Ratum sanè est, et in ovo manifestè apparet, quod Aristoteles de perfectorúm animalium generatione enuntiat : nimirum, non omnes partes simul fieri, sed ordine aliam post aliam ; primùmque existere particulam genitalem, cujus virtute postea (tanquam ex principio quodam) reliquæ omnes partes prosiliant. […]
Ideóque, ut Medicorum quorundam malè philosophanticum opinionem (quæ tres partes principales, ac primogenitas, cerebrum, cor, et jecur, ex tribus vesiculis, sive bullis, simul exoriri astruit) plurimis observationibus motus, rejiciendam arbitror ; ità neque Aristotelis ipsi assentiri possum, qui Cor esse particulam hanc genitalem et animatam statuit. Nam reverâ sanguini soli privilegium hoc deberi existimo : is enim est, qui primus in generatione conspicitur. Idque non solùm in ovo, sed in omni fœtu, animaliumque conceptu primo contingere, mox palàm fiet.
Apparet, inquam, ab initio punctum rubrum saliens, vesicula pulsans, fibræque indè deductæ, sanguinem in se complectentes. Et, quantùm ex accurata inspectione discerenere licuit, fit sanguis, antequam punctum saliens efformatur ; idémque calore vitali præditus est, priusquam per pulsum cietur : atque ut in illo, et ab illo pulsatio incipit ; itâ tandem, in ultimo mortis articulo, in eodem desinit. Quippe plurimis experimentis, tum in ovo, tum alibi factis, compertum habeo ; sanguinem id esse, in quo (quandiu calor vitalis non prorsus evanuit) potentia redeundi in vitam continuatur.
[…] statuo, (contra Aristotelem) sanguinem esse primam particulam genitalem : et cor esse ipsius organum, circumlationi ejus destinatum. Quippe functio cordis, est sanguinis propulsatio ; ut in animalibus omnibus sanguineis luculenter patet idémque (in generatione pulli) est officium pulsantis vesiculæ, quam in primis animalium conceptibus (non minùs, quàm in ovo) sæpenumero videndam exhibui scintillâ minorem, micantem, et in actione sua sese constringentem, sanguinemque in ea contentum unà exprimentem, eundemque relaxatione sui recipientem denuo. […]
Tantùm verò abest (quod tamen Aristoteles, et Medici omnes affitmant) ut jecur, aut cor, sit autor et opifex sanguinis ; ut contrarium planè, ex pulli frabricâ in ovo, apertè constet : nimirum, sanguinem ipsum potiùs esse autorem cordis et hepatis. Quod Medici quoque inopinatò videntur confiteri, dum parenchyma jecoris, quandam sanguinis affusionem esse statuunt : quasi nîl aliud esset, quàm sanguis inibi coagulatus. Existere itaque eum antequam vel affundatur, vel coaguletur, necesse est : rémque ità se habere, experientia ipsa luculenter demonstrat ; cùm sanguis in ovo aliquandiu appareat, priusquam corporis, aut visceris alicujus vel vestigium exstet. Ubi tamen nihil sanguinis à matre (quod in viviparis fieri, vulgò arbitrantur) ad fœtum pertingit.
[Sur la reproduction des animaux parfaits, on pense tout à fait, comme Aristote {b} l’a énoncé et comme on le voit manifestement dans l’œuf, que toutes les parties ne se forment pas en même temps, mais l’une après l’autre dans un ordre défini : il existe d’abord une particule germinale, dont toutes les parties puisent ensuite la vertu (comme de leur principe). (…)
Mû par de nombreuses observations, je pense qu’il faut rejeter l’opinion de certains médecins qui raisonnent mal (en imaginant que les trois parties principales et aînées que sont le cœur, le cerveau et le foie naîtraient en même temps de trois vésicules ou bulles). Je ne puis non plus être d’accord avec Aristote quand il déclare que le cœur est cette particule originelle et vitale, car j’estime que ce privilège ne doit véritablement appartenir qu’au sang : c’est en effet lui qui se voit le premier dans la formation, et ce non seulement dans l’œuf, mais chez les embryons de tous les animaux, comme je vais le montrer.
Le point rouge pulsatile apparaît en tout premier : c’est une vésicule battante, d’où naissent des fibres qui contiennent le sang ; en me fiant à ce que j’ai pu soigneusement observer, le sang se forme avant ledit point, et il est doté de la chaleur vitale avant qu’il ne batte, c’est-à-dire avant que la pulsation n’y apparaisse et n’en émane, pour ne plus cesser qu’à l’article de la mort. Les nombreuses expériences que j’ai menées sur l’œuf et ailleurs m’ont montré que dans le sang réside (tant que la chaleur vitale ne s’évanouit pas) le pouvoir ininterrompu de ramener à la vie.
(…) je déclare (contre Aristote) que le sang est la première particule germinale et que le cœur est son premier organe, destiné à lui imprimer un mouvement circulaire : la fonction du cœur est de propulser le sang ; on voit très clairement que, chez tous les animaux pourvus de sang (comme dans la formation du poulet), il possède la fonction d’une vésicule pulsatile ; et j’ai montré qu’aux premiers stades embryonnaires de tous les animaux (tout comme dans l’œuf) on la voit très souvent sous la forme d’un très petit point brillant, qui chasse le sang quand il se contracte et s’en remplit de nouveau quand il se relâche.
Éloignons l’idée que (comme l’affirment Aristote et tous les médecins) le foie ou le cœur soit l’auteur et l’ouvrier du sang, puisque le développement du poulet dans l’œuf montre clairement le contraire, à savoir que le sang est bien plutôt l’auteur du cœur et du foie. C’est ce dont les médecins semblent convenir malgré eux quand ils disent que le parenchyme hépatique a l’apparence d’une accumulation de sang, comme s’il y avait coagulé ; il faut donc qu’il ait existé avant de s’y être accumulé et solidifié, et l’expérience montre clairement que tel est bien le cas, puisque le sang apparaît dans l’œuf longtemps avant que n’existe la moindre trace de corps ou de quelque viscère que ce soit, et que celui de la mère ne peut parvenir au fœtus (comme on pense communément que cela se fait chez les vivipares).]. {c}
- Amsterdam, 1651, v. notule {f} note [17], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie.
- Livre ii sur la Génération des animaux.
- Chez l’embryon la formation des premières cellules sanguines se produit en dehors de lui, dans le sac vitellin, et donc en effet bien avant l’apparition du moindre organe. Le foie, la rate, puis la moelle osseuse prennent ensuite le relais.