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Description du document (par
Eve Menei)
Dimensions : 39,5 x 29 cm
Il s’agit d’un volume de 127 pages, relié
au 19e siècle avec ajout de deux pages au début et à la fin. Les 128 pages
sont numérotées en haut à droite , la page un étant la page de garde. La dernière
page n'est pas numérotée.
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les numéros sont portés au crayon,
sauf sur les pages 1, 10, 20, 30, 70, 90, 100 et 120 à l'encre brune.
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Les pages rajoutées au début et à la fin
sont identiques à celles collées sur l'intérieur des plats de la reliure ;
elles portent toutes un filigrane de grappe de raisin.
Une inscription manuscrite à l'encre brune
occupe la partie supérieure de la première page
"Il ne faut pas mépriser ce livre quoyque
les figures de plantes n'y soyent pas dans la dernière perfection. Mr Boccone
sicilien a eu dessein de monstrer l'invention d'imprimer toutes sortes de
plantes par le moyen de la plante même dans le naturel. Ce secret est fort
curieux, et fort nécessaire pour représenter au vif toutes les fibres de la
plante, et la disposition de toutes ses parties."
Reliure
Les 127 pages sont réunies en 19 faux cahiers
par un surjet. Le nombre de pages composant chaque cahier varie de 6 à 10
. Trois feuilles ont été collées sur onglet pour être réunies aux autres (8,
9 et 11).
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nombre de pages par cahier : 6
- 5 + 1 coupée - 5 + 1coupée - 7 - 6 - 6 - 6 - 7 - 7 - 7 - 7 - 1 0 - 6 - 6 -
7 - 6 - 7 - 7 - 9 = 127 pages
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Les feuilles ont été recoupées après la reliure
( la rognure est importante : sur le feuillet 6 le bord supérieur est replié
et dépasse de 8 mm une fois déplié ). Plusieurs dessins notamment sur les
côtés horizontaux ont été coupés.
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pages 46, 47, 73, 124.
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Certains feuillets ont cependant été repliés
sur le côté droit pour éviter la découpe d'une plante.
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sur le feuillet 75, demeurent
même des restes de fil de couture.
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Papiers
Les pages sont composées de feuilles disparates,
mais toutes filigranées et de bonne qualité. On peut souvent voir la pliure
de séchage horizontalement au milieu.
Parmi des feuilles uniquement consacrées
à l'impression de plantes, sont dispersées des feuilles qui sont des réemplois
de lettres (10, 12, 17, 47) ou d'imprimé (58).
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| pl. 10 |
pl. 12 |
pl. 17 |
pl. 47 |
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| pl. 58 |
En examinant le papier on peut distinguer
différents groupes de feuilles.
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L'ensemble le plus important est composé
de feuilles caractérisées par la présence, sur une moitié, d'un filigrane
représentant un quadrupède tenant un drapeau au centre d'un quadrilobe, et
sur l'autre moitié, d'une contremarque comportant deux lettres sous un trèfle
à 3 feuilles (Cf. relevés de filigranes des pages 7, 25, 74, 58). Filigranes
et contremarques présentent des variantes, mais restent proches.
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| pl. 7 |
pl. 25 |
pl. 74 |
pl. 58 |
Nous notons qu'à ce groupe appartiennent
deux lettres reçues d'Italie par P. Boccone et le placard, réutilisés pour
ses essais d'impression (p. 12, 17 et 58).
Trois feuilles (75, 91, 93) forment un autre
ensemble distinct. Elles portent toutes le même filigrane et un pli central
avec des traces de reliure.
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| pl. 75 |
pl. 91 |
pl. 93 |
Filigr. 75-91 |
Les feuillets 91 et 93 sont foliotés respectivement
9 et 7 sur le coin inférieur droit, à l'encre brune. Les feuillets 75 et 93
portent tous deux une étoile à 5 branches écrite à l'encre brune dans la partie
inférieure. Ces feuilles proviennent manifestement d'un ancien cahier réutilisé.
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pl. 75
(détail) |
pl. 93
(détail) |
Cinq feuilles (pages 10, 47, 68, 77, 86)
se distinguent par des filigranes différents, mais présentant tous une superposition
de trois ronds dans la composition de leur dessin.
