Programmes des précédentes séances

Réunion du 21 février 2025

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h
Métro, stations Saint-Germain-des-Prés et Mabillon – Bus, lignes 39 et 95

    • Conférence invitée (une heure)

      Andréa BARBE-HULMANN : Le musée d’histoire de la médecine de l’Université Paris Cité

      Cette présentation retracera l’évolution du musée d’histoire de la médecine, depuis sa création à son ouverture au public, en mettant en lumière les changements et les décisions politiques ayant marqué son développement. Aujourd’hui, le musée est une des composantes de la Direction générale déléguée aux bibliothèques et musées de l’Université Paris Cité ; il s’inscrit dans une dynamique de projets visant à renforcer son rôle au sein de la politique universitaire de l’Établissement. Nous aborderons l’histoire du musée, la constitution de ses collections, ainsi que les projets actuels et futurs, dans le cadre de son développement et de son ancrage au sein de la communauté universitaire et scientifique.

    • Communications (30 minutes)

      1. Benoît VESSELLE : Mise au point sur la durée d’une amputation à l’époque de la Révolution et de l’Empire

        Quand on évoque la chirurgie de guerre à l’époque du Premier Empire, le nom qui vient d’abord à l’esprit est celui du baron Dominique-Jean Larrey (1766-1842). Beaucoup d’articles et d’ouvrages ont été consacrés à ce Monstre Sacré de la légende napoléonienne. Larrey est en effet connu pour sa dextérité chirurgicale, mise en exergue par beaucoup de ses biographes. Ils rapportent souvent des durées d’intervention très brèves, hors contexte et sans explications. C’est en fait Larrey lui-même qui crée le trouble en donnant des durées très courtes, parfois à la seconde près !
        Je propose donc de revenir aux sources en étudiant les écrits de Larrey, mais aussi d’autres chirurgiens de l’époque pour tenter de préciser quelle est véritablement la durée d’une amputation ou d’une désarticulation. En synthèse, je fournirai les explications nécessaires avant de résumer, à titre d’exemple, la mésaventure de Jacques Chevillet, trompette de cavalerie blessé gravement à Wagram.

      2. Jacques BATTIN : La médecine au Grand Siècle d’après la correspondance de la marquise de Sévigné

        En écrivant à sa fille, la comtesse de Grignan (en Provence), « Je suis pour vous comme la santé, le plaisir des autres plaisirs », la marquise de Sévigné (Paris 1626-Grignan 1696) connaît la nécessité d’une bonne santé pour apprécier la vie, une vérité première élégamment formulée. En plus de participer à l’esprit français, ces lettres constituent une vraie gazette du Grand Siècle, de ses mœurs, des maladies, des remèdes et des médecins chargés de la santé du roi. Comme aujourd’hui, les remèdes de bona fama [bon renom] sont légion pour conjurer l’angoisse existentielle inhérente à la condition humaine.

Réunion du 24 janvier 2025

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h
Métro, stations Saint-Germain-des-Prés et Mabillon – Bus, lignes 39 et 95

    • Conférence invitée (une heure)

      Jacqueline VONS, Élise ANDRÉ : Sur les pas d’Alfred-Armand Velpeau (1795-1867)

      La figure d’Alfred-Armand Velpeau (1795-1867) est surtout connue à travers son illustre carrière de chirurgien à Paris au XIXe siècle. Néanmoins, les biographies qui lui ont été consacrées sont pour la plupart ponctuées d’erreurs et de fausses représentations. L’exploitation d’archives inédites (correspondances, carnets de notes, archives départementales et municipales), nous a permis de découvrir quelques aspects méconnus ou ignorés de la vie et des travaux de Velpeau, d’analyser sa méthode de travail et de mettre en lumière son engagement pour sa Touraine natale, tant sur le plan intellectuel que matériel. Nous proposons ainsi une biographie actualisée de Velpeau, de son enfance en Touraine à Brèches, à sa carrière parisienne et jusqu’à son souvenir par le don posthume de sa bibliothèque à l’École de médecine de Tours.

    • Communications (30 minutes)

      1. Hélène PERDICOYANNI-PALÉOLOGOU : La fièvre dans le Corpus Hippocraticum

        Depuis l’Antiquité la fièvre était un état pathologique complexe et susceptible de variations physiologiques liées à des phénomènes internes ou externes. Elle était considérée aussi bien comme un symptôme, une manifestation signalant une réaction de l’organisme face à une infection, que comme une maladie en soi.
        Nous proposons ici de présenter le concept de la fièvre dans le Corpus Hippocraticum. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur les causes internes, humorales et « accidentelles », et les causes externes qui sont l’origine du déclenchement de la fièvre. Parmi celles-ci, on distinguera les causes liées au climat, au mode de vie et aux « accidents ». Dans un second temps, nous présenterons les signes prédictifs ou avant-coureurs de la fièvre, les divers symptômes pathologiques qui surviennent lors de son apparition, ses effets maléfiques et son pouvoir bénéfique. Ensuite, nous examinerons les périodes et la solution de la fièvre ainsi que les traitements curatifs des causes alléguées. Notre présentation s’achèvera par les espèces de la fièvre suivant les données fournies par les médecins de l’École hippocratique. Parmi ces données figurent les causes de la fièvre, les signes qui l’annoncent, les symptômes qui surviennent lors de sa manifestation, ses effets maléfiques ou bénéfiques, ses périodes, ses récidives, ses redoublements, sa solution, sa transformation en d’autres maladies et les traitements destinés à la faire cesser. Cette démarche permettra de mieux cerner l’apport de la médecine hippocratique dans le domaine de la pathologie.

      2. Hélène LEUWERS : S’engager à guérir par contrat (Paris, 1483-1567)

        Pour définir leurs obligations réciproques pendant la durée d’un traitement, les praticiens de santé et les patients du Moyen Âge peuvent conclure des contrats. Les marchés stipulent qu’un médecin, un chirurgien ou un barbier s’engage à soigner un malade ou un blessé, voire à le guérir, dans un temps imparti et en échange d’une rémunération dont le montant est déterminé à l’avance. À travers l’étude de vingt contrats de soin, conclus devant un notaire parisien entre 1483 et 1567, je propose d’interroger la finalité du recours aux contrats thérapeutiques. Dans ces marchés, la rémunération peut être suspendue à constatation de l’amélioration de l’état de santé du patient, voire à sa guérison, alors que celles-ci sont incertaines. Dès lors, pourquoi s’engager par contrat dans le cadre d’activités qui doivent composer avec l’incertitude et la faillibilité du praticien ? À la lecture des sources, les stratégies des praticiens et des patients semblent davantage marquées par la prévoyance que par l’imprudence, en particulier dans des milieux de santé concurrentiels et alors que l’inobservation d’une obligation née d’un contrat est un mode privilégié de la résolution des conflits liés aux mauvais soins.

Bonne fêtes et belle année nouvelle

 

Réunion du 13 décembre 2024

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h

  • Conférence invitée (une heure)

    Patrick BERCHEVie et mort de la variole, de l’Antiquité au monkeypox

    La variole a été l’une des pires calamités de l’humanité à l’origine de graves épidémies depuis les premiers siècles de notre ère. Avec un taux de létalité de 30 %, on a déploré plus de 300 millions de décès par variole au XXe siècle. Ce fléau a facilité l’effondrement des civilisations améridiennes au XVIe siècle et la colonisation de l’Amérique. Longtemps les seules armes pour prévenir la contagion ont été le confinement et la quarantaine. Que les survivants de variole soient épargnés lors d’une nouvelle épidémie, est à l’origine de l’idée d’inoculer par voie cutanée ou nasale du pus de varioleux en voie de guérison pour prévenir la maladie. Cette inoculation (ou variolisation) était très efficace, mais risquée du fait de la contagiosité des variolés et de la survenue parfois d’une variole. En 1798, Edward Jenner, montre l’efficacité préventive du cowpox contre la variole. Cela a abouti en 1980 à l’éradication de la variole dans le monde en 1980 à la suite d’une campagne de l’Organisation Mondiale de la Santé. Plus de cinquante ans après sa disparition, on a vu resurgir en 2022 des épidémies à extension mondiale dues à un virus proche, le monkeypox virus. Cette perspective historique donne une vision panoramique unique de l’évolution d’une grave pandémie virale depuis plus de deux millénaires.

