Programme de la prochaine séance

Réunion du 12 décembre 2025

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h
Métro, stations Saint-Germain-des-Prés et Mabillon – Bus, lignes 39 et 95

      • Conférence invitée (une heure)

        Julien BOGOUSSLAVSKY – Gustave Roussy

        Le nom de Gustave Roussy (1874-1948) est passé à la postérité par l’institut du cancer qui fut sa création. Fils du cofondateur de la firme Nestlé à Vevey en Suisse, Roussy émigra rapidement en France pour son cursus médical, y gravissant les échelons hiérarchiques, d’abord dans le domaine neurologique comme élève de Jules Déjerine, autre Suisse de naissance. Un patriotisme français exacerbé durant la Grande Guerre lui fit développer le « torpillage » (électrothérapie douloureuse) comme moyen de renvoi au front des cas de névrose de guerre. Un certain discrédit s’ensuivit, en fin de conflit, qui fut probablement un facteur de son virage vers l’oncologie, d’autant plus qu’il était anatomopathologiste. Comme héritier de Nestlé, marié à la fille du ministre Gaston Thompson, Roussy s’introduisit facilement dans les cercles décideurs, ce qui aboutit à la création de l’institut du cancer de Villejuif dès le début des années 1930. Roussy percevait cet institut avec une vraie vision sociale, notamment pour les plus démunis, avec le soutien de politiciens communistes comme Paul Vaillant-Couturier. En parallèle, sa carrière académique le porta au poste de recteur de l’Académie de Paris, qu’il occupa encore au début du régime de Vichy, avant sa révocation par ce même régime. Une tortueuse affaire d’introduction clandestine de fonds depuis la Suisse vers la France durant la guerre fut à l’origine de poursuites de la part du gouvernement français, notamment pour fraude fiscale. Roussy, qui avait été réhabilité comme recteur, fut à nouveau suspendu, et finit par mettre fin à ses jours après deux tentatives. La presse, qui l’avait d’abord descendu en flammes, changea diamétralement d’attitude en le déclarant innocent posthume, mais il ne fut jamais réhabilité par les institutions académiques. Le centre de Villejuif fut néanmoins baptisé « Institut Gustave Roussy » en son honneur quelques années après sa mort. Au-delà d’une image paradoxale de « milliardaire communisant » et de médecin mondain, Roussy reste une figure complexe à la vocation infatigable, et dont la fortune et l’expertise furent mises au service de la communauté.

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      • Communications (20 minutes)

        1. Olivier WALUSINSKI – Jean-Martin Charcot et le scandale du canal de Panama en 1893Deux mois avant sa mort, Jean-Martin Charcot accompagne le doyen Paul Brouardel en Angleterre. Ils sont missionnés par la justice française afin d’expertiser l’état de santé de Cornelius Herz, affairiste qui a pris la fuite après la révélation de la banqueroute de la compagnie censée percer le canal de Panama. Les archives exposées ici révèlent combien les articles de la presse française ont, à cette époque, calomnié les deux maîtres parisiens en les accusant de complaisance voire de corruption, bien qu’ils n’aient que confirmé l’avis rendu par leurs célèbres collègues londoniens qui avaient précédemment déclaré Herz intransportable. Le témoignage de Brouardel permet d’évoquer la dégradation progressive de l’état de santé de Charcot, souffrant d’angor et d’insuffisance cardiaque depuis 1890. Au cours de ce dernier voyage, Charcot marche difficilement, comme un lacunaire, et manifeste une dyspnée secondaire à un œdème pulmonaire subintrant. Une défaillance cardiaque irréversible emporte le maître et fondateur de la neurologie française le 16 août 1893.
        2. Juan Carlos RIVERA – L’affaire Dujarier : un chirurgien qui a fait condamner la chirurgie esthétique
          Charles Dujarier (Louis Charles Dujarrier, selon les actes du procès), ancien élève d’Auguste Nélaton et de Louis-Hubert Farabeuf, a 56 ans et une solide carrière de chirurgien chef de service à l’hôpital Boucicaut , 1870-1931quand, sur recommandation d’un confrère, Léopold Levy qui le présente comme «un des chirurgiens les plus connus de Paris», il rencontre Mlle Suzanne Geoffre qui a un problème de «jambes trop lourdes ». C’est une jeune ex-mannequin ayant travaillé pour le grand couturier Paul Poiret « le magnifique », qui est propriétaire depuis peu d’une maison de couture.
          Face à l’insistance de la patiente, dont la « surexcitation était extrême au point de dire qu’elle se donnerait la mort s’il refusait de l’opérer  et de sortir une arme à feu lors de l’entretien », Dujarier lui présente un acte qu’il n’avait jamais réalisé auparavant comme étant « rapide, facile et sans risques». Il la fait hospitaliser le jour même à Boucicaut (et « pas dans une clinique » comme indique l’avocat de la partie adverse), et l’intervention a lieu le lendemain, 27 février 1926, débutant par le mollet gauche. Il s’ensuit une gangrène qui obligea à amputer de cette jambe gauche un mois après dans des conditions dramatiques.
          Condamné en première instance et en appel, Dujarier meurt un an après. Cette communication a pour but de commenter ce procès et ce fait divers chirurgical qui a ému l’opinion publique des « années folles » et a banni la chirurgie « esthétique » des hôpitaux, pour environ 30 ans.
        3. Antonio RICCIARDETTO – Vingt années d’édition de textes médicaux grecs et latins antiques en France : avancées majeures et perspectives d’une discipline à l’évolution rapide
          L’année 2025 a coïncidé avec le vingtième anniversaire de la découverte exceptionnelle du traité Ne pas se chagriner, que l’on croyait irrémédiablement perdu, de Galien, médecin natif de Pergame en Asie Mineure (129-216). Plus généralement, ces deux dernières décennies ont été remarquablement florissantes dans le domaine de l’édition des textes médicaux grecs et latins antiques en France. La présente communication retrace le bilan riche et varié des travaux des chercheurs – philologues et historiens de la médecine – basés dans l’Hexagone, en mettant l’accent non seulement sur les avancées majeures, dont la publication d’autres textes inédits, comme la traduction arabe du Commentaire de Galien sur le Serment d’Hippocrate, ou encore les Problèmes hippocratiques, mais aussi sur les perspectives dans ce domaine.