Annales Ecclesiastici [Annales ecclésiastiques] de Cæsar Baronius, {a} an 69 de l’ère chrétienne, {b} chapitre xii, Lac cum sanguine ex Pauli collo fluxit [Du lait mêlé de sang s’est écoulé du cou de Paul], tome premier, colonne 725 : {c}
Res quidem adeò insignis non tantùm ex dictis Actis, sed et alijs compluribus habetur testibus confirmata. Nam et Sanctus Ambrosius de tam celebri et clara, nec dubitatione aliqua obscurata, his verbis meminit : De Pauli verò cervice, cùm eam persecutor gladio percussisset, dicitur fluxisse lactis magis vnda quàm sanguinis, et mirum in modum sanctum Apostolum baptismi gratia in ipsa cæde extitisse splendidum potiùs quàm cruentum. Quæ quidem res in sancto Paulo stupenda non est. Quid enim mirum, si abundat lacte nutritor Ecclesiæ, sicut ipse ad Corinthios ait : Lac vobis potum dedi, non escam. Hac est plane promissionis illa terra, quam Deus patribus nostris promisit, dicendo : Dabo vobis terram fluentem lac et mel. Non enim de hac terra locutus est, quæ dimanantibus aquis cœnum inuoluit, lutumque permiscet : sed de illa tum Pauli, tum similium Pauli, quæ iugiter purum suaueque distillat. Quæ enim Pauli epistola non melle dulcior, et lacte candidior ? quæ epistolæ tanquam vbera Ecclesiarum populos enutriunt ad salutem. De ceruice ergo Apostoli pro sanguine lac manauit. Hucusque Ambrosius. Sed et sanctus Ioannes Chrysostomus, eiusdem veritatis grauissimus assertor, sic ait : Beatus autem Paulus, cui caput ense præcisum est, vir cuius laudes verbis exprimi nequeunt. At cuiusmodi ensis illius guttur, Dominicum inquam instrumentum cœlo suscipiendum, et terræ tremendum, peruasit ? Qualis locus tuum, Paule, sanguinem excepit, qui lacteus apparuit in ejus veste, qui te percussit ? qui quidem sanguis barbaricum illius animum reddens melle dulciorem, ut ipse unà cum socijs ad fidem traduceretur, ita affecit. Hæc de lacte.
[Cette fort célèbre affaire a été confirmée par les susdits Actes, {d} mais aussi par d’autres témoignages fort nombreux qui l’ont rapportée, dont surtout le fameux et clair récit de saint Ambroise, {e} qui ne laisse aucune place au doute : Quand le bourreau a frappé de son glaive le cou de Paul, il en a jailli, dit-on, plus de lait que de sang, et en cette exécution capitale, par miracle et par la grâce du baptême, le saint Apôtre est apparu plus resplendissant que sanglant. Cela ne doit pas surprendre dans le cas de Paul : pourquoi s’étonner qu’il y eût abondance de lait en celui qui a nourri l’Église, comme lui-même l’a écrit aux Corinthiens, {f} “ C’est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide. ” Il s’agit absolument de cette terre de promesse que Dieu a annoncée à nos pères en disant : “ Je vous donnerai une terre où ruissellent le lait et le miel. ” {g} En effet, il n’a pas parlé de cette terre dont les eaux charrient la fange et la mêlent à la boue, mais de celle, chère à Paul comme à ses semblables, qui distille la pureté et la douceur. Laquelle des lettres de Paul n’est pas plus douce que le miel et plus blanche que le lait ? Telles les mamelles de l’Église, elles nourrissent les peuples en vue de leur salut. Au lieu de sang, c’est donc bien du lait qui a coulé du cou de l’Apôtre. Voilà pour le témoignage d’Ambroise, auquel saint Jean Chrysostome, en très sérieux défenseur de cette vérité, a ajouté : {h} Un glaive a tranché la gorge de Paul, ce saint dont les mots sont impuissants à exprimer la gloire ; mais qu’en a donc fait couler ce qui fut, dirais-je, l’instrument divin qui soutient le ciel et fait trembler la terre ? Ô Paul, pourquoi celui qui t’a frappé a-t-il alors répandu sur son vêtement du sang qui avait l’apparence du lait ? Ce sang a rendu cet esprit barbare plus doux que le miel, afin que lui et ses compagnons soient conduits à la foi. Voilà ce qu’on dit de ce lait]. {i}
- V. note Patin 6/119 pour le cardinal italien Cæsar Baronius (Cesare Baronio) et sa monumentale histoire de l’Église romaine parue à la fin du xvie s., et continuée après lui.
- Donnée pour la 25e année de la papauté de Pierre et la 13e du règne de Néron (v. note Patin 6/215), empereur romain de 54 à 68.
Saint Paul (Saul) de Tarse, surnommé l’Apôtre (sans avoir été l’un des 12 disciples de Jésus), et saint Pierre furent les premiers fondateurs de l’Église romaine.
- Cologne, Ioannes Gymnicus et Antonius Hieratus, 1609, in‑fo.
- Le Martyrologium Romanum, ad novam Kalendarii rationem, et Ecclesiasticæ historiæ veritatem restitutum [Martyrologe romain, selon le nouvel ordre du calendrier et la vérité rétablie de l’histoire ecclésiastique] (édition de Lyon, 1583, page 108) donne le 10 mai pour fête de Nérée et Achillée, deux frères qui auraient été martyrisés à la même époque que saint Paul. Leurs Acta [Actes] sont une hagiographie rédigée au ve‑vie s., en grec et en latin.
- Sermon 68 de saint Ambroise, évêque de Milan au ive s. Père de l’Église.
- Première Épître aux Corinthiens, 3:2.
- Exode, 8:17.
- Le Discours sur les premiers apôtres, Pierre et Paul est tenu pour un apocryphe de saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople au ive s. Père de l’Église.
- Soit, mais force est de se demander s’il ne s’agissait pas plutôt d’un volumineux abcès tuberculeux du cou ou du médiastin supérieur, dont le bourreau aurait assuré la radicale évacuation.
V. notes Patin 2/1081, pour une autre référence de Bartholin à ce supposé miracle, et [26]‑[29], Brevis Destructio, chapitre v, pour la riposte d’Hyginus Thalassius (le très pieux janséniste Pierre De Mercenne).
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