Texte
Jean Pecquet
Dissertatio anatomica
de circulatione sanguinis
et motu chyli
(1651)
Chapitre ii  >

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et motu chyli (1651) : Chapitre ii

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=0022

(Consulté le 08/12/2025)

 
[Page 30 | LAT | IMG]

La veine porte déverse dans la cave le sang qu’elle a reçu de l’artère cœliaque, après qu’il a traversé le foie : ce qui confirme la sentence de Harvey[1]

Il existe manifestement un mouvement circulaire du sang, qui coule du cœur, par les artères, jusqu’aux extrémités du corps, et revient au cœur par les veines ; mais il y a eu débat pour établir son mouvement dans les veines de la porte. [1][2][3]

Après qu’on a lié les branches de l’artère cœliaque (par laquelle le sang irrigue le mésentère), [2][4] suivant la loi qui sévit partout ailleurs, [Page 31 | LAT | IMG] elles s’enflent depuis leur tronc jusqu’à la ligature et s’affaissent en aval d’elle, sur le versant qui se dirige vers les intestins.

À maintes reprises, j’ai lié les veinules mésaraïques de la porte ; [3] mais bien qu’elles se soient dilatées sur le versant intestinal de la ligature, leur aval, du côté du foie, ne s’est jamais affaissé si peu que ce soit ; et qui plus est, du sang s’est écoulé quand j’ai incisé la veine, d’un côté du lien comme de l’autre.

En procédant de la même façon sur les veines issues de la rate, j’ai obtenu le même résultat ; tout comme quand j’ai placé mon lien sur une petite veine de l’estomac (qu’on a choisi d’appeler courte en raison de sa brièveté), [4] derrière la rate, je l’ai vue s’affaisser un peu, mais l’incision a provoqué un saignement de part ou d’autre du lien.

De ces constats (à moins qu’on s’autorise à admettre l’existence fréquente d’anastomoses entre les branches de la veine porte et leurs artères homologues), je conclus à l’absence complète ou à l’extrême rareté des valvules capables d’empêcher le reflux du sang dans lesdites veines. [5]

La réflexion de Riolan me saute immédiatement à l’esprit : [5][6] Aucun sang de la porte ne s’écoule dans la cave [7] en traversant le foie ; mais l’autorité d’un si grand personnage m’aurait entièrement abusé si mon examen plus approfondi et mes propres yeux n’avaient protesté, eux que j’ai établis comme arbitres sévères des spectacles que je contemple, tout en blâmant la paresse de celui qui abandonne à mi-course.

Revenu donc rapidement avec inquiétude vers le tronc porte, j’ai serré un lacs autour de la branche mésaraïque [8] à trois doigts du foie, et autour de la veine splénique [9] à même distance, en serrant certes le nœud, mais avec la possibilité de le relâcher facilement. J’avais à peine fini de le serrer que le tronc allant du lien au foie, qui était précédemment gonflé, s’affaissa en une cavité exsangue ; en amont de leurs ligatures les deux veines étaient dilatées, par le copieux afflux de sang venant tant des intestins et du mésentère, que de l’estomac et de la rate. [6]

[Page 32 | LAT | IMG] J’ai ensuite rempli le tronc porte affaissé en relâchant la ligature, et il s’est de nouveau vidé jusqu’au foie quand je l’ai resserré ; et après avoir répété maintes fois cette expérience, il fut manifeste que le sang se ruait en abondance et impétueusement de la porte dans l’anfractuosité du foie. En observant que, par toutes ses branches, elle transporte et distribue le sang (à la manière des artères) dans la concavité de ce viscère, dirais-je alors que la veine porte, au même titre qu’une artère, apporterait au foie une ardente abondance de sang pour soulager l’estomac et les organes de la digestion ? J’estimais en effet que la minceur des petites branches artérielles cœliaques les rendait tout à fait incapables d’assurer une si importante fonction. [7]

Le fait est que la porte joue bel et bien le rôle exact d’une artère à l’intérieur du foie : le propre d’une artère est en effet d’envoyer le sang jusqu’à ses branches les plus lointaines, tandis que les veines le font remonter jusqu’à leur tronc ; ainsi, depuis son tronc, la porte envoie-t-elle dans le foie, jusqu’à ses ultimes ramifications, le sang venant des viscères, que ses racines avaient recueilli pour le mener dans la cavité de son tronc. De même que les artères possèdent une paroi plus épaisse que les veines, la porte est donc munie d’une tunique plus épaisse à l’intérieur du foie, comme l’est partout ailleurs celle des vaisseaux qui irriguent la substance des viscères. [8]

Quand je dis que la tunique de la veine porte à l’intérieur du foie est plus épaisse, ne croyez pas que j’aie abandonné l’autopsie : [9] après avoir fort promptement morcelé le parenchyme [10][10] de l’animal que je disséquais, j’exposai le trajet de la porte mise à nu ; à l’extérieur du foie, sa paroi conservait la simplicité qui est commune aux veines ; mais à l’intérieur du foie, elle était entièrement semblable à celle d’une artère, ce qui confirme indubitablement ce que j’avais précédemment suspecté. Seuls certains vaisseaux sanguins, comme est l’aorte, méritent le nom d’artères ; pour les autres, seule convient l’appellation de veines, comme il est clair pour la cave ; mais l’expérience m’a montré qu’il existe en outre [Page 33 | LAT | IMG] des vaisseaux que la nature a disposés à assurer les deux fonctions.

Me demandant pourtant comment s’écoule un si grand afflux de sang, et ayant pensé qu’il se rue dans la cave, j’étranglai une des branches (sans parler du tronc, comme ont fait mes prédécesseurs) qui sort de la gibbosité hépatique en posant un lien le plus loin qu’il m’était possible du foie ; et le sang qui s’est alors engouffré en amont du lien (provoquant la dilatation extrême du rameau issu du foie) m’a appris qu’il existe manifestement une communication entre la porte et la cave ; [11][11] ce qui montre à quel point Io. Harveius [12][12] le plus savant des médecins anglais aura vu juste en disant que le sang suit un mouvement circulaire par tout le corps.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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