Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
1re de 6 parties

Note [35]

Anthropographie, livre i, chapitre vi, pages 34‑35 : {a}

Postremus de re Anatomica scripsit Adrianus Spigelius, in Lycæo Patauino, Anatomes et Chirurgiæ Professor, atque Casserio et Fabricio ad Aquapendente succenturiatus, quorum diu fuerat auditor assiduus, ideoque sperabam omnes istorum Anatomicorum cogitationes et inuentiones de reliquis corporis partibus, de quibus ipsi nihil edidere, in Spigelij libro me reperturum, sed spe et expectatione mea frustratus, lugeo sortem huius libri Anatomici posthumi. Nam Spigelius moriens suum Opus Anatomicum iam apparatum ad incudem amico suo Bucretio comisit euulgandum, quod quidem elegantibus iconibus à Casserio delineatis et affabrè factis exornauit, atque confusas et inordinatas Spigelij schedas in ordinem digessit, et sermone purè Romano cultiores reddidit, sed in hoc libro pauca à Spigelio reperta reprehendes, si demas interpretationes quorumdam locorum Hippocratis et Aristotelis. Vsus tamen et actiones secundum historiam partium ex Fabricij mente diligenter et accuratè exposuit : sed liber de Fœtu humano, qui scriptus et editus fuit longè post Fabricium, indignus est qui nomen præ se ferat Anatomici Patauini, cùm pleraque ab ipso sensu et veritate prorsus aliena contineat, vt in historia Fœtus demonstrabo, quia Bucretius ei manum non admouit, tantum eius tribuo circumlitioni. Quamuis Spigelius neminem laudare, aut nominare soleat, more Fabricij et Casserij, vt lectores cuncta putent ab eius ingenio profecta, et excogitata : qui tamen in lectione Anatomicorum recentiorum versatus fuerit, facilè animaduertet Spigelium, vsuram vel gloriam eorum, quæ ab aliis mutuatus est, non reddidisse suis auctoribus. Ac ne longiùs exempla petantur, in musculorum explicatione, opiniones meas atque nomina musculorum tacitè retinuit, et hæc omnia tanquam sua proposuit. Propterea cùm nunc pauca dici, et obseruari queant, quæ non priùs dicta aut obseruata fuerint, non possum probare eorum institutum, qui Totam Anatomen tanquam à seipsis inuentam describere meditantur, sine laudatione præstantium Anatomicorum qui rectè aliquid inuenere, aut examine eorum, quæ ab illis perperam dicta, aut inuenta fuere, atque sincera et vera declaratione eorum, quæ supra veteres et recentiores Anatomicos ab ipsis reperta, aut rectiùs exposita videbuntur. Consilium Celsi lib. i. cap. 14. valde mihi placet : oportet neque recentiores viros in his fraudare quæ vel repererunt, vel rectè sequuti sunt, tamen ea, quæ apud antiquiores aliquos posita sunt auctoribus suis reddere.

[Le dernier à avoir écrit sur l’anatomie fut Adriaan van de Spiegel, professeur d’anatomie et chirurgie à la Faculté de Padoue où il a succédé à Casseri et à Fabrice d’Aquapendente, {b} dont il avait longtemps été le disciple assidu. J’espérais donc trouver dans le livre de Spiegel toutes les réflexions et découvertes de ces maîtres sur les autres parties du corps, dont ils n’avaient rien publié, mais mon espoir et mes attentes ont été déçus, et je déplore le sort qui a été réservé à cet ouvrage posthume. En mourant, il avait confié à son ami Brucetius le soin de son Anatomie, prête à l’impression ; il l’a certes ornée d’élégantes figures dessinées par Casseri et joliment gravées, et a rangé les feuillets confus et désordonnés de Spiegel, en les embellissant d’un discours en pur latin romain. Vous y trouverez pourtant peu des découvertes de Spiegel, mis à part ses interprétations de certains passages d’Hippocrate et Aristote. Il a toutefois soigneusement et précisément exposé les utilités et fonctions suivant la description des parties corporelles, dans l’esprit de Fabrice, mais le livre sur le fœtus humain, qui a été écrit et édité longtemps après Fabrice est indigne de l’anatomiste de Padoue qui se targue d’en être l’auteur, {c} car il contient quantité de faits absolument étrangers au bon sens et à la vérité, comme je le montrerai dans ma description du fœtus, étant donné que Bucretius n’y a pas vraiment mis la main et que je ne lui en attribue que le vernis. Spiegel, à la manière de Fabrice et Casseri, a coutume de ne louer ni nommer personne, pour que ses lecteurs croient que tout ce qu’il dit émane de son génie et de ses réflexions, mais quiconque est versé dans la lecture des anatomistes modernes remarquera aisément que Spiegel a emprunté à d’autres auteurs sans leur rendre le profit et l’honneur qu’ils méritaient : ainsi pour ne pas tarder à en donner un exemple, dans sa description des muscles, a-t-il repris sans me nommer mes avis et les noms que je leur ai donnés, et les a proposés comme émanant de lui. Il est difficile de décrire et d’observer des choses qui ne l’ont pas déjà été, mais je ne puis approuver la manière de ceux qui ambitionnent de décrire toute l’anatomie comme s’ils l’avaient eux-mêmes inventée : sans louer les éminents anatomistes qui ont vraiment découvert quelque chose, ni examiner ceux qui ont soumis des observations ou des opinions contraires, ni désigner vraiment ceux qui semblent avoir mieux vu ou expliqué les choses que les anciens ou les modernes. {d} L’avis de Celse, livre ii, chapitre xiv, me plaît fort : Oportet neque recentiores viros in his fraudare quæ vel repererunt, vel rectè sequuti sunt, tamen ea, quæ apud antiquiores aliquos posita sunt auctoribus suis reddere]. {e}


  1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. supra note [27] : j’ai mis en exergue les fragments que Jean ii Riolan a repris dans sa Responsio ad Pecquetianos où je les ai traduits entre guillemets.

  2. V. notes :

  3. Spiegel se désigne comme Bruxellensis Equitis D. Marci et in Gym. Pat. Anat. et Chirurgiæ Professoris Primarii [chevalier de Saint-Marc natif de Bruxelles, premier professeur d’anatomie et chirurgie en l’Université de Padoue] dans le titre de son de Formato Fœtu lariLiber singularis [Livre particulier sur la formation du fœtus] (Francfort, Matthæus Merianus, 1631, in‑4o illustré de 105 pages).

  4. Traité de médecine, chapitre De la friction (édition bilingue établie par A. Védrènes, Paris, Masson, 1876, page 111).

  5. « S’il ne convient pas de ravir aux auteurs modernes le mérite de leurs découvertes ou de leurs judicieuses imitations, il n’est pas moins équitable de rendre aux Anciens ce qui leur appartient. »


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
1re de 6 parties, note 35.

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(Consulté le 08/12/2025)

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