Lorsque le comte de Rochambeau débarqua à Newport en 1778 en compagnie de Lafayette et du dentiste français Jean Gardette, l’odontologie du nouveau monde était encore sous l’emprise des Clergymans puritains et des « tooth breakers ». (1) Lors de la période coloniale, les premiers praticiens dotés d’une formation arrivèrent d’Angleterre comme John Baker, Isaac et John Greenwood et de France comme Jean-Pierre Lemayeur et Jean Gardette. (2)

Jean Gardette (1756-1831)

 

En vulgarisant les acquis scientifiques de Fauchard et de ses contemporains, Gardette est reconnu comme le fondateur de la dentisterie américaine, à tel point que Martin Deranian (3) n’hésite pas à écrire :

« La dentisterie américaine est redevable d’une dette incalculable à Fauchard et aux Français ».

La dernière étape de la diffusion de l’art dentaire français du XVIIIe siècle sur ce continent, fut marquée par l’arrivée d’Antoine Plantou à Philadelphie en 1817 (4) qui divulgua la technique de fabrication des dents minérales de Dubois de Chemant.

Si l’apport des techniques opératoires des auteurs européens est bien répertoriée, leur influence sur l’aménagement opératoire des praticiens des jeunes Etats américains est moins bien connue.

Dentiste américain et son coffret d’instruments
(Ambrotype ca. 1850)

 

Les pionniers de la période post-révolutionnaire

A l’aube du XIXe siècle, la jeune dentisterie américaine ne possédait ni législation ni centre de formation. L’apprentissage chez un praticien établi était la seule possibilité pour acquérir un minimum d’expérience.

Le livre du premier auteur américain : « Treatise of human teeth » par R.C. Skinner publié à New York en 1801 n’est en fait qu’une forme de publicité rédactionnelle.

Les nombreuses annonces de dentistes des journaux locaux nous révèlent que la pratique itinérante est encore très importante.

La documentation qui se rapporte à la composition de l’équipement des praticiens de cette époque nous est fournie par les rares pièces et archives de musées ou de sociétés professionnelles.

Les publications de deux dentistes américains, les docteurs J.L. Asay (5) et Charles Meritt (6) qui nous relatent l’expérience du début de leur carrière professionnelle constituent de précieux et rares documents sur le mode d’exercice des praticiens américains du début du XIXe siècle.

les « rocking chairs »

Ces deux auteurs qui s’installèrent dans les années 1830 précisent qu’ils ont d’abord utilisé un fauteuil à bascule placé devant la fenêtre. Des coussins, placés sur le siège étaient utilisés pour faire varier la hauteur de la tête du malade, alors que l’inclinaison du dossier était obtenue en glissant une bûche en bois à l’avant du piètement. Un bassin, faisant office de crachoir était posé sur un tabouret à proximité du fauteuil. Une table recouverte d’une serviette servait à la présentation des instruments.

Reconstitution d’un cabinet du Middlewest aux environs de 1830 (photo de l’exposition de Chicago, 1833)

 

Une chronique du Dental Register de 1848 nous apprend que l’auteur de l’article utilisait encore un fauteuil à bascule.

le fauteuil de Josiah Flagg C. 1800

Le musée de l’école dentaire de la « Temple university » de Philadelphie conserve jalousement un fauteuil attribué à Josiah Flagg.

Le fauteuil de Josiah Flagg (Temple university school of dentistry museum)

 

Il est considéré comme le premier fauteuil dentaire américain ayant appartenu à l’un des premiers dentistes de citoyenneté américaine.

Ce siège est en fait un fauteuil de salon de type Windsor converti en modèle dentaire par l’adjonction d’une têtière garnie de crin et recouvert de cuir ; l’accoudoir droit, dont la surface a été augmentée, tient lieu de tablette à instruments.

L’apparition de ce fauteuil se situerait dans une fourchette d’années comprises entre 1790 et 1812.

La tradition atteste que Josiah Flagg aurait été l’élève de Jean Gardette. Quelque soit la véracité de cette thèse, la grande notoriété de ce dentiste français ne fait aucun doute puisqu’il fit partie des dentistes qui ont contribué à résoudre les problèmes dentaires de Washington, et qu’il fut l’auteur du premier article scientifique publié par une revue américaine.