  • Communications (20 minutes)

    1. Baptiste HAUTDIDIER, Zoé GINTERLes plus vieux arbres de Paris ont-ils transité par le jardin de l’École de médecine de la rue de la Bûcherie ?

      Avec des dates probables de plantation remontant à la fin des années 1620, les plus anciens arbres parisiens sont deux Robinia pseudoacacia. Si un rôle crucial dans la propagation du Robinier en Europe a été bien établi pour le botaniste Jean Robin et son fils Vespasien, un manque de preuves écrites et matérielles fait toutefois peser le doute sur la chronologie et les modalités exactes de cette introduction. À ce titre, il paraît donc utile de mieux comprendre quels étaient les jardins parisiens que les Robin possédaient, louaient ou cultivaient pour d’autres entre les années 1610 et 1640. La communication discutera d’un rôle possible du jardin médicinal de l’ancienne École de médecine, dont Jean Robin était curateur – et que son fils a repris. L’enquête permet de réévaluer les conditions matérielles des enseignements parisiens de botanique sur cette période, avant que le jardin devienne une victime collatérale des guerres intestines de la Faculté. La recherche s’appuie sur des sources du minutier central et de la collection Medica, divers plans et cartes anciens, ainsi que des écrits non publiés d’Achille Chéreau.

    2. Baptiste BAYLAC-PAOULYHistoire de la prophylaxie de la rubéole en France

      La rubéole est une maladie infectieuse qui pendant très longtemps n’a pas préoccupé les autorités de santé. Ses formes graves sont très rares, et les enfants peuvent développer une fièvre modérée et une éruption cutanée, même si la rubéole passe fréquemment inaperçue. C’est au début des années 1940 qu’a été mis en évidence le risque de malformations congénitales lié à une infection durant les premiers mois de la grossesse, ce qui serait désigné plus tard comme le syndrome de rubéole congénitale. Au début des années 1960, des épidémies touchèrent l’Europe et les États-Unis d’Amérique, entraînant la naissance de plusieurs milliers d’enfants atteints d’embryopathies. Les conséquences dramatiques de ces épidémies eurent pour effet de donner une nouvelle visibilité à la maladie. De bénigne et sans intérêt, la rubéole devint un problème de santé publique dans la majorité des pays industrialisés. Avec le risque de voir réapparaître des épidémies au cours des années 1970, la communauté scientifique et médicale se mobilisa pour le développement de vaccins efficaces. Le premier vaccin contre la rubéole fut produit en 1969 aux États-Unis. En France, le vaccin contre la rubéole Rudivax fut commercialisé en 1970 par l’Institut Mérieux. Dans cet article, je reviendrai sur la mise en place de la prophylaxie de la rubéole en France dans les années 1970, et notamment sur les mesures appliquées en lien avec des questionnements encore nouveaux sur la maladie.

    3. Louis CHEVALIERPsychiatrie, instrumentalisation, répression: l’expertise médico-légale du dissident soviétique Léonide Pliouchtch en 1972

      Parmi les diagnostics utilisés par les autorités soviétiques pour justifier l’hospitalisation forcée de dissidents entre les années 1960 et 1980, celui de schizophrénie torpide (ou lentement progressive) occupe une place centrale. Ce diagnostic a été appliqué, entre autres, pour légitimer l’internement du mathématicien Léonide Pliouchtch, à la suite d’une expertise médico-légale réalisée en juillet 1972 par des psychiatres soviétiques. Le contenu de cette expertise, récemment déclassifié, est désormais traduit et publié pour la première fois, éclairant ainsi cette méthode répressive

Réunion du 22 novembre 2024

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h

  • Conférence invitée (une heure)

    Céline CHÉRICIAutour des techniques d’électrothérapies cérébrales — La naissance d’un imaginaire technique dans le champ des sciences du cerveau (1770-1880)

    Au cœur des techniques et des concepts neuroscientifiques, des contextes contemporains font écho à des réalités anciennes. Peut-on parler « d’imaginaires techniques » au XVIIIe siècle ? De quelle façon l’émergence des sciences du cerveau humain croise-t-elle celle des premières électrothérapies ? Pour répondre à ces questions, nous allons recourir à une épistémologie critique du savoir, permettant de les resituer sur un temps afin d’en saisir la complexité. À travers le cas de l’application de l’électricité au cerveau humain, ce qui va mener ces réflexions jusqu’à la stimulation cérébrale électrique, nous allons voir différents niveaux de complexité s’entrecroiser : outils et méthodes, concepts théoriques, modes de diffusion, types de discours utilisés.

    Nous partirons de l’hypothèse selon laquelle les électrothérapies, qui se développent à partir de la fin du XVIIIe siècle, se fondent sur des théories qui partent de l’imaginaire de la localisation cérébrale des facultés. À partir du moment où les maux de l’âme sont cérébralisés en termes de troubles cérébraux, des fondements biologiques sont durablement posés à une future médecine mentale, mêlant neurosciences et psychiatrie biologique.

  • Communications (20 minutes)

    1. Chantal QUEVILLYNaissance de l’américanisme et du japonisme au XIXe siècle, en France, dans le milieu savant

      À la SFHM, en décembre 2023, dans ma communication Ernest Hamy et les Pays-Bas, je me demandais si « l’année 1893, où il créa la Société des américanistes de Paris », existaient d’autres sociétés du même type. L’objet de ce travail est donc de défricher ce terrain, où apparaît le nom de Léon de Rosny (Loos-les-Lille 1837-Fontenay-aux-Roses 1914). Il n’était pas médecin et pourtant son travail de philologue pourrait se confronter à celui des neurolinguistes actuels. Il créa une société d’ethnographie en 1859 et, par là-même, tissa des liens avec Claude Bernard et sa méthode expérimentale. Nous passerons par le japonisme car cette société se prévalait, en un temps, du titre de Société américaine et orientale, avant bien sûr d’éclater, à la fin du XIXe siècle en sociétés plus spécialisées. Le japonisme de Rosny dévoilera les qualités d’une bonne « éducation » des vers à soie, avec Jean Louis Armand de Quatrefages et Louis Pasteur, et l’entraînera, avec son ami Émile Guimet, à participer à des cérémonies bouddhiques au musée Guimet en compagnie de Pasteur, Georges Clémenceau, Ernest Renan. Il existait à Paris une Société médicale américaine, composée de médecins américains résidant à Paris au début du XIXe siècle. Elle n’entre pas dans cette étude, de même pour le musée américain du Louvre, créé en 1850, précurseur du musée du Trocadéro. L’américanisme fera l’objet du dernier chapitre où le déchiffrage du discours pictographique – la lecture était avant tout une vision de faits et d’événements – a impulsé la publication de très beaux fac-similés de codex mésoaméricains chez Hamy et Rosny.

    2. Florian PEZONMéthodologie de l’examen clinique dans le livre I de la Méthode thérapeutique à Glaucon de Galien — Le médecin au lit du malade au IIe siècle de notre ère

      Parmi les ouvrages de Galien que nous avons conservés, sa Méthode thérapeutique à Glaucon a rapidement été considérée comme un ouvrage « pour débutants ». Le livre I concerne les fièvres, maladies fréquentes à l’époque, et expose les bases de l’examen clinique, du diagnostic et surtout du traitement. Puisque le médecin de Pergame définit la maladie comme une lésion sensible dans son Art médical, c’est donc avec ses sens que le médecin va mener l’examen clinique, qui permet aussi de déterminer la « nature particulière » du patient, ainsi que le pronostic et le diagnostic, ce qui rend l’art « conjectural ». La thérapeutique, quant à elle, préventive ou curative, permet le retour à l’état antérieur à condition d’être administrée au bon moment et en bonne quantité.

