Ceux qui conviennent que le chyle passe dans les intestins, comme juge la majorité et comme il est parfaitement vrai, doivent reconnaître que ses vaisseaux [2] se voient dans le mésentère ou dans l’intestin grêle. [3] Dans le premier segment du grêle, ou duodénum, [4] se trouvent le pore cholédoque [5] et le canal pancréatique de Wirsung. [6][7] Gassendi, dans son Appendix de Nutritione Animalium, se plaît à dire que, pour la commodité de sa position, [Page 8 | LAT | IMG] le cholédoque ou chylodoque a moins pour vocation d’évacuer la bile que d’ingérer le chyle ; [1][8][9] mais le fait est que le transport du chyle se fait tout de même chez des animaux dépourvus de cholédoque ; surtout, une valvule est présente à la sortie du méat ou, plus exactement, l’obliquité du canal interdit d’y pénétrer et empêche que le suc ne se mêle aux excréments lors de la distribution des aliments. [2] De plus on observe que le chyle se répartit assez copieusement dans le mésentère, sans avoir à passer par la terminaison et les ramifications du cholédoque. Quand l’intestin grêle et le mésentère sont obstrués, il n’y a aucun besoin de la dérivation que Riolan a décrite dans l’Anthrop. Nov., [3][10] car de telles obstructions provoquent plutôt la mort et l’atrophie : [11] pourquoi l’occlusion intestinale provoque-t-elle une mort si rapide en cas de volvulus du cæcum, comme montre l’observation de N. Fontanus, [12][13][14] ou en cas d’obstruction du cæcum lui-même, comme dans l’iléus rapporté par Hildanus, [15] ou quand l’iléon s’enroule sur lui-même, comme Panarolus l’a observé dans ses dissections ? [16] Pourquoi n’y a-t-il eu aucune attraction du chyle dans le cholédoque ? [4] Dans une consultation de Lælius à Fonte, un abcès du mésentère et du côlon a aussi emporté l’épouse de Mengacius. [5][17][18] Une valvule ferme le canal de Wirsung ou la tunique interne de l’intestin en tient lieu, si bien qu’un stylet introduit dans le duodénum ne peut y entrer, sauf à exercer une forte poussée ; et cela sera moins possible encore pour de la bile venue du cholédoque voisin (comme Highmore l’a supposé, au livre i, 2e partie, chapitre viii de sa Disquisitio anatomica, [19] et contrairement à moi), ou pour du chyle (comme J. Baccius le prétend dans son chapitre iii, section ii de Corde, [20] en s’appuyant sur une expérience que je juge impossible). Là-dessus, on verra notre Anatome reformata. [6][21][22]Jusqu’ici on connaissait trois sortes de vaisseaux dans le mésentère, nerfs, artères et veines. Les nerfs n’ont pas mérité [Page 9 | LAT | IMG] grande attention car ils sont seulement sensitifs et leur fonction motrice est obscure : il sont ténus dans le mésentère, sans humidité ni cavité interne. [7][23] Les artères mésaraïques [24] puiseraient le chyle pour le distribuer, comme l’ont voulu Galien, au livre iv De l’Utilité des parties, chapitre xvii, [25] mais en quantité modérée, Varolius, au livre iii de son Anatomie, chapitre iv, [26] et Spiegel, [27] mais seulement chez les sujets sains. [8] Du reste, bien qu’Érasistrate [28] ait vu des artères remplies de lait chez des chevreaux nourris au pis, il ne s’agissait pas d’artères, mais de veines lactées qu’il avait observées comme au travers d’un nuage. [9][29][30][31][32] De fait, on ne voit jamais de chyle dans les artères et il ne faut pas leur assigner une telle fonction puisque, selon les très solides démonstrations de la circulation, elles apportent leur sang nourricier aux intestins, mais ne rapportent pas une goutte de chyle au cœur ou à la rate. Depuis l’époque de Galien, presque tous les auteurs s’en sont donc remis aux veines mésaraïques ; [33] mais des difficultés les ont, comme lui, embarrassés ici et là, et leurs jugements se sont scindés : certains les ont distinguées en deux catégories, dont les unes transportent du sang et les autres, du chyle ; pour d’autres, leur fonction varie dans le temps, ce qui fait qu’elles contiennent tantôt du sang, tantôt du chyle ; d’autres enfin croient qu’elles délivrent du sang en même temps qu’elles emportent du chyle, à la manière dont il existe des fleuves où les eaux s’écoulent en sens contraires ; mais aucune de ces opinions n’est conforme