Gustave Pierre TROUVÉ est né le deux janvier 1839 à La Haye Descartes, en Indre-et-Loire, à trois
cents kilomètres de Paris, dans une famille de petite bourgeoisie aisée. Dès son jeune âge Gustave
manifeste de nettes dispositions pour le dessin et les mathématiques. En 1850 c’est le collège à
Chinon et 1855
L’Ecole Impériale d’Arts et Métiers d’Anger avec sa quatrième année sur Paris. En 1859 Gustave
obtient un premier emploi chez un horloger parisien.
A cette époque en 1860 c’est encore la traction animale qui domine. Premiers trains à vapeur Paris
Orléans Rouen Lille. Transports par bateaux à vapeur sur la Seine, quelques montgolfières. Les rues
sont faiblement éclairées au gaz et les bâtiments éclairés au gaz et aux bougies. L’électricité
reste un sujet de laboratoire et c’est l’âge des piles électriques. Avec Gaston Planté on connait
les vrais débuts des batteries et accumulateurs. C’est aussi le premier brevet de Trouvé pour une
pile électrique lilliputienne, portative, pile cylindrique étanche zinc charbon, pour éclairage et
animation de bijoux. D’ailleurs toute sa vie Trouvé se plaira à produire des parures animées
électriquement pour la vie nocturne ou les spectacles.
En 1866 le belge Georges Leclanché invente une pile au carbonate de cuivre, ressemblant beaucoup à
une de celles de Trouvé, qui n’a pas les qualités commerciales de Leclanché pour créer une usine
pour fabrication de piles sèches : de plus la pile Leclanché rentrera dans l’histoire.
Trouvé en 1866, peut être sous l’influence du Dr Onimus, comme certains autres fabricants, produit
une trousse médicale d’induction électrique, un appareil de faradisation. C’est un petit coffret en
acajou équipé d’une petite pile à sulfate et d’une bobine d’induction pour production d’un courant
induit permettant d’avoir au choix une action excitatrice électrique sur les muscles ou sur les
nerfs. Ce coffret contient aussi des réophores excitateurs et des poignées de contact.
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Coffret de faradisation galvanique par Trouvé et ses accessoires. |
C’est aussi en 1866 que Trouvé s’installe au 6 rue Thérèse, près du Palais Royal à Paris. Il est
inscrit comme « Mécanicien à façon, appareils électriques ». Il enregistre sa marque : « G. Trouvé ;
j’ai trouvé : heúrēka ! ». Sa marque sera gravée sur pratiquement tous les instruments qu’il va
concevoir et fabriquer.
En 1867 le monde de l’électricité de Trouvé est alors celui de la miniaturisation avec ses bobines
d’induction, ses électro-aimants, ses interrupteurs, ses piles, ses systèmes de bijoux éclairants.
Sur la demande du professeur Gavarret, en 1869, il conçoit et construit un dispositif pour repérages
des projectiles dans les plaies. En 1870 il imagine et construit un oiseau mécanique, une petite
machine volante animée par un moteur à vapeur et air comprimé : l’Ornithoptère qui vole mais pas
dans des conditions encore exploitables. C’est sans doute la première maquette d’un plus lourd que
l’air à avoir décollé et volé : un ancêtre des drones ! En novembre de la même année c’est la
démonstration d’un système de télégraphie militaire avec 1000 m de câble, accepté et commandé à 120
exemplaires.
Probablement fin 1872, début 1873, peut être ayant eu connaissance du stomatoscope de Jules Bruck de
Breslau (1868), Trouvé revient aussi à l’électrologie médicale. Il conçoit, construit et met au
point un nouvel appareillage : « Le polyscope ». C’est un dispositif destiné à l’éclairage pour
l’inspection des cavités naturelles au speculum : bouche, pharynx, gorge, arrière gorge, œsophage,
vagin, rectum, nez. C’est le premier endoscope électrique. Il est basé sur le principe de la
résistance des différents métaux aux courants électriques avec production de chaleur, c’est le
principe du thermocautère. Il est destiné à l’éclairage et repérage des pathologies mais aussi à la
cautérisation, au traitement de ces pathologies.
