Vermes per vrinas eiectos viri in arte Medica clarissimi […] inter medendum, obseruarunt, pariter et acum non modo capitatam, sed etiam sutoriam materia lapidea circumcirca oblinitam per eamdem prorsus regionem excretam non tantum Langius, ac Paræus, sed et Alexander Benedictus monimentis fide dignis tradiderunt, id quod Andreas Ceratus Parmensis Medicus præstantiss. ac mei amicissimus, anno 1589. Venetiis obseruasse nuper mihi narrauit. Quas quidem euidentias, tu quoque Cabassi amantissime superioribus diebus in puero quodam Hebræo observasti (vt scribis) qui cum acum capitatum deglutitum quinque annos in corpore detinuisset, primo et secundo anno doloribus partium urinalium correptus, arenulas, lapillos, unaque uermes longos, rotundos, cum vrina simul eiecit, subsequentibus verò annis difficultate urinæ ferè semper molestatus, lapillos itidem, et arenulas, tandemque acum dictam eminxit, a quibus occasione aquæ Villensis assumptæ Lumbricum rotundum ad longitudinem octo, vel decem digitorum transuersorum excreuit. Quæ omnia tametsi plures, vt dixi viri de re Medicina meritissimi obseruauerint, insignem tamen habent difficultatem.
Nam quantum ad uermes attinet, cum renes, et vesica continuo vrina, quæ ex Rufo Ephesio, et omnibus Medicinæ scriptoribus est humiditas nitrosa, ueluti abstergantur, non uidetur qua ratione in illis vermes possint generari, quoniam tantum abest, ut ex humiditate illa serosa generentur, quin potius geniti interficiantur. Ex altera autem parte, si loca illa sint præter naturam affecta, mucosa materia, eademque putrefacta conspurcata, concurratque debitum agens generationis uermium, non uideo cur non dicam tantum in illis locis, sed omnibus etiam alijs (modo causæ generantes simul coëant) uermes non possint generari.
De acu verò (vbi deglutita fuit) est difficultas, per quam viam ad partes vrinæ transmissioni inseruientes peruenire, atque tandem per illas excerni potuerit : nam si vias conspicuas, et patentes animaduerto, duo tantum occurrunt excretionis modi, ambo tamen dubij, ac incerti.
Primum est, ut per Mesaraicas ad iecur, in iecore verò per uenas cauæ ad uenas simæ partis minimè iunctas ex Gal. 4. de Vsu partium, 3. tandemque per emulgentes, renes, et vretera ad vesicam peruenerit, qui transitus et propter uenarum meseraicarum propriam angustiam, et propter uasorum Hepatis iam dictam disiunctionem, nedum imaginabilis videtur.
Secundus modus ille est, qui a Te (Vir excellentissime) propositus fuit, quod nempè ad intestina descendens Acus eadem, atque corpus vesicæ perforauerit, sicque illam ingressus, una cum urina fuerit eductus. Qui modus excretionis, historia a Dodoneo in suis Observationibus cap. 20. proposita confirmari potest, quod loci mulierem proponit, quæ cum ante decem annos acum delutijsset, tandem uentriculo terebrato acus foras prosilijt, verumtamen cum subdat ipse, uehementissimos cruciatus tum præcessisse, tum comitatos fuisse, et in casu a te proposito puer ille acum reddiderit citra dolorem, modus hic non uidetur undequaque recipiendus, et quanquam ego ex una parte in illius confirmationem ante plures annos curauerim mulierem quandam Bononiensem familiæ de Sauijs (quæ honorificè artem pharmacopæiam iamdiu exercuit) cui cum suppurata fuerit inflammatio in utero, disrupto abscessu, pus partim per uesicam, partim circa pubem facto foramine excretum fuit, nihilominus ex altera parte, quoniam interim insignibus doloribus fuit hæc patiens afflictata contra modum a te propositum facere uideor.
Quapropter, si postremo loco ad uias ipsi naturæ reconditas, et cœcas, ut dicunt, animum conuerto, casus etiam hic plenus est difficultatibus, quarum una est, quòd in itinere quantumuis recondito, ac abscondito, uix fierei potest, quin sensus aliquis deprehendatur ; Altera quod sic ejicitur, immune ab omni inquinamento esse solet ; In casu autem proposito nullius sensus mentio facta fuit, et acus materia lapidea circumsepta est educta. Quibus illud addendum quòd esto, acus per cæcos ductus ad vesicam usque deuenerit, quomodo sine doloribus saltem aliquibus eandem uesicam ingressus fuit, ibidem detentus, ac demum emissus ?
