L. 781.  >
À André Falconet,
le 25 mai 1664

Monsieur, [a][1]

J’ai reçu votre lettre par M. Colot, [2] dont je vous remercie, et suis ravi que monsieur votre fils [3] ait si bien fait en contentant les Messieurs de votre Collège. [4] Dieu lui fasse la grâce de continuer de mieux en mieux et d’y réussir de même. M. Spon me l’avait mandé déjà avec grand’joie et applaudissement. M. Morisset [5] a tort, il y devait assister ; mais c’est que le bon seigneur a bien autre chose à la tête, dont je vous ai écrit par ma dernière. [1] Je ne sais si M. Germain [6] ira en Pologne car on le marchande. Il a bon emploi et beaucoup de mérite. Il faut qu’il y ait quelque autre mystère, que je crois être du côté de sa famille, dont néanmoins il a eu du bien. C’est lui qui a écrit contre l’antimoine ; [2][7] il est grand chimiste, [8] mais il a bon jugement et raisonne bien, et en homme sage et judicieux. Il a trois belles filles à marier, dont l’aînée a plus de 30 ans, mais pourquoi, dit-on, ne les marie-t-il point ? Je n’en sais rien, an res angusta domi ? [3][9][10] L’on ne voit guère de gens riches que l’on ne sache en quelque façon comment ils le sont devenus, sed egestatis paulo occultiores et obscuriores sunt causæ ; [4] néanmoins j’espère de vous dire celles-ci quelque jour.

Il y a un gros procès à Rouen [11] de tous les médecins contre un apothicaire, [12] qui se disent de belles vérités les uns contre les autres ; tous ces procès décrient fortement la profession. M. de Belleval [13] est mort, il a crevé (ainsi parlent-ils des gens de Languedoc) faute d’être saigné ; on dit qu’il est fort riche, j’apprends aussi qu’il était bon ménager. On dit que les électeurs ne peuvent s’accorder à Ratisbonne [14] pour le secours que l’empereur [15] leur a demandé contre le Turc ; [16] ainsi, il y a grande apparence que tout ira mal. J’ai vu aujourd’hui notre M. Charpentier [17] qui se porte mieux, nec de calculo conqueritur[5][18] Je vous baise les mains et suis de toute mon âme votre, etc.

de Paris, ce 25e de mai 1664.


a.

Bulderen, no cccxviii (tome ii, pages 413‑414) ; Reveillé-Parise, no dcxxxv (tome iii, pages 471‑472).

1.

Noël Falconet, tout fraîchement reçu docteur de Montpellier (v. note [7], lettre 748), avait été admis par le Collège des médecins de Lyon, avant d’y être entièrement agrégé en 1666 (v. note [6], lettre 872). Philibert Morrisset, ancien doyen de la Faculté de médecine de Paris, qui faisait traîner son retour dans la capitale en raison des poursuites qui l’y attendaient pour ses malversations financières, n’avait apparemment pas daigné honorer la cérémonie de sa présence.

2.

V. note [2], lettre 276, pour l’Orthodoxe, ou de l’abus de l’antimoine… de Claude Germain (Paris, 1652).

3.

« n’y a-t-il pas quelque gêne à la maison ? » Res angusta domi est une expression de Juvénal (Satire iii, vers 165 ; Satire vi, vers 357) pour dire qu’on est financièrement à l’étroit.

4.

« mais les causes de l’indigence sont un peu plus dissimulées et obscures ».

5.

« et ne souffre plus tant de sa pierre. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 25 mai 1664

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(Consulté le 16/02/2025)

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