etiamnum latens principium, no-
vum provocat ad laborem, cujus qui-
dem samebras, his tibi nitar monitis explanare.

Vel proprio ruit incitabulo Sanguis, vel impelli-
tur alieno ; Proprium quidem ipsi nullum præter
gravitatem agnoscimus, cujus virtutem subjectis ra-
tionibus libet evanidam demonstrare.

Sanguis certè, quem per descendentes Arterias
posset, et per ascendentem Cavæ caudicem, inna-
tum pondus deorsum abripere, nequit eodem ad su-
periora connixu per ascendentes Arterias, sicut nec
per descendentem Cavam confluere ; nisi fortè cum
quibusdam insignis notæ Philosophis, dispositioni
vasculorum tribuas effectûs hujuscemodi rationem.
Nam, inquiunt, ita cum venis Arteriæ cohæres-
cunt, ut non immeritò dicas siphonis fabricam
imitari.

Siphonem autem appellant reflexam fistulam,
cujus quidem aut sublimem angulum declivia cru-

b.

Page 44, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

ra sustineant, aut erecta depresso angulo innitan-
tur.

Ut ergo, ad sublimem siphonis angulum ascen-
surus succedat liquor, necesse est crus illud quà
corruet, depressiori subtendatur emissario, ut for-
tior exinde liquidæ molis gravitas per alterum ostium
debiliorem aquam ad sequendum mobilitet. Ita per
ascendentis Cavæ caudicem, quem naturæ provi-
dentia demissiorem paulò Arteriarum ascendentium
ostiis constituit, defluet (inquiunt) Sanguis, qui
propter hoc altrinsecùs debebit sequaciter ascen-
dere.

Et ut in demissum suo pondere ruens alterius si-
phonis angulum, liquor è fundo suopte reflectitur
instinctu, donec æmulâ utrinque superficie æqui-
librij denotet quietem ; atque si reflexionis fistula
brevior demissiorem aperturam alterius curis in-
fundibulo expanderit, futurum est ut proprio,
propter eandem gravitatem, defluvio effundatur :
Ita Sanguis, inquiunt, per ansatum descendentis
Aortæ truncum ad infima præcipitans, per descen-
dentem ultro Cavam è fundo resilit, et per ejus-
dem ostium, quod quidem tantisper demissius est,
defluxu spontaneo rursus in cordis gurgitem refun-
ditur.

Memineris autem ne ambigua tibi facessat no-
menclatura negotium, ascendentem dici Cavam,
quæ sursum versùs à corde luxuriat ; at quæ suas
hinc effundit deorsum ad extrema propagines, des-
cendentem, ducto ab origine, non ab officio nomine.

Sane diceres cum naturæ artificio veritatem ip-

c.

Page 45, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

sam in eorum conspirasse sententiam, meósque
plausus injuria evidentissimis rationibus denegari.

Sed si mecum observes eodem, ad sublimem
siphonis angulum, tempore liquorem, quo deor-
sum ruit, ascendere ; et rursus à depresso ejusdem
siphonis inversi angulo conscendere, quo illuc in-
funditur ; patebit tum, quàm sit incongrua si-
phonis cum Sanguineo motu jugis fluendi succes-
sio ; Nam eodem instanti et in cor influeret San-
guis et ex corde deflueret.

At verò Sanguis, dum systoles eum expressio
patulis intrudit Arteriis, eodem quidem in venas
per extrema se penetrat momento ; sed tunc dun-
taxat è venis in cor irrumpit, cùm desinens systo-
le suas vicissim partes diastolæ concesserit. Et vel ex
hoc Sanguinem planum est, siphonum liquores
nullatenus imitari.

Sed quoniam ab iis, quæ placent ægrè discedi-
mus, quæro, si Sanguinei canales siphonem agant,
et ob id æqualem untrinque plenitudinem necessa-
riò postulet sacomatis ratio, quî fiat ut in cadave-
re mors turgidis venis Arterias prorsus exhauriat ?

Etiam adversus siphonem circulationis Experi-
menta suffragabuntur. Iugularis vena stantis sipho-
nis ab angulo sublimi repræsentat in cor emissarium ;
hanc cum in collo ligavi, nihilominus per ascenden-
tes Arterias sursum immissus est Sanguis, imo et
supra vinculum extra modum Iugularem venam in-
tendit.

Docuit et idipisum cruralis venæ strictus canalis,
nimirum à ligaturâ versum cor flaccidus, eò Sangui-
nem patuit effudisse ; hujus autem tunc in cor ascen-

d.

Page 46, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

sum, puto, quis ruentis in Aortam molis insulsè gra-
vitati tribuerit.

Sed nec ipsa, quæ crus alluit Arteria, cum ligabi-
tur (si tribuendus ponderi Sanguinis, ut in inverso
siphone, motus) sub vinculo poterit, contra expe-
rientiam, vacuari ; nam tantillum illic residuum San-
guinis, totum nequibit, quod in Cavâ gravitat, San-
guineæ moli pondus sursum versùs protrudere.

Cum autem dixi mortuorum exhaustas Sanguinis sub-
tilitatem refundendum. Est enim huic sua quoque
densitas, nec ejus forsitan, qui venis tum Cavâ,
tum etiam Portâ includitur, minor crassitudine.

Momenti suppeditabit facilis experientia. Viven-
tis Animalis vulnera Cavam eôdem cum Aortâ,
sed et ipsam pariter, si lubet, Portam tempore ;
certè suo quisque vasculo elicitus Sanguis residet ;
nullus solvetur in vaporem ; et nisi, qui ex Arte-
riarum ramulis exprimitur, lætiori paulò purpurâ
rubesceret discrimen quæreres inanissimo examine.

Poteris et in moribundo Sanguinem Arteriosum,
si Arteriam in curribus {a} liges, sistere ; hoc et ipse mul-
toties operatus, subtumidam esse versum cor Arte-
riam, Sanguine vidi nequaquam evanido.

Ergo cum nec siphonis ratio circulari Sangui-
nis motui conveniat ; nec ipsum pondus eidem in-
servire videatur, imò esse plerunque (sicut in pen-
dulis negligentiùs artubus planum est) impedimen-
to ; ad externi virtutem incitabuli, proprio defi-
ciente, confugiendum.


  1. Sic pour : cruribus (corrigé dans l’errata).


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et motu chyli (1651) : Chapitre vi

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(Consulté le 09/12/2025)

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