Réunion des 17-18 octobre 2024

à Cos, île natale d’Hippocrate en mer Égée, avec la Société grecque d’histoire de la médecine
Programme partiel, sans les résumés

  1. Jacques BELGHITI : Une petite flânerie aux racines mythiques de la chirurgie du foie
  2. Jacques BATTIN : Le serment d’Hippocrate et sa modernité évolutive
  3. F. BOLLER, N. CAPUTI, S. FINGER : Hippocrates and his followers as pioneers of modern neuropsychology
  4. Jacques CHEVALLIER : Claude Bernard et le sucre – la controverse avec Figuier et Bérard
  5. I. DIMITRIADIS : La gale dans l’Antiquité gréco-romaine et la contribution de l’École française de dermatologie
  6. L.-F. GARNIER : Le cœur selon Hippocrate
  7. Philippe ALBOU : Traitements « hippocratiques » au XXe siècle en France – sangsues, ventouses, sinapismes etc.
  8. S. MICHAELAS : Hippocrates’s contribution to the understanding of tuberculosis in the early 20th century

Réunion du 20 septembre 2024

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h

    • Conférence invitée (une heure)

      Alice AIGRAINDes corps malades sous l’objectif. La photographie médicale dans les musées hospitaliers parisiens (1866-1945)

      À partir de 1866, le médium photographique s’institutionnalise dans le champ médical parisien grâce à la mise en place d’une politique volontariste de la part de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Je propose de mettre en perspective ce moment particulier des rapports de la médecine à la photographie en interrogeant les usages – revendiqués ou non – et le statut du médium pour les sciences médicales jusqu’en 1945. Dans une démarche croisant l’histoire patrimoniale et les études visuelles, cette recherche dresse une histoire sociale et culturelle de l’appropriation de la photographie par le corps médical à des fins de représentation des corps malades. Pour ce faire, six musées et leurs collections sont étudiés dans leur singularité ainsi que dans les permanences qui se dessinent entre eux : les musées de l’hôpital Saint-Louis, de l’hospice de Bicêtre, de la clinique Baudelocque, de l’hôpital Boucicaut, et des musées Déjerine et du Val-de-Grâce.
      Cette recherche met au jour la multiplicité des projets scientifiques, politiques, professionnels ou même commerciaux que porte la photographie médicale : les usages du médium ne peuvent dès lors se résumer à des enjeux d’objectivité et de documentation scientifique. Ce travail s’organise autour de trois périodes chronologiques : les années 1860 à 1890 sont celles de l’institutionnalisation progressive du médium dans le monde médical ; les années 1890 à 1910 sont celles d’une généralisation de l’usage de la photographie en médecine ; les années d’entre-deux-guerres sont marquées par un réinvestissement du corps médical dans les musée hospitaliers et leurs collections photographiques.

    • Communications (20 minutes)

      1. Claire BORDELAISAccoucher aux Hospices civils de Bordeaux dans la première moitié du XXe siècle

        À partir de sources hospitalières de la Clinique obstétricale et de la Maternité de Bordeaux, remontant au début du XXe siècle, il a été possible d’identifier les institutions hospitalières et les structures de ville entrant dans un réseau de prise en charge de la patientèle de Gironde et de France, et parfois même issue de pays limitrophes. Ces sources, à la fois médicales et sociales, permettent de dresser un portrait précis de la patientèle (principalement indigente) accouchant par choix ou sur décision médicale à Bordeaux. De plus, l’aspect de la prise en charge obstétricale et pédiatrique nous éclaire sur les pratiques médicales et chirurgicales de l’époque, ainsi que la démocratisation de l’opothérapie puis de l’accouchement « dirigé ». La question de l’innovation médicale et de son application dans les établissements obstétricaux de Bordeaux permet enfin d’apprécier les mutations de la pratique médicale et de les comparer aux autres hôpitaux de France.

      2. Clément FABREApprendre à soigner des corps chinois. Médecine d’influence et différence chinoise des corps, des années 1830 au début des années 1920

        Des années 1830 aux premières décennies du XXe siècle, la médecine s’impose en Chine comme un instrument d’influence déterminant, et comme l’une des armes privilégiées par les efforts de pénétration évangélique et diplomatique du pays. Les effectifs de médecins-missionnaires britanniques et américains se multiplient au Guandong et dans les ports ouverts, puis à partir de 1860 dans l’Empire tout entier, avec l’appui des services diplomatiques du Royaume-Uni qui n’hésitent pas à recourir à leurs services. Quant à la France, qui attache dès le début des années 1860 un médecin à la Légation de Pékin, elle décide à la fin des années 1890 de rivaliser d’influence avec son voisin britannique et de déployer à son tour un corps de médecins en Chine.
        Ce sont les interactions des médecins occidentaux avec les patients chinois, et les savoirs pratiques qui les entourent, qui sont au cœur de cette communication. Autour d’elles se cristallise en effet un corpus de savoir-faire qui met en jeu aussi bien le savoir accumulé par les médecins sur les pratiques thérapeutiques locales qu’un apprentissage de la culture chinoise que l’on retrouve plus largement dans les milieux diplomatiques et missionnaires. Ces interactions médicales constituent ainsi l’un des lieux où s’élabore un savoir pratique sur la culture corporelle chinoise (depuis les bonnes manières jusqu’à la maîtrise des gestes qui, telle la palpation du pouls, déterminent aux yeux d’un patient chinois la confiance en son médecin), mais également sur de prétendues spécificités biologiques des corps chinois. Tout au long du siècle, les rapports des médecins et les cas cliniques qu’ils publient dans différentes revues, leurs carnets de pratique médicale et les ouvrages que certains font paraître à l’issue de longues années passées en Chine permettent de saisir leur surprise face à des symptômes, des réactions, des résistances et des seuils de douleur, dont la mise en commun échafaude progressivement le soupçon de spécificités biologiques chinoises, depuis la vulnérabilité aux calculs rénaux jusqu’à la résistance à l’infection et l’absence de sensibilité à la douleur. Ces interrogations permettent de saisir, à rebours d’une histoire théorique des classifications raciales depuis les sociétés savantes d’Europe et des États-Unis, une histoire pratique de la constitution d’un savoir sur la différence des corps, au ras des interactions médicales.

      3. Mathieu ROUHOUJean de Guiscriff, médecin méconnu des rois de France Jean II le Bon et Charles V

        Jean de Guiscriff (vers 1320-1379), originaire du diocèse de Cornouaille, est l’un des physiciens des rois de France Jean II le Bon et Charles V. Méconnu de l’historiographie nationale récente, seuls quelques érudits locaux ou quelques ouvrages anciens et d’histoire locale bretonne en font mention. Intellectuel reconnu de son temps, il devient maître-régent de la Faculté de médecine de Paris. Homme d’Église, il devient chanoine de trois chapitres cathédraux. En Breton très impliqué, il est membre actif de la confrérie de Saint-Yves et œuvre à la refondation du collège de Cornouaille qui accueille à Paris des étudiants désargentés de son diocèse d’origine. Il remplit également des missions diplomatiques au nom du roi Charles V. C’est enfin un homme riche en rentes et en biens fonciers. Cette contribution vise à définir la trajectoire qui a conduit cet enfant de la Cornouaille bretonne à la régence médicale en l’Université de Paris et au service de deux rois de France.

      4. En cas d’empêchement d’un des trois orateurs précédents, Jean-François HUTINLe journal d’Adrien Cartier (1855-1925), médecin principal de la Marine

        Adrien Cartier (1855-1925), médecin principal de la Marine, à tenu son journal intime depuis son 21e anniversaire jusqu’à la veille de son décès à l’âge de 69 ans : soit un ensemble de 13 cahiers manuscrits inédits totalisant 1 500 pages, écrites sur un demi-siècle. Il y relate ses études à l’hôpital militaire de Saint-Mandrier, à Toulon, son premier voyage en Nouvelle Calédonie dans un convoi de forçats ; son arrivée au moment de la grande révolte canaque en 1878 ; son doctorat à Paris en 1882 ; sa campagne au Tonkin, au moment de la mort du commandant Rivière en 1883 ; son poste à Madagascar en 1887, qui sera l’objet d’une série d’articles dans les Archives de médecine navale ; ses tentatives infructueuses pour devenir professeur d’histologie ; son travail sur l’hygiène à Toulon couronné par l’Académie de médecine ; ses déboires pour passer médecin de première classe puis médecin principal ; ses débuts difficiles comme médecin de famille dans le XVIe arrondissement de Paris à partir de 1900, activité menée conjointement à celle de propriétaire terrien dans l’Hérault ; puis enfin, celle de médecin retraité, fréquentant assidûment les hôpitaux parisiens… Je me limiterai au domaine strictement médical car ce journal intime livre aussi un témoignage bouleversant de la Grande Guerre, dont deux de ses fils ne revinrent pas ; montre la vie d’un mari, dont les relations avec sa belle-famille ne sont pas toujours très cordiales ; d’un fils ravagé par la mort de son père puis de sa mère, pudiquement rapportées ; d’un chef de famille qui cherche un métier à son fils survivant de la guerre et un mari à sa fille ; d’un propriétaire terrien, confronté au mildiou et à des ouvriers récalcitrants ; et évoque, de manière éparse et volontiers aléatoire, de grands évènements qui secouèrent l’actualité. Tout cela fait de ce récit une véritable fresque historique d’un demi-siècle en France, à cheval sur le XIXe et le XXe siècle.

