Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
5e de 6 parties, note 36.
Note [36]

V. notes :

  • [49], lettre de Sebastianus Alethophilus pour le livre de Jan van Horne (Leyde, 1652) où il a prétendu avoir le premier découvert les voies thoraciques du chyle ;

  • [27], seconde Responsio de Jean ii Riolan, première partie, pour la querelle de priorité entre Olaüs Rudbeckius (Ole Rudbeck) et Thomas Bartholin dans la découverte des lymphatiques.

    Rudbeck a bien dessiné le réservoir du chyle (figure i) et le canal thoracique (figure ii) chez le chien, dans son Nova Exercitatio Anatomica, exhibens Ductus hepaticos aquosos et Vasa glandularum serosa, nunc primum inventa… [Essai anatomique nouveau montrant les Canaux aqueux hépatiques et les Vaisseaux séreux des glandes découverts pour la première fois…]. {a} Ce passage du chapitre iii, pages C vo‑C2 vo, correspond à ce que Jean ii Riolan en disait ici :

    Causam autem cur hepati aliquos venarum lactearum asservarunt insertos ramulos, etsi nunquam verè visos, hanc fuisse arbitror, ne inveteratam medicorum, et philosophorum opinionem de ejus sanguificationis munere desererent. Sed anxietas hæc, quæ jam diu multos tenuerat, discussa est anno millesimo sexcentesimo quinquagesimo, dum nescio quo casu, vituli mactationem inspicere contingebat, quem dum jam, jam abscissis venis jugularibus, arteriis soporalibus, arteria aspera ac æsophago, exenterarent, id propterea maximè adspexi, ut aperto thorace, motum cordis, post evacuatum sanguinem pernoscerem : Cumque manibus inordinatè intestina tractarent, sparsim circa jugulum, succus instar seri lactis est effusus. Impetrato itaque ab illis vitulo exenteratô, strenua manu arteriam aortam versus dextrum latus reflectebam, ubi mox obviam, ductus lacteo serosus, veniebat : tum admoto cultro, circa diaphragma, arteriam aortam, sursum versus jugulum, à ramis intercostalibus ac vertebris separavi. Manifestatus jam erat ductus excepta insertione, propter dilacerationem vasorum cordis à mulieribus factam. Itaque reversus ad diaphragma, illud à dextro latere sejunxi, atque parvam vesiculam, lacte aquoso plenam inveni. Ulterius progredi licitum non erat, ob intestinorum et viscerum exenterationem. Hoc deinde anno, varijs negotijs distractus, à sectionibus desistebam. Anno insequente felis saturi, post quintam horam, abdomen aperui, injectis in lacteas duabus ligaturis, una supra pancreas, altera infra, ubi mesenterium dorso alligatur, ne chylus citò dissiparetur : mox inde thoracem aggressus, illoque dissecto ac sterno avulso, ductum eundem anno priore, in vitulo visum, ligavi : soluto denique mesenterio, quo intestina infimo hepatis lobo adnecti solent, ac intestinis ad sinistrum reflexis, ligaturam sub pancreate aperui : Tunc chylus, aliquibus ramulis, sive venulis contentus, vesiculam quandam, inter diaphragma et renes, sub vena cava et arteria aorta sitam petijt, unde tumescebat. Iterum eandem ligaturam constringebam ac superiorem laxabam, quo facto, superiores lacteæ, impletis usque ad ligaturam inferioribus, detumescebant : deinde ligamine sub pancreate aperto, chylus confestim vesiculam invasit. Tum dextrum cordis ventriculum avulsi, ac ligatis postmodum venis axillaribus et jugularibus ; riteque presso digito ex illis sanguine, filum sub corde ductum chyliferum constringens apperui, chylus citissimè axillarem ad conjunctionem ejus cum jugulari ingrediebatur. Tandem per cavam, superius resistentibus valvulis, descendens, dextrum cordis ventriculum dealbavit. Hanc postmodum vesiculam chylosam, Anno millesimo sexcentesimo quinquagesimo secundo, mense Aprili, jussu non modò sed et in præsentia Majestatis, discursum movente experientissimo medicorum Stenio publico Professore medicinæ, sectione illustravi. Hic mihi Regij retulerunt medici, non ita pridem Stockholmi advenisse Picquetum, eadem materia suam experientiam typo adornantem, quam ut in Junio conspexi, mox Hornij novum chyliferi ductum majo mense editum, Jansonij officina adtulit. tandem verò sub nundinis Holmianis, mense Septembri, easde de vesicula in homine visa, tractatus novus Thomæ Bartholini suppeditabatur. Nihil amplius de his, ut tot scriptoribus divulgatis, quorum experientiâ et rationibus satis quperque liquet, hepar non esse ptiemrium sanguificationis organum. {b}

