Sans surprise, étant donné sa faible ancienneté d’alors sur le tableau des docteurs régents, les Commentaires F.M.P. ne citent pas Jacques Mentel parmi les professeurs de chirurgie qui ont été élus entre la création de cette chaire en 1634 (v. note Patin 71/8187) et 1647. Cette erreur grossière du Clypeus ne plaide pas pour son attribution à Mentel et dirige les soupçons vers Jean Pecquet.
La notice de Denis Fournier dans la Liste funèbre des chirurgiens de Paris, {a} est franchement sidérante (pages 129‑130) :
« né à Lagny, {b} était versé dans la mécanique des instruments dont la chirurgie se sert au défaut des organes qui manquent au corps par vice de conformation ou par accident. Il entreprenait volontiers la cure des maladies dont ses confrères avaient de la répugnance à se charger. Il composa plusieurs traités d’anatomie et de chirurgie, et principalement de la manière de réduire les fractures et les dislocations des os avec le secours des machines que fournit la mécanique ; mais ces ouvrages, pour être écrits avec peu de politesse dans un temps où la langue se trouvait au plus haut point de sa pureté, manquèrent de lecteurs qui pussent s’accommoder d’un style non seulement très dur, mais où il semble même que l’on ait pris plaisir d’insérer ce qu’un grec mal francisé a de plus barbare et de plus propre à rebuter ceux qu’une patience à toute épreuve pourrait, par une pénitence, engager à lire ces écrits, aussi bien que ce qu’il a donné sur les accouchements ; et comme le papier dont on s’est servi pour ces éditions répond parfaitement à la rudesse et à l’obscurité du style, on peut croire que les imprimeurs, au temps du carnaval, se sont divertis à faire sortir de leurs presses des feuilles habillées en masque pour réjouir le public par des grotesques de leur profession, tant par rapport au discours, vignettes, figures, qu’à la ridicule fabrique de l’impression. Il mourut le 15e novembre de l’année 1683. {c} Il a eu un fils docteur en médecine qui était aussi brouillé avec son art que son père l’avait été avec sa chirurgie. »
- Adaptation française manuscrite de l’Index funereus (page 62) imprimé à Trévoux et vendu à Paris chez Stephanus Ganeau, 1714, in‑12o, dont la notice élogieuse ne contient aucun blâme.
- V. note Patin 8/27.
- Dans une de ses lettres de 1658 (v. note Patin 13/514), Guy Patin a parlé de Fournier comme chirurgien appelé auprès du prince de Condé souffrant de suppression d’urine.
Ce texte hors du commun m’a conduit à L’Anatomie pacifique nouvelle et curieuse. Conforme à la doctrine d’Hippocrate et de Galien, qui donne les moyens d’accorder les récents avec les anciens, par des expériences nouvelles, principalement touchant les actions du cœur et des poumons, et plusieurs œuvres chirurgicales, {a} qui traite du réservoir du chyle en deux endroits.
- Article vi, Des Veines Lactées (pages 15‑16) :
« Ces veines, que nous appelons veines à la similitude de celles qui portent le sang, sont appelées lactées à cause de la substance chyleuse qu’ils {b} contiennent, laquelle étant blanche les blanchit comme si elles étaient pleines de lait, l’inventeur desquels a été Asellius, qui en a eu la première connaissance ; mais leur origine et leur progrès en est encore contesté : car quoique Monsieur Pecquet ait trouvé un chemin plausible et véritable depuis notre réceptacle trouvé par mes soins en 1635, jusqu’au ventricule droit du cœur, nous ne laissons pas pour cela de trouver ensuite beaucoup d’erreurs, qui changeraient bien toute l’économie naturelle si nous ne tâchions de les éclaircir, comme j’ai commencé de faire en ladite année, auquel temps on a commencé de dire que le chyle (étant parvenu au ventricule droit du cœur) entre en icelui, laquelle erreur sera décidée au traité du cœur. {c}
Le progrès du chyle donc se commence par les intestins, dont le mouvement péristaltique presse les veines lactées, et par ledit mouvement il se fait une espèce de situation dans lesdites veines qui ont des valvules propres à soutenir le chyle lorsqu’il est passé ; et continuant ainsi leur chemin jusqu’au réceptacle, qui est en la bifurcation du diaphragme, {d} suit un autre mouvement par le moyen de la respiration qui comprime ledit canal, et ensuite le vaisseau thoracique qui, comme une pompe, porte le chyle en la sous-clavière, pour se rendre en la veine cave où il va se rendre dans le foie en passant durant la systole, sans entrer dans le cœur, {e} comme les Récents ont cru, s’étant abusés dans l’expérience des cadavres, qui est bien différente de celle d’un corps vivant, où ils connaîtront leur erreur, qui en a causé beaucoup d’autres, et les rendrons, avec la doctrine d’Hippocrate, de Galien et de tous les Anciens, dans notre explication de l’usage du cœur et de ses parties. »
