Texte
Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
2. Avertissement au lecteur  >

[Première page | LAT | IMG] [1]

Le portrait de Jean Riolan[2] fidèlement dessiné, est placé en tête du Livre[1] non pas comme un alexipharmaque, [2][3] ou comme une tête de Méduse, [4] ou quelque inutile épouvantail à moineaux tel qu’on a coutume d’en planter dans un champ qu’on a semé, mais pour bien montrer à mes adversaires, et à mes lecteurs, que mon visage n’est pas aussi difforme et horrible qu’on le dépeint, rongé de rides en un corps sénile qui a un pied dans la tombe, comme on dit d’un cadavre ambulant, dont l’intelligence va s’émoussant et vacillant. Ce nouveau livre pourra témoigner du génie anatomique qui me reste, où que j’en sois dans cette science et à mon âge avancé, tout comme le montrera aussi mon Encheiridium anatomicum, augmenté d’une quatrième partie, qui paraîtra bientôt après. [3][5] Je dis donc hardiment et audacieusement de moi que [Seconde page | LAT | IMG]

Non sum adeo informis, nuper me in littore vidi
Cum placidum ventis staret mare : non ego
ternis
Hostibus offensus timeo, nec fallit imago[4][6]

Je ne doute pas que mes adversaires veuillent souiller mon portrait en s’en torchant le cul, à la manière dont Zoïle [7] flagella la statue d’Homère[8] comme on lit dans Galien ; [5][9] mais j’imiterai, quant à moi, l’astuce de celui qui, voulant capturer dans ses filets un léopard, lui fait voir sur un papier l’effigie d’un être humain (à qui ce très cruel animal veut naturellement du mal) ; alors le fauve stupide le mord et met en pièces, et le chasseur tapi derrière le tableau se rit de la sottise de l’animal et l’étouffe.


1.

Ce portrait non daté de io. riolanus paris. med. doct. et reg. profess. decanus [Jean ii Riolan, docteur en médecine de paris et doyen des professeurs royaux] est signé par un peintre dénommé Varie et gravé par Gilles Rousselet (probablement en 1654-1655, quand Riolan était âgé de 74 ou 75 ans). Il est assorti d’un distique de guido patin, d. Med et prof. reg. [guy patin, docteur en médecine et professeur royal] :

Non riolanus, at est hic Bibliotheca vocandus,
Quippe quod in tota discitur Arte, tenet
.

[Il ne faut pas appeler cet homme riolan, mais la Bibliothèque, car il détient ce qui s’apprend en tout l’Art].

2.

Sous la plume d’un médecin, l’adjectif gréco-latin « apotropéen » (αποτροπαιος, apotropæus) désigne plutôt un médicament alexipharmaque (contrepoison, vnote Patin 20/164) qu’un dieu qui, dans l’Antiquité, détournait ses adorateurs des maux qui les menaçaient.

3.

V. note [8], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour l’édition du « Manuel anatomique et pathologique » de Jean ii Riolan qui était alors disponible (Leyde, 1649). Mort en février 1657, il n’eut pas le plaisir d’avoir entre les mains celle qu’il annonçait (Paris, 1658, vnote Patin 37/514).

4.
« Je ne suis pas si affreux ; j’ai naguère sur le rivage vu mon reflet dans la glace d’une mer d’huile : le miroir ne trompe pas et je ne crains pas d’être insulté par trois ennemis » ; emprunt à Virgile (Bucoliques, églogue ii, vers 25‑27), dont Riolan a adapté la fin à son propos :

                                         Daphnin
iudice te metuam, si numquam fallit imago
.

[je ne crains par, Daphnis, en te prenant pour juge, d’être jamais trompé par le miroir].

5.

Galien, Méthode pour remédier, livre i, chapitre iii (Kühn, volume 10, page 18, traduit du grec) :

At fortassis illud sibi gloriæ memoriæque occasionem fore est arbitratus, si optimis viris lacessitis, nos sibi, respondere cogeret. Verum ita est Zoïlus celeber clarusque fit, qui Homeri statuam flagellavit.

[Qui s’est attaqué aux meilleurs des hommes, nous déclarera peut-être voir là une occasion de se rendre digne de gloire et de mémoire : ainsi Zoïle {a} est-il connu et même renommé pour avoir flagellé la statue d’Homère].


  1. V. note [3], Brevis Destructio, chapitre i.

Je n’ai pas trouvé de source à l’histoire du léopard qui conclut la revendication de Jean ii Riolan.

a.

Première page, Ioannis Riolani Responsiones duæ.

monitum ad lectorem.

Ioannis Riolani
Effigies fideliter expressa
vestibulo Libri præfixa est,
non tanquam apotropæum,
vel caput Medusæ, vel vt
inane aliquod terriculamentum auium,
quale solet in agro seminato interseri ;
sed vt meis Adversariis ostenderem, meis-
que Lectoribus
, meam faciem non esse
adeo deformem et horridam, rugis ara-
tam in corpore senili, capulari, vt vo-
cant silicernio, caliginoso, ingenio fa-
tiscente, et hebescente, qualem me de-
pingunt. Novus hic Liber, index mei in-
genij superstitis Anatomici, qualis sim
in hac Arte, et in hac ætate prouecta,
testari poterit, simúlque meum Enchei-
ridium Anatomicum
, quarta parte auctum,
quod istam editionem sequetur, indi-
cabit. Idcirco intrepidus et audacter de
me pronuntio,

b.

Seconde page, Ioannis Riolani Responsiones duæ.

Non sum adeo informis, nuper me in littore
     vidi
Cum placidum ventis staret mare non ego

     ternis
Hostibus offensus timeo, nec fallit imago.

Non dubito meos Adversarios meam
hanc Effigiem conspurcaturos, tanquam
cacatam chartam, quod fecisse legitur
Zoïlus, qui Homeri statuam flagellauit,
referente Galeno : sed illius astum imitabor,
qui Pardum, atrocissimum animal, suis
retibus captaturus, Effigiem hominis
(quem naturaliter odit) chartaceam, ei
ostentat et opponit ; quam ineptè mor-
det et discerpit : at venator retro tabu-
lam stans, animalis stultitiam ridet, et
illud suffocat.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan Responsiones duæ (1655), 2. Avertissement au lecteur

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=1051

(Consulté le 09/12/2025)

Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.