Ceux qui ignorent la vraie médecine pensent que l’anatomie et le savoir du médecin consistent aujourd’hui à connaître et à démontrer les veines lactées mésentériques et thoraciques, au mépris de la dissection des cadavres humains telle qu’elle est enseignée dans les facultés. Ils croient avoir beaucoup fait progresser la médecine en affirmant que le cœur est l’officine de la sanguification, [2] et que le foie est l’émonctoire [3] de la bile [4] et la source des vaisseaux lymphatiques. [5] Je soutiens que déraisonnent tous ceux qui traitent ainsi d’anatomie avec jactance et insupportable ostentation, en disant vénérer et posséder cet art, et en qualifiant les autres de professer une anatomie muette et froide. Je me suis donc proposé de prouver leur impéritie et leur incompétence.
Pour que ma démonstration soit claire et intelligible, je montrerai d’abord, en une seule leçon de deux heures, fondée sur le cadavre humain, mais sans aucune dissection, le siège et les fonctions des parties vitales du thorax et naturelles de l’abdomen. [1][6][7] Une fois le poitrail ouvert en soulevant le sternum, [Page 36 | LAT | IMG] le ventre exposé et les poumons renversés sur les côtés, je montre les jugulaires [8] qui naissent de la veine cave supérieure, [9] puis son trajet jusqu’au diaphragme ; après incision du péricarde, apparaît le tronc cave, longeant le ventricule cardiaque droit et s’y enfonçant, qui est continu et non double, comme est l’aorte qu’on voit à gauche. Je libère le cœur, dont le péricarde adhère au centre fibreux du diaphragme, pour bien faire voir que cette cloison, insérée tout autour du thorax, sépare la cuisine de la salle à manger qu’est le cœur. On note aussi la distance d’une demi-coudée entre l’origine axillaire de la veine cave supérieure et la terminaison de son tronc dans le cœur. [2] Ensuite je montre les structures remarquables du thorax : l’orifice du diaphragme par où la veine cave inférieure [10] y pénètre, l’œsophage, l’aorte et sa crosse. Cela fait, je descends dans le ventre où, d’une main, j’écarte le foie vers le haut, et celles d’un aide repoussent les intestins sur le côté gauche ; je déchire ensuite le pancréas avec mes ongles pour dégager la veine porte [11] et le haut puis le bas de la veine cave inférieure, en montrant bien qu’elle forme un tronc continu qui ne s’interrompt pas pour traverser le foie, mais longe seulement sa face postérieure en se collant à elle ; du dôme hépatique sortent deux veines qui la rejoignent. [12] Le regard se porte alors sur l’aorte qui jouxte la veine cave, ce qui reste du pancréas que j’ai dilacéré, l’estomac qui surplombe l’ensemble et la rate dans l’hypocondre gauche.
Après les structures, venons-en aux fonctions des parties. Dans le thorax, l’œsophage conduit les aliments dans l’estomac ; [13] le cœur reçoit le sang des veines caves ; [14] l’aorte et ses branches envoient le [Page 37 | LAT | IMG] sang artériel dans tout le corps ; [15] après avoir ouvert le cœur, j’expose la structure interne des ventricules avec le septum qui les sépare. [16] Le diaphragme est l’instrument de la libre respiration et l’éventail de l’abdomen, où j’observe attentivement l’intestin grêle qui reçoit l’aliment issu de l’estomac et s’enroule en étant sucé sur toute sa longueur par les veines mésaraïques [17] qui permettent au foie d’accueillir le chyle ; la rate attire l’humeur mélancolique [18] par la branche splénique de la veine porte ; [19] la vésicule du fiel recueille la bile ; [20] Je désire enfin que les spectateurs voient bien que la capacité des mésaraïques est vingt fois supérieure à celle des lactifères thoraciques, [21] ces canaux sont même moins développés que les veines d’une seule main ou d’un seul pied ; vous comprenez alors qu’il y a grande disproportion entre, d’une part, les veines et artères sanguines du mésentère, bien que le sang s’y dissipe en nourrissant le corps, et d’autre part, ces canaux qui permettraient à la totalité du chyle de gagner le cœur, lequel est fort abondant ; cela fait que lesdits lactifères thoraciques devraient être plus amples que ce qu’on observe, et avoir un calibre égal à leur origine et à leur terminaison.