aux lois de la nature. Pour notre part, nous ne croyons que ce que palpent nos mains et discernent nos yeux, et jamais nous n’avons vu de chyle dans les veines mésaraïques, qu’il soit pur ou dilué, mais toutes contiennent toujours et invariablement du sang. Si leur véritable fonction était de pomper le sang hors du foie, ces veines seraient misérablement détruites, [Page 10 | LAT | IMG] puisque les ligatures pratiquées chez des animaux vivants et la position des valvules [34] prouvent que le sang s’y dirige vers le foie, sans qu’une goutte n’en revienne. Nous ne croyons pas non plus, comme Riolan, [3] qu’une obstruction des lactifères, quel qu’en soit le mécanisme, crée parfois la nécessité que du chyle emprunte cette voie, car, comme j’ai dit, quand la nutrition est interrompue, il est nettement plus probable que l’animal dépérisse par atrophie ; et pourquoi n’en viendrait-il à présenter alors une diarrhée chyleuse ? [35] Nous ne pouvons pas non plus adhérer, comme Harvey, [36] le plus perspicace des anatomistes, à l’antique erreur, puisqu’il est inutile de confondre des vaisseaux que la nature a distingués les uns des autres et puisque nous savons que la fonction des vaisseaux ombilicaux [37] est différente chez le fœtus et chez l’adulte ; [10] et pour finir, nous ne voyons pas de chyle dans les veines mésaraïques quand son écoulement est bloqué ailleurs.
Pierre Gassendi a commenté la découvertes des lactifères mésentériques par Gaspare Aselli dans l’Excerptum Prius, de Nutritione Animalium, in quo inter cætera disseritur de Venis Lacteis [Premier recueil sur la Nutrition des animaux, où il est question, entre autres sujets, des Veines lactées], pages lvj‑lvij : {a}
Nobis quid pridem visum fuisset, cùm non pigeat exponere ; displicuerat primùm, quicquid opinionum fuit commemoratum ; ac impugnaramus præsertim traiectionem illam siue alternantem, siue simultaneam, per rubeas Mesenterij venas, quas nutriendis solùm ipsi Mesenterio, intestinisque destinatas à natura arbitabamur ; tanquam venâ portâ non aliò dicatâ quàm distribuendo sanguini in omnia interanea, quæ non perinde commodè haurire poterant ex causa. Nihil verò necesse est argumenta commemorare, quæ expressa fuere in dissertatione cum Præclaro Merindolo medico nostrate, et Aquensi Professore donec viueret instituta ; quæque eiuscemodi sunt, vt facilè cuique occurrant in mentem. Placuerat deinde quem Porum vulgo appellant Cholidochum, leui immutatione Chylodochum dicere ; scilicet quasi destinatum non tam egerendæ ex iecore choleræ, seu flauæ bili in dodecadactylon intestinum, quàm ingerendo chylo ex hoc intestino in iecur. Primùm enim hæc videbatur via compendiosissima, et pro instituto naturæ, quæ per ambages, quales essent venarum mesaraicarum non soleret incedere, quoties commodè recto ductu posset.[Je ne suis pas fâché d’exposer ce que j’avais longtemps pensé, bien qu’il m’ait d’abord été désagréable de me remémorer ces opinions. Initialement, j’avais surtout contesté ce trajet alterné ou simultané dans les veines mésaraïques rouges, {b} pensant que la nature ne les avait destinées qu’à nourrir les intestins et le mésentère, tout comme elle avait voué la veine porte à distribuer le sang dans tous les viscères qui ne pouvaient pas être aisément irrigués. {c} Il est néanmoins utile de rappeler les arguments dont j’ai débattu, jusqu’à sa mort, avec Mérindol, très brillant médecin de chez nous qui professait à Aix : {d} nous y échangions sur tout ce qui nous venait à l’esprit ; par un léger changement de lettres, il avait plaisir à nommer chylodoque le pore biliaire que tout le monde appelle cholédoque, {e} jugeant qu’il n’est pas tant destiné à faire couler la bile jaune du foie dans le duodénum, qu’à en faire entrer le chyle dans le foie ; cette voie nous paraissait alors la plus courte et conforme au dessein de la nature, qui n’a pas coutume d’emprunter des détours, tels ceux des veines mésaraïques, chaque fois qu’un droit chemin peut être plus commode]. {f}
- Imprimé dans l’Appendix des Petri Gassendi Animadversiones in decimum librum Diogenis Laertii, qui est de Vita, Moribus, Placitisque Epicuri, tome ii, Lyon, Guillelmus Barbier, 1649, in‑4o.