Il est donc vraisemblable que Josiah Flagg ait pu subir l’influence de Pierre Fauchard et de sa conception du fauteuil opératoire.

le fauteuil d’Emile Gardette, ca. 1835-1840

En 1844 un éditeur de Philadelphie publie le livre de Goddard et Parker (7) dont l’un des mérites est de consacrer un chapitre au mobilier du cabinet dentaire.

Le fauteuil d’Emile Gardette

 

Parmi les fauteuils existants à cette époque, les auteurs ont sélectionné le modèle d’avant garde du fils de Jean Gardette, Emile Gardette de Philadelphie qu’il a fait réaliser sous sa direction.

Goddard et Parker nous en font une description détaillée illustrée de plusieurs gravures qui mettent bien en évidence les différentes parties du fauteuil. Le piétement se compose de quatre pieds à balustre, droits et massifs qui reposent sur une plate forme en bois munie de deux pertuis destinés à la fixation d’un repose-pieds non représenté.

La vue de profil souligne l’écart important et inhabituel que séparent les pieds antérieurs et postérieurs. Ces derniers se détachent nettement du rebord postérieur de l’assise, à l’aplomb de la têtière en position inclinée du dossier.

Ce dispositif révèle la volonté délibérée de l’auteur d’avoir la possibilité d’incliner le malade tout en conservant la stabilité du fauteuil.

Cette gravure souligne l’originalité du dossier avec son contour curviligne rétréci à la base et sa têtière articulée.

La vue en coupe au niveau du siège dévoile la compacité des accotoirs et de ses supports qui épousent le profil de l’assise en rejoignant la largeur réduite de la base du dossier.

Ce galbe très ergonomique assure au dentiste en position de 8 heures une meilleure approche du malade qui peut encore être améliorée par la possibilité d’escamotage des accoudoirs.

Une crémaillère assure le réglage de la têtière alors qu’un mécanisme comprenant un segment perforé et un goujon, contrôle l’inclinaison du dossier.

Le mécanisme de levage du siège représenté sur la figure met bien en évidence les deux crémaillères dans lesquelles s’engagent les cliquets à ressorts. Leur liaison est assurée par deux bras articulés et une tige métallique qui aboutissent au bouton de réglage situé à l’arrière du fauteuil.

L’illustration d’un crachoir sur pieds avoisinant le fauteuil de Gardette constitue la première représentation d’un crachoir spécialisé dans une publication américaine.

Les nombreuses innovations de ce modèle: dossier et siège très profilés et accotoirs escamotables contribuent à améliorer les conditions de travail du praticien et le confort du malade, et mettent bien en évidence l’influence des principes ergonomiques de Pierre Fauchard exposés dans notre premier article.

La parenté du mécanisme de levage avec celui du fauteuil de Snell témoigne de l’influence de l’édition américaine de son livre publié à Philadelphie en 1832.

1839-1840 : les années décisives

Ces deux années furent marquées par des événements qui déterminèrent le destin de la dentisterie américaine. (8)

1839 est d’abord l’année de la publication de la première revue dentaire au monde : « I’American journal of dental science » sous la responsabilité de Chapin Harris.

1839 est aussi la date de la naissance de la photographie ; c’est en effet le 30 juillet 1839 que Louis Daguerre, après les premiers travaux de Niepce présenta ses « daguérotypes » à l’Académie française des arts et des sciences.

Paradoxalement ces photographies ne furent utilisées que par les dentistes américains. Ils apportérent une nouvelle source de documents pour l’illustration de leur revue.

The Baltimore College of Dental Surgery en 1874 (Dental Cosmos)

 

1840 marque à la fois l’ouverture de la première école dentaire au monde: le « Baltimore collège of dental surgery » sous la direction des docteurs Horace Hayden, John et Chapin Harris, et la création de la première société professionnelle dentaire « l’American society of dental surgeons » présidée par Eleazar Parmly. Ce mouvement d’indépendance vis-à-vis de l’enseignement médical ne fut pas spontané. Il résulte en fait de l’échec des propositions d’Hayden et Harris visant à intégrer l’enseignement dentaire à celui de la faculté de médecine de l’université de Maryland. Cette rupture fut consommée lorsque « l’American medical association » refusa en 1848 d’admettre des délégués des collèges dentaires à ses réunions. (9)

Le négoce dentaire fait aussi son apparition lors de cette période.