De plus je démontre que, dans tout son parcours, depuis les jugulaires jusqu’aux crurales, [22] la veine cave ne contient aucune valvule [23] pour donner au sang toute liberté de revenir des extrémités : celui de la veine cave inférieure monte sans s’arrêter jusqu’au cœur, et il en va de même pour celui qui y descend du cou ; s’il n’était forcé d’entrer dans le ventricule droit, ce sang pourrait s’enfuir jusqu’aux crurales où sont insérées les premières valvules, tout comme il en existe au cou, quatre travers de doigt [Page 38 | LAT | IMG] sous les veines axillaires. [24] Une fois cela sûrement établi par l’ouverture de la veine cave, vous reconnaissez que le chyle n’est pas directement conduit des veines axillaires dans le cœur, mais peut s’écouler au-dessus ou en dessous de lui avec le sang, sur toute la longueur des deux veines caves. [3] Cela ne peut se démontrer qu’à la toute fin de la dissection. J’affirme ensuite qu’un homme en bonne santé s’alimente copieusement deux ou trois fois par jour, mais que, dans le même temps, la totalité du sang ne lui circule qu’à peine une fois par tout le corps : le cœur ne puise pas le sang avec grande avidité et à pleines gorgées, mais il le hume goutte après goutte, avec discernement et autant qu’il en a besoin ; c’est pourquoi le chyle, s’il migre vers le cœur, n’y entre que lentement et fort mêlé au sang, et en raison de son épaisseur, il ne peut aisément traverser les petits orifices de la cloison qui sépare les ventricules et, une fois dans le cœur, il peut même s’accrocher dans les fossettes et anfractuosités de ses parois, et dans les innombrables filaments des valvules tricuspides. Sauf pressante nécessité, le sang qui pénètre dans le cœur ne s’écoule pas dans le poumons, [25] comme je l’ai soigneusement démontré, contre Harvey [26] et Schlegel, [27] et il incombe à Pecquet de prouver que le sang et, avec lui, le chyle traversent les poumons. [4][28][29] La circulation itérative du sang n’est nécessaire ni pour le recuire ni pour conserver la chaleur de tout le corps, car le sang artériel très chaud s’y écoule perpétuellement partout et se renouvelle à tout instant, ce qui suffit à assurer l’ardeur du corps entier, mais bien moins, comme il le prétend, à parfaire le sang qui est élaboré dans le cœur.
J’ajoute qu’il n’y a pas de dieu Terme [5][30] dans le tronc de la veine cave pour y établir une frontière entre sa partie qui monte et celle qui descend à côté du cœur, en sorte que le sang ascendant [Page 39 | LAT | IMG] cède le pas à celui qui descend avec le chyle ; il est donc vraisemblable que ce sang ascendant, poussé par les esprits, [31] et parfois des vapeurs, s’élève continuellement vers la gorge et pourrait entrer dans la veine jugulaire interne, si la nature n’avait pas verrouillé son ostium, pour l’empêcher de se ruer dans le cerveau et d’y engendrer une apoplexie. [32] Le chyle restera donc dans les axillaires, faute de sang qui l’engouffre dans le cœur. [6]
J’ai démontré que, suivant Hippocrate et Galien, une grande partie des maladies est provoquée par l’arrêt du mouvement sanguin dans la veine cave ; le cœur languit alors, et le pouls s’arrête à son tour. Si la sanguification se faisait dans le cœur, la nutrition du corps ne défaillirait pas parce que les artères et les veines communiquent entre elles par des anastomoses [33] et échangent mutuellement leur sang, pour la conservation du corps ; et beaucoup de médecins, sans avoir à saigner, [34] prescrivent des jeûnes de trois jours pour diminuer la surabondance du sang qui étouffe le cœur. [35] Si cela arrive, ce qui est très fréquent, ce sang épaissi et agrégé par le mélange de chyle obstruera les ventricules cardiaques, entraînant une mort rapide. Tel n’est pas le cas si la sanguification se fait dans le foie, [36] car alors la rate [Page 40 | LAT | IMG] se substitue à lui : [37] le sang des veines mésaraïques parvient à la rate, et en cas d’extrême nécessité, le chyle peut arriver au cœur en passant par les canaux thoraciques. Dans sa grande prévoyance, la nature a donc établi une communication entre ces deux veines, porte et cave, dans les parties supérieures, pour que l’animal ne meure par défaut de sanguification. [7]
