Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
4e de 6 parties, note 33.
Note [33]

Ce périple du chyle cardiaque qui termine sa course dans le foie est compatible avec la circulation harvéenne, mais contredit la circulation hippocratico-riolanique : le système porte y forme un compartiment clos, où ne pénètre guère le sang qui circule dans l’aorte et les veines caves ; en voulant jouer au plus fin, Jean ii Riolan s’était pris à son propre piège.

Souvent évoquée dans le débat comme un écueil incontournable, la toxicité des deux biles pour les parties corporelles faisait partie des lubies héritées de l’antique théorie humorale. Entre maints autres endroits, Galien a illustré cela dans une de ses attaques contre Asclépiade de Pruse (Des Facultés naturelles, livre i, chapitre xiii, pages 232‑233) : {a}

« Certes, il y avait de la grandeur et de la noblesse à rejeter les faits évidents pour ajouter foi à des choses obscures ! Au sujet de la bile jaune, il pousse plus loin encore son audacieuse et juvénile témérité. Il prétend qu’elle est engendrée et non pas sécrétée dans les conduits cholédoques. Comment donc alors voit-on chez les ictériques coïncider ces deux circonstances : des déjections absolument exemptes de bile, et un corps tout entier rempli de bile ? Ici encore il est contraint de recourir à des subtilités semblables à celles qu’il débitait à propos de l’urine. {b} Il n’est pas moins plaisant au sujet de la bile noire et de la rate, ne saisissant pas ce qu’Hippocrate a pu dire et s’efforçant, de sa bouche insensée et en délire, {c} de nier ce qu’il ignore. Quel profit a-t-il tiré de semblables dogmes pour le traitement des maladies ? Incapable de guérir un néphrétique, un ictérique ou un mélancolique, il n’accorde même pas un point reconnu, je ne dis pas seulement par Hippocrate, mais encore par tout le monde : c’est que certains médicaments purgent la bile jaune, d’autres la bile noire, ceux-ci le phlegme, ceux-là l’humeur ténue et aqueuse ; il va même jusqu’à prétendre que ces médicaments engendrent chacune de ces matières expulsées, comme la bile est produite par les canaux cholédoques. »


  1. Traduit par Charles Daremberg, volume 2.

  2. V. note [3], première Responsio, 4e partie, pour Asclépiade de Pruse et un aperçu de ses idées sur la formation de l’urine.

  3. dementi insanoque ore dans Kühn (volume 2, page 40), ce qui n’est pas sans rappeler l’anagramme de Ioannes Riolanus, lanius ore insano [boucher à la bouche folle] : v. note [1] de l’Anagramma.

On s’acharnait alors à résoudre des difficultés qui se sont depuis avérées ne pas en être : l’atrabile n’existe pas ; la bile jaune est un composant naturel du sérum (bilirubine) et n’est vraiment toxique que lors de l’ictère hémolytique du nouveau-né.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
4e de 6 parties, note 33.

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(Consulté le 08/12/2025)

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