- Chapitre iii, De l’action et de l’usage du Cœur, avec la réfutation des erreurs de quelques Récents (pages 72‑73) :
« […] il faut savoir que (comme Galien et ceux qui l’ont suivi ont trouvé que le foie est le forgeron du sang, fondé sur de bons et valables raisonnements, et que les Récents ayant fait quelques expériences trompeuses qui, dans l’apparence, semblent étouffer cette ancienne doctrine) il est plus à propos de la suivre, puisqu’elle est appuyée sur des vives raisons et sur d’autres expériences que celles qui ont fait chopper {f} plusieurs anatomistes depuis quarante années en çà ; et quoique Galien et ses sectateurs n’aient pas connu toutes nos nouvelles expériences, il est constant qu’il a mieux établi ses connaissances avec un meilleur fondement que les Récents n’ont fait, et qu’ainsi ne soit, la première pierre d’achoppement a été qu’après la découverte des veines lactées faite par Asellius, médecin du roi d’Angleterre, {g} en 1622 ; dont je fis l’expérience en l’an 1635, en l’étude de feu Monsieur Mentel, docteur régent de la Faculté de Paris, et sous la conduite de feu Monsieur Potier, maître chirurgien en ladite ville, pour le fait des anatomies, où je fis apporter un chien vivant en ladite étude, pour examiner lesdites veines dont il était question dans les leçons anatomiques que nous faisions alors des parties nutritives ; lesquelles veines ayant été trouvées et démontrées, je voulus examiner plus exactement leur insertion, laquelle se trouva et fut vue par tous les assistants dans un réceptacle membraneux, gros comme un œuf de pigeon, dans la bifurcation du diaphragme, {d} de quoi Monsieur Mentel (ayant fait récit non seulement à ses autres écoliers en médecine, dont Monsieur Pecquet en était un, qui a trouvé depuis le vaisseau thoracique) mais aussi en écrivit à plusieurs étrangers, et particulièrement à M. Hénaut, docteur en médecine à Rouen, qui en a fait un livret où il m’a cité en la page 7. {h} Mais comme dans un beau chemin il s’y rencontre quelquefois des mauvais conducteurs, aussi dans ce rencontre, il s’est trouvé que quelques circulateurs, {i} trompés par des injections faites dans le cœur d’un cadavre, ont prétendu que le chyle et le sang circulé passent dans icelui avant que d’être purifié au foie : où je prétends faire connaître plusieurs erreurs, dont la première et principale est celle d’où s’ensuivrait l’inutilité de cette partie, que je tâcherai de faire connaître ci-après par des expériences et découvertes nouvelles, qui fortifieront le parti de Galien que nous ne devons pas abandonner, vu notre expérience conforme à sa doctrine. »
- Contenue dans L’Œconomie chirurgicale, pour le Rétablissement des Parties Molles du Corps Humain. Contenant les Principes de Chirurgie, et un Traité méthodique de la guérison de la Peste, et de tous ses accidents, par le moyen d’un remède expérimenté. Et nouvellement mis en lumière par D. Fournier, Maître Chirurgien juré à Paris, {i} avec un petit Traité de la Myologie (Paris, François Clouzier et Sébastien Cramoisy, 1671, in‑fo illustré et totalement désordonné).
Distincts des chirurgiens-barbiers, les maîtres chirurgiens jurés de Paris, dits de robe longue, appartenaient à la confrérie de Saint-Côme (v. note Patin 22/6).
- J’ai modernisé l’orthographe sans corriger les écarts de syntaxe.
- Deuxième extrait ci-dessous.
- Entre les piliers du diaphragme.
- Il fallait ne pas croire un mot de la circulation harvéenne du sang (v. infra notule {i}) pour imaginer qu’il puisse court-circuiter le cœur en passant directement de la veine cave supérieure à l’inférieure, puis de là, dans le foie, par les veines sus-hépatiques ; telle était pourtant la conviction de Jean ii Riolan (v. note [3] de sa réponse à la lettre de Charles Le Noble). V. infra note [20] pour la réfutation de cette aberration par Guillaume de Hénaut.
- Trébucher.
- Aberration à laquelle je n’ai pas trouvé d’explication.
- Voilà Hénaut authentifié comme auteur du Clypeus, mais qui croirait Fournier là-dessus, comme sur le reste de son charabia ?
- Comme il explique dans le chapitre vi (pages 83‑86), Fournier adhérait à la circulation sanguine décrite par Riolan, mais refusait catégoriquement celle de William Harvey et des hérétiques « circulateurs ».
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