Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii, note 3.
Note [3]

Sous le titre ambigu d’Anthrop. Nov. (Anthropographia Nova), Thomas Bartholin se référait aux Opuscula anatomica nova de Jean ii Riolan qui accompagnaient la dernière édition de son Anthropographie ; et plus précisément au Liber de Circulatione sanguinis [Livre de la Circulation du sang], {a} chapitre xv, Opinio Riolani de Circulatione sanguinis [Opinion de Riolan sur la Circulation du sang], dont le dernier paragraphe, page 578, porte sur les obstructions des voies du chyle :

At in nullum magis est pronum genus humanum more belluarum, quàm in voracitatem et ingluuiem, quæ parens et nutrix est infinitorum malorum, quibus ut prospiceret Deus, mirabili artificio construxit partes nutritioni dicatas, ac potissimum Hepar, præ cæteris partibus obnoxium obstructionibus : Ideoque duplicem canalem vehentem chylum ad Hepar fabricauit, vt uno obstructo, alter suppleret officium. Admitto quidem venas lacteas chyliferas, vt Asellius proposuit, sed earum continuationem ad Hepar cum trunco, vel canales manifestos, si demonstrasset, aut inuenirentur, certiores essemus de illa traductione chyli. Propterea non adimo venis mesaraicis eundem vsum deferendi chylum ad Hepar, quando venæ lacteæ sunt obstructæ, ne cessaret in Hepate sanguinificationis actio necessaria ad vitam. Quod si fuerit Hepar ita obstructum, vt nequeat ipsum subire chylus, vel refluet in intestina, vel eius portionem suget, trahetque Lien per venam splenicam, quæ sita paulò infra iecur, non tam est propago trunci venæ portæ, quàm eius bifurcatio iuxta Hepar, vt si aditus ad Hepar fuerit interclusus, refluat portio chyli ad Lienem : Interdum enim fungitur officio Hepatis, vt multoties obseruatum fuit. At cùm venæ mesaraicæ vehicula sunt chyli ad Hepar, tum arteriæ mesaraicæ nutriculæ sunt intestinorum : ac sanè tam numerosa fructicatio vasorum per mesenterium ad intestina membranosa desinentium, eo fine fabricata fuit, quem proposui, non autem ad solam nutritionem intestinorum, quæ pauco sanguine indigent : atque canalis à Virsungo, peritissimo Anatomico Patauino repertus, per Pancreas deductus, atque perforans intestinum duodenum iuxta pylorum, manifestè demonstrat illam tractionem et traductionem chyli ad Lienem per medium Pancreas, atque per eundem canalem impuritates Lienis et Pancreatis interdum expurgantur in intestina, quando in his locis regurgitant.

[Le genre humain, et plus généralement animal, est plus que tout enclin à la voracité et à la gloutonnerie, qui engendrent et alimentent quantité de maux. Dieu, pour y pourvoir et avec une admirable ingéniosité, a construit des organes dédiés à la nutrition, dont le principal est le foie. Comme ce viscère est, plus que tout autre, exposé aux obstructions, Dieu a conçu deux canaux qui y conduisent le chyle, de manière que si l’un s’obstrue, l’autre supplée à sa fonction. J’admets bien sûr l’existence des veines lactées chylifères qu’Aselli a mises au jour ; mais s’il avait démontré ou si nous trouvions le tronc ou les conduits manifestes qui les joignent au foie, nous serions plus sûrs qu’elles y transfèrent le chyle. C’est pourquoi je n’ôte pas aux veines mésaraïques la capacité de conduire aussi le chyle au foie quand les lactifères sont occlus, afin que la sanguification hépatique, qui est une action vitale, ne soit pas interrompue. Si le foie était obstrué de façon que le chyle ne puisse ni l’atteindre ni refluer dans les intestins, alors la rate en attirerait et aspirerait une partie par la veine splénique, qui est placée un peu au-dessous du foie et n’est pas tant une branche qu’une bifurcation sous-hépatique du tronc de la veine porte ; et ainsi, quand l’accès au foie est bouché, une partie du chyle est-elle dérivée vers la rate, qui est donc parfois capable d’accomplir la fonction du foie, comme tant d’observations l’ont prouvé. Si les veines mésaraïques transportent le chyle vers le foie, les artères mésaraïques apportent leur nourriture aux intestins ; et une telle profusion de vaisseaux parcourant le mésentère pour se terminer dans les membranes intestinales a été conçue dans le dessein que je viens d’exposer, et non pour la seule nutrition des intestins, qui n’ont besoin que d’une petite quantité de sang. Enfin, le canal traversant le pancréas qu’a découvert Wirsung, très habile anatomiste de Padoue, et qui perfore le duodénum près du pylore, démontre très clairement que cette attraction permet le transfert du chyle vers la rate au travers du pancréas, {b} et que par moment et en sens inverse, quand des impuretés ont régurgité dans la rate et le pancréas, elles se purgent dans les intestins].


  1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. note [4], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.

  2. Je n’ai pas voulu abréger le raisonnement qui menait Riolan à conclure que, dans certains cas d’obstruction du mésentère et de ses chylifères, le chyle peut remonter dans le canal pancréatique pour gagner la rate, suppléante du foie.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii, note 3.

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(Consulté le 10/12/2025)

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