Texte : Jean Pecquet
Dissertatio anatomica
de circulatione sanguinis
et motu chyli
(1651)
Chapitre xii, note 3.
Note [3]

Jean Pecquet s’était prononcé un peu moins précisément sur l’origine de la bile dans l’édition de 1651 (page 86) :

nec sapienter profectò quis (si quid et ipse sapiam) bilem secundæ coctionis reputaverit excrementum, nec alio duxerit instrumento separabilem.

[Il serait tout à fait déraisonnable (à mon propre avis) de penser que la bile est l’excrément de la seconde coction, {a} et qu’aucun autre organe n’est capable de l’en séparer]. {b}


  1. V. notes [3] et [4], Historia anatomica, chapitre xvii, pour ces subtilités surannées sur la physiologie de la bile et pour la remarque de Thomas Bartholin qui a mené Pecquet à amender son texte.

  2. Pour dire : « aucun autre organe que le foie n’est capable de séparer la bile du sang ».

Le livre iv de la Physiologie de Jean Fernel {a} permet de bien comprendre les dogmes qui prévalaient alors sur la bile et en quoi la nouvelle opinion de Pecquet était provocante.

  • Le chapitre iv (pages 545‑552) énonce Que toutes les humeurs sont engendrées ensemble, et par une seule et même chaleur, et que leur lieu de production unique et commun est le foie, à partir du chyle.

  • Le chapitre ix, Les différences de la pituite, et de l’une et de l’autre bile, établit le lien entre les humeurs (sucs) et les excréments {b} (pages 587‑590) :

    « Il y a en nombre quatre premiers sucs, le sang, la pituite, et la bile jaune et noire. Chacun d’iceux en particulier, tout ainsi que les seconds, {c} ont reçu une disposition et constitution propre et convenable pour nourrir le corps, encore bien {d} quelquefois ils ne le fassent pas et qu’ils n’arrivent pas à leur fin. C’est pourquoi, des sucs, l’un est naturel, qui est entièrement utile, l’autre est non naturel, qui ne peut pas assez bien nourrir. Pareillement, des excréments, l’un est naturel, qui se fait dedans un corps bien sain selon les lois de la nature, l’autre est outre-nature. Du naturel, l’un est utile, qui apporte quelque utilité ou usage au corps, comme la bile dedans la vessie du fiel, et la mélancolie qui est dedans la rate ; l’autre est du tout {e} inutile, comme les excréments du ventre, l’urine de la vessie et la sueur. Le non-naturel est celui qui a accoutumé d’être engendré contre les lois de nature par les causes outre-nature.

    La pituite donc, et l’une et l’autre bile, est entièrement de trois sortes : l’une est propre et convenable pour nourrir, qui est appelée alimentaire ; l’autre est superflue, qui est ou naturelle, ou outre-nature. La bile alimentaire, c’est la plus subtile part et portion du sang, qui est distribuée dedans les veines, tant afin de nourrir les parties qui sont semblables à sa nature, que pour aider à la promptitude du transport du reste du sang qui, à cause de sa crassitude ou épaisseur, ne serait pas transporté et répandu dedans les veines sans beaucoup de peine et de difficulté ; et ce qu’ayant fait, s’il en reste quelque chose de moins utile et superflue, elle sort et s’écoule dehors, conjointement avec les sueurs.

    La bile superflue, étant séparée du sang comme un excrément, est jetée dedans la vessie de la bile {f} d’où, puis en après, s’écoulant dedans les intestins par un propre et particulier canal, elle excite et provoque la déjection des excréments ; d’où vient qu’étant teints par icelle, ils paraissent de couleur jaune ; et elle nettoie et détache la pituite lente, gluante et adhérente aux intestins, laquelle autrement, étant excessivement accrue et augmentée, causerait de très fâcheuses maladies et incommodités.

    La bile jaune naturelle est presque semblable, et elle a une certaine médiocrité, {g} tant en sa substance qu’en sa chaleur, de laquelle l’une, par le mélange d’une certaine humeur subtile, est engendrée d’une couleur plus pâle et d’une substance plus subtile ; et encore bien que l’une et {h} l’autre soit superflue, elle est toutefois naturelle et elle est contenue dedans nous {i} selon les lois de nature. » {j}


    1. De naturali parte Medicinæ libri septem [Sept livres sur la partie naturelle de ma médecine] (première édition latine, Paris, 1542) ; traduction française, Paris, 1655 (vnote Patin 1/36).

    2. Excréments (Furetière) :

      « Ce qui sort des corps des animaux, lorsqu’ils ont fait leur digestion, ou ce qui leur est d’ailleurs superflu et nuisible. L’urine et les matières fécales sont les gros excréments qui sortent de la vessie ou du ventre.

      Les médecins appellent aussi excrément ce que la nature sépare d’impur d’avec ce qui est pur et net, par la seconde coction qui se fait dans le foie, telles que sont : la bile qu’elle pousse dans la vessie du fiel, la sérosité qu’elle pousse dans les veines avec le sang pour lui servir de véhicule, et l’humeur mélancolique qui est attirée par la rate. Quelques-uns y ajoutent un troisième excrément qui est propre à chaque partie, qui est poussé dehors par transpiration insensible, ou par des conduits qui y sont particulièrement destinés, comme celui du cerveau qui se décharge par le nez, par la bouche, etc. Quelques médecins mettent encore la semence au rang des excréments bénins, quand elle est abondante et superflue. »

    3. Les deux biles.

    4. Bien que.

    5. Tout à fait.

    6. Vésicule biliaire : v. infra note [9] pour son remplissage par la bile, que Pecquet n’avait pas entièrement tort de considérer comme l’excrément du sang (ou plus exactement des globules rouges).

    7. Modération.

    8. Comme.

    9. Dans nos corps.

    10. Selon Fernel, le foie avait la double fonction de produire la bile (à partir du chyle) et d’en éliminer la partie superflue ou usée par la vésicule biliaire.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean Pecquet
Dissertatio anatomica
de circulatione sanguinis
et motu chyli
(1651)
Chapitre xii, note 3.

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(Consulté le 08/12/2025)

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