La manufacture de dents en porcelaine de S.W. Stockton créée en 1825, propose des fauteuils opératoires dans les feuillets publicitaires de « I’American joumal of dental science » des années 1841 et 1846.

Son neveu, Samuel S. White qui créa en 1844 la firme « Jones and White » présente aussi des fauteuils dans cette revue en 1846.

John Chevalier de Champtaure, qui s’est spécialisé dans la fabrication exclusive d’instruments dentaires, distribue à son tour des fauteuils opératoires en 1846.

le fauteuil de Daniel Porter 1837

Le docteur Charles Merrit décrit dans son article de 1898 un fauteuil inventé par son beau-frère le docteur Porter en 1837. Fabriqué à Bridgeport dans le Connecticut, il fut distribué pendant une dizaine d’années par « Jones and White ». Les « Dental news letters » créées par cette firme en 1847 en font une brève description dans le numéro 2 de 1849. Ce modèle est enfin illustré dans le « Dental cosmos » de 1859.

Le fauteuil de Daniel Porter

 

Le piétement composé de quatre pieds très cambrés, fournit une bonne sustentation.

Le siège est réglable en hauteur grâce à un système de levage à poulie situé sous le siège. Un mécanisme à crémaillère fixe aux accotoirs contrôle l’inclinaison du dossier.

Une têtière articulée permet le positionnement antéro-postérieur de la tête du patient.

Le modèle présenté dans le « Dental cosmos » de 1859 se différencie par un nouveau mécanisme de levage à vis perfectionné et par une têtière à réglage latéral.

Le modèle reproduit dans le catalogue de John Chevalier de 1855 est identique à celui du docteur Porter. Il s’en différencie néanmoins par quelques modifications apportées à la têtière et au mécanisme à crémaillère qui régit l’inclinaison du dossier. Le réglage en hauteur du siège s’effectue avec le malade en place en manœuvrant la manivelle qui actionne un mécanisme de levage à cric.

Le fauteuil de Chevalier (coll. part.)

 

Le catalogue de Chevalier présente aussi un crachoir de même type que celui du docteur E. Gardette ainsi qu’une têtière adaptable à certains types de fauteuils du commerce. « Jones and White » proposait déjà ce type de têtière dans les « Dental news letters » de 1848.

le fauteuil de M.W. Hanchett 1848 (10)

Ce fauteuil breveté en août 1848 ne fut jamais commercialisé. Il a la particularité d’avoir un piétement dissocié du corps du fauteuil. C’est le premier modèle à bascule spécialisé.

Le fauteuil de M.W. Hanchett

 

Il adopte le système de levage à vis des tabourets de piano ; le piétement est solidaire d’une plate-forme, à l’extrémité de laquelle est fixé un repose-pieds à cylindre réglable en hauteur.

L’instrumentation 

Aux Etats-Unis, le milieu du XIXe siècle fut marqué par l’apparition des premiers instruments rotatifs actionnés manuellement comme le « Chevalier drill stock ».

Le porte-foret à manivelle de John Chevalier, « Chevalier drill stock »

 

Ce porte-foret, manœuvré à l’aide d’une manivelle, avait l’inconvénient de nécessiter l’usage des deux mains éliminant la possibilité de prendre des points d’appui.

En 1844, Godard et Parker vulgarisèrent le porte-foret du Dr Everest qui pouvait être utilisé avec une seule main grâce à un mécanisme à crémaillère qui imprimait au foret des mouvements rotatifs alternés mais au nombre de tours limité.

Le porte-foret du Dr Everest

 

La première fabrique américaine spécialisée dans l’instrumentation dentaire fut celle de John Chevalier qui s’établit à New-York en 1833. Ce fabricant était réputé pour la qualité de ses daviers. Il adopta par ailleurs le concept de mors anatomique vulgarisé en Angleterre par Cyrus Fay en 1830, et qui fut réactualisé par Tomes et Evrard vers 1850.