Réunion des 14 et 15 juin 2024

Résumés des journées de la SFHM à Lille, en collaboration avec l’Association du musée hospitalier de Lille.

Réunion du 17 mai 2024

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h

    • Conférence invitée (une heure)

      Jacques GONZALES : Selman Waksman et Robert Debré : de la pédologie à la pédiatrie, la streptomycine, premier traitement antituberculeux

      L’histoire de la tuberculose a fait l’objet d’une abondante littérature, même en dehors de la sphère médicale. Beaucoup croient, notamment chez nous, cette maladie disparue. La pandémie de Covid a créé un émoi mondial. Il est passé. La tuberculose, elle, fait 1,3 million de morts chaque année dont 200 000 enfants. Le nombre de nouveaux cas atteint 7,5 millions annuellement. De plus en plus de formes se révèlent résistantes à la plurithérapie classique. Le public l’ignore, et la vaccination n’est plus obligatoire en France à quelques exceptions près. L’Organisation mondiale de la Santé lance régulièrement des alertes visant à avoir éradiqué la tuberculose en 2030. Selman Waksman, découvreur du premier antituberculeux, la streptomycine, avait pourtant prédit sa disparition prochaine sur la planète. Il est mort, il y a cinquante ans, en 1973.

      2024 offre l’occasion de revenir d’abord sur l’histoire de cette découverte, il y a 80 ans. Waksman, avec de prestigieux élèves, comme René Dubos, a étudié, en pionnier, les microorganismes présents dans le sol, responsables de la décomposition des déchets enterrés. Cette pédologie est quasiment méconnue, même par les fervents de l’écologie qui fabriquent du compost. La terre contient des diamants, a écrit Waksman, un Ukrainien émigré aux États-Unis. Avec son équipe, il a en effet montré que les actinomycètes présents dans le sol produisent des substances antibiotiques, dont la néomycine ou la streptomycine. Quel coup de tonnerre lorsqu’ont été mises en évidence les vertus antituberculeuses de ce produit du Streptomyces griseus en 1944 !

      La méthode employée a été originale, faisant appel pour la première fois à un essai randomisé sur des cobayes. Sur l’homme, le pronostic vital étant en jeu, les essais qui datent de 1945 peuvent alimenter aujourd’hui encore des débats éthiques, d’autant que ce médicament potentiellement salvateur s’était rapidement avéré toxique pour l’oreille interne, l’audition et l’équilibre.

      Waksman, non médecin, devenu américain, a reçu le Prix Nobel de médecine ou physiologie en 1952, comme « bienfaiteur de l’humanité », bien que Schatz, un de ses étudiants, ait contesté sa découverte tout au long de sa vie. Il est apparu tôt que la streptomycine efficace dans les tuberculoses pulmonaires, urinaires, ne sauvait pas les enfants atteints d’une méningite. Les Américains avaient du reste renoncé à son emploi abandonnant ces petits à leur destin fatal ; mais Waksman accepta d’accorder quelques doses pour que trois équipes pédiatriques européennes poursuivent des essais. Robert Debré, avec quelques collaborateurs, obtint les premiers succès en ajoutant aux intramusculaires des injections intrathécales. Ce succès français reste largement méconnu. J’en suis pourtant un des témoins, comme un des premiers survivants de cette méningite dans le monde. Soigné à l’hôpital des Enfants-malades durant plus d’un an, par l’équipe de Debré, la streptomycine a détruit mes vestibules mais, allongé plus de quatre ans pour un mal de Pott, la découverte que je deviendrai un mal marchant – un handicap invisible – pour le restant de mes jours, a demandé quelques mois. Devenu médecin, j’ai pu connaître tous les dessous de cette révolution médicale et suivre jusqu’ici l’actualité de la « peste blanche ». Je viens d’en publier un livre.

      Aujourd’hui, la tuberculose reste une menace planétaire, et elle est à notre porte. La recherche de médicaments nouveaux même pour vaincre les formes pharmacorésistantes, détectables par la génétique, en proportion croissante, a été stoppée pendant des décennies. L’accès aux thérapeutiques manque dans bien des pays. L’exposition forte des malades immunodéprimés par le VIH ou par une chimiothérapie, la prolifération actuelle des conflits armés entraînant des crises humanitaires obèrent encore les chances de venir rapidement à bout de ce fléau persistant. Un réveil collectif des consciences est indispensable pour agir enfin efficacement dans la lutte contre la tuberculose.

    • Communications (20 minutes)

      1. Anne DENEUVE : De l’herbe de la joie des Sumériens à l’opioid free anesthesia d’aujourd’hui : 5000 ans d’utilisation des opiacés en médecine

        De tout temps, le soulagement de la douleur a été une préoccupation des médecins. L’opium, issu du Papaver somniferum, est connu depuis des millénaires. Les premières traces écrites remontent au peuple sumérien, 3000 ans avant notre ère. Les Égyptiens, les Grecs et les Romains utilisaient l’opium pour soulager la douleur, mais aussi pour ses effets antidiarrhéiques bien connus. Le peuple arabe, très avancé dans le domaine des sciences et notamment de la médecine, préconisait également ce remède, largement mentionné dans le Canon d’Avicenne, préparé de multiples façons. Son utilisation sous forme de laudanum permit une large diffusion, de même que sous forme de thériaque, panacée utilisée notamment par Galien, et qui apparaissait encore dans le Codex de 1908 en France. Malheureusement, l’usage détourné de l’opium mena à une toxicomanie de masse, notamment en Chine au XIXe siècle, mais aussi en Europe, avec l’apparition de la forme inhalée, mais aussi sous forme injectable de son principal alcaloïde, la morphine. Aujourd’hui les opiacés et les opioïdes sont prescrits par tous les médecins pour soulager efficacement la douleur, y compris au cours des anesthésies générales. La persistance d’effets secondaires a mené à mettre au point de l’opioid-free anesthesia, petite révolution dans le monde de l’anesthésie moderne.

      2. Patrick VINCELET : François Jacob compagnon de la Libération et écrivain

        L’honneur me fut donné par l’association des Compagnons de la Libération et des écrivains combattants d’écrire quelques lignes à propos de François Jacob (1920-2013, prix Nobel de médecine ou physiologie en 1965), l’un des 150 d’entre eux qui ont laissé des écrits. Nous fûmes 79 écrivains à être sollicités. L’ouvrage est paru sous la direction d’Alfred Gilder et François Broche, Compagnons de la Libération écrivains (Éditions Glyphe, 2024). J’ai développé mes trois pages initiales pour proposer cette présentation devant la SFHM, dont se réjouit l’Association des écrivains combattants.

      3. Vincent RELIQUET : L’utilisation des sérums marins en médecine, dentisterie et art vétérinaire

        [Résumé non communiqué].

 

Réunion du 26 avril 2024

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-17h

Entrée libre, sous condition d’inscription préalable (secretariat.sfhm@gmail.com) pour les participants qui ne sont pas membres de la SFHM, étant donné le nombre limité de places dans la salle.

    • Conférence invitée (une heure)

      Jean-François DELFRAISSY : Quelques réflexions sur 40 ans de bioéthique en France

      Éminent acteur de l’étude et du traitement du Sida, président du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) depuis 2016 et auteur, avec Pierre-Henri Duée et Emmanuel Didier, de Quarante ans de bioéthique en France, 1983-2023 (Paris, Odile Jacob, 2023), J.-F. Delfraissy résumera les travaux et les enjeux du Comité depuis sa création : questions liées au développement de la génétique et du numérique, pandémie du coronavirus, influence de l’éthique sur l’évolution du droit, etc. ; soit une réflexion globale sur les liens modernes entre la société et ses maladies.

