Texte : Trois lettres de William Harvey
sur les Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1652-1655), note 29.
Note [29]

Johann Daniel Horst a imprimé cette lettre de William Harvey dans l’appendice B de sa Decas de 1656, {a} pages 66‑67, avec ce préambule :

Rescripsi Nobilissimo, nunquam satis laudato Harvejo, Viro inquam incomparabili, lacteum humorem in vasis mesaraicis contentum non posse casus adscribi, quia omnibus perfectis animalibus, et semper, positis nempe requisitis necessariiis adsit. Ab adipe vero diversum scripsi, quod in mortuo cadavere dispareat, non congeletur. Nec obstare, quod Veteres lacti pus congener dixerint, atque instar puris chylus hic generari videatur : cum veteribus, Empedocli maximè, sermo fuerit de lacte mammarum, et insuper ipse Hippocrates late loquendo coctionem dicere videatur corruptionem. Lac vero mammarum et lacteum hunc humorem Mesenterii differe, me judice, sedibus, officina, usu et fine, atque colorem externum vix sufficientem esse. Dari autem ipsas venas lacteas probavi oculari inspectione. Contentum vero liquorem chylum esse verum et germanum, quod præter hunc nullus humor ex intestinis educatur. Nec obstare diversitatem vasorum allegatam : omnes enim colligi ad fluxum illum in centro Mesenterii, atque surculos plures paria præstare posse cum magno aliquo trunco. Nec opus esse ut omni tempore appareant, cum jugi spirituum effluxui non chylus, sed sanguis ferat suppetias. Chylum præterea alium esse ventriculi et intestinorum : alium in venis lacteis contentum ; hunc semper albescere, illum vero non raro luteum, viridem, nigricantem et fœtidum esse posse. Denique Chylum extrema venarum Mesaraicarum oscula subclaviarum modo subire, et sanguine misceri ; non posse dici, quia autopsia et ligatura repugnent. De Lacteis thoracicis et vasis lymphaticis dubia quædam Dn. Bartholino perscripta, his et aliis addere placuit, cum voto et precibus, ut me, imo Orbem in his erudiret Vir Oculatissimus atque Excellens, per discipulos, vel Highmorem maximè, si ipsius ætas et alia obstent. Doctissimam vero, pro more suo, vereque auream huius meo petito dedit responsionem sequentem, quam Lectori Benevolo hac quidem lege, communico, ut à Deo Opt. Max. Seni Venerando omnia fausta oret et exoret.

[Au très illustre M. Harvey, qu’on n’a jamais suffisamment loué et que je tiens pour incomparable, {b} j’ai répondu que le liquide lacté contenu dans les vaisseaux mésentériques ne peut être un fait du hasard car il s’en trouve constamment chez tous les animaux, ce qui les rend nécessaires et indispensables. J’ai écrit qu’il est vraiment distinct de la graisse parce qu’il disparaît chez le cadavre et ne se solidifie pas. Il ne me semble pas y avoir d’obstacle dans le fait que les Anciens ont dit que le pus est de même essence que le lait et que le chyle est engendré comme le pus, {c} puisque les vieux auteurs, et principalement Empédocle, ont discouru sur le lait des mamelles, et qu’Hippocrate, parlant en termes généraux, semble dire que la coction est une corruption. {d} À mon avis, le lait mammaire est en vérité différent de cette humeur lactée du mésentère, tant par ses localisations, son lieu de production et son utilité que par son dessein, bien que leur couleur apparente permette difficilement de les distinguer l’un de l’autre. J’ai prouvé en les scrutant directement que lesdites veines lactées délivrent le chyle véritable et authentique qu’elles contiennent car aucune autre humeur que lui n’est extraite des intestins. La prétendue diversité de leurs vaisseaux n’est pas un argument contraire parce que tous convergent au centre du mésentère et on peut voir leurs rameaux nombreux s’unir en un certain gros tronc. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient visibles à toute heure car ce n’est pas le chyle, mais le sang qui subvient à l’inépuisable écoulement des esprits. En outre, le chyle qui est contenu dans l’estomac et les intestins n’est pas le même que celui des veines lactées, qui est toujours blanc, tandis que l’autre peut fréquemment être jaune, vert, noirâtre et fétide. Enfin, sans cette distinction, l’observation directe et la ligature seraient contraires à la manière dont le chyle achève sa course dans les veines subclavières et s’y mélange au sang. Il a plu à M. Bartholin, après avoir achevé ses Dubia de Lacteis thoracicis et vasis lymphaticis, {e} de me faire part, dans diverses lettres, de son vœu insistant que le plus perspicace et brillant homme de notre temps {f} m’instruise, et même éclaire le monde entier, sur ces questions, et si son grand âge ou d’autres tracas l’en empêchent, d’en charger ses disciples, tout particulièrement Highmore. {g} L’ayant ainsi sollicité, il m’a, comme à son habitude, fait une réponse très savante, qui vaut véritablement de l’or. Je la communique au bienveillant lecteur, à la condition expresse qu’il prie Dieu tout-puissant d’accorder toutes sortes de félicités à notre vénérable vieillard]. {h}


  1. V. supra note [20].

  2. Ce Rescripsi, « J’ai répondu », établit que Harvey avait envoyé une copie de sa réponse à Robert Morison à Horst, dont le texte cherche à résoudre des arguments qui s’y lisaient.

  3. V. supra note [8].

  4. Je n’ai pas trouvé où Hippocrate a établi ce parallèle entre digestion et corruption. V. note [18], seconde Responsio, première partie, pour Empédocle.

  5. Thomas Bartholin : « Doutes sur les lactifères du thorax et les vaisseaux lymphatiques » (Copenhague et Paris, 1653, vnote Patin 19/325).

  6. C’est-à-dire Harvey : plus loin dans sa Decas, Horst a transcrit la lettre que Bartholin lui a écrite, datée de Copenhague, le 31 mars 1655, où il analyse longuement et assez rudement celle de Harvey à Morison (qui n’était décidément pas confidentielle), mais sans solliciter expressément une réponse de Harvey à ses critiques.

  7. Nathaniel Highmore, v. infra note [33].

  8. Le latin de Horst n’étant pas de première qualité, j’ai interprété de mon mieux plutôt que fidèlement traduit les nombreux écarts de syntaxe qui encombrent sa lettre.

Dans la lettre qu’on va lire, Harvey répondait à certains des nombreux arguments que Thomas Bartholin avait exposés dans celle qu’il avait écrite à Horst le 31 mars 1665.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Trois lettres de William Harvey
sur les Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1652-1655), note 29.

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(Consulté le 10/12/2025)

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