Le coffret d’instruments à cinq tiroirs de Samuel S. White dit « de Charles X » (Musée Pierre Fauchard) : L’ « Operative case N° 1 »

  

Le dépôt de Samuel S. White en 1867

 

Les nouveaux modèles d’instruments, consécutifs au développement des techniques d’aurification, amenèrent les praticiens à imaginer de nouveaux modes de rangement. John Chevalier fut le premier à introduire aux Etats-Unis vers 1840 les coffrets d’instruments à cinq tiroirs. Ce modèle sera repris dix ans plus tard par Samuel S. White en bénéficiant du grand dynamisme commercial de la firme de Philadelphie.

Publicité de John Chevalier

Le coffret de Chevalier (coll. part.)

 

Ce type de coffret est exposé aujourd’hui dans plusieurs musées européens. C’est cependant celui du Musée Pierre Fauchard qui a acquis la plus grande notoriété.

Description du coffret 
Le coffret à cinq tiroirs de Samuel S. White, dit « de Charles X »

 

Description du coffret : le marquage des instruments

L : 63,5 cm – l : 43,5 cm – H : 24 cm 

Le coffret ouvert

 

L' » Operative Case n°1  » comprend :

  • deux plateaux superposés,
  • deux tiroirs latéraux avec contre-tiroirs,
  • un tiroir frontal,

L’intérieur du coffret est gainé de velours rouge.

Le plateau supérieur 

Le compartiment central du plateau supérieur

 

Le compartiment central se compose de cinq instruments de prestige :

  • 1. un miroir à main,
  • 2. un miroir buccal à double face,
  • 3. une paire de ciseaux,
  • 4. un abaisse langue,
  • 5. un scarificateur gingival.

Les manches et les montures en nacre, incrustés de pierres de couleur rubis et turquoise sont somptueux. Les montures métalliques sont en or.

La longueur des branches de la paire de ciseaux est surprenante. Elle résulte de sa fonction propre à l’usage de l’or en feuille à aurification.

L’or cohésif spongieux fut breveté par A.G. Watt en 1853. Les praticiens utilisèrent encore longtemps l’or en feuille qu’il découpaient et roulaient comme des feuilles de tabac en vue de constituer des petits cylindre propres à être condensés dans la cavité

L’énigme  de  la  nature  des  manches  d’instruments à aurification : le Cyproecassis Ruffa

Deux instruments à détartrage. Manche en Cyproecassis Ruffa.

 

A gauche du compartiment central se trouve une rangée de 12 instruments. Ils se composent de fouloirs à aurification.

La nature des manches a longtemps constitué une énigme ; les avis étaient partagés :

– le camée, pour l’auteur des catalogues de Samuel S. White, (silex onyx)

– l’onyx, pour le Dr Lemen de Sacramento, (agate quartz onyx). La nature organique de ces manches était pourtant évidente et s’opposait à l’origine minérale des camées constitués traditionnellement de pierres dures. Face à ce dilemme, nous avons enquêté auprès de différents services du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Ces recherches ont vite abouti à la conclusion que ces manches ont été confectionnés à partir d’un coquillage très répandu dans l’Océan indien, le Cyproecassis Ruffa. 

Le coquillage (Océan Indien)

 

Nous avons appris par la suite que les italiens se sont spécialisés au XIXe siècle dans la confection de camées à partir du Cyproecassis Ruffa dont le prix de revient était très inférieur aux camées réalisés à partir de pierre dure comme la sardoine ou agate onyx.

Le tiroir frontal 

Deux daviers de tiroir frontal

 

On y trouve des daviers à mors modernes épousant l’anatomie du collet des dents.

Des élévateurs à manche en ivoire ou en ébène sont toujours associés à ces daviers.

Le marquage des instruments 

Le marquage : Jones, White and Mac Curdy

 

Tous les daviers sont marqués : Jones, White et Mc Curdy.

Nous avons pu situer cette trousse dans une fourchette d’années comprise entre 1851 et 1859 grâce à ce marquage et à l’historique de la maison de S.S. White publiée en 1944 pour célébrer le centenaire de la firme.

Néanmoins, nous étions conscients qu’une déduction établie à partir d’un article rédactionnel pouvait prêter à caution et qu’il était souhaitable de rechercher les sources de ses informations.

Nous avons donc parcouru les « Dental News Letters » et les premières années du « Dental Cosmos » qui nous ont confirmé les années de collaboration d’Asahel Jones et de John R. Mc Curdy avec Samuel S. White.