    • Communications (20 minutes)

      1. Michel CAIRE : Charles VI le bien-aimé, roi de France et la « purgacion par la teste »

        Charles VI (1368-1422), monté sur le trône de France en 1380, a souffert par intermittence de graves troubles mentaux, qui ne l’ont cependant pas empêché de règner jusqu’à sa mort. La première crise, suivie en trente ans d’une quarantaine d’autres, était survenue le 5 août 1392. Dès lors, divers moyens furent été employés pour abréger ses souffrances et la durée des épisodes : piété religieuse (prières, processions et pèlerinages), traitements magiques (quelques magiciens et autres sorciers payèrent leur échec de leur vie), recours à la médecine surtout.
        Les nombreux médecins appelés à intervenir auprès du monarque mirent tout naturellement en œuvre les thérapeutiques en cours en ce bas moyen-âge : mesures hygiéniques, repos au bon air, saine nourriture, distractions (incluant le divertissement érotique procuré par Odinette, la « Petite Reine »), et surtout toutes les méthodes qui purifient, stimulent, évacuent, en référence à la théorie des humeurs.
        En 1393, le duc de Bourbon revenant d’Italie « amena de Lyon sur le Rhone ung fizicien ou medecin tres excellent, lequel medicina le roy et lui fit purgacion par la teste. Par quoy il assouaga. Dont tout son peuple oult merveilleusement grant joye ». Cet évènement a suscité plusieurs hypothèses sur la nature du traitement pratiqué sous le nom de « purgation par la tête » par ce fameux médecin lyonnais, Gérard de Lacombe, et qui soulagea si bien le roi fou : peut-il s’agir d’une trépanation ou forage de l’os crânien, d’une cautérisation du chef qui n’implique pas de percer l’os, d’une simple incision du cuir chevelu, de la saignée d’une veine de la tête, de l’emploi d’un sternutatoire ou encore d’une purge au sens propre du terme ?

      2. Olivier WALUSINSKI : Tony Robert-Fleury (1837-1911) et son tableau « Pinel, médecin en chef de la Salpêtrière délivrant les aliénés de leurs chaînes »

        En 1876, Tony Robert-Fleury (1837-1911) présentait au Salon son tableau « Pinel, médecin en chef de la Salpêtrière délivrant les aliénés de leurs chaînes » qui a été, depuis, l’objet de nombreux commentaires de la part des historiens de la psychiatrie. À partir d’archives méconnues, picturales et critiques, nous proposons ici de montrer la genèse de cette toile et des variantes d’étude, qui l’ont précédée, en la replaçant dans le contexte historico-médico-politique dont elle témoigne.

      3. Bruno MAES : Le rôle de la compassion dans la guérison : malades et soignants dans l’Ordre hospitalier des frères de Saint-Jean de Dieu (1572-1790)

        Jean de Dieu, né João Cidade le 8 mars 1495 à Montemor-o-Novo au Portugal et mort le 8 mars 1550 à Grenade, est un religieux espagnol d’origine portugaise, qui se consacra aux indigents et donna naissance après sa mort à l’Ordre hospitalier de Saint-Jean de Dieu, spécialisé en particulier dans le secours aux aliénés mentaux.
        Le 20 janvier 1537, à l’âge de 42 ans, João Cidade se rend à un sermon du carme Jean d’Avila. Il est bouleversé et se convertit. Une partie de la population le prend même pour un fou, et il est interné avec les aliénés. Le traitement qu’il subit est celui des fous : les deux « F », le fer (l’enchaînement) et le fouet. Il est libéré 9 mois après, et Jean d’Avila devient son confesseur. Pour Jean de Dieu, les aliénés ne sont ni des ensorcelés ni des criminels, mais des malades qu’on guérit en les soignant avec compassion.
        L’Ordre s’installe en France avec la deuxième femme d’Henri IV en 1602, Marie de Médicis, frappée par le côté moderne de leurs soins et leur foi catholique. La maison mère se trouve à Paris rue des Saints-Pères, dans un lieu aujourd’hui occupé par la Faculté de médecine homonyme.
        Le sens de la compassion est de permettre aux frères de soigner les malades tout en passant beaucoup de temps avec eux pour mieux les connaître : pour les moins atteints, par le jardinage, les jeux de société, les promenades, etc.
        Philippe Pinel, qui avait travaillé avec eux dans la France d’Ancien Régime, poursuit leur travail à l’hôpital de Bicêtre en 1793. Il avait continué à apporter la compassion, mais sous couvert des Lumières. Ces deux modèles montrent le rôle dynamisant de l’humanisme, qu’il provienne de la foi chrétienne ou de la philosophie des Lumières.

Réunion du 22 mars 2024

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-16h

    • Présentations (15-20 minutes) et remises du prix du livre 2023 (SFHM et Académie de médecine) et des prix de thèses 2022-2023 (SFHM)

      1. Laurence PLÉVERT : Augusta Klumpke, pionnière de la médecine (livre primé par la SFHM et l’Académie nationale de médecine en 2023)

        En 1885, Augusta Klumpke, étudiante à la Faculté de médecine de Paris, se lance dans un long combat pour acquérir le droit de passer le prestigieux concours de l’internat, jusqu’alors réservé aux hommes. Une femme interne en médecine ? C’était la porte ouverte à toutes les velléités féminines ! Une terrible polémique divisa alors la France et se transforma en affaire d’État. A. Klumpke obtint finalement le droit de passer ce concours et devint la première femme interne des hôpitaux de Paris, elle se heurta à ce que l’on appelle aujourd’hui le plafond de verre. Elle arrêta alors l’internat mais devint, auprès de son mari Jules Déjerine, une neurologue de renommée mondiale… avant de sombrer dans l’oubli, après son décès en 1927.

      2. Alice AIGRAIN : Des corps malades sous l’objectif. La photographie médicale dans les musées hospitaliers parisiens (1866-1945)

        À partir de 1866, le médium photographique s’institutionnalise dans le champ médical parisien grâce à la mise en place d’une politique volontariste de la part de l’Assistance publique. Cette thèse se propose de mettre en perspective ce moment particulier des rapports de la médecine à la photographie en interrogeant les usages – revendiqués ou non – et le statut du médium pour les sciences médicales jusqu’aux années 1945. Dans une démarche croisant l’histoire patrimoniale et les études visuelles, cette recherche se propose de dresser une histoire sociale et culturelle de l’appropriation de la photographie par le corps médical à des fins de représentation des corps malades. Pour ce faire, six musées et leurs collections sont étudiés dans leur singularité ainsi que dans les permanences qui se dessinent entre eux : les musées de l’hôpital Saint-Louis, de l’hospice de Bicêtre, de la clinique Baudelocque, de l’hôpital Boucicaut, le musée Déjerine et celui du Val-de-Grâce.
        Cette recherche met au jour la multiplicité des projets tant scientifiques, politiques, professionnels voire commerciaux que porte la photographie médicale : les usages du médium ne peuvent dès lors se résumer à des enjeux d’objectivité et de documentation scientifique. Ce travail s’organise autour de trois périodes chronologiques : les années 1860 à 1890 sont celles de l’institutionnalisation progressive du médium dans le monde médical ; les années 1890 à 1910 sont celles d’une généralisation de l’usage de la photographie en médecine ; les années d’entre-deux-guerres sont marquées par un réinvestissement du corps médical dans les musée hospitaliers et leurs collections photographiques.

      3. Sophie PANZIERA : Le sommeil au XIXe siècle. Normes et imaginaires du dormir (1770-1914)

        Le XIXe siècle constitue un moment charnière dans la compréhension médicale du sommeil. De chose non naturelle relevant de l’hygiène, il devient une fonction physiologique indispensable au fonctionnement de la vie animale. Ses dysfonctionnements sont alors constitués en maladies à part entière, nécessitant non plus une prise en charge hygiénique et morale, mais thérapeutique. Répondant en partie à une demande sociale, le discours médical propose ainsi au XIXe siècle une nouvelle rationalisation de l’exercice et de la durée nécessaire du sommeil, tout en accentuant sa prise en charge médicale.