[Dans leur pratique, les plus brillants médecins (…) ont observé des vers expulsés dans les urines. Pareillement, Langius, Paré et surtout Alexander Benedictus ont rapporté, dans des ouvrages dignes de confiance, {c} le passage, exactement par la même voie, d’une épingle à cheveux, ainsi d’une aiguille à coudre. C’est aussi ce que Andreas Ceratus, très éminent médecin de Parme et mon grand ami, m’a raconté avoir observé à Venise en 1589. Vous-même, mon très cher Cabassius, {d} avez vu ces jours derniers (comme vous me l’écrivez) un enfant juif qui a gardé dans son corps une épingle à cheveux qu’il avait avalée cinq ans auparavant : pendant la première et la deuxième année il a souffert de douleurs urinaires, et éjecté des grains de sable et de petites pierres, de même que de longs vers ronds ; mais durant les années suivantes, il a très souvent éprouvé une difficulté à uriner, pissant toujours des petites pierres et du sable, jusqu’à finalement expulser ladite aiguille ; et dans ces occasions, il a bu de l’eau de Villa {e} et rejeté un ver rond, long de huit à dix travers de doigt. Bien que, comme j’ai dit, de nombreux médecins très méritants aient observé tous ces faits, leur interprétation est d’une insigne difficulté.
Quant aux vers, puisque les reins et la vessie sont perpétuellement comme lavés par l’urine, qui, selon Rufus d’Éphèse {f} et tous les auteurs d’ouvrages médicaux, est un liquide nitreux, on ne voit pas comment des vers pourraient y être engendrés car loin d’être propice à les faire naître, ce liquide séreux l’est bien plutôt à les détruire. En revanche, si ces lieux sont affectés d’un état contre nature, une matière morveuse, qui est elle-même putréfiée et corrompue, procure ce qui est requis pour engendrer des vers, et je ne vois pas pourquoi il ne s’en formerait dans ces parties, ainsi même qu’en d’autres endroits (si les conditions idoines s’y trouvent réunies).
Quant aux épingles et aux aiguilles (après qu’elles ont été dégluties) la difficulté tient véritablement à connaître le chemin par lequel elles parviennent dans les voies urinaires, jusqu’à pouvoir en être expulsées. Quand j’examine les conduits visibles et perméables du corps, je ne vois que deux trajets qui le permettraient, en convenant qu’ils sont douteux et incertains.
Le premier passe des vaisseaux mésaraïques au foie, puis des veines de sa concavité à celles de sa convexité, mais elles ne se joignent guère (selon Galien, au livre iv de l’Utilité des parties, chapitre iii), {g} puis par les émulgentes, dans les reins, et enfin par les uretères dans la vessie. Ce trajet paraît inimaginable étant donné l’étroitesse des veines mésaraïques et, comme j’ai dit, l’absence de communication entre les veines du foie.
La seconde possibilité est celle que vous avez proposée (très excellent Monsieur), à savoir que l’épingle, en descendant dans les intestins, a perforé le corps de la vessie pour y pénétrer et en être expulsée avec l’urine. L’histoire relatée par Dodoneus, au chapitre xx de ses Observationes, {h} peut confirmer cela : dix ans après qu’une femme eut avalé une épingle, elle a traversé l’estomac pour être expulsée, mais cela a été précédé et accompagné de douleurs très intenses. Dans le cas que vous me soumettez, l’enfant n’en a ressenti aucune, {i} ce qui semble rendre impossible une telle explication. Pour ma part, voilà bien des années, j’ai soigné une femme de Bologne, qui appartenait à la famille de Saviis (laquelle y exerce honorablement la pharmacie depuis longtemps) : elle avait une inflammation purulente de l’utérus ; l’abcès se rompit et du pus s’écoula à la fois par la vessie et par un orifice ouvert au niveau du pubis, avec d’intenses douleurs, et ce mode d’expulsion me semble contraire à celui que vous avez proposé.
Même à imaginer, en dernier recours, des voies que la nature nous a cachées et qu’on dit aveugles, votre observation soulève bien des difficultés : une d’elles est que, si dissimulé et obscur soit-il, ce passage peut difficilement être emprunté sans qu’on ait la moindre notion de son existence ; une autre est qu’une telle expulsion se soit faite sans qu’aucun symptôme ait été ressenti, car vous n’en avez mentionné aucun, alors que quand elle a été rejetée, l’épingle était entourée de matière pierreuse. Si une épingle peut silencieusement gagner la vessie par des voies aveugles, je me demande comment elle peut y pénétrer, y demeurer et enfin en être expulsée sans aucune douleur].
- Responsionum et consultationum medicinalium tomus unicus [Tome unique de Réponses et consultations médicales], Venise, Hieronymus Tamburinus, 1607, in‑fo.
- Giulio Cesare Claudini, v. note Patin 6/359.
- V. notes [17] et [18] supra pour les observations d’Alexander Benedictus et d’Ambroise Paré, et [20] infra pour Johannes Langius.
- Claudinus répondait au cas que lui avait soumis Bernardinus Cabassius, son confrère de Carpi (province de Modène).
- Source thermale italienne proche de Lucques.
- Médecin grec du iie s., v. note Patin 4/1090.
- Chapitre v du dit livre dans Daremberg (volume 1, pages 284‑285).
- Observation de Rembert Dodoens (v. note Patin 25/1019) intitulée Aerea acus perforato stomacho extrinsecus truditur [Expulsion d’une épingle en bronze après qu’elle a perforé l’estomac], Medicinalium observationum exempla rara [Exemples rares d’observations médicales], Leyde, 1585, pages 155‑156.
- En dehors de la gêne urinaire liée à la lithiase vésicale.