Ce que j’ai jusqu’ici expliqué sur le circuit du sang vaut principalement pour les adultes. Je voudrais que tu comprennes bien cela, non parce qu’il ne s’écoule pas tout aussi circulairement chez le fœtus, mais parce qu’il y chemine différemment. [1][2]
Les artères hypogastriques [3] fournissent à l’utérus gravide un sang parfaitement préparé, que la veine ombilicale [4] conduit au foie de l’embryon. [5] Sa partie très séreuse et mal cuite revient, comme dans une marmite, par les veines et le cœur de la mère, et la plus épaisse s’agrège dans le placenta, [6] qui est à considérer comme un foie utérin. [2]
Une fois arrivé dans le foie de l’embryon, le sang passe dans la veine cave [7] puis dans le ventricule droit du cœur, [8] où il se mélange au reste du sang, en même temps qu’il se lance dans le ventricule gauche, [9] en passant par le foramen ovale. [10] Du ventricule droit, le sang gagne la veine artérieuse, [11] d’où une partie rejaillit dans l’aorte [12] en passant par un petit canal de communication, qui ressemble à une rigole oblique. [13] Étant donné l’absence de respiration, l’autre partie parvient difficilement à passer des terminaisons de la veine artérieuse dans l’artère veineuse ; [14] sa masse liquide remplit les poumons du fœtus et les écrase d’un tel poids que (tant qu’il n’aura pas respiré pendant quelques instants) leur couleur et leur densité sont celles du foie, et ils ne surnagent pas quand on les plonge dans l’eau. [3][15]
< À la naissance, > la respiration met assurément en mouvement le sang dans l’artère veineuse, que tu associes aux bronches, et donc à la fois dans la veine artérieuse et [Page 37 | LAT | IMG] dans la susdite artère veineuse, puisque l’inspiration les comprime et chasse le sang qu’elles contiennent, étant donné qu’elles sont dépourvues de valvules. [4][16]
Le sang du ventricule gauche s’engouffre directement dans l’aorte, pour se ruer vers les extrémités du corps, puis revenir dans le cœur par les veines, comme chez les adultes. [17]
Puisque la veine ombilicale doit répandre un sang plus riche encore que ne l’exige la nutrition du fœtus, la providence de la nature a fait naître deux branches, issues des artères iliaques ou plus souvent (selon ce que j’ai observé) des artères hypogastriques, qui gagnent le placenta (pour former le consortium de la veine ombilicale). [18] Celles-ci ramènent dans le foie utérin le sang superflu du fœtus, soit parce que la célérité de son mouvement l’exige, soit parce que la masse impure du sang maternel trop chaud requiert son élimination par mélange. [5][19]
Pour ne pas sembler avoir fondé ce reflux sanguin sur de vains arguments, je t’invite à introduire un chalumeau dans les vaisseaux du cordon ombilical près de son insertion placentaire : ton souffle ne parviendra jusqu’au fœtus que par la veine ; mais au contraire, si tu aspires, les artères se déverseront en direction du placenta, alors que la veine s’aplatira entièrement. [6]
Finalement, à la naissance, la veine ombilicale devient inutile et se transforme peu à peu en un cordon fibreux ; [20] et du même fait, le petit canal qui unit la veine artérieuse à l’aorte se soude et le trou de Botal s’oblitère. Pourtant, les artères ombilicales persistent chez les adultes, comme je l’ai très souvent observé en disséquant : l’air que j’ai injecté dans les artères hypogastriques et iliaques a non seulement atteint l’ombilic, en provoquant tout près de lui la formation d’une enflure arrondie, mais a aussi gonflé la cavité d’une infinité de petits rameaux, qui s’insinuent de tous côtés et prouvent l’abondance de leur réseau artériel. [7][21]