Texte
Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii  >

Codes couleur
Citer cette lettre
Imprimer cette lettre
Imprimer cette lettre avec ses notes

×
  [1] [2] Appel de note
  [a] [b] Sources de la lettre
  [1] [2] Entrée d'index
  Gouverneur Entrée de glossaire
×
Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Thomas Bartholin, Historia anatomica sur les lactifères thoraciques (1652), chapitre iii

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=1023

(Consulté le 08/12/2025)

 

[Page  7 | LAT | IMG]

Ni le cholédoque, ni le pancréas, ni les veines mésaraïques ordinaires
ne sont destinés à transporter le chyle
[1]

Ceux qui conviennent que le chyle passe dans les intestins, comme juge la majorité et comme il est parfaitement vrai, doivent reconnaître que ses vaisseaux [2] se voient dans le mésentère ou dans l’intestin grêle. [3] Dans le premier segment du grêle, ou duodénum, [4] se trouvent le pore cholédoque [5] et le canal pancréatique de Wirsung. [6][7] Gassendi, dans son Appendix de Nutritione Animalium, se plaît à dire que, pour la commodité de sa position, [Page  8 | LAT | IMG] le cholédoque ou chylodoque a moins pour vocation d’évacuer la bile que d’ingérer le chyle ; [1][8][9] mais le fait est que le transport du chyle se fait tout de même chez des animaux dépourvus de cholédoque ; surtout, une valvule est présente à la sortie du méat ou, plus exactement, l’obliquité du canal interdit d’y pénétrer et empêche que le suc ne se mêle aux excréments lors de la distribution des aliments. [2] De plus on observe que le chyle se répartit assez copieusement dans le mésentère, sans avoir à passer par la terminaison et les ramifications du cholédoque. Quand l’intestin grêle et le mésentère sont obstrués, il n’y a aucun besoin de la dérivation que Riolan a décrite dans l’Anthrop. Nov.[3][10] car de telles obstructions provoquent plutôt la mort et l’atrophie : [11] pourquoi l’occlusion intestinale provoque-t-elle une mort si rapide en cas de volvulus du cæcum, comme montre l’observation de N. Fontanus[12][13][14] ou en cas d’obstruction du cæcum lui-même, comme dans l’iléus rapporté par Hildanus[15] ou quand l’iléon s’enroule sur lui-même, comme Panarolus l’a observé dans ses dissections ? [16] Pourquoi n’y a-t-il eu aucune attraction du chyle dans le cholédoque ? [4] Dans une consultation de Lælius à Fonte, un abcès du mésentère et du côlon a aussi emporté l’épouse de Mengacius. [5][17][18] Une valvule ferme le canal de Wirsung ou la tunique interne de l’intestin en tient lieu, si bien qu’un stylet introduit dans le duodénum ne peut y entrer, sauf à exercer une forte poussée ; et cela sera moins possible encore pour de la bile venue du cholédoque voisin (comme Highmore l’a supposé, au livre i, 2e partie, chapitre viii de sa Disquisitio anatomica[19] et contrairement à moi), ou pour du chyle (comme J. Baccius le prétend dans son chapitre iii, section ii de Corde[20] en s’appuyant sur une expérience que je juge impossible). Là-dessus, on verra notre Anatome reformata[6][21][22]

Jusqu’ici on connaissait trois sortes de vaisseaux dans le mésentère, nerfs, artères et veines. Les nerfs n’ont pas mérité [Page  9 | LAT | IMG] grande attention car ils sont seulement sensitifs et leur fonction motrice est obscure : il sont ténus dans le mésentère, sans humidité ni cavité interne. [7][23] Les artères mésaraïques [24] puiseraient le chyle pour le distribuer, comme l’ont voulu Galien, au livre iv De l’Utilité des parties, chapitre xvii[25] mais en quantité modérée, Varolius, au livre iii de son Anatomie, chapitre iv[26] et Spiegel, [27] mais seulement chez les sujets sains. [8] Du reste, bien qu’Érasistrate [28] ait vu des artères remplies de lait chez des chevreaux nourris au pis, il ne s’agissait pas d’artères, mais de veines lactées qu’il avait observées comme au travers d’un nuage. [9][29][30][31][32] De fait, on ne voit jamais de chyle dans les artères et il ne faut pas leur assigner une telle fonction puisque, selon les très solides démonstrations de la circulation, elles apportent leur sang nourricier aux intestins, mais ne rapportent pas une goutte de chyle au cœur ou à la rate. Depuis l’époque de Galien, presque tous les auteurs s’en sont donc remis aux veines mésaraïques ; [33] mais des difficultés les ont, comme lui, embarrassés ici et là, et leurs jugements se sont scindés : certains les ont distinguées en deux catégories, dont les unes transportent du sang et les autres, du chyle ; pour d’autres, leur fonction varie dans le temps, ce qui fait qu’elles contiennent tantôt du sang, tantôt du chyle ; d’autres enfin croient qu’elles délivrent du sang en même temps qu’elles emportent du chyle, à la manière dont il existe des fleuves où les eaux s’écoulent en sens contraires ; mais aucune de ces opinions n’est conforme aux lois de la nature. Pour notre part, nous ne croyons que ce que palpent nos mains et discernent nos yeux, et jamais nous n’avons vu de chyle dans les veines mésaraïques, qu’il soit pur ou dilué, mais toutes contiennent toujours et invariablement du sang. Si leur véritable fonction était de pomper le sang hors du foie, ces veines seraient misérablement détruites, [Page  10 | LAT | IMG] puisque les ligatures pratiquées chez des animaux vivants et la position des valvules [34] prouvent que le sang s’y dirige vers le foie, sans qu’une goutte n’en revienne. Nous ne croyons pas non plus, comme Riolan[3] qu’une obstruction des lactifères, quel qu’en soit le mécanisme, crée parfois la nécessité que du chyle emprunte cette voie, car, comme j’ai dit, quand la nutrition est interrompue, il est nettement plus probable que l’animal dépérisse par atrophie ; et pourquoi n’en viendrait-il à présenter alors une diarrhée chyleuse ? [35] Nous ne pouvons pas non plus adhérer, comme Harvey[36] le plus perspicace des anatomistes, à l’antique erreur, puisqu’il est inutile de confondre des vaisseaux que la nature a distingués les uns des autres et puisque nous savons que la fonction des vaisseaux ombilicaux [37] est différente chez le fœtus et chez l’adulte ; [10] et pour finir, nous ne voyons pas de chyle dans les veines mésaraïques quand son écoulement est bloqué ailleurs.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.
Une réalisation de la Direction des bibliothèques et musées d'Université Paris Cité