La source de lumière est produite par un fil fin de platine aplati en son milieu de manière à former
un petit disque à incandescence très lumineux lorsque passe le courant, entouré d’un mini réflecteur
de protection. C’est une mini lampe à incandescence sans ampoule protectrice, bien avant la première
ampoule électrique à filament de Thomas Edison de 1879. Associés à ce polyscope différents
accessoires opératoires sont proposés. Trouvé a tout de suite intégré avec cet appareillage la pile
électrique secondaire performante de son ami Gaston Planté qui emmagasinait l’électricité dynamique.
Pour disposer d’un courant constant on y joignait de préférence une batterie de quatre éléments
Trouvé-Callaud équipée de régulateurs et d’un galvanomètre à deux circuits.
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Polyscope de Trouvé
et une pile. |
Pile de quatre éléments Trouvé-Callaud avec ses régulateurs et son double galvanomètre
pour alimentation du polyscope. |
Accessoires
d’éclairage. |
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Accessoires de
cautérisation
du polyscope |
Accessoires
prolongateurs
d’éclairage |
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Le polyscope et ses accessoires d’éclairage dans son coffret, modèle produit
postérieurement à 1878 par l’atelier de Trouvé (ivoire, ébène, laiton doré, émail sur cuivre). Les
bâtonnets sont destinés à la manipulation des très fins filaments de platine au milieu desquels on
peut apercevoir une mini lentille qui par incandescence produira une forte lumière protégée par les
petites paraboles réflectrices. |
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Mini accessoires pour fines cautérisations sur manche du polyscope. |
Trouvé se fait remarquer par son nouveau polyscope lors de l’exposition internationale de Vienne en
1873 et reçoit la médaille du Progrès de l’Empereur François Joseph au Prater. Le musée d’endoscopie
de Vienne expose toujours un historique polyscope de Trouvé. Pour prouver l’innocuité de son
appareil Trouvé ira jusqu’à placer un polyscope à l’intérieur du tube digestif d’un poisson pour le
tendre lumineux dans son aquarium ! Trouvé modifie et améliore son polyscope et accessoires que la
profession dentaire adopte. En 1877 la revue « Les mondes » fait le point sur l’étendue des
capacités du polyscope :
- Polyscope très fin pour cautérisation des cils, c’est l’épilation électrique.
- Réflecteur de bouche pour les dentistes : un stomatoscope.
- Instrument forme bec pour ouverture abcès dentaires.
- Réflecteur avec miroir pour examen rhino pharyngés.
- Ampoule en verre de protection du fil de platine.
- Manche de cautère à anse coupante, sécateur galvanique, avec prolongateur grande taille.
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Manche de cautère à anse coupante par Charrière des années 1860
(ivoire, ébène, laiton doré, acier. |
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Manche de Cautère à anse coupante avec ses prolongateurs. Fabriqué
par Trouvé au 6 rue Thérése, donc avant 1878, probablement en 1876. Ebène, ivoire, acier, laiton doré, platine.
Exceptionnel manche à double réglage d’adaptation de tension de l’anse de coupe en fonction de
l’intensité et de la résistance des éléments à enlever. Interrupteur à deux positions de
déclanchement. Malgré son volume cet instrument bien équilibré se manipule aisément avec réglages
précis et fiables. Instrument remarquablement étudié et finition haute coutellerie. |
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Manche utilisé comme porte-accessoire de cautérisation. |
En 1879 Trouvé déposera un brevet d’une version améliorée de son polyscope avec adjonction de
prismes réfléchissants et grossissants éclairant à angle droit.