      4. Michel AOUN : De l’âme ou la dérive cardiocentrique des cerveaux

        La nature et la localisation de l’âme ont longtemps intrigué philosophes et médecin dans leur quête de la vérité. Depuis la nuit des temps, l’humanité plaça en son cœur l’âme du monde, le brasier de ses passions, les arcanes de sa raison et toutes les facultés qui font de nous ce que nous sommes. L’effort des penseurs à travers les siècles et les civilisations a permis de remettre en question la domination du cardiocentrisme ancestral. L’exploration de l’âme étant intimement lié à la découverte du cerveau, elle devait nécessairement traverser la plus décisive des évolutions, celle de l’encéphalocentrisme. Ce mémoire retrace les fondements civilisationnels du cardiocentrisme, les courants philosophiques clés et les révolutions majeurs qui menèrent à notre compréhension actuelle du cerveau. Nous voguerons sur les doctrines, dogmes et paradigmes des origines aux Temps modernes sous le prisme de la médecine, de la philosophie et de la religion puisque ainsi furent bâtis nos mondes et ainsi disparaitront ils.

      5. Thomas DAOULAS : Identité et instrumentation du « chirurgien » dans le monde romain. Application aux découvertes bretonnes

        Le chirurgien est un personnage mal connu dans l’Antiquité. Pourtant les textes anciens et les instruments retrouvés sur les sites de fouilles archéologiques soulèvent l’hypothèse d’un grand soin apporté à l’acte opératoire. L’objectif de ce travail est de décrire l’identité du chirurgien dans le monde romain, de définir ses instruments et de déterminer ou non la présence de traces d’hypothétiques chirurgiens antiques en Bretagne.

Réunion du 23 février 2024

Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, Paris VI, 14h-16h

    • Conférence invitée (une heure)

      François RENAUD : Le Dr Émile Roux (1853-1933), aussi célèbre que méconnu

      Fidèle lieutenant de Pasteur, certains l’ont même appelé le « moine laïc », Pierre Paul Émile Roux (1853–1933), a participé aux travaux de Pasteur sur le choléra des poules et la maladie du charbon. Il prit part, à ses côtés, à la controverse contre Henry Toussaint sur la vaccination contre le charbon. Roux mit finalement au point le vaccin utilisé par Pasteur, mais en utilisant, sans le reconnaître, la méthode de Toussaint et non celle de Pasteur, qui était inefficace : ainsi Roux sauva-t-il le prestige du grand savant.

      Il travailla ensuite sur la rage qui était son sujet de thèse. À ce sujet, les deux hommes se brouillèrent et Pasteur mit finalement au point le vaccin contre la rage, en utilisant, sans lui dire, la technique de son fidèle ami Roux ! Devant un tel succès, Pasteur créa un établissement vaccinal, son laboratoire de la rue d’Ulm étant submergé par les patients atteints de rage. Réconcilié avec son maître, Roux fut chargé de mettre en place les bâtiments de « l’institut Pasteur », laboratoires compris.

      Avec Yersin, Roux travailla ensuite sur la diphtérie et la sérothérapie antidiphtérique. Au nouvel Institut Pasteur, Roux fonda le cours de microbie technique. Il fut ensuite nommé directeur de l’Institut en 1904, après Pasteur et Duclaux, et le resta jusqu’à sa mort, en 1933. C’est aussi lui qui fonda l’Hôpital Pasteur. Menant une vie très simple, il eut une vie amoureuse très discrète mais aussi très riche. Il mourut à 80 ans d’un épanchement de la plèvre.

    • Communications (20 minutes)

      1. Serge ROSOLEN : Une brève histoire comparée de la chirurgie de la cataracte chez l’homme et les animaux, en France

        La cataracte est la principale cause de cécité chez les humains et chez les animaux. Dans les deux cas, et quelle qu’en soit la cause, elle se traite chirurgicalement. Il n’est pas étonnant que l’histoire comparée de la chirurgie de la cataracte chez les humains et chez les animaux présente des similitudes et des apports réciproques pour un bénéfice mutuel des patients, humains ou animaux. Deux techniques ont coexisté : abaissement et extraction. La première a été utilisée dès l’Antiquité. La seconde s’est développée à partir du XVIIe siècle et a prévalu depuis ; sa mécanisation, grâce à la phaco-émulsification, a également permis de rendre les résultats moins dépendants de l’opérateur et donc plus accessible à de nombreux chirurgiens des deux médecines.

      2. Alain GOLDCHER : Biographie du Dr Jean-Noël Hallé, médecin ordinaire de Napoléon Ier

        Jean-Noël Hallé (1754-1822) était issu d’une famille d’artistes, comptant notamment deux peintres ordinaires du roi, mais il choisit de suivre une voie médicale et scientifique. Il enrichit ses connaissances dans de nombreux domaines : littérature, langues (latin, grec, italien, espagnol, anglais, allemand), puis la médecine et les sciences, en particulier la chimie, la physique, la physiologie, la botanique et d’autres savoirs qu’il allait utiliser pour donner naissance à la médecine moderne, grâce au soutien de ses amis Corvisart et Fourcroy.

        Avant l’obtention de son diplôme de docteur en médecine, le 14 septembre 1778, il avait intégré, en qualité d’associé ordinaire, la prestigieuse Société royale de médecine, l’équivalent de notre Académie nationale de médecine actuelle. Travailleur infatigable, il cumula pendant toute sa vie des fonctions de médecin libéral dans un cabinet à Paris, de professeur en médecine à l’École de santé puis à la nouvelle Faculté de médecine, de chercheur dans un laboratoire qu’il avait équipé à l’École de médecine, et au sein de plusieurs sociétés savantes prestigieuses, de référence, tout en assurant une vie familiale réussie et des amitiés solides. Le célèbre chirurgien militaire Pierre-François Percy, le désigna comme « l’arbitre et le flambeau » de la science de guérir. Pour cette raison, Hallé fut mis à contribution par ses confrères pour rédiger de très nombreux articles et rapports. Les sujets concernent avant tout la santé quotidienne des Français du début du XIXe siècle.

        Son domaine de prédilection resta l’hygiène. Fourcroy créa pour lui, avec le doyen Thouret, la première chaire de cette spécialité en France ; elle devint une des références européennes. Hallé a été le premier à distinguer les deux branches de l’hygiène, privée et publique (méphitisme, eaux polluées de Paris). Le plan de ses cours annuels comportait une centaine d’items et l’on comprend que ses connaissances encyclopédiques aient bloqué la rédaction de la « bible » tant attendue par ses collègues, qui lui aurait certainement ouvert une notoriété internationale durable comme l’a affirmé Percy : « Il devait rassembler ses leçons si précieuses et en composer un ouvrage régulier qui eût mis le sceau à sa réputation, et rempli la longue attente du public, des maîtres et des élèves ; mais le sort impitoyable en a décidé autrement ».

        Toutes les recherches de Hallé eurent pour but d’améliorer soins prodigués aux patients quelle que soit leur fortune ou leur notoriété, trait de caractère qu’il partagea avec son ami le chirurgien Percy. Il s’illustra aussi dans le perfectionnement des remèdes, dans la validation de leur efficacité, contribuant à la rédaction du premier codex national français (en latin, paru en 1813), l’ancêtre de notre Vidal actuel. Sur le plan thérapeutique, il milita avec passion pour la vaccination, se montrant un farouche défenseur français de la méthode de Jenner, malgré la guerre entre la France et la Grande-Bretagne. Par ses travaux innovants sur l’utilisation de l’électricité en médecine, il favorisa la reconnaissance des recherches d’André-Marie Ampère et d’autres physiciens illustres.

        Sa grande notoriété et ses recherches lui permirent d’entrer en relation avec la plupart des personnalités françaises et étrangères de son époque : Ampère, Arago, Baudelocque, Bichat, Broussais, Buffon, Carnot, Chaptal, Corvisart, Cuvier, Desgenettes, Dupuytren, Esquirol, Fouché, Laennec, La Rochefoucauld, Larrey, Monge, Necker, Percy, Pinel, Talleyrand, parmi les plus connus. Tous ont eu des relations avec lui et « tous ses confrères reconnaissaient qu’il était un des médecins le plus instruits et certainement un des mieux instruits » (éloge funèbre de Jean-Jacques Leroux, doyen de la Faculté de médecine de Paris). Ses convictions religieuses et son humanité sans égale, le décidèrent à défendre Antoine Lavoisier, seul, devant le Tribunal révolutionnaire.

