Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
4. Critique des chapitres xi-xii
de la Dissertatio anatomica, note 5.
Note [5]

Jean ii Riolan se référait brièvement à deux passages de Galien qu’il convient néanmoins de citer plus largement, en vue de bien comprendre ce qui avait imprégné la science des médecins pendant 14 siècles.

  1. Sa conception générale de la digestion est exposée dans deux chapitres du livre iv sur l’Utilité des parties du corps.

    • Chapitre iii, Daremberg volume 1, pages 281‑282 : {a}

      « Après que le foie a reçu l’aliment déjà préparé d’avance par ses serviteurs, et offrant, pour ainsi dire, une certaine ébauche et une image obscure du sang, il lui donne la dernière préparation nécessaire pour qu’il devienne sang parfait. L’estomac ayant éliminé les parties qui dans l’aliment nuisent au même titre que nuisent dans le blé les particules terreuses, les pierres, les graviers et les plantes sauvages, il reste encore des parties grossières analogues à la glume {b} et au son du blé, lesquelles ont besoin d’une autre élimination ; c’est le foie qui se charge de cette seconde opération.

      Il vaudrait mieux, pour rendre l’image plus vive, comparer le suc {c} conduit par les veines de l’estomac dans le foie, non pas à des aliments secs, mais à une humeur liquide, {d} ayant déjà subi une coction et une élaboration préalables, et réclamant une coction plus complète. C’est un vin récemment exprimé des grappes, versé dans un tonneau, mais travaillant, déposant, bouillonnant et fermentant encore par sa chaleur naturelle : la partie lourde et terreuse de son résidu, cette partie qu’on appelle, je pense, lie, est tombée au fond du vase, la partie légère et volatile surnage : cette partie s’appelle fleur, elle se montre particulièrement sur les vins ténus, de même que le dépôt est surtout considérable dans les vins plus épais. Pour suivre la comparaison que j’ai choisie, imaginez que le suc versé de l’estomac dans le foie, par la suite de la chaleur du viscère, fermente et bouillonne comme le vin doux, et se transforme en un sang pur. Dans cette fermentation les éléments terreux et épais du résidu se déposent, tandis que les éléments ténus et légers surnagent comme une écume à la surface du sang. »

    • Chapitre iv, ibid. pages 282‑283 : {a}

      « C’est donc avec raison que la nature a préparé, en vue de ces résidus, des organes creux pour qu’ils puissent recevoir aisément, et pourvus aux deux côtés de la cavité de cols allongés en forme de canal, {e} et propres, l’un à attirer le résidu, l’autre à l’expulser. Mais il fallait encore donner [à ces cols] une position convenable eu égard à la route que suit le résidu, et trouver pour les canaux un lieu d’insertion sur le foie en rapport avec cette position. C’est donc de cette façon que les choses paraissent en effet disposées ; car la nature a attaché au foie la vessie {f} qui devait recevoir le résidu léger et jaune.

      Quant à la rate qui tire à elle les matériaux épais et terreux, la nature eût bien voulu aussi la fixer vers ces portes, {g} où le résidu atrabilaire devait être entraîné par son propre poids ; mais il n’y avait pas de place vacante, l’estomac s’étant hâté de l’occuper tout entière. Un large espace restant libre au côté gauche, elle y a logé la rate, et des parties concaves de ce viscère, tirant une espèce de conduit, qui est un vaisseau veineux, elle l’a étendu jusqu’aux portes, {h} de façon que le foie ne fût pas moins purifié que si la rate eût été placée près de lui, et qu’au lieu d’entraîner le résidu à travers un long canal, elle l’attirât par un canal très court. L’humeur {c} préparée dans le foie pour la nourriture de l’animal, quand elle a déposé les deux résidus mentionnés {i} et subi une coction complète par la chaleur naturelle, remonte déjà rouge et pure par la partie convexe du foie, {j} montrant par sa couleur qu’elle a reçu et qu’elle a assimilé à sa partie liquide une portion du feu divin, comme a dit Platon. » {k}