En 1877 le docteur Nicolas Joseph Onimus passionné d’électrologie médicale fait paraitre son « Guide
pratique d’électrothérapie » avec plus de dix ans de recherche. Trouvé lui construira quelques
appareils expérimentaux et prototypes (muscle artificiel, robotique etc…).
Lors de l’exposition universelle de Paris de 1878, dans la section Médecine, Trouvé expose
soixante-dix instruments et appareillages d’électrothérapie ! Il reçoit une médaille d’or de
l’exposition. C’est une exposition importante : Paris est la ville des lumières. Trouvé apporte des
améliorations à la nouvelle invention du téléphone (1876) d’Alexander Graham Bell, par l’adjonction
de membranes vibrantes complémentaires.
Le premier juillet 1878 Gustave Trouvé transfère son atelier au 14 rue Vivienne, au premier étage de
la Galerie Vivienne, galerie alors très passante près de la bourse à Paris. Inventeur célibataire il
vivra et résidera dans son atelier jusqu’à la fin de sa vie. En 1879 il travaille sur les sonneries
et commutateurs téléphoniques par simple décrochage et raccrochage du combiné. Il fallait y penser.
En 1881 Trouvé participe à l’équipement d’un vélocipède tricycle de 160 kg avec deux moteurs
électriques. Sur la Seine démonstration avec plein succès de la motorisation électrique d’un canot
de 5.50m avec trois passagers, moteur électrique à hélice alimenté par deux batteries de piles au
bichromate de potassium de six éléments chacune. C’est la première fois qu’un bateau est réellement
propulsé efficacement par l’électricité. Vient aussi l’idée du moteur hors-bord démontable : Trouvé
invente le concept d’un gouvernail contenant une hélice et son moteur, dont l’ensemble est amovible
et que l’on peut facilement retirer et remettre sur le canot.
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Canot électrique hors-bord de Trouvé 1881 |
En 1881 au Palais de l’Industrie de Paris, se tient l’Exposition Internationale de l’Electricité :
Gustave Trouvé y présente ses nombreuses inventions et productions : navigation avec canot
électrique, motorisation du dirigeable de Tissandier (gonflé à l’hydrogène avec des pièces en métal
léger et rare : l’aluminium), motorisation de machine à coudre, 8 ans avant Singer, et sur le stand
551 toute une production d’électrologie médicale. Trouvé y reçoit la médaille d’argent du jury, mais
surtout la visite personnelle de A.G.Bell qui vient s’entretenir avec lui et le féliciter. Cette
même année qu’ il est décoré de la Légion d’Honneur par son grand ami et parrain Gaston Planté.
En août 1883 présentation à l’Académie de Médecine du photophore de Hélot-Trouvé, résultat d’une
collaboration avec le Dr Hélot, chirurgien à Rouen. Peut être partiellement inspirés d’un petit
éclairage au gazogène de Robert avec optique fabriqué par Collin vers 1870, Ils conçoivent et
produisent un petit éclairage électrique porté sur le front de l’opérateur avec optique de
focalisation relié à une pile Trouvé. L’idée est géniale, c’est notre lampe frontale adoptée par
tout le corps médical et de nombreux autres utilisateurs, la concurrence du brevet sera très
difficile. Devant le succès un photophore sur pied est même rapidement disponible. En 1884 on
reparle de Trouvé pour une production d’effets lumineux spéciaux notamment lors des spectacles des
Folies-Bergères et de l’Empire Theater de Londres.
1887 est marqué par l’apparition de l’Auxanoscope électrique. C’est un projecteur électrique inspiré
du photophore, équipé d’une lampe à incandescence exceptionnelle de 70 watts avec réflecteur
parabolique et lentilles focales. C’est la première lanterne magique compacte électrique pour
projection de dessins, photographies, modèles d’écran, coupes de corps opaques. Ce concept de
projection d’image nous semble bien commun, mais avec l’électricité c’était une réelle nouveauté et
ce sera une révolution pour la communication et l’enseignement. Un second modèle plus puissant
sortira plus tard.
