V. note [13], Dissertatio anatomica, 1654, chapitre xi, pour la référence de Jean Pecquet à l’Encheiridium anatomicum et pathologicum [Manuel anatomique et pathologique] (1649), où Jean ii Riolan décrivait les adhérences inflammatoires du poumon à la plèvre et les épanchements pleuraux qui peuvent en résulter.
Riolan, qui avait comprenait le contraire de ce que Pecquet avait voulu dire (v. supra note [15]), avait également traité la question, de manière aujourd’hui aussi obscure que sidérante, dans la dernière édition de son Anthropographia (Paris, 1649), {a} livre iii, dernier paragraphe du chapitre xi, De pulmonibus, page 231 :
Pulmones moueri sui dilatatione et contractione certum est et indubitandum : Sed an motus ille sit insitus, vel adventitius, id est, ab alio impellente factus, controuertitur. Galenus libro de Thoracis motu, et variis in locis, ad motum Thoracis cieri Pulmones prodidit, quod recentiores Anatomici probant duabus rationibus. Natura pulmones costis adnecti voluit, ut Thoracis motum necessariò sequantur, per vulnus aperto Thorace immobiles manent pulmones. Fateor in violenta respiratione Pulmonem Thoracis motum sequi, et secundum eius amplitudinem amplificari fugâ vacui, sed in libera repiratione, immoto Thorace mouetur Pulmo : Respiratio autem perficitur dilatatione et contractione Pulmonum. Sæpius observaui Pulmones nullibi subcostali tunicæ cohærentes, ne quidem Diaphragmati affixos. At dices, in morte adhæsiones illæ effringuntur, concidentibus in sese Pulmonibus. Nam Galenus cap. 10. lib. 8. Admin. Anat. fatetur seiunctum esse Pulmonem à Costis in mortuis, sed in viuentibus semper Costis aliquatenus adhærere : Deinde falsum est in vulnere Thoracem penetrante Pulmones esse immobiles. Nam in dissectione viuorum animalium eleuato Sterno Pulmonem dilatari et constringi videmus : ergo dilatatur Pulmo inspirato aëre, constringitur exclusis fuliginibus, quod accidit impellente Corde ad sui refrigerium et vitæ conseruationem : ideoque Cor, et motus Pulmonum, et Diaphragmatis præcipua causa est. Aristotelis variis in locis, sed potissimum libro de respiratione, Pulmonis motum naturalem esse sustinet, et à Corde pendere, follis instar, non utris modo contrahi et distendi : existimare, inquit, oportet instrumenti constitutionem similem esse follibus, qui in officinis ferrariis habentur, geminum autem existit quod tale est, scilicet Cor, quod nutriendi facultate præditum est, et in medio consistit, quod quidem medium cùm amplificatur eleuari solet, cùm attollitur eam quoque partem, quæ illud ambit eleuari necessum est, quod in respirantibus fieri cernitur, quando pectus attollitur, propterea quod eiusmodi partes à Corde agitatæ promouentur. Pulmo, ut alibi scribit Philosophus, spirandi officio destinatus, originem sui motus accipit à Corde, sed sua tum amplitudine, tum inanitate aditum spiritui patefacit, cùm enim attollitur influit spiritus, cùm contrahitur effluit. Itaque Pulmo sequitur motum Cordis, si non passibus æquis, Thorax verò Pulmonis motum.