    [Si on affirme que des rameaux des veines lactées s’insèrent dans le foie, bien qu’on ne les ai jamais vus, c’est, je pense, pour ne pas ôter à ce viscère la fonction de sanguification, qui est conforme à l’immuable opinion des médecins et des naturalistes. Maints auteurs ont exprimé leur perplexité sur cette question qui m’a longtemps préoccupé, mais en 1650, à je ne sais plus quelle occasion, je regardai des femmes tuer un veau : une fois qu’elles eurent ouvert le thorax, retiré les veines jugulaires, les artères carotides, la trachée-artère et l’œsophage, puis évacué le sang qui s’était épanché, je pus observer avec attention le mouvement du cœur. Tandis que leurs mains écartaient sans précaution les intestins, je vis qu’autour du cou s’épanchait un liquide ressemblant à du petit-lait. Une fois qu’elles eurent ainsi éviscéré l’animal, je pus fermement écarter l’aorte sur le côté droit et découvris le canal par où s’écoulait l’humeur laiteuse. À l’aide d’un couteau, je tranchai les artères intercostales et détachai l’aorte du rachis, depuis le diaphragme jusqu’à la gorge, mais en dissociant le pédicule cardiaque, les femmes avaient manifestement arraché l’insertion supérieure du canal. Je me portai donc sur le diaphragme pour le détacher du côté droit et trouvai une petite vésicule replie de sérum lacté, mais l’éviscération de l’abdomen ne me permit pas alors d’en savoir plus ; puis occupé à d’autres tâches, je n’ai plus disséqué cette année-là. L’année suivante, {c} j’ouvris l’abdomen d’un chat cinq heures après qu’il eut mangé : afin que le chyle demeurât dans les lactifères mésentériques, j’y serrai deux liens, l’un au-dessus du pancréas et l’autre au-dessous, à l’endroit où le mésentère s’attache au rachis ; aussitôt après, j’ouvris le thorax en enlevant le sternum et le disséquai pour lier le canal que j’avais vu chez le veau l’année précédente ; ayant ensuite coupé la partie du mésentère qui attache ordinairement les intestins au petit lobe du foie, pour les renverser entièrement sur la gauche, j’ôtai le lien placé à distance du pancréas et vis alors le chyle contenu dans les rameaux ou veinules mésentériques gagner et gonfler une vésicule située entre le diaphragme et les reins, au-dessous de la veine cave et de l’aorte ; je resserrai alors la ligature pancréatique et relâchai la mésentérique, pour observer que les lactifères cessaient d’être enflés entre l’une et l’autre ; mais quand je dénouai alors le lien du pancréas, la vésicule se remplit immédiatement de chyle. Cela observé, j’ouvris le ventricule cardiaque droit après avoir lié les veines axillaires et jugulaires, et vidai soigneusement le sang contenu dans la veine cave supérieure en y appuyant le doigt ; je dénouai alors le lien que j’avais posé sur le canal chylifère thoracique, et vis le chyle pénétrer très rapidement dans la veine axillaire, à sa jonction avec la jugulaire ; puis les valvules de la veine cave l’empêchant de fuir vers le haut, il descendit dans le ventricule droit et en blanchit la cavité. {d} Au mois d’avril 1652, j’ai disséqué et montré cette vésicule du chyle à la demande et en présence de Sa Majesté, et de Stenius, {e} le plus expérimenté des praticiens, professeur public de médecine, qui prononça un discours. Ce fut alors que des médecins royaux m’avisèrent qu’un livre de Pecquet relatant ses expériences sur la même matière était tout récemment parvenu à Stockholm, mais je ne l’ai vu qu’au mois de juin ; {f} peu après, la librairie Jansson y a diffusé le livre de van Horne décrivant le nouveau canal du chyle, paru au mois de mai ; {g} enfin en septembre, à la foire de Stockholm, se vendait à l’envi un nouveau traité de Thomas Bartholin sur l’observation de cette même vésicule chez l’homme. {h} De tous ces auteurs, il n’y a rien de plus à dire que leurs expériences et leurs raisonnements montrent fort clairement que le foie n’est pas l’organe premier de la sanguification]. {i}


    1. Arosia (Västerås en Suède), 1653, vnote Patin 4/337.

    2. Le latin de Rudbeck est intelligible, mais ne respecte pas la grammaire classique. Ma traduction est une libre interprétation que je crois fidèle à ce qu’il a voulu dire.

    3. C’est-à-dire en 1651, année où parurent à Paris les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet, mais Rudbeck pouvait bien sûr ne pas les avoir lues. La plus tardive des lettres contenues dans les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet (Picquetus dans le texte de Rudbeck) est celle d’Adrien Auzout, datée du 1er mars 1651, sans doute peu avant sa parution à Paris.

    4. J’ai fait de mon mieux pour tirer du charabia de Rudbeck une narration cohérente de ces deux dissections.

    5. La reine Christine de Suède et Olaüs Stenius (1597-1660), professeur de médecine et d’anatomie à Uppsala, patron de Rudbeck.

    6. Comme Jan van Horne, qui aurait fait la même découverte en 1652 (v.  note [36] supra et notule {g} infra), Rudbeck prétendait donc n’avoir eu que plus tard connaissance du livre de Pecquet.

    7. V. notes Patin 15/150, pour le libraire hollandais Jan Jansson, et [36] supra pour le livre de Jan van Horne (Leyde, 1652).

    8. Historia anatomica datée de Copenhague, le 5 mai 1652 : dans le chapitre xv (v. sa note [10]), où Thomas Bartholin dit avoir montré ses dissections à Pierre Bourdelot, grand admirateur de Jean Pecquet, quand il était passé à Copenhague pour se rendre à Stockholm auprès de la reine Christine. Bourdelot dut arriver vers février 1652 et être le « médecin royal » qui fit remarquer à Rudbeck que ce qu’il montrait avait déjà été publié par Pecquet.

    9. Rudbeck a sûrement vu et démontré le réservoir du chyle et le canal thoracique chez le veau, puis le chat, mais il est plus douteux qu’il ait vraiment écrit son Nova Exercitatio anatomica (1653) avant d’avoir vu les trois ouvrages qu’il y citait.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
5e de 6 parties, note 36.

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(Consulté le 08/12/2025)

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