Historique 
Portrait de Samuel S. White

 

Lorsqu’il fonda sa propre société à Philadelphie en 1844, Samuel S. White bénéficiait d’une double formation, celle consécutive à sa collaboration pendant six ans avec son oncle S.W. Stockton qui dirigeait une fabrique de dents en porcelaine et de matériel dentaire et celle de dentiste qu’il pratiqua encore jusqu’en 1846 avant de se consacrer entièrement à son entreprise. Ces activités expliquent, dans une certaine mesure, la renommée de qualité qu’impliqueront très vite les produits de la firme de Philadelphie. En plus de la création de ses propres filiales, il étend son système de vente à des dépôts dentaires indépendants et même à des dépôts qui ne dépendent pas de la profession comme les pharmaciens et les bijoutiers !

Ses efforts portent aussi sur la création de revues professionnelles que dirigeaient ses collaborateurs. Les « Dental New letters » de 1850 mentionnent pour la première fois la vente des coffrets d’instruments de « Jones and White » aux prix variant de 24 à 250 dollars. En 1859, la revue se transforme et prend le nom de « Dental Cosmos ». Nous trouvons dans les premiers numéros, une liste de coffrets d’instruments comprenant notamment la reproduction et la composition de l' »Operative Case n°1  » qui correspond aux coffrets qui rentrent dans le cadre de cette étude.

Le dépôt de Philadelphie en 1876

 

Les premiers catalogues de Samuel S. White de 1867 et 1877 complètent la liste de 1859 en fournissant de nombreuses gravures d’instruments. Les coffrets étaient disponibles en acajou, noyer et bois de rose avec une option de gaine en cuir pour les dentistes itinérants très nombreux à cette époque héroïque.

Des compositions plus élaborées étaient aussi disponibles sur commande spéciale aux prix s’échelonnant de 400 à l000 dollars.

Les tiroirs latéraux et les instruments rotatifs 
Le dépôt de Philadelphie en 1876

 

Les tiroirs latéraux 

Ils sont aménagés avec des contre-tiroirs et composés d’instruments à aurification : fouloirs brunissoirs, ciseaux à émail et d’un porte-fraise  à main.

Porte-fraise à main : le « revolving head socket drill » est composé d’un pommeau attenant à une tige revêtu de nacre sur lequel est fixée la fraise. Le praticien fixe le pommeau dans le creux de la main et actionne la tige avec ses doigts pour obtenir la rotation de la fraise. 

Le porte-fraise à main « Revolving head socket drill »

 

L’attribution au dentiste du roi Charles X : mythe ou réalités
La légende du coffret (catalogue de l’exposition de 1967)

 

Cette attribution figure dans de nombreuses présentations énoncées au XXème siècle :

Exposition rétrospective du VIIIème congrès dentaire international de Paris en 1931 tenu au Grand Palais : « Magnifique malette-trousse d’époque Charles X que possède l’École Dentaire de Paris « . Description du catalogue : « Trousse de voyage ayant appartenu à un dentiste d’un roi français (Charles X ?) ».

Allocution du Dr Solas du 12 septembre 1937 à l’occasion de la réouverture du Musée qui devient « Musée Pierre Fauchard » : « Trousse de dentiste du milieu du XIXème siècle qui aurait été celle du dentiste du roi Charles X « .

Exposition historique du XIVème congrès de la F.D.I. tenu à Paris en 1967 : « Trousse ayant servi au roi Charles X » (Revue d’Histoire de l’Art dentaire).

Réputation de ces attributions 

1. Lorsque Samuel S.White créa son entreprise en 1844, Charles X était mort depuis 1836 et son dentiste Dubois-Foucou depuis 1830.

2. L’attribution du coffret est révélée par le catalogue de Lemerle, conservateur du Musée de l’École dentaire de Paris, établi pour l’exposition historique de la F.D.I. tenue dans le cadre de l’exposition universelle de 1900.

Catalogue de l’exposition universelle (Paris, 1900) (FDI)

 

Le plateau supérieur du coffret est décrit avec l’annotation « Trousse de Préterre » du Musée de l’École dentaire de Paris. 

