Annexe : Sylloge d’Alcide Musnier (1654)
sur les veines du chyle et de la lymphe, note 12.
Note [12]

En présumant que tout lecteur connaissait le livre de Gaspare Aselli De Lactibus seu Lacteis Venis, {a} Alcide Musnier assortissait d’une note marginale les quatre autres auteurs cités.

  1. Professeur de médecine et botanique à Bologne, Giovanni Costeo ou Costa (Iohannes Costæus, Lodi 1528-Bologne 1603) a publié de nombreux ouvrages, dont une édition latine d’Avicenne {b} et un opuscule intitulé :

    Ioannis Costeæ Medici Laudensis, de Venarvm mesaræi vsv veteris opinionis Confirmatio. Aduersus eos qui chyli in iecur distributionem fieri negant per mesaraicas venas

    [Confirmation par Iohannes Costæus, natif de Lodi, de l’ancienne opinion sur l’utilité des veines du mésentère. Contre ceux qui nient que la distribution du chyle dans le foie se fait par le mésentère]. {c}

    Aselli l’a cité trois fois dans son livre.

    • Chapitre 9, page 19, dans la relation de sa découverte en 1622 : {d}

      Quare rei nouitate perculsus, hæsi aliquandiù tacitus, cum menti variè occurrerent, quæ inter anatomicos versantur, de venis mesaraicis et eorum officio plenæ, non litium minùs, quàm verborum, controuersiæ. Et fortè fortuna congruerat, vt paucis ante diebus, quendam de hoc argumento propriè scriptum, à Ioanne Costæo libellum euoluerem. Vt me collegi experiundi causa adacto acutissimo scalpello, vnum ex illis, et maiorem funiculum pertundo. Vix benè ferieram et confestim liquorem album lactis, aut cremoris instar prosilire video.

      [Profondément ébranlé par la nouveauté du fait, {e} je demeurai quelque temps silencieux, tandis que me venaient à l’esprit les diverses controverses qui agitaient les anatomistes, tout aussi chargées de disputes que de mots, sur les veines mésaraïques et leur fonction ; et il se trouvait que, par un heureux hasard, j’eusse lu quelques jours auparavant l’opuscule que Giovanni Costeo a consacré à cette question. M’étant ressaisi, dans l’idée de poursuivre l’expérience, je pris un scalpel très acéré et incisai l’un des plus gros de ces cordons : aussitôt après l’avoir à peine percé, je vis jaillir un liquide blanc, semblable à du lait ou à de la crème]. {f}


      1. Milan, 1627, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

      2. Vnote Patin 11/11.

      3. Venise, sans nom, 1565, in‑4o de 16 pages : Costeo y répond à un mémoire ou à une lettre (dont je n’ai pas trouvé de trace imprimée) de Callistus Villanus, médecin de Lodi, pour le convaincre que les veines mésentériques transportent les aliments au foie (et non à la rate), pour y être transformés en sang.

        Je suis profondément reconnaissant à Marie-France Claerebout d’avoir déniché ce livre rare dans Google Livres

      4. V. note [6], Brève histoire du chyle.

      5. La multitude de conduits blancs qui parcouraient le mésentère d’un chien ouvert quelques heures après avoir été copieusement nourri.

      6. Le livre de Costeo fut donc le premier qui vint à l’esprit d’Aselli, à l’instant crucial où il allait prouver l’existence des lactifères mésentériques et lancer cinq lignes plus bas son ευρηκα (eurêka).

    • Chapitre 13, page 30, Aselli cite Costeo parmi les auteurs qui ont supposé le passage du chyle intestinal dans le foie par les veines sanguines mésaraïques, mais sans avoir discerné les lactifères, faute d’avoir eu la bonne idée de disséquer un animal qui avait été préalablement nourri.
    • Chapitre 23, page 54, sur les arguments qu’on peut objecter à la réalité des lactifères mésentériques :

      Ea duo sunt, quibus quidem momenti aliquid insit, aut ponderis. Nam quibus alijs Costæus, et Laurentius in eos pugnant qui diuersas in Mesaræo venas chylo, diuersas sanguini ducendo tribuunt (quod nos quoque facimus, dicimus, licet longè, ac illi, aliter) ea sponte, et ipsa sui vanitate, ex iam dictis ruunt ; nec dicta fuissent ab ipsis unquam, si, vt ille ait, aut sensu cum labore aliquo uti voluissent, aut temperare potuissent, sine fide sensuum, incassum rationes aceruare. Nam vel exploratò falsa sumunt, cuiusmodi ista sunt, sensum nullum inter Mesaraicas discrimen facere. omnes similes, exortu, colore, contentis : vel ea, quæ ipsa in quæstione, et controuersia versantur, quale istud est, omnes eadem lege, ac conditione teneri, ijsdem operibus perfungi].