La sanguification dans le cœur se fonde sur la circulation harvéenne du sang, dont le ralentissement interromprait la formation du sang. Il vaut la peine de se demander si Pecquet se conforme à tous les articles de cette hypothèse, car Harvey admet les veines lactées, mais dit que ce sont des mésentériques qui deviennent laiteuses quand elles se gonflent de chyle ; qu’elles le transportent au foie et qu’il est entièrement débarrassé de ses excréments en le traversant ; puis que le sang gagne le cœur, d’où un mouvement circulaire rapide lui fait parcourir la totalité du corps en l’espace d’une ou deux heures. Je me demande alors si le mouvement du chyle suit cette circulation du sang, car le chyle ne dispose pas d’un véhicule adéquat, étant donné que le reflux du sang descendant des parties supérieures vers le cœur est amorti. En outre, il est impossible que tout le chyle qui monte dans le thorax passe au travers des fins orifices supérieurs d’un unique canal lactifère, puis qu’il se déplace à la même vitesse que le sang, dont une seule systole du cœur chasse une demi-once, [8][38] sans la moindre stagnation qui permette au chyle de s’y modifier, si nous en croyons Harvey, [39] de Wale [40] et d’autres anatomistes ; mais Riolan a été plus sobre et a ralenti ce mouvement. Selon la doctrine harvéenne de la circulation, autant le chyle aurait été réchauffé dans les artères, [Page 41 | LAT | IMG] autant il aurait à être refroidi dans les veines quand il retourne au cœur pour y être à nouveau digéré, car c’est pour cela qu’il y reviendrait ; mais Riolan l’a nié, en prouvant que le sang de la première région circule, et que le sang de la première et de la troisième région reflue dans le cœur après s’être répandu dans toutes les parties extrêmes et externes du corps, sauf en cas de profonde pénurie de sang dans les grands vaisseaux ; mais aussi que le sang ne circule pas dans les poumons, sauf en cas d’extrême nécessité. Ce sang mêlé de chyle restera donc impur et alimentera toutes les parties du corps, qui s’en trouvera extrêmement mal nourri. Je déclare donc que la circulation harvéenne du sang n’est pas indispensable à la vie, en digérant à nouveau le sang et régénérant les esprits (faute de quoi elle serait inexacte, comme Harvey lui-même l’a écrit). Je préfère la circulation hippocratique où le cœur puise le sang qui est contenu dans la veine cave supérieure jusqu’aux subclavières pour le transformer en sang artériel, faisant cela sans impétuosité, ni précipitation, ni violence, mais avec discernement, afin de ne choisir que ce dont il a besoin pour entretenir son battement perpétuel. Tout cela étant admis, la sanguification cardiaque s’anéantit d’elle-même, puisque tout animal peut vivre sans elle ; et même quand la sanguification hépatique est déficiente, les canaux lactifères thoraciques n’auront pas la fonction que Pecquet leur attribue, mais ne serviront qu’à ce que j’ai expliqué dans mon discours nouveau ; [41] et c’est ce à quoi je me tiens fermement puisque Pecquet et ses deux docteurs parisiens [42][43] n’ont par osé m’en faire reproche. [9][44]
Ayant promptement accompli cette dissection d’un homme qui avait été nourri [Page 42 | LAT | IMG] cinq heures avant d’être pendu, [45] je me hâte de découvrir les veines lactées mésentériques [46] et leur réservoir. [47] Je montre cette disproportion manifeste entre la capacité des lactifères thoraciques [48] et du réservoir, et celle des veines lactées qui couvrent le mésentère et s’en écoulent dans le réservoir, qui offre un espace restreint pour contenir le chyle. En suivant les canaux lactés du thorax jusqu’aux veines axillaires, j’observe qu’ils sont anfractueux et se réunissent en une seule branche gauche qui s’attache à l’axillaire gauche et parfois aussi à la droite. [10] Ainsi reconnaît-on que peu de chyle est transporté par cette voie, et l’occasion nous est-elle donnée de douter que la totalité du chyle gagne le cœur et de nous demander à quelle fin, car si elle n’y parvient pas, à quoi l’ascension du chyle vers les parties supérieures sert-elle ? Tel est en effet le nœud du problème. J’ai déjà présenté mes suppositions dans les deux opuscules que j’ai écrits contre Pecquet et contre Bartholin, et Pecquet les a lus sans pouvoir y répondre. [11][49][50] Je n’y ajoute que cette nouvelle conjecture : une maigre partie du chyle s’écoulerait dans le cœur pour réparer la graisse dure qui l’entoure, très semblable à du suif ; [51] le chyle mélangé au sang se répandrait à la surface du cœur en passant par les veines coronaires ; peut-être même nourrit-il la substance cardiaque elle-même, qui est dure et charnue. [12][52][53] Qui pourra trouver mieux sera un très brillant anatomiste.