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| pl. 10 |
pl. 47 |
pl. 68 |
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| filigr 10 |
filigr 47 |
filigr 68 |
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| pl. 77 |
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pl. 86 |
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| filigr 77 |
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filigr 86 |
Restent enfin deux feuilles aux filigranes
différents et sans lien avec les autres : la 33 (une cloche surmontée d'un
cartouche inscrit et d'une couronne) et la 82 (une forme surmontée d'une couronne).
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| pl. 33 |
pl. 82 |
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| filigr 33 |
filigr 82 |
Procédé d'impression
La technique de l’estampage
par impression naturelle
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Cette technique a été bien décrite dans les
pages du catalogue de l'exposition organisée à la bibliothèque nationale par
Isabelle de Conihout en 1993 .
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Botanica in originali: livres de botanique réalisés en impression naturelle
du XVIe au XIXe siècles:exposition 5 mai- 12 juin
1993, Bibliothèque nationale, département des livres imprimés, présentés par
Isabelle de Conihout.
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Rappelons que l'utilisation des plantes elles-mêmes
pour réaliser l'impression participe de la volonté des naturalistes anciens
de serrer au plus près la nature, de donner une image des végétaux qui ne
dépende pas des représentations mentales des hommes ou de l'imperfection relative
des techniques graphiques. Dans son catalogue, I. de Conihout distingue deux
techniques dans l'impression naturelle: la première, et aussi la plus ancienne,
consiste à préparer les plantes en les enduisant avec un mélange d'huile et
de noir de fumée ou d'encre avant estampage. La seconde fait appel à des techniques
plus sophistiquées dont l'auteur marque qu'elles se rapprochent de la photographie
ou des procédés qui ont précédé la mise au point de la photographie. Il est
clair que l'herbier de Paolo Boccone de la BIUM participe de la première de
ces deux techniques. Isabelle de Conihout signale d'ailleurs que Paolo Boccone
était un habitué de cette technique utilisée dans deux autres ouvrages en
impression naturelle de cet auteur, l'un à Oxford, l'autre à Vienne. On sait
en outre que Paolo Boccone avait offert à Monsieur, frère du roi un herbier
sec, aujourd'hui conservé à la bibliothèque de l'Institut à Paris .
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Ms. 3499. L'examen attentif du
volume suivant de la collection, le manuscrit 3500 montre qu'il est également
de la main de Paolo Boccone. Ce second herbier de plantes sèches est anonyme
et ne comporte aucune dédicace. La nomenclature utilisée est cependant la même
que dans le manuscrit précédent.
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Tel que nous pouvons reconstituer le procédé
d'impression, il nécessite l'utilisation de plantes séchées, comme pour un
herbier classique. Une fois la plante bien sèche et aplatie, elle est enduite
d'une encre d'imprimerie.
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Bien
qu'elle ne soit pas documentée, cette étape est indispensable. D'une part l'encre
d'imprimerie, grasse par définition, n'adhèrerait pas régulièrement à une plante
encore gorgée d'eau. D'autre part, lors du passage sous presse, les sucs de
la plante seraient extraits et tacheraient le papier.
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Etant donné sa fragilité, elle ne peut pas
être enduite d'encre directement à l'aide d'un rouleau, comme une plaque de
cuivre gravée. Un intermédiaire est nécessaire. Les pages 12 et 17 de l’herbier
nous permettent de reconstituer cette étape.
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| pl. 12 |
pl. 17 |
Une plaque de métal est enduite d'une couche
d'encre régulière. La plante est posée sur cette plaque et appliquée soigneusement
sur toute sa surface, à l'aide d'une feuille de papier, pour ne pas briser
d'élément. L'encre imprègne cette feuille utilitaire partout, sauf aux endroits
où la plante fait écran. La silhouette de la plante apparaît en réserve, en
blanc sur fond noir, comme sur ces pages si particulières par rapport aux
autres.
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La plante est retirée de la plaque encrée
et posée sur une feuille de papier humide, comme dans les procédés de gravure.
Une autre feuille de papier ou un lange la recouvre avant passage sous presse.
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Pièce
de tissus épais, souvent un feutre aujourd'hui, qui sert à répartir la pression
et à permettre au papier d'épouser au plus près les creux de la plaque gravée.