        La chance lui permit de se lier d’amitié, dès les années 1780, avec Jean-Nicolas Corvisart. Tous les deux, bien que de personnalités très différentes, allaient combattre pour imposer en France une nouvelle médecine, plus scientifique, enseignée en grande partie au lit du malade dans les hôpitaux. Connaissant le caractère désintéressé et la notoriété de Hallé, Corvisart lui offrit le poste prestigieux de médecin ordinaire de Napoléon Ier, second poste de médecin dans la Maison médicale de l’Empereur c’est-à-dire remplaçant du premier médecin en cas de défection. Hallé fut ainsi appelé en consultation auprès de plusieurs membres de la famille Bonaparte en particulier Louis, Elisa et Pauline, leurs familles et leurs amis. Napoléon, membre comme lui de la première classe de l’Institut, connaissait bien Hallé et envisagea même d’en faire son médecin personnel. Il y renonça mais fit souvent appel à ses compétences en lui confiant de multiples missions en faveur de la santé des Français.

        Un des aspects singuliers de la carrière de Hallé résida dans le fait qu’il continua à mener toutes ses activités en dépit des troubles politiques de la France, poursuivant sans relâche son art sous la royauté, la période révolutionnaire, l’épopée napoléonienne et la restauration, sans avoir été inquiété bien qu’héritier du titre paternel de chevalier du roi. Hallé a connu dans l’intimité plusieurs rois et souverains, ainsi qu’un grand nombre de personnalités de premier rang dans le monde politique, médical et scientifique mais aussi artistique. Lors de la Restauration, Louis XVIII le choisit comme médecin personnel de sa famille et de son frère le futur Charles X. La naissance de la médecine moderne doit beaucoup à Hallé qui pensait, avant la réforme Debré, que chaque médecin devrait avoir des connaissances en physique et en chimie.

Réunion du 19 janvier 2024

    • Conférence invitée (une heure)

      Geneviève XHAYET : Autour du savoir médical du haut moyen âge occidental : la médecine monastique

      La médecine du haut moyen âge occidental est tantôt désignée comme présalernitaine, en référence à l’École de Salerne qui introduisit la médecine gréco-arabe en Occident, tantôt comme monastique, en raison du cadre abbatial où elle se développa entre les alentours du VIe et le XIIe s. Quelle que soit son appellation, cette médecine reste surtout mal connue, car mal servie par une documentation pauvre, et son image réduite à quelques clichés : le discours de Cassiodore aux religieux de Vivarium, le plan de Saint-Gall et son jardin de simples, ou encore, à l’extrême fin de la période, l’emblématique figure de l’abbesse Hildegarde de Bingen, théologienne, musicienne et autrice de traités médicaux. Sans prétendre éclairer toutes les facettes de cette pratique et du savoir qui la sous-tendit, l’exposé tentera d’en brosser certains contours, avec entre autres fils conducteurs, la question du rapport qu’entretint cette médecine avec le savoir médical antique, sorte de paradis perdu auquel l’École de Salerne rouvrira plus tard les voies d’accès.

    • Communications (20 minutes)

      1. Levon DOURSOUNIAN : Les avatars de l’Hôtel-Dieu de Paris

        L’Hôtel-Dieu de Paris occupe dans l’Île de la Cité un rectangle bordé au sud, par le Parvis Notre-Dame, au nord par le quai de la Corse, à l’ouest et à l’est par les rues de la Cité et d’Arcole. Il a été construit à partir de 1866 sur l’ancien quartier des Ursins qui a été entièrement rasé. Le plan général du bâtiment hospitalier, dit en double peigne, est celui esquissé par l’architecte Poyet au XVIIIe s. et mis en œuvre par Gilbert et Diet. La disposition des locaux est conforme aux idées des hygiénistes du XIXe s. Il a été inauguré en 1877 par Mac Mahon sous la IIIe République.
        Auparavant, l’Hôtel-Dieu médiéval se situait de l’autre côté du Parvis actuel et sa construction avait été contemporaine de celle de Notre-Dame (XIIe-XIIIe s.). La Maison-Dieu à ses débuts longeait le bras sud de la Seine et s’est étendu au cours des siècles. Elle a progressivement enjambé le fleuve pour finalement, au XVIIIe s., s’incorporer son bras sud. Un grand incendie survenu en 1772 a totalement détruit l’Hôtel-Dieu médiéval. Après de longues polémiques sur le choix du lieu de reconstruction, il a été décidé de le restaurer sur place. Le visage de l’Hôtel-Dieu durant toute la première moitié du XIXe s. était celui d’une austère caserne avec une entrée néoclassique caractéristique, ouverte sur le parvis. L’Hôtel-Dieu était alors le phare de la chirurgie occidentale en raison de la réputation de ses chirurgiens. Guillaume Dupuytren a été la figure dominante de ce rayonnement chirurgical et sa statue imposante scrute la cour centrale de l’hôpital actuel. La réorganisation urbaine de l’Île de la Cité imposait la destruction de l’ancien Hôtel-Dieu. Le choix du site actuel a été arrêté par Napoléon III et le baron Haussmann afin de le maintenir au voisinage de Notre-Dame tout en dégageant la vue sur la cathédrale.
        L’Hôtel-Dieu d’aujourd’hui a hébergé de nombreux chirurgiens célèbres. Nous évoquons particulièrement la mémoire de deux d’entre eux car ils ont laissé leur nom sur les murs de l’hôpital : Just Lucas-Championnière et Aimé Guinard.
        A la fin du XXe s., la démographie parisienne, l’organisation urbaine et la modernisation des techniques de soins ne permettaient plus le maintien d’une pareille structure hospitalière au cœur de la Cité, de sorte qu’au début du XXIe s. quasiment toute l’hospitalisation avait quitté le bâtiment.
        Actuellement, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris entreprend une ambitieuse rénovation de l’établissement autour de 3 axes principaux : médico-social, recherche et commercial qui permet de financer l’ensemble du projet.

      2. Jean-Pierre DEDET : Charles de L’Écluse (1526-1609), itinéraire d’un médecin naturaliste de Montpellier à Leyde

        Le botaniste voyageur Charles de l’Écluse, ou Clusius (1526-1609), flamand d’origine française, naquit à Arras. Il étudia d’abord dans plusieurs villes, avant de s’inscrire au Collège Royal de Médecine de Montpellier, nom qu’avait pris l’Université médicale fondée en 1220 par le cardinal Conrad d’Urach, légat du pape Honorius III.
        À Montpellier, l’enseignement médical, hérité de l’École de médecine de Salerne et enrichi des influences juives et arabes, avait été d’abord principalement basé sur l’étude des auteurs anciens ; mais grâce au courant de pensée humaniste du XVe s. qui replaça la nature au centre du savoir, l’histoire naturelle acquit une place centrale dans l’enseignement. Cette orientation naturaliste fut déterminante dans le développement des disciplines d’observation du vivant que sont l’anatomie et de la botanique. Le XVIe s. fut l’époque des médecins naturalistes, parmi lesquels Guillaume Rondelet (1507-1566) occupa une place prépondérante.
        Médecin à la fois anatomiste, zoologiste et botaniste, Rondelet fut régent du Collège royal de médecine de Montpellier à partir de 1545, puis chancelier de 1556 à sa mort. Il fut un remarquable chef d’école grâce auquel la botanique connut un développement exceptionnel à Montpellier avec de grands noms tels Pierre Richer de Belleval et son Jardin botanique royal, puis Pierre Magnol au XVIIe s. Rondelet sut attirer et former à Montpellier de nombreux botanistes dont certains, tels Charles de l’Écluse, mais aussi Jacques Daléchamps, Mathias de Lobel, les frères Bauhin ou encore Conrad Gesner, essaimèrent dans divers pays d’Europe, portant loin la renommée de l’École de Montpellier.
        Charles de l’Écluse fut l’élève de Rondelet, durant ses trois années d’études médicales à Montpellier, où il obtint le doctorat en 1559. Après plusieurs voyages d’herborisation dans divers pays d’Europe, il séjourna à Vienne durant 14 ans, auprès des empereurs du Saint-Empire, dont il dirigea le jardin botanique. Il devint, en 1593, professeur de botanique à l’université de Leyde et directeur du jardin botanique de cette ville.
        Charles de l’Écluse décrivit de façon vraiment scientifique plusieurs milliers de végétaux, d’où son surnom de « prince des descripteurs ». Il fut le fondateur de la mycologie et de l’horticulture modernes.

