Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii, note 4.
Note [4]

Thomas Bartholin se référait à trois observations pour montrer que l’occlusion intestinale aiguë ou iléus était alors toujours mortelle (vnote Patin 1/436).

  1. Nicolas Fontanus (Nicolaas Fonteyn), médecin d’Amsterdam mort en 1667, a publié une observation intitulée De passione Iliaca [Sur une passion iliaque] dans son Responsionum et Curationum medicinalium Liber unus [Livre de réponses et de traitements médicaux] (Amsterdam, Ioannes Iansonius, 1639, in‑12), page 84 :

    Orphanis ex Iliaca passione exspiravit : inspecto corpore nullas vidi plicas nec volvulum ; sed circa cæcum intestinum vidimus materiam induratam, lapidosam, intestinum extendentem, et ita arctè adhærentem ut Chirurgo magistro Alberto Scerm impossibile videtur extrahere eam.

    Ex hoc exemplo concluderem, nequaquam esse involutionem, ut dicunt medici ; sed squibalas instar saxi induratas, intestina admodum obstruentes.

    [Chez un orphelin mort de passion iliaque, l’ouverture du corps n’a montré ni repliements ni volvulus {a} de l’intestin ; mais nous avons vu autour du cæcum une matière indurée, pierreuse qui envahissait la paroi et qui était si adhérente que maître Albertus Schem, chirurgien, l’a jugée impossible à extraire.

    Je conclurais de ce cas qu’il n’y avait nul enroulement, comme disent les médecins, mais des débris {b} durs comme de la pierre qui provoquaient une obstruction très serrée de l’intestin]. {c}


    1. Le volvulus ou passion iliaque est le retournement d’une anse intestinale sur elle-même ou à l’intérieur d’elle-même (en doigt de gant), vnote Patin 11/1187.

    2. Squibala est un hellénisme néolatin dérivé de σχυβαλον, « déchet, débris »

    3. Sans histoire plus complète, il est impossible de porter un diagnostic solide, mais on peut penser à une maladie chronique inflammatoire ou à une tuberculose du cæcum, voire à la migration d’un gros calcul biliaire dans l’intestin (iléus biliaire).

  2. Le médecin suisse Wilhelm Fabricius Hildanus (Guillaume Fabrice de Hilden, mort en 1634) est auteur de cinq Observationum et Curationum Chirurgicarum Centuriæ [Centuries d’Observations et de traitements chirurgicaux] (Lyon, 1641, vnote Patin 7/62). L’observation lxi de la centurie i est intitulée Ex scirrho et ulcere cancroso in intestino cæco, exorta iliaca passio [Passion iliaque provoquée par un squirre et un ulcère chancreux du cæcum] (tome i, pages 74‑75) :

    Theodori auff der Koulen in Hilden, puerum aliquoties inuisi, qui dolore fixo et continuo sub regione hepatis per annos aliquot laborauerat. Eo tandem ex grauissima iliaca passione mortuo, vocatus sum, vt causam præcedentis doloris inquirerem. Aperto corpore inueni intestinum cæcum contractum, in intestinum ileum sese insinuasse, idque oppleuisse adeo vt hihil ex superioribus intestinis ad colon permeare posset : inde iliaca. Denique fisso ileo, et exempto cæco, id vbique inflammatum et prætumens inueni. Præterea scirrhus exulceratus, aut potius cancer exulceratus in ipsius cæci intestini fundo conspiciebatur

    [J’ai vu plusieurs fois le petit garçon de Theodor auff der Koulen à Hilden, qui souffrait depuis quelques années d’une douleur fixe et continue sous la région du foie. Il finit par mourir d’une gravissime passion iliaque et je fus appelé pour chercher la cause de la douleur qui l’avait précédée. À l’ouverture du cadavre, je trouvai un cæcum contracté qui s’était insinué dans l’iléon et l’avait obstrué à tel point que plus aucune matière ne pouvait passer de l’intestin grêle dans le côlon, ce qui avait été la cause de la passion iliaque. Ayant ensuite ouvert l’iléon, j’en retirai le cæcum que je vis être entièrement tuméfié et enflammé, en raison du squirre, ou plutôt du cancer ulcéré qui en occupait le fond].

    L’Annotatio qui suit l’observation n’aide guère à faire un diagnostic moderne, mais le jeune âge du malade et la chronicité de sa douleur peut plaider pour une iléite terminale ou maladie de Crohn (décrite en 1932).

