Note [42]
Thomas Bartholin se référait aux subtils parallèles que quatre philosophes ont établis entre la nutrition des plantes et des animaux.
« Nécessairement tout être qui se développe et s’accroît doit prendre de la nourriture, et toute nourriture ne peut venir que d’une matière liquide et d’une matière sèche. La digestion et le changement des deux ne peuvent avoir lieu que par la puissance de la chaleur. Tous les animaux, toutes les plantes doivent nécessairement pour cette cause, si ce n’est pour d’autres causes encore, avoir un principe de chaleur naturelle, qui se trouve dans plusieurs parties de leur organisation, de même que les élaborations successives de la nourriture s’accomplissent également dans plusieurs parties du corps. La première opération nutritive qui se manifeste clairement chez les animaux, c’est celle qui s’accomplit par la bouche, et par les différentes parties de la bouche, dont la nourriture a besoin pour être divisée. La bouche elle-même n’est pour rien dans la digestion proprement dite ; mais elle prépare plutôt une bonne digestion. La réduction de la nourriture en petites parcelles rend l’élaboration plus facile à la chaleur ; mais l’action de la cavité supérieure et de la cavité inférieure achève la digestion, avec l’aide de la chaleur naturelle. De même que la bouche est le conduit de la nourriture non encore élaborée, et que cette partie attenante à la bouche qu’on appelle l’œsophage va jusqu’à l’estomac dans les animaux qui ont cet organe, de même il faut encore que d’autres principes agissent pour que le corps entier puisse prendre la nourriture, comme dans une crèche, en la recevant de l’estomac et des autres viscères, selon leur nature. Les végétaux, par leurs racines, puisent leur nourriture tout élaborée dans la terre, d’où ils la tirent ; et c’est là ce qui fait que les végétaux n’ont pas d’excrétions, parce que la terre et la chaleur qui est en elle leur tiennent lieu d’estomac. »
Verum ut ad partes plantarum redeam, quæ animalibus singulæ ac illorum partibus respondent. Radices ventri, ut existimat Theophrastus, nos tamen potius ori illas assimilamus, caudicis vero et trunci partem imam ventri, folia pilis, cortex corio ac cuti, lignum ossibus, venæ venis, ac nervis arborum et herbarum, his quod vere sunt in animalibus, visceribus animalium in quibusdam vita est in cortice, cortex non matrix, imo in salicibus matrix pinguenidis loco habenda : ova floribus, semen semini, extremitates aut animalium ramis, fructus ipse sanguinem menstruum refert, cui includitur plerunque semen.« Or pour revenir aux parties des plantes, toutes les parties d’icelles répondent aux parties des animaux : les racines au ventre, comme Théophraste {b} l’estime ; quant à moi, je les ferais plutôt semblables à la bouche, et la basse partie du tronc au ventre, les feuilles au poil, l’écorce au cuir et à la peau, le bois aux os, les veines aux veines, les nerfs aux nerfs, la matrice {c} à quelques entrailles qui ne peuvent vivre sans la matrice ; en aucunes, {d} comme aux saules, desquels la vie est en l’écorce, l’écorce, non la matrice, est semblable à quelques entrailles, et plutôt aux saules, la matrice doit être estimée au lieu de la graisse ; les œufs répondent aux fleurs, la semence à la semence, les extrémités des animaux aux branches ; le fruit représente le sang monstrueux, {e} auquel souvent est enclose la semence. » {f}
Radices, inquis, uentri respondent, ut existimat Theophrastus. Nos tamen ori potius assimilamus. At ex Theophrasto, oris quoque officium à radicibus præstari dixeris. Sunt enim hæc in primo : ριζα δι ου την τροφην επαγεται. καυλος δε εις ο φερεται. Quare stipes uentri, radix ori similis hic innuitur. A Theophrasto hoc : à præceptore verò utrunque non sine pereleganti subtilitate. In secundo de partibus ita scribit. Accipere à tellure την τροφην κατεργασμεν τα φυτα. In radice uerò perfici την πεψιν, ωπερ εν τη κοιλια των ζωων. Quomodo solues acutissime reprehensorum ? Radix ut accipit, os est : ut coquit, uenter. Sanè coquitur in radice. Nam unde aleretur illa ? Ali eo succo membra, quem aut generant, aut conseruant, aut recipiunt, aut transmittunt, Galenus quidem dixit : sed ab eodem magistro, ut meritò uocant Arabes, primo, sicut et acutissimè quæque dicta, mutuatus. Theophrastus uerò in sexto De causis etiam de uentre caussam dicit.[Les racines, dites-vous, correspondent au ventre, comme l’estime Théophraste. Pour votre part, vous les assimilez plutôt à la bouche, tout en ajoutant que, toujours d’après Théophraste, les racines assurent l’office de la bouche, car il commence par déclarer que « l’aliment est puisé par la racine et transporté par la tige. » Cela signifie donc que le tronc est assimilé au ventre, et la racine à la bouche. D’après Théophraste, non sans fort élégante subtilité, le maître a établi ces deux fonctions. Il poursuit sur les parties en écrivant que « les plantes » reçoivent de la terre une « nourriture parachevée » ; mais que dans la racine s’accomplit « la digestion, comme dans le ventre des animaux ». Par quelle extrême subtilité vous tirez-vous des critiques ? Puisqu’elle reçoit, la racine est une bouche, et un ventre aussi, puisqu’elle digère. Si la racine digère, d’où donc l’aliment lui vient-il ? Galien dit que les membres se nourrissent du suc que soit ils produisent, soit ils conservent, soit ils reçoivent, soit ils envoient ailleurs ; mais comme tout ce qu’il a très exactement dit, il a emprunté son propos au même premier maître, comme les Arabes l’appellent à juste titre. Théophraste, au sixième livre sur les Causes des plantes, {h} dit qu’en vérité leur cause vient du ventre].
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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