Réunion du 15 décembre 2023

  • Conférence invitée (une heure)

    François BOLLER : Effets du vieillissement et des lésions cérébrales chez les artistes

    Au cours de cette présentation (co-auteur N. Caputi, Rome ) nous revisiterons les trois artistes qui avaient fait l’objet du fameux mémoire de Théophile Alajouanine (1948) : Valery Larbaud et son aphasie insolite ; Paul Gernez et l’influence de son accident vasculaire cérébral (AVC) sur ses œuvres ; Maurice Ravel et l’effet de sa maladie, toujours énigmatique, sur sa production musicale. Nous discuterons également l’effet du vieillissement cérébral chez les peintres (en particulier Claude Monet) ainsi que celui des AVC en contrastant les lésions des hémisphères gauche et droit.

  • Communications (20 minutes)

    1. Philippe ALBOU : Maxime Laignel-Lavastine : un parcours original dans la première moitié du XXe siècle

       

      Maxime Laignel-Lavastine (1875-1853), ancien président de notre Société, fut auteur de plus de mille publications dans des domaines aussi variés que la neurologie, la psychiatrie, la criminologie ou l’histoire de la médecine. Cet exposé reprendra en partie le chapitre que nous lui avons consacré dans la revue e.SFHM n°4-2023, avec en particulier la présentation des caricatures parues dans Chanteclair et dans Ridendo, enrichi de commentaires et de nombreuses citations, afin d’illustrer son parcours original et l’image positive qu’il avait auprès de ses confrères.

    2. Fazia CHELIOUT-HÉRAUT : Le médecin général Pierre-Alphonse HUARD (1901-1983)

       

      Le médecin général Pierre Alphonse Huard (1901-1983) fut le parfait représentant de la médecine militaire coloniale française au XXe siècle. Sorti major en 1924 de l’École de santé navale de Bordeaux, prosecteur de chirurgie à la Faculté de médecine de Bordeaux, il fut affecté en Syrie en 1925, où il procéda à de nombreuses évacuations de blessés à dos de mulets bâtés de cacolets lors des guérillas menées par les Druzes. Rapatrié sanitaire de Syrie en 1927, il fut reçu à l‘agrégation de la chaire de clinique chirurgicale et de chirurgie de guerre en 1928 et enseigna à l’École d’application du Pharo à Marseille jusqu’à sa nomination en Indochine en 1933 où il resta jusqu’en 1955. Devenu professeur agrégé en chirurgie et enseignant à l’École de médecine de Hanoi, il fut mobilisé en 1939, et se trouva par hasard à Dakar lors de la tentative de débarquement des Forces françaises libres en 1940. Il connut l’occupation japonaise en Indochine de 1940 à 1945 puis les douloureux combats de la guerre d’Indochine de 1946 à 1954. Son prestige d’enseignant et son empathie pour le peuple indochinois lui permit la délivrance sous l’égide de la Croix-Rouge internationale de plusieurs centaines de soldats français blessés prisonniers du Vietminh. De retour en France, il fut recteur fondateur de l’université d’Abidjan en Côte d’Ivoire (1964 à 1966) puis de 1970 à 1979 directeur de la Faculté de médecine des Saints-Pères (Université Paris Cité). Homme de grande culture, passeur de connaissances dans une dimension universelle, à l’origine de nombreux articles scientifiques et ouvrages médicaux et historiques, il devint président de la Société française d’histoire de la médecine. Le destin a voulu qu’il connaisse une fin tragique à proximité de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce où, par la suite, les derniers honneurs lui furent rendus en présence des plus hautes autorités civiles et militaires.

    3. Chantal QUEVILLY : Ernest Hamy et les Pays-Bas, en particulier, la ville de Leyde

       

      Ernest Hamy, né en 1842, fut le deuxième président de la Société française d’histoire de la médecine, de 1905 à 1907. Médecin, ethnologue, il reçut la mission de visiter les musées d’ethnographie existant dans diverses capitales dont Leyde. Il entretenait une correspondance avec C. Leemans, égyptologue néerlandais, et fit son ex-libris d’une gravure tirée des Observationes Medicæ (1641), de Nicolaus Tulpius, professeur de l’Université de Leyde.

Réunion du 24 novembre 2023

  • Conférence invitée

    David LABREURE : Céline, un médecin à l’œuvre

    Médecin et écrivain: c’est bel et bien dans une « double vie » que s’est engagé Louis Ferdinand Destouches, dit Céline. Praticien touche à tout, de l’hygiénisme international à la médecine de dispensaire, de la recherche à la mise au point de médicaments, peu d’aspects de la pratique médicale lui sont étrangers. L’expérience médicale du Docteur Destouches a été un terreau fertile pour l’œuvre littéraire de Céline mais c’est également en médecin qu’il parle aussi dans ses terribles pamphlets antisémites. C’est ce continuel dialogue à trois voix entre l’homme, le médecin et l’écrivain que nous tenterons de restituer.

  • Conférences de 20 minutes

    1. Jacques CHEVALLIER : Claude Bernard et la littérature

       

      « Les lettres sont les sœurs ainées des sciences », dit Claude Bernard (1813-1878) dans son discours de réception à l’Académie française. Une vocation littéraire avec l’écriture précoce de deux pièces de théâtre encadrera sa vie de scientifique. Mais la publication posthume d’Arthur de Bretagne, cher à son cœur, est finalement retirée du commerce par sa veuve et ses enfants.

      Claude Bernard rencontre ou côtoie de nombreux écrivains, notamment dans les salons mondains : Prosper Mérimée, Théophile Gauthier, les Goncourt, Edmond About, Ernest Renan, Émile Littré, Charles-Augustin Sainte-Beuve ; puis aussi à la coupole lorsqu’il siège à l’Académie.

      La méthode expérimentale et le concept de milieu intérieur sont récupérés massivement par la critique littéraire. Bien devant Louis Pasteur, Claude Bernard est le quatrième scientifique le plus cité à l’époque. Au-delà de la littérature, son influence va toucher la philosophie avec Henri Bergson et la sociologie avec Émile Durkheim. La philosophie de Cl. Bernard, fondée sur le déterminisme, a eu une importance capitale.

      Le Roman expérimental d’Émile Zola, paru en 1880, se réfère entièrement à l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale de 1865. Il est à la base de de la théorisation du mouvement naturaliste.

      Gustave Flaubert, Edmond About, les frères Goncourt, Léon Daudet, Charles Baudelaire, Jules Verne, Fiodor Dostoïevski, Jules Romains, etc. ont été influencés ou ont commenté Claude Bernard. On lui a même attribué une amitié imaginaire avec Honoré de Balzac.

      Si l’on peut qualifier Claude Bernard, éminent physiologiste de « fondateur de la médecine moderne », ses rapports avec la littérature sont moins connus, intimes, sincères et finalement beaucoup plus importants qu’il n’y paraît !

    2. Louis-François GARNIER : La singulière activité du Docteur Horace Bianchon par Honoré de Balzac (1799-1850)

       

      Les dernières paroles de l’écrivain français Honoré de Balzac (1799-1850), avant sa mort, furent : « Il me faudrait Bianchon », mais le Docteur Horace Bianchon ne vint pas car il était une personne fictive en étant l’un des personnages qui revient le plus souvent dans l’œuvre de Balzac qu’est La Comédie humaine. Même si l’anecdote reste hypothétique, elle signifie que, pour Balzac, la fiction coexistait avec la réalité dans une sorte de contraction de l’espace-temps. L’activité romanesque d’Horace Bianchon, d’abord en tant que pauvre étudiant à Paris, puis comme médecin renommé, fut singulière, en prenant soin des patients selon les possibilités des traitements médicaux en ce début du XIXe siècle.

    3. Jacques ROUËSSÉ : Les docteurs Proust