- Avant Aselli, la plupart des anatomistes pensaient que ces veines véhiculaient à la fois le sang et le chyle.
- Gassendi n’admettait pas la circulation harvéenne du sang.
- Antoine Mérindol (1570-1624) était professeur de médecine à l’Université d’Aix-en Provence.
- V. note [9], Dissertatio anatomica, chapitre xii.
- En d’autres termes, Gassendi défendait l’idée que le chyle arrivait dans le collecteur mésentérique, auquel Aselli avait à tort donné le nom de pancréas, pour gagner le duodénum par le canal de Wirsung et monter dans le foie par le cholédoque. Cette proposition astucieuse, mais aberrante, contournait l’impossibilité de voir les lactifères pénétrer dans le foie.
V. note [28], Nova dissertatio, expérience i, pour l’ampoule hépatoprancréatique (plus tard dite de Vater), qui n’est pas munie d’une valvule, mais d’un sphincter empêchant le chyme duodénal de remonter dans les canaux cholédoque et pancréatique (Wirsung).
Sous le titre ambigu d’Anthrop. Nov. (Anthropographia Nova), Thomas Bartholin se référait aux Opuscula anatomica nova de Jean ii Riolan qui accompagnaient la dernière édition de son Anthropographie ; et plus précisément au Liber de Circulatione sanguinis [Livre de la Circulation du sang], {a} chapitre xv, Opinio Riolani de Circulatione sanguinis [Opinion de Riolan sur la Circulation du sang], dont le dernier paragraphe, page 578, porte sur les obstructions des voies du chyle :
At in nullum magis est pronum genus humanum more belluarum, quàm in voracitatem et ingluuiem, quæ parens et nutrix est infinitorum malorum, quibus ut prospiceret Deus, mirabili artificio construxit partes nutritioni dicatas, ac potissimum Hepar, præ cæteris partibus obnoxium obstructionibus : Ideoque duplicem canalem vehentem chylum ad Hepar fabricauit, vt uno obstructo, alter suppleret officium. Admitto quidem venas lacteas chyliferas, vt Asellius proposuit, sed earum continuationem ad Hepar cum trunco, vel canales manifestos, si demonstrasset, aut inuenirentur, certiores essemus de illa traductione chyli. Propterea non adimo venis mesaraicis eundem vsum deferendi chylum ad Hepar, quando venæ lacteæ sunt obstructæ, ne cessaret in Hepate sanguinificationis actio necessaria ad vitam. Quod si fuerit Hepar ita obstructum, vt nequeat ipsum subire chylus, vel refluet in intestina, vel eius portionem suget, trahetque Lien per venam splenicam, quæ sita paulò infra iecur, non tam est propago trunci venæ portæ, quàm eius bifurcatio iuxta Hepar, vt si aditus ad Hepar fuerit interclusus, refluat portio chyli ad Lienem : Interdum enim fungitur officio Hepatis, vt multoties obseruatum fuit. At cùm venæ mesaraicæ vehicula sunt chyli ad Hepar, tum arteriæ mesaraicæ nutriculæ sunt intestinorum : ac sanè tam numerosa fructicatio vasorum per mesenterium ad intestina membranosa desinentium, eo fine fabricata fuit, quem proposui, non autem ad solam nutritionem intestinorum, quæ pauco sanguine indigent : atque canalis à Virsungo, peritissimo Anatomico Patauino repertus, per Pancreas deductus, atque perforans intestinum duodenum iuxta pylorum, manifestè demonstrat illam tractionem et traductionem chyli ad Lienem per medium Pancreas, atque per eundem canalem impuritates Lienis et Pancreatis interdum expurgantur in intestina, quando in his locis regurgitant.[Le genre humain, et plus généralement animal, est plus que tout enclin à la voracité et à la gloutonnerie, qui engendrent et alimentent quantité de maux. Dieu, pour y pourvoir et avec une admirable ingéniosité, a construit des organes dédiés à la nutrition, dont le principal est le foie. Comme ce viscère est, plus que tout autre, exposé aux obstructions, Dieu a conçu deux canaux qui y conduisent le chyle, de manière que si l’un s’obstrue, l’autre supplée à sa fonction. J’admets bien sûr l’existence des veines lactées chylifères qu’Aselli a mises au jour ; mais s’il avait démontré ou si nous trouvions le tronc ou les conduits manifestes qui les joignent au foie, nous serions plus sûrs qu’elles y transfèrent le chyle. C’est pourquoi je n’ôte pas aux veines mésaraïques la capacité de conduire aussi le chyle au foie quand les lactifères sont occlus, afin