Les diverses parties du corps se répartissent ses principales fonctions. Le cœur est chargé de fabriquer le sang artériel à partir du sang très délié que lui fournit le foie, son tout proche voisin, mais ne peut le faire à partir du chyle car il contient diverses substances étrangères au sang dont l’écoulement diminuerait la chaleur du cœur [54] et y gênerait [Page 43 | LAT | IMG] l’élaboration du sang artériel, où l’ardeur cardiaque est transmise à un sang extrêmement subtil.
Je démontre cela à partir du raisonnement le plus inepte de Pecquet, car voici comment il prouve que le cœur est l’officine de la sanguification : [55] « La veine cave supérieure n’est en effet pas un lieu propice à une si importante transformation du sang, car le sang qui s’y jette vient du cerveau, dont le tempérament est froid, et des mains qui sont les parties des membres les plus exposées à la froidure. Ajoutez à cela que le chyle non digéré est en lui-même froid, et que c’est dans le cœur qu’il acquiert une chaleur parfaite. Je dis donc que le chyle se transforme en sang dans le cœur. » [13][56] J’en déduis qu’à partir de ce mélange chyleux, le cœur prépare un sang artériel froid, et pire encore si avant cela il a traversé les poumons, où l’inspiration continue d’air l’aura considérablement rafraîchi et souillé, et s’il revient ensuite dans le ventricule gauche, [57] où il pourra provoquer des dommages semblables à ceux que j’ai signalés dans le ventricule droit.
Si le sang se formait dans le cœur à partir du chyle, notre corps serait bien mal nourri, car ces gens qui sont nés pour se remplir le gosier et la panse, qui passent fort souvent douze heures à manger et boivent de midi à minuit, puis qu’on jette au lit quand ils sont repus, ne produiraient leur sang artériel qu’à partir de chyle arrosé d’un peu de sang, lequel s’en trouverait alors très corrompu.
À supposer même que la quantité du sang prévale largement sur celle du chyle, le mélange qui pénétrera dans l’un ou l’autre des ventricules cardiaques sera fort souillé, car il n’aura été débarrassé ni de ses ordures, ni de sa pituite, ni de sa bile, ni de ses sels, ni de sa lymphe, qui, selon ladite théorie, iront se déposer dans le cerveau, la vésicule biliaire, la rate et le pancréas [58] avant de revenir au [Page 44 | LAT | IMG] foie ; mais il aura d’abord nourri le haut du corps, cerveau et membres supérieurs, qui auront retenu ces saletés. Il en ira de même pour les autres parties qu’il alimentera, situées au-dessous du cœur, car le sang artériel qui coule dans le tronc cœliaque [59] pour alimenter les régions alvines ne sera ni pur ni déféqué, à moins qu’il ne retourne au foie par la veine porte, selon Pecquet, et y soit nettoyé en déposant son ordure. Bien que le quart du sang se distribue ainsi, le restant, venu des extrémités du corps, retourne au cœur en passant par les veines caves, sans traverser le foie ; il parviendra donc au cœur sans avoir été nettoyé. En outre, le chyle, même mêlé au sang, ne peut être modifié sans s’y ralentir quelque peu ; s’il traverse les poumons, il ne sera pas mieux raffiné, mais sera refroidi par l’air inspiré et corrompu par les excréments pituiteux qui se forment dans les poumons, ou s’y écoulent venant de la tête ; c’est donc un chyle plus sale encore qui arrivera dans le ventricule gauche du cœur, surtout chez les hommes qui n’ont pas des poumons sains et bien propres.