      [Seuls deux arguments ont quelque importance et quelque poids. {a} Quant au reste, Costeo {b} et Du Laurens {c} ont combattu ceux qui attribuent le transport du chyle et du sang à des veines distinctes (comme nous le faisons et le disons, mais de manière bien différente de la leur), et ces deux auteurs pensent que cette idée ne tient pas debout tant elle est vide de sens. Ils n’auraient pourtant jamais prononcé un tel avis ou auraient pu le modérer si, comme écrit Du Laurens, ils n’avaient pas mis tant de réflexion et d’ardeur à accumuler de vains raisonnements, sans se fier à ce que perçoivent les sens. {c} Ceux qu’ils avancent sont en effet parfaitement fallacieux, comme de dire qu’aucun constat n’établit de distinction entre les veines du mésentère, que toutes ont une origine, une couleur et un contenu identiques ; ou alors invitent au questionnement et à la controverse, comme de dire que tout ce qui obéit à la même loi et possède la même qualité remplit des fonctions identiques]. {d}


      1. Aselli les résumait par deux questions : 1. le chyle est-il plus épais que le sang ? 2. pourquoi de si nombreuses veines rouges parviennent-elles aux intestins ?

      2. Une note marginale d’Aselli renvoie libello de vsu venarum Mesaræi [à l’opuscule sur l’utilité des veines du mésentère], en pensant sans doute notamment à ce passage où Costeo écrit à Villanus (haut de la page 7 ro) :

        Subjungis “ Galenum et Herophilum duo vasorum genera, hoc est mirum figmentum, excogitasse literisque mandasse, quorum alterum adducendo pro alitione sanguini, alterum adducendo ad iecur chylo destinarunt, quæ vasa nondum à magnis dissectoribus inuenta sunt aut monstrata : id quod quidem eius dogmatis vanitatem facilè ostendat. ” Esto autem, ut Herophilus et Galenus id memoriæ commendarint, quod nostri vident, fieri autem potest vt magni illi viri in corporibus aliquibus animadverterint ; nunquam tamen error aliorum, quod verum est, obscurat ; neque etsi errare eos contigerit (quod nos de tantis medicis non tam facilè dixemus) id tamen probat, venarum mesaræi vsum eum non esse, quem medici omnes tuentur. Aggrederis noua rursus ratione ; atque “ si (ais) daretur occursatio chyli cum sanguine in venis illis, succus ex ea mistione consurgens colore et substantia à reliquarum partium sanguine differret : quod, quum neque in cadauerum neque in viuorum animalium dissectionibus quantumuis diligentissime administratis appareat, reliquum est vt confiteamur vanam atque ineptam esse occursationem. ” Hic ad peritos, et eos qui multum ac diligenter sese in dissecando exercuerint, quod scribis libenter refero ; mihi verò ipse conscius sum, non album certe chylum, at dilutiorem quàm alibi sanguinem animadvertisse, quod alijs etiam conspectum puto. Sed fac, vt hoc ipsum quoque perpetuum sit quod tu asseris ; non video tamen quid jure hoc dogma vanitatis insimulet. Quemadmodum enim ex intestinis in mesaræi venas perfertur chylus ; ita ex iecore in has venas sanguinem regurgitare dixerim, ex quo, commisto vtroque, qui albus erat, rubrum effici ab exiguo etiam sanguine multum chylum oportet.

        [Tu ajoutes que « Galien et Hérophile ont pensé et écrit une pure sornette en disant que deux sortes de vaisseaux sont destinés à mener séparément au foie, pour les uns, le sang qui le nourrit et pour les autres, le chyle. Cependant, les grands anatomistes n’ont encore ni trouvé ni montré ces vaisseaux, ce qui prouve aisément la vanité de ce dogme ». Soit, mais puisque Hérophile et Galien en ont parlé, il se peut que ces grands hommes aient observé dans certains corps ce que les nôtres ne voient pas : jamais l’erreur des autres n’obscurcit pourtant la vérité ; et bien qu’il soit arrivé à de si éminents médecins de se tromper (ce que nous avons du mal à dire d’eux), cela ne prouve pas que la fonction des veines mésaraïques n’est pas celle que tous les médecins respectent. Tu recours à un nouvel argument pour riposter : « Si on admettait que le sang et le chyle se déplacent ensemble dans ces veines, le suc résultant de ce mélange aurait une couleur et une consistance distinctes de celles du sang qu’on trouve dans le reste du corps ; or, puisque cela ne se voit pas en disséquant, le plus soigneusement possible, les cadavres ou les animaux vivants, nous n’avons plus qu’à admettre la futilité et à l’ineptie d’une telle mixtion. » Je relate bien volontiers ce que tu écris là à l’intention des initiés et de ceux qui se sont appliqués à beaucoup et attentivement disséquer ; mais quant à moi, je sais bien que le chyle n’est sûrement pas blanc, mais plus clair que le sang qu’on voit ailleurs dans le corps, comme, je pense, d’autres l’ont aussi constaté. Pourtant, quand bien même tu parviendrais à montrer que ce que tu affirmes est immuable, je ne vois pas de quel droit tu dénoncerais la vanité du dogme que je défends : je dirais en effet que tout comme le chyle passe des intestins dans les veines du mésentère, le sang reflue du foie dans lesdites veines, et le mélange des deux doit faire que le sang, même en faible quantité, rougit le chyle qui était blanc].

