Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre ix, note 16.
Note [16]

De Iudiciis venenarum et liuidarum, atque nigrarum vrinarum [La manière de juger les poisons et les lividités, et les urines noires] est le titre de ce chapitre d’Actuarius, {a} avec cette anecdote tome premier, pages 227‑229 :

Accessi ad quendam curatione indigentem, secutusque me est seruus meus, ea pharmaca deferens, quæ collatura existimaueram ægroto. atque inibi manus capiens pharmacum (erat enim trochiscus amarus) miscui cum eo tantum oxymellis, quantum satis esse putaui, atque infudi deferuente aqua, vt liquidius et facilius ad bibendum esset pharmacum, idque ægroto præbui. ille verò calicem labris admouens, postquam sensit medicamenti insuauitatem, atque adeò amarus ipse factus, et cætera superbus et morosus, quique ad medicamenta capienda non facilè medico obsequeretur, volui etiam ipse ludere, atque redarguere abominationem medicinæ, quæ ingenita ei erat ab animæ mollitie. Itaque vbi dixissem molesti nihil tolerare debere virum quenquam, nisi ad vtilitatem comparandam, dedi seruo pharmacum ad bibendum, dixique id non mediocriter collaturum esse corpori. Seruus acceptum calicem, manuque labris appositum, euacuatum ostendit, vbi sanè quàm libenter ebibisset medicamentum. quo facto illinc discessimus. Ipse profectus sum quo decreueram : seruum verò misi ad amicum quendam ob rem aliquam necessariam, iussique vt celerrimè reuerteretur. Erat iter eò (vt arbitror) triginta stadiorum. obedientem reperi, atque celeriter reuersum. Sed vbi ad meiendum coactus esset, ei visum est nigrum meiere : mihique retulit idipsum malum, atque causam nesciens, magnopere contristatus est. Iussi itaque vt postera die in matula ostenderet vrinam. Sic itaque egit, etiam euentum discere expectans, verberaturque ne fortè ignorata causa, repente moreretur. Ego quoque inspecta vrina nigra, primò miratus sum, oblitus pharmaci quod nuper dederam, neque quartanam in eo affuisse considerans, neque melancholiam : solummodo tamen, videbam temperaturam eius vergentem ad quendam purum humorem nigrum. Sed hanc solam non credidi fuisse causam facti, nulla altera reddita causa. Postquam verò recordatus fui medicinam quam exhibueram intellexi rem, atque risi : iussique puerum confidere, ita vt ei nihil mali expectandum esset. Vrina autem plurimum tincta erat nigrore : quoniam, vt puto, non sæpius vsus fuerat ea medicina. Postea verò die vrina apparuit veneta : et die quæ hanc sequuta est, mutata est ita vrina, vt ad eam quæ secundum naturam est, concessisse spectaretur. Fortasse à principio non fuisset tincta vrina tam facilè ab ebibito pharmaco, nisi etiam labor maximopere adiuuisset, quòd ita facile medicamentum distributum fuisset, et vigentem materiam atque abundantem attraxisset. Horum ergo vniuscuiusque meminisse oportet, atque accidentia considerare, siue à pharmacis oriantur, præsertim quæ humores eiusmodi commouent, siue à cibis et potibus simili colore affectis. Veruntamen hæc ipsa in corporibus sanis contingentia, aut parum, aut nihil mali significant. in ægrotantibus verò longo tempore maximè ab humoribus melancholicis salutaria et ægritudines soluentia existunt.

[Je visitai un malade requérant mes soins, accompagné de mon esclave qui portait les médicaments que je comptais employer. Je choisis un trochisque {b} amer, le mêlai à la quantité requise d’oxymel {c} et diluai le tout dans de l’eau bouillie pour que le remède fût plus facile à boire. Je présentai la potion au patient qui en perçut l’amertume en approchant la coupe de ses lèvres. Orgueilleux et chagrin, il en fut fort contrarié, disant qu’il ne se plierait pas facilement à la volonté d’un médecin en avalant ses médicaments ; en badinant, je voulus récuser l’abomination du remède en la disant être le fruit de son imagination et de sa mollesse d’âme ; et puis, après avoir dit que nul ne devait endurer un désagrément sans en tirer quelque profit, j’ordonnai à mon esclave de boire le remède, qui lui ferait grand bien ; il porta la coupe à ses lèvres et la vida ; le malade en fit alors autant bien volontiers et nous prîmes congé de lui. Passant à d’autres occupations, j’envoyai mon serviteur chez un ami pour quelque affaire à régler avec lui, en lui ordonnant de revenir le plus rapidement possible. La distance à parcourir était (me semble-t-il) de trente stades. {d} Il m’obéit et revint vite, mais quand lui vint l’envie de pisser, il vit que son urine était noire. Il me fit part de cette anomalie dont il ignorait la cause et qui le préoccupait énormément. Je lui demandai de m’apporter son pot de chambre le lendemain ; ce qu’il fit, impatient d’apprendre le diagnostic, dans la crainte d’avoir pu être frappé d’un mal inconnu et d’être menacé de mort subite. J’avais oublié le médicament que je lui avais récemment fait prendre et m’étonnai d’abord de cette urine noire, ne le sachant souffrir ni de fièvre quarte ni de mélancolie ; j’avais seulement vu que son tempérament était enclin à quelque pure humeur noire, mais sans croire que cela pût être en cause, en l’absence de toute autre indisposition. Toute l’affaire s’éclaircit et j’en ris quand je me fus souvenu du médicament que je lui avais dernièrement administré, et lui dis d’être bien sûr qu’il ne lui arriverait rien de fâcheux. Son urine était fort noire parce que, pensai-je, il n’avait pas très souvent recouru à cette potion. Le lendemain, l’urine était bleu azuré, et le surlendemain, elle avait retrouvé sa couleur naturelle et tout était rentré dans l’ordre. Peut-être le médicament n’aurait-il pas si aisément teinté ses urines s’il n’avait pas dû accomplir un violent effort physique, lequel avait d’autant favorisé la dispersion de la potion et attiré dans les reins sa puissante et abondante substance. Chacun doit donc se rappeler qu’un tel phénomène peut survenir et que la couleur d’un remède, d’un aliment ou d’une boisson peut diffuser quand les humeurs sont mises en mouvement de la sorte. Chez les gens en bonne santé, cela n’est pourtant qu’un incident engendrant peu ou pas d’inconvénient ; mais chez ceux qui ont été longtemps malades, surtout s’ils sont affectés de mélancolie, ce peut être salutaire en contribuant à soigner leurs maux].


  1. Sept livres de Urinis, v. supra note [14].

  2. Vnote Patin 7/1374.

  3. Vnote Patin 24/8170 pour l’oxymel.

  4. Environ 5,5 kilomètres.

Juste avant sa référence à Actuarius, Thomas Bartholin avait cité trois médicaments réputés diurétiques :

  • v. notes Patin 4/220 pour la térébenthine, et 13/15 pour la casse, surtout employée comme purgatif doux ;

  • le genièvre ou graine du genévrier était à la base de préparations digestives et faiblement diurétiques.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre ix, note 16.

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(Consulté le 09/12/2025)

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