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Les pages 27 et 103 témoignent de l'utilisation
de deux feuilles de papier pour l'impression.
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| pl. 27 |
pl. 103 |
Dans ces deux cas, une seule feuille de papier
a été pliée en deux et la plante glissée au milieu. Autour du pli horizontal
nous voyons apparaître, en haut, la silhouette de la plante en noir et, en
bas, le fantôme de la même plante, entouré d'un fin halo noir, résultat du
léger débordement de l'encre sous l'effet de la pression. Le relief de la
plante s'est imprimé dans le papier humide et est nettement visible au centre
du fantôme.
Sur d'autres feuilles (27, 43, 74, 87, 88)
nous voyons la trace de l'utilisation d'un lange de textile directement sur
la feuille de papier imprimée : le grain de la toile s'est imprimé dans le
papier humide en même temps que la plante.
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| pl. 27 |
pl. 43 |
pl. 74 |
pl. 87 |
pl. 88 |
Il semble que le procédé permette la réutilisation
du spécimen végétal. Sur la feuille 24, les deux spécimens sont imprimés deux
fois.
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| pl. 24 |
Le deuxième passage présente un encrage plus
faible : il n'y a peut-être pas eu de deuxième encrage. Le cyperus papyrus
des pages 6 et 110 semble bien avoir été imprimé avec la même plante.
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| pl. 6 |
pl. 110 |
Nous pouvons noter la disparition de quelques
fleurs, plus fragiles, au deuxième passage. Le feuillet 75 présente lui quatre
impressions identiques.
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| pl. 75 |
Il semble que P. Boccone ait essayé différentes
compositions d'encre d'imprimerie et différentes consistances. Aujourd'hui
nous pouvons constater des différences de rendu, de couleurs et des auréoles
jaunes autour de certaines impressions.
Mise en page
Nous ne pouvons pas observer de cohérence
réelle à l'intérieur de l'ouvrage. La plupart des plantes sont imprimées verticalement,
mais sans exclusive. Sur le feuillet 75, les quatre impressions se répartissent
parallèlement au pli central, comme les illustrations d'un ouvrage plus petit.
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| pl. 75 |
Un spécimen particulièrement large a été
imprimé sur deux feuilles superposées (59 et 60) au moment de l'impression,
mais ensuite reliées comme deux feuilles ordinaires.
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| pl. 59 |
pl. 60 |
Grâce aux filigranes, nous avons pu observer
la présence de différents groupes de feuilles éparpillés à travers l'ouvrage.
L'ensemble majoritaire semble provenir d'Italie. P. Boccone l'a peut être
transporté déjà imprimé, puisque certaines plantes ne peuvent avoir été cueillies
que dans ce pays. On peut se demander s'il a transporté l'herbier sec ou imprimé.
L'absence de mise en page et la disparité
de la qualité des impressions donnent l'impression d'un recueil d'essais.
Le procédé semble avoir été bien rodé, mais malgré les différentes qualités
d'encres utilisées, il n'a pas pu surmonter le problème posé par la variété
des plantes. Chaque espèce présente en effet une aptitude particulière à s'imprégner
d'encre. Si certaines boivent suffisamment d'encre pour pouvoir même permettre
plusieurs impressions (par exemple la feuille 24), d'autres, en revanche,
semblent imperméables et n'en retiennent pas suffisamment pour donner un résultat
satisfaisant (par exemple au fol. 2).
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| pl. 24 |
pl. 2 |
Si le procédé peut être spectaculaire dans
certains cas, il offre un rendement très faible, à une époque où l'imprimerie
rend la notion de reproductibilité primordiale, d'autant plus que la plante
séchée est perdue à la fin.
L'éparpillement des groupes de feuilles à
travers l'ouvrage, l'état de certaines pages (la page 68 est tellement froissée
qu'elle pourrait avoir été récupérée dans une corbeille à papier !), l'absence
d'ordre logique dans la présentation sont frappants.
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| pl. 68 |
Ils semblent trahir l'intervention d'une
main étrangère à celle de Paolo Boccone dans la réalisation du recueil. Nonobstant
la qualité de certaines pages, cet étonnant herbier ne semble être que la
réunion arbitraire d'essais d'impression qui n'étaient destinés ni à être
reliés ni même peut-être à être conservés.
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