Numérotation concernant les pièces de la Collection Préterre

 

Apolonie-Pierre Préterre (1821-1893) 

Préterre participa à la création de l’École dentaire de Paris.

Il fut un des premiers souscripteurs.

Il fut nommé vice-président du Comité d’organisation de l’Ecole de Paris le 6 mai 1880 et membre du corps enseignant pour l’année 1880-1881 où il fut chargé du cours de restauration buccale et d’orthopédie dentaire.

Sa notoriété repose surtout en tant que

  • créateur de « l’Art Dentaire » première grande revue professionnelle en 1855
  • vulgarisateur en France des prothèses en caoutchouc vulcanisé et de l’anesthésie gazeuse au protoxyde d’azote
  • créateur du Musée de restaurations prothétiques maxillo-faciales
  • lauréat à l’exposition universelle de 1889 où il reçoit la médaille d’or.
Modèle de montre de prothèse de restauration buccale de Préterre
(Exposition « Des dents et des hommes », Couvent des Cordeliers, 1992)

 

L’Odontologie du 15 septembre 1897 nous apprend que « le Dr Lecaudey s’est rendu acquéreur de la collection d’Apolonie-Pierre Préterre et qu’il vient de l’offrir à l’École dentaire ». Elle comprend « des pièces de restaurations buccales et faciales, de redressements et des instruments etc. »

En octobre 1897, Michaels présente la collection Préterre au congrès dentaire national de Paris.

Conclusion

Pendant toute la durée de la première moitié du XIXe siècle la majorité des dentistes utilisèrent un équipement non spécialisé : fauteuils à dossier droit en Europe, fauteuils à bascule aux Etats-Unis.

Les premières recherches destinées à concevoir une installation adaptée à la pratique de l’art dentaire s’attachèrent en premier lieu à résoudre la problématique du fauteuil opératoire.

Pendant le premier quart de ce siècle les fabrications de fauteuils comme ceux de Snell et de Gardette furent réalisées d’une façon artisanale en étroite collaboration avec les praticiens.

Les premières manufactures de dents en porcelaine comme celle de S.W. Stockton diffusèrent aussi des fauteuils et des crachoirs réalisés en petites séries, alors que celle de « Jones and White » évoluait vers la fabrication industrielle.

Curieusement c’est aux Etats-Unis que l’influence de Fauchard se manifeste le plus tôt, grâce a Emile Gardette qui concrétise dans son fauteuil révolutionnaire les principes ergonomiques de Pierre Fauchard. Ce modèle constitue un progrès conceptuel indéniable par rapport aux fauteuils de Snell et de Bedjemann.

Malgré l’intérêt suscité par l’introduction des instruments rotatifs à main, leur difficulté d’utilisation ne permit pas l’essor de la dentisterie opératoire. Les coffrets à cinq tiroirs de Chevalier et de Samuel S. White améliorèrent la possibilité de rangement des instruments. Malgré la richesse de certains ensembles, ils n’atteignirent jamais la qualité artistique des coffrets d’instruments de Grangeret ou de Biennais.

Bibliographie

1 Dentistry : an illustrated history by Malvin E. Ring p. : 183-187
2 Bibliographical notice of the late James Gardette by Emile B. Gardette – Am. Jour of dent. science. April 1851 p. : 375-382
3 Deranian H.M. « The value of history to the profession » Aesculapius I : 1 Fall 1971 p : 13
4 Ambler J.G. « History of the manufacture of artificial teeth » Trans. dent. soc. State of N.Y. 1869 p. : 52-58
5 JL Asay « A retrospective of a half century » Trans. of the Calif. state ass. 26-1896
6 Charles Merrit « some personals recollections » Dent. Pract. and advert. Jan. 1898
7 « Anatomy, physiology and pathology of the human teeth » par Paul Goddard et Joseph Parker – Carey and Hart, Philadelphia 1844
8 « The american dentist « par R. Glenner, Audrey Davis, Stanley Burns – Pictorial histories publishing co – Missoula, Montana p. : 1-71-77
9 Charles R. Turner D.D.S., M.D. « Seventy-five years of dental education and legislation in the United States » Dental cosmos – V LXII n° 1 jan. 1920
10 « The dental office, a picturial history » par Richard Glenner – Pictorial histories publishing Co – Missoula, Montana p. : 26