Ecce iterum Crispinus, et est mihi sæpe vocandus ad partes, [1][2][3] c’est-à-dire que je vous écris derechef, sans compter ce que je ferai à l’avenir si la matière ne me manque pas. Martial [4] a dit quelque part qu’il aurait de la peine à s’empêcher de faire des vers et à brouiller du papier ; ainsi aurais-je de la peine à me retenir de vous écrire car j’y ai double satisfaction, l’une en vous écrivant et l’autre de ce que je crois que vous n’êtes point marri d’apprendre nos petites nouvelles. [5] Et pour commencer, en voici un qui a perdu plus que vous et moi, c’est M. Châtelain, [6] docteur de Sorbonne [7] et vieux chanoine de Notre-Dame, [8] qui mourut hier dans un âge fort décrépit. Il était bien temps qu’il mourût, il avait autrefois bien cherché la pierre philosophale [9] sans la trouver. Enfin, il l’a trouvée sans la chercher dans une bière de plomb où il est gisant. Croiriez-vous bien qu’il y eût encore de ces fous-là ? Oui certes, pour en juger à la huguenote. [2][10] Il n’y en a que trop qui n’ont point fait leur profit du colloque d’Érasme [11] contre les alchimistes, [3][12] et qui n’ont point lu le chapitre de la pierre philosophale dans les Discours politiques et militaires du sieur de La Noüe. [4][13] Je ne vous dis pas que lui et ses souffleurs ont fait de la fausse monnaie [14] car ce serait médisance et néanmoins, on fait quelquefois l’un sous ombre de faire l’autre.
Je viens de recevoir votre lettre. À ce que je vois, votre M. Guillemin [15] résiste à la mort qui le chicane. Dieu veuille que les eaux de Saint-Myon [16] lui profitent, mais j’en doute. Il y a trois remèdes dont le succès se connaît par l’épreuve qu’on en fait : le lait, [17] le bain et les eaux minérales. [18] Nous avons aussi un de nos médecins malade, c’est le bonhomme M. Perreau, [19] le contretenant de Des Gorris [20] et grand anti-antimonial, dont même il a écrit ; [5] il a 76 ans, ce qui est une mauvaise marchandise. Je suis toujours votre, etc.
De Paris, ce 23e de novembre 1660.
"Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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