Texte : Lettre de Thomas Bartholin
à Johann Daniel Horst critiquant
l’opinion de William Harvey
sur le chyle (1655), note 17.
Note [17]

Thomas Bartholin évoquait la critique détaillée de sa De Lacteis thoracis in homine brutisque nuperrime observatis, Historia Anatomica [Description anatomique des Lactifères du thorax récemment observés chez l’homme et les bêtes], {a} parue dans les Opuscula nova anatomica [Opuscules anatomiques nouveaux] de Jean ii Riolan, {b} pages 15‑16 :

Pag. 76. Proportio esse debet vasorum lacteorum ad vasa chylum recipientia, sive hepar, sive cor, at nulla est ductuum lacteorum pancreatis, et thoracicorum ad cor, vel hepar proportio, si vel soli hi, vel illi chylum deferunt, lactei meatus in thorace sic satis exiles sunt, et foramina ad axillares quoque nimis exigua, quam pro copia chylo tranuehendo, et lactearum in abdomine pari pacto minores sunt lacteæ communes mesentericæ, quæ ex pancreate ad hepar serpunt, quàm sunt in mesenterio toto igitur ; nec hac nec illa omnis chylus potest amandari, sed partim hac, partim illac ; pars enim chyli ad cor per receptaculum Pecqueti, et lacteos thoracicos labitur, pars ad hepar, vel immediatè per lacteas Asellij ex Pancreate, vel mediatè per Cauam, Portam et Emulgentes.

Hic articulus inconsideratè à te scriptus, destruit tuam doctrinam de Venis lacteis, dum contendis duas partes contrarias conciliare : Nam ostendis vtriusque semitæ difficultates ac remoras ad traductionem chyli, propter vasorum exilitatem et angustiam, nec alterutrum sanguificandi organum recipere posse totum chylum : quis non rideat vanitatem istarum venarum lactarum ad hepar desinentium ? si nequeant totum chylum ad hepar vicinum traducere, et necessum sit tenuiorem chyli portionem ascendere ad cor, quam non attrahit, quia non indiget, quum habeat sufficientem, et interdum vberiorem per circulationem, sanguinem. Quo fine ad partes superas deuehitur tenuior chyli portio ? An vt cor citâ mutatione ad sui corporis restaurationem transformet, opinione Bartholini : ego Cor nutritur chylo.

[Page 76. {c} Il doit exister une proportion entre les lactifères mésentériques et les vaisseaux qui reçoivent le chyle, qu’ils soient dans le foie ou dans le cœur. Ni les conduits lactés du pancréas qui vont au foie, ni les lactifères thoraciques qui vont au cœur ne sont ainsi proportionnés, si les uns ou les autres sont tenus pour véhiculer la totalité du chyle : les conduits lactés du thorax sont assez grêles et leurs abouchements dans les veines axillaires sont trop exigus pour qu’y passe une telle abondance de chyle ; il en va de même pour les lactifères abdominaux, où les collecteurs mésentériques qui se glissent du pancréas dans le foie {d} sont bien plus petits qu’il n’y a de lactifères dans la totalité du mésentère. Le chyle ne peut donc être entièrement drainé par l’une ou l’autre de ces deux voies, mais doit se partager entre elles : pour une partie il s’écoule vers le cœur en passant par le réservoir de Pecquet et les canaux thoraciques ; pour l’autre, il gagne le foie, soit directement, par les lactifères d’Aselli sortant du pancréas, soit indirectement par les veines cave, porte et rénales. {e}

Vous avez écrit ce paragraphe sans bien vous rendre compte qu’il démolit votre théorie sur les veines lactées. Vous essayez d’y réconcilier deux avis contraires en montrant que, par la gracilité et l’étroitesse de leurs conduits, chacune des deux voies oppose des obstacles et des ralentissements au transport du chyle, ce qui empêche que l’un ou l’autre des deux organes de la sanguification reçoive la totalité du chyle. Qui ne rira en entendant que la terminaison des veines lactées dans le foie est un mensonge ? {f} Elles ne pourraient, selon vous, lui apporter tout le chyle du voisinage et sa partie la plus déliée devrait monter vers le cœur, mais lui ne l’attire pas car elle ne lui manque pas, étant donné qu’il a suffisamment de sang et que la circulation l’en arrose parfois trop copieusement. À quelle fin la fraction la plus déliée du chyle devrait-elle gagner les parties supérieures du corps ? Bartholin pense que le cœur la transformerait rapidement {g} pour assurer la restauration du corps ; mais pour moi, le cœur se nourrit de chyle].


  1. Édition de Londres, Johannes Grismond, 1652, in‑12 de 103 pages, qui est la thèse de Michael Lyser, écrite et présidée par Bartholin.

  2. Paris, 1653, première partie intitulée : Judicium novum de venis lacteis, sive de unione vel synanastomosi venæ portæ cum cava, et Examen libri Thomæ Bartholini… De lacteis thoracicis… [Jugement nouveau sur les veines lactées, ou de l’union ou anastomose entre les veines porte et cave, avec l’Examen du livre de Thomas Bartholin… sur les lactifères thoraciques…] ; vnote Patin 16/308 pour ces deux ouvrages.

  3. Cela correspond aux page 53‑54, point v du chapitre xv dans l’édition de Copenhague (1652), que nous avons intégralement transcrite, traduite et annotée. Ce chapitre est intitulé : Non omnem chylum per thoracicas lacteas ad cor ferri, sed aliquem ad hepar per lacteas mesenteri [Tout le chyle n’est pas transporté au cœur par les lactifères thoraciques, mais une partie gagne le foie par les lactifères mésentériques].

  4. En 1652, bien que personne ne les eût formellement démontrés, Bartholin croyait encore en l’existence de ces chylifères joignant le pancréas au foie, imaginés par Gaspare Aselli en 1622 (v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i).

    En 1653, Bartholin allait découvrir que ces vaisseaux ne transportent pas du chyle dans le foie, mais en font sortir de la lymphe ; ce qui le mena à changer d’avis et à écrire son « épitaphe du foie » (v. note [1] du susdit chapitre xv de son Historia anatomica).

  5. Bartholin était donc hélas dans le vrai, tel qu’admis par la physiologie moderne, en n’adhérant pas encore à la sentence radicale que Jean Pecquet avait énoncée en 1651 : « le chyle n’est détourné ni vers le foie, ni vers la veine porte, ni vers la veine cave, à proximité des veines rénales » (pages 13‑14, chapitre v des Experimenta nova anatomica).

  6. Riolan refusait de croire que deux organes, foie et cœur, puissent se partager la sanguification, mais tenait pour établi le drainage des lactifères mésentériques dans le foie (dernier paragraphe, 2e partie de sa première Responsio à Jean Pecquet).

  7. En sang.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Lettre de Thomas Bartholin
à Johann Daniel Horst critiquant
l’opinion de William Harvey
sur le chyle (1655), note 17.

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=1011&cln=17

(Consulté le 08/12/2025)

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