William Harvey, Exercitatio altera ad J. Riolanum, in qua multæ contra circuitum sanghinis objectiones refelluntur [Second Essai contre J. Riolan, où sont réfutées de nombreuses objections contre le circuit du sang] (pages 85‑86) : {a}
Adeo iis qui circulationem repudiant, quia neque efficientem neque finalem causam vident, cui bono fiat, quia adhuc nihil adjunxi, restat demonstrandum. Prius in confesso esse debet, quod sit circulatio, ante quam propter quid fiat, inquirendum : nam ex iiis, quæ in circulatione et hâc positâ obveniunt, usus et utilitates, investigandæ sunt. {b} Interim dicam, quod sunt in Physiologia, pathologia, et therapeia recepta, quorum causas, non novimus, esse famen nullus dubitat ; videlicet, febrium pitridarum, revulsionis, et purgationis excrementorum ; ea omnia, tamen, circuitus beneficio intelliguntur.
Quicunque itaque circulationem controvertuntur, eò quod problemata medicinalia (state circulatione) solvere non possint ; aut in morbis curandis, et medicamentis usurpandis, apparentium causas exinde colligere nequeant ; aut causas receptas a præceptoribus falsas esse videant ; aut approbatas priùs opiniones relinquere indignum putent ; et per tot sæcula traditam disciplinam, veterumque autoritatem, in dubium vocari nefas existiment.
« Pour ceux qui rejettent la circulation parce qu’ils n’en voient ni la cause efficiente ni la cause finale, il reste à démontrer à quoi elle sert, car je n’en ai point encore parlé. On avouera cependant qu’il fallait chercher d’abord si la circulation existe avant de chercher à quoi elle sert. {b} Examinons donc l’usage et les avantages des vérités qui dérivent de la circulation. On admet en physiologie, en pathologie et en thérapeutique bien des choses dont nous ne connaissons pas les usages, et dont pourtant personne ne doute, comme les fièvres putrides, les révulsions, les purgations : eh bien, tous ces faits s’expliquent parfaitement par la circulation.
Il y a des auteurs qui attaquent la circulation parce qu’ils ne peuvent résoudre par là certains problèmes médicaux, ou grouper les conséquences qu’elle entraîne pour la guérison des maladies et l’emploi des médicaments, ou parce qu’ils trouvent inexactes les causes indiquées par les maîtres, ou parce qu’ils jugent criminel d’abandonner les opinions reçues et considèrent comme un sacrilège de douter d’une doctrine admise depuis tant de siècles, et de mettre en doute l’autorité des Anciens. » {c}
Cette explication de Harvey n’avait pas satisfait Jean ii Riolan, comme en atteste sa Responsio ad duas Exercitationes anatomicas postremas Guillielmi Harvei… de Circulatione sanguinis [Réponse aux deux derniers Essais anatomiques de William Harvey… sur la Circulation du sang] (Paris, 1652), chapitre i, pages 5‑6 {d} :
Memini quum in Anglia me tuâ visitatione cohonestares, quæsiisse, quid sentirem de tua Circulatione Sanguinis : laudaui, et approbaui tuam subtilem et ingeniosam inuentionem, sed eius reductionem ad vsum Medicum, accuratè demonstratum tuum efflagitaui, quam pollicitus fueras, et adhuc expecto, et vehementer exopto. Non potui tunc temporis meas dubitandi rationes tibi proferre, quia extorris, et transfuga in Angliam, cum serenissima Regina mea Domina, tanquam Asylum, et tutissimum salutis portum (ut ipsa sperabat) sed nostrarum rerum aulicarum perturbatione agitata mens, non poterat tranquillè vacare litteris, atque liberè sese explicare in Angliâ, Gallis inimicâ. Ideóque ingenuè fateor, me decem annorum in Aula Reginæ, et postea trium spatio in afflictione perpetua morborum, iacturam studiorum non leuem fecisse, præter dispendium meæ fortunæ irreparabile.
Sic mihi tarda fluunt, ingratáque tempora, quæ spem
Consiliúmque morantur agendi gnauiter, id quod
Æquè pauperibus prodest, locupletibus æquè,
Æquè neglectum pueris, senibúsque nocebit.
Horat. epist. i. lib. i.
[Durant mon séjour en Angleterre, {e} quand vous me fîtes l’honneur de me rendre visite, je me souviens que vous vous étiez enquis de mon sentiment sur votre circulation du sang : je louai et approuvai la subtilité et l’ingéniosité de votre découverte, {f} mais vous demandai avec insistance de me prouver quel était exactement son intérêt pour la pratique médicale ; vous m’aviez promis de le faire, mais j’attends encore votre réponse et la souhaite ardemment. Je n’ai pu alors vous exposer les raisons de mes doutes parce que j’étais un transfuge exilé en Angleterre, qui accompagnait Madame sa sérénissime reine, pour y trouver (comme elle l’espérait) un asile et très sûr port de salut, et que j’avais l’esprit agité par le trouble des affaires de notre cour. Il m’était impossible de vaquer sereinement aux échanges de lettres et de m’y justifier librement en Angleterre, alors ennemie des Français. Je vous avoue donc sincèrement que mes dix années de service auprès de la reine, {g} suivies de trois autres où j’ai été en proie au perpétuel tourment des maladies, {h} m’ont contraint à faire le lourd sacrifice de mes travaux, sans lequel j’eusse irréparablement nui à ma bonne fortune].
Sic mihi tarda fluunt, ingratáque tempora, quæ spem
Consiliúmque morantur agendi gnauiter, id quod
Æquè pauperibus prodest, locupletibus æquè,
Æquè neglectum pueris, senibúsque nocebit.
Horace, épître i, livre i. {i}
- Exercitationes duæ anatomicæ…, Rotterdam, 1649, v. note Patin 40/203
- Passage dont Riolan reprenait ici l’esprit sans respecter la lettre.
- Traduction de Charles Richet, Paris, 1879, pages 220‑221.
- Seconde partie des Opuscula anatomica varia et nova [Opuscules anatomiques divers et nouveaux] (Paris, 1652, v. note Patin 30/282).
- V. notes Patin 19/1038 et [3], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie, pour le séjour de Jean ii Riolan à Londres (1638-1641) quand il était premier médecin de Marie de Médicis, alors contrainte à l’exil par son fils, Louis xiii, et par Richelieu, son principal ministre.
- Publiée en 1628.
- De 1632 à 1642, dates de l’exil et de la mort de Marie de Médicis.
- La principale maladie de Riolan était une lithiase urinaire qui l’avait contraint à se soumettre deux fois à l’éprouvante opération de la taille vésicale (1640 et 1641). En outre, à son retour en France, sa disgrâce politique lui fit perdre toute espérance de poursuivre sa carrière à la cour.
- Vers 23‑26 : « Mes jours s’écoulent ainsi, lents et ingrats ; ils reportent mon espérance et mon dessein d’agir courageusement, pour être également utile aux pauvres et aux riches, sur ce qu’enfants et vieillards peuvent négliger sans dommage. »
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