      1. V. notule {a}, note [29], lettre de Jacques Mentel ; versions grecque et latine dans Kühn vol. 3 pages 269‑272.

      2. Balle.

      3. Chylon, χυλον.

      4. Chymos urgos, χυμος υργος.

      5. Oïon stomachous, οιον στομαχους.

      6. Vésicule biliaire.

      7. Près du hile hépatique.

      8. Sans doute la veine splénique, qui va du hile de la rate à la veine porte.

      9. Bile jaune éliminée par la vésicule et bile noire (atrabile) éliminée par la rate.

      10. Veines sus-hépatiques rejoignant la veine cave inférieure.

      11. Note de Daremberg :

        « Voici le passage de Platon dont j’emprunte la traduction à M. H. Martin (Études sur le Timée, p. 215 ; {i} cf. les notes correspondantes) ; “ Le feu divise les aliments, s’élève dans l’intérieur du corps en suivant le mouvement de l’expiration, et remplit les veines en s’élevant hors du ventre, dans lequel il puise les aliments divisés en petites parties : c’est ainsi que dans le corps entier de chaque animal se sont formés ces courants de la nourriture qui viennent l’arroser. Mais ces parties nutritives, nouvellement retranchées de substances qui tiennent, les unes, de la nature des fruits, les autres, de celle de l’herbe, et que Dieu a produites à notre intention précisément pour cet usage, c’est-à-dire pour nous nourrir, ont toutes sortes de couleurs à cause de leur mélange ; cependant la couleur qui s’y répand en plus grande abondance, c’est la couleur rouge, formée par l’action incisive du feu, qui s’imprime dans le liquide : c’est pourquoi la couleur du liquide qui parcourt le corps offre cet aspect que nous avons décrit ; et ce liquide, c’est ce que nous nommons le sang ; {j} c’est lui qui nourrit les chairs et le corps entier, c’est en lui que tous les membres puisent de quoi remplir le vide formé par la fuite des parties qui sortent. Ces pertes et la nutrition qui les répare, ont lieu de la même manière que le mouvement de toutes choses dans l’univers, d’après lequel le semblable se porte toujours vers son semblable. ” »

        1. Paris, 1841, volume 1, page 215.

        2. La distinction entre les aliments, fruits et herbe, dont le sang tire sa substance est troublante si on ose y voir les glucides et les protides (sans les lipides).

  2. Des lieux affectés, livre v, chapitre ix, sur les maladies du foie (Daremberg, volume 2, pages 660‑661) : {a}

    « Ainsi pour le foie, puisque nous nous sommes proposé de parler de cet organe, si la faculté attractive est affectée en quelque chose, il délaissera l’aliment transformé en chyle dans l’estomac ; en sorte que cet aliment sera expulsé par le fondement, cuit, il est vrai, mais liquide et non pas desséché. {b} Ce sera pour vous le signe que la faculté est affectée ; car tous les résultats qui dérivent de certains faits comme de leur source, sont les signes de ces faits. Il en est qui attribuent cette affection au mésarée, et qui appellent mésaraïques les individus ainsi affectés, parce qu’ils trouvent pervertie la distribution qui a lieu par les veines de l’organe appelé mésarée et mésentère ; ils tombent dans la même erreur que ceux qui réputent affectés les bras des gens saisis par des syncopes provenant de l’orifice de l’estomac ou du cœur, parce qu’ils ne peuvent plus se servir de ces bras comme auparavant ; {c} en effet, les veines du mésentère servent de mains au foie en lui amenant sa nourriture de l’estomac. {d} Ils agissent d’une manière analogue, ceux qui, dans le cas où les jambes sont paralysées par une affection de la moelle à la région lombaire, appliquent leurs remèdes sur les jambes elles-mêmes, en négligeant la moelle. Si donc le mésentère est atteint d’une inflammation ou de quelque autre affection semblable, on regardera à bon droit cette affection comme lui étant propre ; si c’est, au contraire, le foie qui, trop débile, ne peut attirer sa nourriture par les veines du mésentère, ce n’est pas le mésentère, mais le foie qui réclame les moyens curatifs, comme ce ne sont ni les bras ni les jambes paralysés par une affection de la moelle qui ont besoin d’être soignés. »


    1. Texte grec et latin dans Kühn, volume 8, pages 367‑369.

    2. C’est-à-dire : dont la partie liquide s’est évaporée (note de Daremberg).

      La présence d’aliments non digérés dans les fèces est un signe d’insuffisance pancréatique externe (et non d’insuffisance hépatique).

    3. Douteuse évocation de l’angine de poitrine (ischémie myocardique) qui irradie dans les bras.

    4. Passage cité par Riolan : nam jecur mesaræi venis veluti manibus e ventriculo ei cibum afferentibus utitur.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
4. Critique des chapitres xi-xii
de la Dissertatio anatomica, note 5.

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(Consulté le 30/04/2025)

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