      3. Une autre note marginale renvoie au 4. Hist. Anatom. quæst. 5. [livre iv de l’Historia anatomica, question v], An eædem Venæ Mesenterii simul et semel chylum vehant, et revehant sanguinem ? [Les mêmes veines du mésentère transportent-elles ensemble et en même temps le chyle dans un sens et le sang dans l’autre ?] {i} ; sans citer Costeo (qu’il n’avait peut-être pas lu), Du Laurens y répond affirmativement {ii} avec, entre autres, cet argument de pure autorité (page 187) :

        Verùm cùm in Anatome soli autopsiæ sit adhibenda fides, qua arte Venarum hæc discrimina obseruarint, non video. Intuere quæso tu quisquis es, etiam oculis plusquam lynceis Mesaraicarum riuulos omnes, eorum insertionem, exortum, structuram, colorem, contenta similia omnino vbique obseruabis : quod si Venæ quædam vehendo soli chylo essent dicatæ, aliæ sanguini deducendo ; illæ aliquando candidæ apparerent, aut saltem non ita coloratæ, harum verò insertio esse dissimilis. At quis vnquam Venas Mesenterii cremore et lacteo succo confertas vidit ? Lacteam fateor et albam Venam appellarunt veteres Portam, non ea ratione quod succo candido esse conferta, sed quod album succum cremori persimilem traheret.

        [Puisqu’en anatomie, il ne faut avoir foi qu’en ce que constatent les yeux, je ne vois pas quel artifice a permis d’observer de telles différences. Qui que tu sois et même si tu as des yeux plus perçants que ceux du lynx, je te prie de scruter tous les ruisseaux qui parcourent le mésentère, et tu constateras que leurs origines et leurs terminaisons, leur structure, leur couleur, leur contenu sont partout parfaitement semblables. Pourtant si certaines veines étaient destinées à ne transporter que du chyle, et d’autres que du sang, les premières apparaîtraient de temps en temps blanches, ou du moins pas aussi rouges que les secondes, et leurs insertions ne seraient pas identiques. Et qui donc a jamais vu des veines du mésentère remplies d’un liquide laiteux et crémeux ? {iii} Je conviens que les anciens auteurs ont qualifié la veine porte de blanche et lactée, mais non parce qu’elle est remplie d’un suc blanc, mais parce qu’elle attire à elle un suc blanc tout à fait semblable à de la crème]. {iv}

        1. Pages 186‑189 des Opera omnia (Paris, 1628, v. note [5], Historia anatomica, chapitre x).

        2. Ce qui correspond exactement à l’idée défendue par ceux qui tiraient argument du montevin : v. note [20], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie.

        3. Dans son Historia anatomica (parue pour la première fois en 1593, vnote Patin 13/3) Du Laurens ne pouvait pas dire plus clairement le contraire de ce qu’Aselli a publié en 1627.

        4. Le chyle contenu dans l’intestin.

      4. Je n’ai trouvé ni dans Costeo ni dans Du Laurens les deux passages mis en exergue par Aselli.

  2. V. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre v, pour Gassendi sur les voies du chyle dans sa « Vie de Peyresc » (1641). Il a aussi repris et développé ses idées dans l’annexe de sa Vie d’Épicure (1649, v. supra note [7]), pages lvj‑lx.

  3. Pour Jean ii Riolan, Musnier renvoyait au livre ii, chapitre xvii, de l’Anthropographie nouvelle (Paris, 1649), De Vena Portæ [Sur la veine porte] (pages 111‑115). Les lactifères d’Aselli y sont mentionnés, mais sans démordre de l’idée que le chyle monte au foie par les veines mésentériques. Riolan en a écrit bien plus dans le livre vii (v. note [5‑2] de sa première Responsio, 3e partie).

  4. L’ouvrage de Thomas Bartholin sur les lactifères thoraciques est son Historia anatomica (1652) qui figure intégralement dans notre édition.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Sylloge d’Alcide Musnier (1654)
sur les veines du chyle et de la lymphe, note 12.

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(Consulté le 09/12/2025)

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