La Société Française pour l’Histoire des Sciences de l’Homme a eu 20 ans et nous avons tenu à fêter cet anniversaire en organisant un colloque sur « l’histoire des sciences de l’homme au présent ». La manifestation avait pour ambition de faire le point sur les développements du domaine de l’histoire des sciences de l’homme, ceux de notre société depuis sa fondation, et de mettre tout particulièrement en lumière des chantiers actuels de la recherche.
Plus précisément, il s’agissait pour nous de mettre à profit cette date symbolique pour poser la question : à quoi sert l’histoire des sciences humaines et sociales ? Et d’ouvrir de la sorte une interrogation réflexive sur les pratiques de l’histoire des sciences humaines, sur ses apports à l’histoire de la connaissance, ses emplois dans la démarche scientifique contemporaine, et d’examiner l’usage des recherches sur le passé pour les recherches présentes et futures.
Le colloque s’est tenu à Paris les 31 mai et 1er juin 2007. Il a été inauguré par une conférence de Christian Topalov qui a évoqué les travaux menés au sein de la Société et plaidé pour la poursuite d’une tradition historiciste par essence libérale, laissant le passé ouvert aux interprétations et aux points de vue. Le texte de cette présentation sera publié dans un prochain numéro du Bulletin. Plusieurs points de vue sur la situation institutionnelle de l’histoire des sciences humaines ont ensuite été évoqués. D. Pechanski a exposé le projet d’organisation de très grands laboratoires au sein du CNRS et ses implications dans l’organisation d’une plus étroite collaboration entre équipes. S. Wolikow a présenté le réseau des Maison des sciences de l’homme mis en place depuis 2000 et posé la question d’une éventuelle présence de l’histoire des sciences humaines et sociales dans ce cadre. K. Chemla a fait un bilan provisoire de l’appel d’offre ACI « histoire des savoirs », insistant sur le nombre important des projets qui dans ce cadre portent sur l’histoire des sciences de l’homme (16 sur 34). Notant la séparation au sein du CNRS de l’histoire des sciences et de l’histoire des sciences humaines, elle a évoqué la fertilité potentielle de coopérations entre ces deux domaines.
Il s’est poursuivi par une session intitulée « sciences de l’homme, sciences de la nature : quelques approches croisées » où la question de la construction de la démarcation entre sciences de l’homme et sciences de la nature ainsi que la possibilité d’une histoire croisée de ces champs, a été évoquée selon différents points de vue.
Bernard Joly, président de la SFHST, parla de Bachelard et de l’histoire de la chimie ancienne, insistant sur la psychanalyse et la conception bachelardienne de la rupture épistémologique. Daniel Becquemont reprit la controverse des années 60 entre Lévi-Strauss et Ricoeur, où se jouaient deux conceptions différentes du sens ; enfin Jean-Philippe Bouilloud nous instruisit sur le renouvellement du pragmatisme que représente la pensée de Rorty.
La session suivante portait sur les archives. Elle a ouvert deux nouvelles perspectives pour la SFHS : en premier lieu, une orientation plus nette sur des champs de recherche qui concernent le XXe siècle. Les contributions visaient également à souligner le double caractère des archives des SHS de cette période, qui sont à la fois des sources indispensables, mais fragiles, peu connues pour l’histoire des SHS et qui sont encore des gisements de données possiblement réexploitables, parce qu’ils ne l’avaient pas été complètement, parce qu’il est possible de revisiter d’anciens chantiers, parce qu’il est possible de développer ainsi des recherches longitudinales. Par ailleurs, deuxième point, cette session a été l’occasion de concrétiser des liens avec le réseau des MSH et en particulier la MSH de Dijon qui a pris l’initiative d’une enquête nationale sur l’état des fonds en France. Dans son intervention, Serge Wolikow, responsable du réseau et président de la MSH Dijon a exprimé son souhait d’une collaboration plus étroite avec notre société. Les autres contributions ont mis en évidence les problématiques des archives sous différents angles. B. Muller a présenté le cas des archives personnelles à partir des papiers de Marc Bloch, Giles Laferté a présenté l’état de ses travaux sur la revisite de l’enquête RCP du Châtiollonais et Xavier Vigna est revenu sur la sociologie du travail en mai 68.
La dernière session du colloque était consacrée aux « Mots des sciences de l’homme ». Elle avait pour objectif de faire le point sur les travaux en cours engagées au sein de la SFHSH sous la responsabilité de Laurent Loty et de Marie-France Piguet (rubrique dans le bulletin depuis 2003, Journée d’étude en novembre 2006), et de rendre sensible la manière dont l’histoire des mots est partie prenante de l’histoire des sciences.
En introduction, Laurent Loty a présenté un premier état de l’enquête et de des réflexions en situant le projet dans le renouvellement d’une tradition épistémologique d’histoire du vocabulaire scientifique. Fernando Vidal et Marie-France Piguet ont montré ensuite comment l’émergence de la nouveauté lexicale et sa réception participaient des débats intellectuels du moment, en interrogeant deux mots emblématiques des sciences de l’homme, celui de psychologie aux 16ème-18ème siècles et celui d’individualisme au 19ème siècle. Il est revenu enfin à Jean-M. Goulemot de mettre en perspective dans sa conférence finale ces différents travaux, en traitant de la dénomination de savoirs nouveaux dans des moments de rupture, à travers les œuvres de Bodin et de Montesquieu.
Le colloque s’est clôt par la présentation du précédent bulletin, Anthologie des vingt ans d’activité, autour d’un pot amical.
Daniel BECQUEMONT
Jean-Philippe BOUILLOUD
Dominique OTTAVI
Marie-France PIGUET
avec la collaboration de
Bertrand MÜLLER et Nathalie RICHARD