[Il est certain et hors de doute que les poumons sont mus par leur propre dilatation et contraction, mais on débat sur la question de savoir si ce mouvement leur est propre ou adventice, c’est-à-dire provoqué par une poussée venue d’ailleurs. Dans son livre sur le mouvement du thorax et en d’autres endroits, Galien énonce que les poumons provoquent le mouvement du thorax, à quoi les anatomistes modernes avancent deux preuves. {b} La nature a voulu que les poumons soient attachés aux côtes, pour qu’elles suivent obligatoirement le mouvement du thorax : quand une blessure a ouvert le thorax, les poumons restent immobiles. Je conviens que quand la respiration est violente, le poumon suit le mouvement du thorax, que la crainte du vide amplifie proportionnellement à la profondeur de la respiration ; pourtant, quand elle est paisible, le poumon bouge mais le thorax est immobile, la respiration s’accomplissant par la dilatation et la contraction des poumons. J’ai très souvent observé que les poumons ne sont nulle part attachés à la tunique sous-costale, {c} et ne sont pas même fixés au diaphragme ; mais vous pourrez me dire que la mort a rompu ces adhérences quand les poumons se sont affaissés sur eux-mêmes ; car au chapitre x, livre viii des Administrations anatomiques, Galien convient que chez les morts les poumons sont distants des côtes, mais que chez les vivants, ils y adhèrent toujours plus ou moins : il est donc faux de dire que les poumons sont immobiles dans une plaie pénétrante du thorax ; en disséquant des animaux vivants, une fois le sternum enlevé, on voit le poumon se dilater et se rétracter, ce qui prouve que l’air inspiré dilate le poumon et que les vapeurs exhalées le rétractent. Le cœur entraîne cette alternance pour se rafraîchir et conserver la vie : le cœur est donc la principale cause des mouvements des poumons et du diaphragme. En divers endroits, mais surtout dans son livre sur la respiration, Aristote soutient que le mouvement du poumon est naturel et dépend du cœur, il se contracte et dilate comme un soufflet et non comme une outre : il faut penser, dit-il, que l’instrument a une structure semblable à celle des soufflets dont se servent les forgerons. {d} Il en existe pourtant deux, pour la bonne raison que le cœur, qui est destiné à la faculté de nourrir, siège en leur milieu, parce que ce qui est au milieu s’élève ordinairement lors de la dilatation, tout comme se soulève nécessairement la partie qui entoure ledit milieu : c’est ce qu’on distingue bien chez les animaux qui respirent quand la poitrine se soulève, parce que le cœur met alors en mouvement lesdites parties. Le poumon, comme écrit ailleurs le susdit philosophe, a pour fonction de respirer, le cœur est à l’origine de son mouvement de gonflement et d’affaissement qui permet le passage de l’esprit, lequel entre quand le poumon se dilate et sort quand il se contracte. Le poumon suit donc le mouvement du cœur, même si leurs cadences ne sont pas égales, {e} et le thorax suit celui du poumon]. {f}
- Opera anatomica vetera et nova, v. Bibliographie.
- Dans la suite, je n’ai pas su situer ce qui revient à chacune de ces deux explications annoncées.
- Plèvre pariétale attachée à la paroi thoracique, sur laquelle glisse la plèvre viscérale, attachée aux poumons.
- Dans le chapitre vii de ce traité, Aristote réfute la théorie d’Empédocle {i} qui comparait la respiration à l’entrée et à la sortie de l’eau dans une clepsydre (ou de l’air dans une outre) qui se fait par le même orifice unique : {ii}
« Voilà l’explication d’Empédocle sur la respiration; mais, ainsi que nous le disions, les animaux qui respirent évidemment par l’artère, {iii} respirent à la fois et par la bouche, et par le nez. Et par suite, puisqu’Empédocle ne parle que de cette dernière respiration, il faut rechercher jusqu’à quel point la cause qu’il lui assigne sera bien en harmonie avec les faits. Mais il paraît que c’est tout le contraire qui se passe. En effet, c’est en soulevant le corps, comme se soulèvent les soufflets dans les forges, que les animaux respirent ; et la raison peut bien admettre que l’action de la chaleur soit de soulever, et que le sang remplisse ici la fonction de la chaleur. Mais c’est en se comprimant et en se resserrant que les animaux expirent, par un mouvement pareil encore à celui des soufflets. La seule différence, c’est que les soufflets ne reçoivent pas l’air et ne le chassent pas par un même trou, {iv} tandis que quand nous respirons, c’est par la même ouverture que nous recevons et rejetons l’air tour à tour. Mais en ne parlant que de la respiration qui se fait par le nez, Empédocle a commis une grande erreur, car la respiration n’appartient pas, en propre, aux narines. » {v}
- V. note [18], seconde Responsio, première partie.
- Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1847.
- La trachée-artère.
- Cela vaut pour les soufflets de forge ou d’instruments de musique, munis d’une valve, mais non pour les soufflets domestiques.
- Aristote établit le lien avec le cœur dans le chapitre x : « Parmi ceux [les animaux] qui ont du sang et un cœur, tous ceux qui ont un poumon reçoivent l’air et se procurent le refroidissement nécessaire, par l’inspiration et l’expiration. »
On peine à croire aujourd’hui que tout cela avait encore valeur de référence scientifique au temps de Riolan, soit 21 siècles après Aristote.
- Environ 16 cycles par minute pour la respiration au repos, mais autour de cinq fois plus pour la fréquence cardiaque : insondable paradoxe que Riolan ne se donne pas la peine de résoudre.
- On comprend que Riolan ait jugé préférable de ne pas développer son scabreux (mais instructif) argumentaire dans sa première Responsio à Jean Pecquet, dont les idées sur la respiration étaient incontestablement plus exactes.
La note [19] infra donne un extrait du « Manuel anatomique et pathologique » où Riolan explique le mouvement du diaphragme.
Pour conclure sur ce quiproquo, Riolan et Pecquet étaient de même avis sur les perforations pleurales, traumatiques comme spontanées (infectieuses). |