Nous avons précédemment détaillé la distribution abdominale des branches lactifères [2] issues des glandes lactées nouvelles. [3] Il faut maintenant examiner la possibilité qu’elles gagnent l’utérus des femmes enceintes. [4] Je n’oserais en douter car Hippocrate, en son livre sur la Nature de l’enfant, [5] nous a prévenus que le lait s’écoule dans l’utérus, en parlant du suc blanc des aliments (qui est aussi envoyé dans les mamelles) destiné à nourrir le fœtus [6][7][8] et qu’il aspire dans l’utérus à l’aide de sa bouche. Dans l’exercice lvii sur la Génération des animaux, William Harvey [9] a entrepris de défendre la sentence du grand maître de Cos, [10] qu’on avait jusqu’ici méprisée, parce que : 1. on trouve de l’eau dans le bec du poussin avant son éclosion ; 2. une pareille [Page 32 | LAT | IMG] matière, qui ressemble à du lait caillé, se voit dans son gésier, son estomac et ses premières anses intestinales ; 3. au cours de la vie utérine, le gros intestin contient des excréments, et les anatomistes appellent méconium [11] celui qu’on voit les nouveau-nés exonérer ordinairement ; 4. des matières fécales sont éjectées par l’anus du poussin dès le 17e jour de son développement, et sont pareillement présentes avant l’accouchement chez les vivipares, retrouvées dans les secondines ; [12] 5. de même que la vessie et la vésicule regorgent d’urine et de bile ; [13][14] 6. l’enfant tout près de naître, quand sa tête est engagée dans le col utérin, suce vivement le doigt qu’on lui présente, ce qui traduit vraisemblablement qu’il a été longtemps accoutumé à se nourrir ainsi, car il perd l’habitude de téter avidement en devenant plus grand ; 7. j’ajoute que Descartes [15] a observé la présence d’une herbe longue d’un doigt dans le cou d’un veau qui n’avait pas encore été expulsé. [1] 8. Enfin, le vagissement utérin [16] ne peut être que très difficilement émis quand la bouche est close, et maints auteurs ont rapporté qu’il a été entendu avant l’accouchement : Libavius, [17] Albertus Magnus, [18] Tite-Live, au livre xxiv, [19] Weinrichius, au chapitre xxvi sur les Monstres, [2][20] Fincelius, [21] Caussin, au livre ii, § 2, de ses Hiéroglyphes, [22] Sennert, au livre iv de sa Pratique, 2e partie, section v, chapitre viii, [3][23] Cl. Saumaise [24] dans sa réponse à Beverovicius, [25] notre compatriote Huitfeldt, dans son histoire du roi Christian ii, [4][26][27] et nous-mêmes qui en avons récemment recueilli deux exemples dans notre propre pays. L’écoulement du chyle ou du lait hors de l’utérus procure néanmoins des signes plus probants de cette distribution. Du Laurens, au livre vii de son Anatomie, question xi, témoigne qu’il a lui-même vu de nombreuses parturientes chez qui une très grande abondance de lait s’écoulait hors de l’utérus et de la vessie, et il rapporte cela à la sympathie qui existe entre la matrice et les mamelles. [5][28] Pour moi, toutefois, cela s’explique plus facilement par une communication entre leurs conduits lactés, puisque j’ai souvenir d’avoir observé, chez des femmes prêtes à accoucher, que s’écoulait de l’utérus une matière parfaitement semblable à du lait, tant par sa substance, que par sa couleur et sa consistance, et [Page 33 | LAT | IMG] les sages-femmes tiennent d’ailleurs cela pour un indice de naissance imminente. [6][29] Au livre ii de sa Pratique admirable, observation cxliii, Zacutus [30] décrit une femme portant une môle [31] chez qui, pendant vingt jours, s’est écoulée de l’utérus, comme d’une source ininterrompue, une telle abondance de liquide, tout à fait semblable à du petit-lait, qu’elle en estimait le volume quotidien à cinq ou six livres ; et ce sans aucune douleur, fièvre, démangeaison ou âcreté. [7] Il n’est pas non plus rare que, par ce très court chemin, les médicaments pris par la bouche parviennent intacts à l’utérus. Sur le safran, [32] Jo. Heurnius, [33] livre ii de sa Methodus ad Praxin, chapitre xiv, dit qu’il gagne immédiatement l’utérus, à tel point que quand on en donne à une femme qui ne parvient pas à expulser son fœtus, l’enfant qui sort a la couleur du safran. Lors d’un accouchement difficile, Henricus ab Heer, observation xiv du Spadacrene, rapporte avoir administré du safran, avec d’autres médicaments, à l’épouse d’un simple soldat et que moins de trois heures après, elle a expulsé un enfant de teint safran très foncé, et que cette couleur ne s’était pas dissipée au bout de quelques mois. [8][34]
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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