  3. Dominicus Panarolus (Domenico Panaroli, 1587-1657), professeur de médecine et d’anatomie à Rome, est auteur des Iatrologismorum, seu Medicinalium observationum Pentecostæ quinque, utilibus Præceptis, singularibus Medelis, reconditis speculationibus, portentosis casibus refertæ… [Cinq Pentecôtes de iatrologismes {a} ou Observations médicales, remplies de préceptes utiles, de remèdes singuliers, de spéculations approfondies, de cas merveilleux…] (Hanau, Johannes Aubry, 1654, in‑4o, première édition à Rome, 1652). L’observation l de la Pentecosta prima, pages 29‑30, est intitulée Volvulorum species diversæ [Diverses sortes de volvulus] :

    Duæ volvulorum species observatæ fuerunt, prima ab enterocele, cum Ileon intestinum in scrotum descendens strangulatur, fæces nullo modo excernuntur, unde remeantibus ipsis, vomitus fæculentus sit, à Medicis miserere mei vocatus. Secunda, cum intestina aliquo modo connectuntur, ut observavi, tanquam in fune madefacto, qui postmodum convolvitur, et in hoc casu mirum in modum pila, tum plumbea, tum argenti vivi potio prodest. Sed in duabus alijs, ut vidi, et modo enarrabo, nihil juvat, ægrique desperati moriuntur. Tertia est, quando ileon, ut aspexi, ita arctatur, quasi farcimen, quod vulgo lucanica dicitur, nempè cum inter unam, et alteram lucanicam circumducitur filus : hoc ad unguem inveni : intestinum enim tam strictum erat, ut non secus, quàm filo vinctum cerneretur : humor enim biliosus ob acrimoniam morbum hunc pepererat. Quarta cum in cavitatem intestini intestinum descendit, unde obstructo fæcis, et corruptio illius cum morte oritur, sicut in sectione anatomica observavi ; juvenis enim quidam hoc morbo affectus sine ullo hydrargiri juvamine mortuus est : quod cum permeare non potuisset, prope obstructionem à me inventum fuit.

    [On observe deux sortes de volvulus. Les médecins appellent miserere mei le premier, qui est l’entérocèle, {b} où une anse de l’iléon descend dans le scrotum et s’y étrangle, interrompant le passage des fèces, dont le refoulement provoque des vomissements fécaux. {c} Le second survient quand les anses intestinales s’attachent les unes aux autres pour former comme une corde mouillée qui ensuite s’entortille sur elle-même, selon ce que j’ai observé, et dans ce cas, l’absorption de balles de plomb ou de mercure est admirablement efficace ; mais cela n’est d’aucune utilité dans les deux autres sortes d’occlusions dont je vais parler, où les malades meurent sans le moindre espoir de salut. Dans la première que j’ai vue, {d} l’iléon est si étranglé qu’il ressemble à un boudin dont on a ficelé les deux extrémités et c’est exactement ce que j’ai vu dans un cas qui était dû à l’acrimonie d’une humeur bilieuse. Dans la seconde sorte, l’intestin s’enfonce dans sa propre cavité {e} ce qui provoque son obstruction par les matières, puis son pourrissement qui entraîne le décès, comme je l’ai observé à l’ouverture du cadavre d’une jeune personne qui était morte sans avoir tiré aucun profit du mercure, car il était impossible de lever l’obstruction que j’ai trouvée, qui confinait à l’occlusion]. {f}


    1. Cinquantaines de relations médicales.

    2. Vnote Patin 5/9015 pour l’occlusion par étranglement herniaire dont le nom populaire de miséréré vient du Psaume 51, Miserere me Deus [Aie pitié de moi, mon Dieu].

    3. Ces vomissements fécaloïdes ressemblent à des matières fécales mais n’en sont pas, car il est anatomiquement impossible de vomir vraiment des fèces quand le grêle est occlus (sauf si une fistule s’est formée entre le côlon et l’estomac).

    4. Pour la rendre cohérente, j’ai revu la seconde énumération, qui distingue les volvulus des autres occlusions. La première correspond à la torsion sur bride péritonéale, mais l’explication qu’en donnait Panaroli est à tenir aujourd’hui pour fantaisiste.

    5. Invagination, v. supra première notule {a} supra.

    6. Bartholin semblait surtout penser à ce quatrième type d’occlusion pour combattre les théories de Riolan.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii, note 4.

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(Consulté le 08/12/2025)

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