que la sanguification hépatique, qui est une action vitale, ne soit pas interrompue. Si le foie était obstrué de façon que le chyle ne puisse ni l’atteindre ni refluer dans les intestins, alors la rate en attirerait et aspirerait une partie par la veine splénique, qui est placée un peu au-dessous du foie et n’est pas tant une branche qu’une bifurcation sous-hépatique du tronc de la veine porte ; et ainsi, quand l’accès au foie est bouché, une partie du chyle est-elle dérivée vers la rate, qui est donc parfois capable d’accomplir la fonction du foie, comme tant d’observations l’ont prouvé. Si les veines mésaraïques transportent le chyle vers le foie, les artères mésaraïques apportent leur nourriture aux intestins ; et une telle profusion de vaisseaux parcourant le mésentère pour se terminer dans les membranes intestinales a été conçue dans le dessein que je viens d’exposer, et non pour la seule nutrition des intestins, qui n’ont besoin que d’une petite quantité de sang. Enfin, le canal traversant le pancréas qu’a découvert Wirsung, très habile anatomiste de Padoue, et qui perfore le duodénum près du pylore, démontre très clairement que cette attraction permet le transfert du chyle vers la rate au travers du pancréas, {b} et que par moment et en sens inverse, quand des impuretés ont régurgité dans la rate et le pancréas, elles se purgent dans les intestins].
- Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. note [4], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.
- Je n’ai pas voulu abréger le raisonnement qui menait Riolan à conclure que, dans certains cas d’obstruction du mésentère et de ses chylifères, le chyle peut remonter dans le canal pancréatique pour gagner la rate, suppléante du foie.
Thomas Bartholin se référait à trois observations pour montrer que l’occlusion intestinale aiguë ou iléus était alors toujours mortelle (v. note Patin 1/436).
Orphanis ex Iliaca passione exspiravit : inspecto corpore nullas vidi plicas nec volvulum ; sed circa cæcum intestinum vidimus materiam induratam, lapidosam, intestinum extendentem, et ita arctè adhærentem ut Chirurgo magistro Alberto Scerm impossibile videtur extrahere eam.Ex hoc exemplo concluderem, nequaquam esse involutionem, ut dicunt medici ; sed squibalas instar saxi induratas, intestina admodum obstruentes.
[Chez un orphelin mort de passion iliaque, l’ouverture du corps n’a montré ni repliements ni volvulus {a} de l’intestin ; mais nous avons vu autour du cæcum une matière indurée, pierreuse qui envahissait la paroi et qui était si adhérente que maître Albertus Schem, chirurgien, l’a jugée impossible à extraire.
Je conclurais de ce cas qu’il n’y avait nul enroulement, comme disent les médecins, mais des débris {b} durs comme de la pierre qui provoquaient une obstruction très serrée de l’intestin]. {c}
Theodori auff der Koulen in Hilden, puerum aliquoties inuisi, qui dolore fixo et continuo sub regione hepatis per annos aliquot laborauerat. Eo tandem ex grauissima iliaca passione mortuo, vocatus sum, vt causam præcedentis doloris inquirerem. Aperto corpore inueni intestinum cæcum contractum, in intestinum ileum sese insinuasse, idque oppleuisse adeo vt hihil ex superioribus intestinis ad colon permeare posset : inde iliaca. Denique fisso ileo, et exempto cæco, id vbique inflammatum et prætumens inueni. Præterea scirrhus exulceratus, aut potius cancer exulceratus in ipsius cæci intestini fundo conspiciebatur[J’ai vu plusieurs fois le petit garçon de Theodor auff der Koulen à Hilden, qui souffrait depuis quelques années d’une douleur fixe et continue sous la région du foie. Il finit par mourir d’une gravissime passion iliaque et je fus appelé pour chercher la cause de la douleur qui l’avait précédée. À l’ouverture du cadavre, je trouvai un cæcum contracté qui s’était insinué dans l’iléon et l’avait obstrué à tel point que plus aucune matière ne pouvait passer de l’intestin grêle dans le côlon, ce qui avait été la cause de la passion iliaque. Ayant ensuite ouvert l’iléon, j’en retirai le cæcum que je vis être entièrement tuméfié et enflammé, en raison du squirre, ou plutôt du cancer ulcéré qui en occupait le fond].