Il est certain que le sang pur et filtré est doux, car nous ne nous nourrissons que de mets doux, selon Hippocrate et Aristote, et l’élimination des ordures est assurée par la triple coction de l’aliment ; mais quand nous mangeons des aliments salés, poivrés ou âcres, il se forme un chyle de même qualité, que n’a amélioré aucune des séparations qui ont lieu dans l’estomac et l’intestin grêle : [60] ainsi est-ce un tel chyle, salé, très âcre ou poivré qui arrivera dans le cœur et les poumons, qui en seront nécessairement pollués, même si son mélange au sang l’a adouci ; et ainsi les parties seront-elles mal nourries, tant celles qui sont au-dessus du cœur, comme le cerveau et les membres supérieurs, que celles [Page 45 | LAT | IMG] qui sont au-dessous de lui, à l’exception de leur partie qu’irrigue le tronc cœliaque, dont le chyle retournera dans le foie pour être purifié ; mais ce sang de première circulation nourrira fort mal tous les organes de la région alvine.
De nombreux doutes me viennent à l’esprit, qui paraissent s’opposer au passage du chyle dans le cœur : quand il est complet et achevé, dit Pecquet, les canaux thoraciques et le réservoir disparaissent et on ne les trouve donc pas chez les animaux à jeun, où ils sont remplis de sang, [14] mais d’où vient-il ? Est-ce des veines mésaraïques ou axillaires ? S’il s’agit des axillaires, voilà le sang qui descend, contre les lois de la circulation harvéenne ; s’il s’agit des mésaraïques, alors les lactifères deviennent des branches de la veine porte d’où le sang s’enfuit ou est chassé quand le chyle s’y rue. Si celui qui monte vers les veines axillaires pour gagner le cœur perd sa couleur, pourquoi nier qu’il en aille de même dans le tronc mésentérique ? Et si je disais que les veines possèdent en propre la qualité de former le sang, et que la substance du foie qui les entoure agit seulement à la manière de la bourre, comme l’a démontré l’éminent philosophe et médecin Schegkius dans un savant petit livre ? [15][61] Et peut-être que si on soufflait dans la veine porte avant qu’elle ne se vide de son sang, on verrait le réservoir et les veines lactées se gonfler, soit un signe évident qu’elles sont nées de la porte, ou alors qu’elles communiquent avec elle dans le réservoir. Ajoutez à cela que la distance parcourue par le chyle pour gagner le foie en empruntant les veines mésaraïques est d’une paume de main, tandis que son trajet thoracique est trois fois plus long.
[Page 46 | LAT | IMG] J’ajoute cet autre argument : les oiseaux et les poissons se nourrissent pour vivre, et ont donc, comme les bipèdes et les quadrupèdes, un cœur, un foie, des intestins et un mésentère, les oiseaux ayant aussi des poumons, mais ni eux ni les poissons n’ont de veine subclavière. J’ignore s’ils sont pourvus de canaux lactés thoraciques, mais s’ils en ont, nous trouverons qu’ils s’insèrent au-dessous du cœur, et non au-dessus, et que leur foie est plein de sang, qui part directement dans le cœur. Si les parties nutritives sont ainsi disposées chez ces animaux, quelles sont donc l’utilité et les fonctions du foie et du cœur, et en quoi différeraient-elles de celles des quadrupèdes et de l’homme ? et pourquoi le foie ne fabriquerait-il pas leur sang ?
L’éminent anatomiste Rondelet, dans son livre iii sur les Poissons, écrit que le cœur de ceux qui respirent à l’aide de poumons n’est guère différent de celui des autres animaux, car il a deux oreilles, deux cavités, des veines artérieuses [62] et des artères veineuses, [63] ainsi qu’une veine coronaire, une veine cave et un péricarde. [16][64] Chez tous les poissons, la vésicule du fiel est pendue au foie pour qu’elle en suce la bile ; chez certains, elle est enfouie dans le foie, dont elle tire la bile par des veinules. [17] Le cœur des poissons est toujours rouge, mais leur foie est de couleur variable : rouge, jaune safran, voire bleu foncé, comme chez la murène. [18] Aristote en a déduit que, chez tous les animaux, le sang passe par le cœur pour acquérir sa perfection. [19][65]
Puisse le lecteur se rendre compte des absurdités auxquelles ont abouti ceux qui approuvent Pecquet sur la sanguification dans le cœur, à partir du chyle qui y monte : Dî sacrum et horribilem libellum, [20][66] approuvé par deux médecins de Paris !
Fin. [21]