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Deux modèles de l’auxanoscope
avec leurs puissantes lampes. |
Le 24 avril 1888 lors d’une séance de la Société d’Odontologie de Paris consacrée aux applications
de l’électricité à l’Art Dentaire, Gustave Trouvé y occupe une place centrale. Il présente tout
d’abord une nouvelle pile au bichromate de potassium avec six éléments dans un coffret de transport
en ébonite de trois kilos, pour 50 francs : pile remarquablement fiable et économique. En 1888, pour
l’électrothérapie, la fourniture d’une électricité par un moyen simple, propre, fiable avec un
courant constant sans variation, transportable, facilement déactivable et réactivable, est
impérative. Trouvé a bien compris cette obligation.
Trouvé montre un petit moteur électrique de 2,5 kg, réversible pour un tour à fraiser, pour 200
francs, sa pile étant suffisante pour une heure de marche. Il présente surtout l’’électro-fraise à
partir d’un petit moteur Siemens de 90gr, de petit volume, avec une puissance de travail de
2kg/mètre. L’axe du moteur se prolonge par une tige qui porte le support de la fraise. Le tout
pesant 150gr, tient facilement dans la main et se manie comme un crayon, sa pile offrant deux heures
d’autonomie à l’électro-fraise. Comme le moteur de Green, l’électro-fraise n’aura pas la puissance
suffisante pour être efficace en bouche, mais incontestablement l’idée du micro-moteur pour fraiser
est là, son application réelle ne surviendra qu’un siècle plus tard vers 1980 avec les micro-tours
dentaires.
Trouvé présente naturellement son célèbre photophore de Hélot-Trouvé, comme le polyscope, bien
appréciés par la profession dentaire. Il n’oublie pas l’auxanoscope électrique : appareillage de
base, toujours bien actuel, pour toutes communications et pédagogies. Trouvé tiendra un stand très
fréquenté au premier Congrès Dentaire International de Paris en décembre 1889.
En 1893 Trouvé fait paraitre un volumineux ouvrage, de 788 pages, destiné au monde médical pour le
bon usage de ses inventions avec 273 figures gravées par Trouvé Bienfait : « Manuel d’électrologie
médicale » à Paris, chez O.Douin.
En 1895 Trouvé va s’intéresser au nouveau gaz acétylène qui fournit une lumière ultra blanche,
brillante, très éclairante et de plus économique. Il va notamment améliorer considérablement les
lampes à acétylène par un système qui temporise et maitrise l’attaque du carbure par l’eau.
Au cours des années 1897-1900, le Dr François Victor Foveau de Courmelles écrit un traité sur « La
radiothérapie médicale » et il a déjà commencé à collaborer avec Trouvé sur le développement
d’appareils électriques pour la thérapie par la lumière. En décembre 1900 Trouvé présente ses
innovations photothérapiques à l’Académie de Sciences : lumière rouge, lumière froide, lumière
intense, lumière violette. Trouvé conçoit et réalise avec Foveau de nombreuses lampes thérapeutiques
avec des sources interchangeables. Grâce aux appareillages de Trouvé les résultats de Foveau de
Courmelles démontrent que les radiations lumineuses judicieusement employées peuvent rentrer dans la
pratique thérapeutique.
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Photothérapie d’une zone enflammée
après extraction dentaire. |
Appareil de Trouvé pour photothérapie avec projecteur de lumière
refroidie hydrauliquement. |
En juillet 1902, travaillant sur un radiateur chimique pour traitements de lupus, Trouvé s’entame
avec une scie le pouce et l’index. Lui qui n’a jamais été malade fait une infection qui vire en
phlegmon puis en congestion pulmonaire et en congestion cérébrale. Il meurt le 27 juillet d’une
forte fièvre, d’une septicémie, à l’hôpital St Louis de Paris.