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Description du document

La première partie du manuscrit 2039 est un cahier de petit format qui porte, d’une main qui pourrait être celle de Paolo Boccone lui-même, le compte-rendu d’une herborisation menée dans les jardins du château de Chantilly en 1671. Le papier utilisé porte des filigranes que l’on trouve également dans l’herbier : il faut conclure de ce fait soit que Paolo Boccone conservait un stock de feuilles de papier, probablement d’origine italienne, en 1671, soit que les tentatives d’impression des plantes à partir de spécimens séchés s’est étendue dans le temps entre 1665, date la plus haute confirmée par l’utilisation des lettres et 1671, date basse offerte par le cahier. La conservation des deux documents dans le même ensemble ne permet pas de choisir entre les deux hypothèses.

Si l’herbier présente un double intérêt pour l’histoire des techniques et pour celle des sciences, le cahier de Chantilly doit être interprété à la lumière des informations concernant l’histoire de la botanique au XVIIe siècle. Le texte se présente comme une série de noms de végétaux, donnés dans des nomenclatures souvent plus anciennes que celles en usage à l’époque où travaille le botaniste sicilien. La référence la plus ancienne renvoie à l’ouvrage publié par Jérôme Bock (Tragus en latin) en 1552 ; les autres concernent des ouvrages majoritairement composés par des naturalistes au mieux de la génération précédente parmi lesquels figurent des noms aussi célèbres que Charles de L’Ecluse, Mathias de L’Obel, Leonard Fuchs ou Pietro Andrea Matthioli. La référence à l’herbier de C. Bauhin était attendue : le Pinax du botaniste suisse est en effet l’un des textes essentiels sur les plantes. Il se présente comme une nomenclature, offrant au lecteur et au scientifique des équivalences exactes avec les noms de plantes utilisés par les botanistes de la Renaissance. Le Pinax ne constitue pas un herbier au sens strict du terme : il n’offre ni description, ni image des plantes considérées. Il doit être lu, en revanche, comme l’un des plus grands efforts consentis à la Renaissance pour uniformiser et mettre en ordre le champ de la phytonymie.

L’utilisation de l’Historia Plantarum de Jean Bauhin, publiée en 1650 par son gendre Cherler, ne présente pas non plus d’aspect particulièrement étonnant. Bien qu’il s’agisse d’un ouvrage largement dépendant de l’état de la réflexion botanique des années 1580, il n’avait été publié que récemment au moment où Boccone ramasse ses plantes. Le recours au commentaire de Matthiole sur Dioscoride ressortit d’une logique assez différente. Ce commentaire, dont la première édition italienne avait été publiée en 1544, a bénéficié tout au long du XVIe siècle d’éditions multiples et de traductions. Le contenu du commentaire est constamment enrichi au fil des diverses éditions : il témoigne d’une réflexion scientifique en mouvement qui se nourrit à la fois de la méditation des sources antiques et de l’élaboration progressive de savoirs nouveaux. L’examen détaillé des références mentionnées par Paolo Boccone dans le cahier de Chantilly semble indiquer l’utilisation d’une édition latine tardive postérieure au moins à 1554. Il pourrait s’agir de l’édition latine de 1564 ou de la suivante publiée en 1571. Si le texte varie d’une édition à l’autre, l’illustration est sujette aux mêmes variations. L’exemple de la note consacrée à l’hedera helix semble indiquer que le botaniste sicilien disposait aussi d’une traduction italienne du texte dans laquelle on trouve une image de cette plante.

Les autres botanistes ne sont mentionnés que plus épisodiquement. Matthias de Lobel, auquel il est fait allusion deux ou trois fois était un botaniste du nord de la France, ami de l’imprimeur Christophe Plantin d’Anvers. Formé à Montpellier, il avait herborisé dans la campagne provençale avec l’un de ses amis, Pierre Pena . 

Sur ces deux personnages, on pourra consulter les notices de Ludovic Legré, La Botanique en Provence au XVIe siècle. Pierre Pena et Mathias de Lobel , Marseille, Impr. de Barlatier, 1899 et les remarques de Louis Dulieu, La Médecine à Montpellier. 2, La Renaissance, Avignon, Presses universelles, 1979.

De ces herborisations, les deux savants devaient tirer un livre, les stirpium icones qui associe très sytématiquement les noms des plantes et une image normalisée. Certains des bois qui ont servi à la publication de cet album de plantes n’étaient cependant pas neufs : Christophe Plantin les avait déjà utilisés pour l’édition des herbiers de Dodoens et de Charles de l’Ecluse, plusieurs années auparavant.