L’Annotatio qui suit l’observation n’aide guère à faire un diagnostic moderne, mais le jeune âge du malade et la chronicité de sa douleur peut plaider pour une iléite terminale ou maladie de Crohn (décrite en 1932).
Duæ volvulorum species observatæ fuerunt, prima ab enterocele, cum Ileon intestinum in scrotum descendens strangulatur, fæces nullo modo excernuntur, unde remeantibus ipsis, vomitus fæculentus sit, à Medicis miserere mei vocatus. Secunda, cum intestina aliquo modo connectuntur, ut observavi, tanquam in fune madefacto, qui postmodum convolvitur, et in hoc casu mirum in modum pila, tum plumbea, tum argenti vivi potio prodest. Sed in duabus alijs, ut vidi, et modo enarrabo, nihil juvat, ægrique desperati moriuntur. Tertia est, quando ileon, ut aspexi, ita arctatur, quasi farcimen, quod vulgo lucanica dicitur, nempè cum inter unam, et alteram lucanicam circumducitur filus : hoc ad unguem inveni : intestinum enim tam strictum erat, ut non secus, quàm filo vinctum cerneretur : humor enim biliosus ob acrimoniam morbum hunc pepererat. Quarta cum in cavitatem intestini intestinum descendit, unde obstructo fæcis, et corruptio illius cum morte oritur, sicut in sectione anatomica observavi ; juvenis enim quidam hoc morbo affectus sine ullo hydrargiri juvamine mortuus est : quod cum permeare non potuisset, prope obstructionem à me inventum fuit.[On observe deux sortes de volvulus. Les médecins appellent miserere mei le premier, qui est l’entérocèle, {b} où une anse de l’iléon descend dans le scrotum et s’y étrangle, interrompant le passage des fèces, dont le refoulement provoque des vomissements fécaux. {c} Le second survient quand les anses intestinales s’attachent les unes aux autres pour former comme une corde mouillée qui ensuite s’entortille sur elle-même, selon ce que j’ai observé, et dans ce cas, l’absorption de balles de plomb ou de mercure est admirablement efficace ; mais cela n’est d’aucune utilité dans les deux autres sortes d’occlusions dont je vais parler, où les malades meurent sans le moindre espoir de salut. Dans la première que j’ai vue, {d} l’iléon est si étranglé qu’il ressemble à un boudin dont on a ficelé les deux extrémités et c’est exactement ce que j’ai vu dans un cas qui était dû à l’acrimonie d’une humeur bilieuse. Dans la seconde sorte, l’intestin s’enfonce dans sa propre cavité {e} ce qui provoque son obstruction par les matières, puis son pourrissement qui entraîne le décès, comme je l’ai observé à l’ouverture du cadavre d’une jeune personne qui était morte sans avoir tiré aucun profit du mercure, car il était impossible de lever l’obstruction que j’ai trouvée, qui confinait à l’occlusion]. {f}
- Cinquantaines de relations médicales.
- V. note Patin 5/9015 pour l’occlusion par étranglement herniaire dont le nom populaire de miséréré vient du Psaume 51, Miserere me Deus [Aie pitié de moi, mon Dieu].
- Ces vomissements fécaloïdes ressemblent à des matières fécales mais n’en sont pas, car il est anatomiquement impossible de vomir vraiment des fèces quand le grêle est occlus (sauf si une fistule s’est formée entre le côlon et l’estomac).
- Pour la rendre cohérente, j’ai revu la seconde énumération, qui distingue les volvulus des autres occlusions. La première correspond à la torsion sur bride péritonéale, mais l’explication qu’en donnait Panaroli est à tenir aujourd’hui pour fantaisiste.
- Invagination, v. supra première notule {a} supra.
- Bartholin semblait surtout penser à ce quatrième type d’occlusion pour combattre les théories de Riolan.
Consultationes Medicinales… (Venise, Ioannes Guerilius, 1608, in‑fo) de Lælius a Fonte, médecin de Venise, natif de Gubbio (Ombrie), De Dolore cholico ex inflammatione. Pro uxore Pet. Pauli Mengacij nobilis Eugubini [Douleur colique par inflammation. Pour l’épouse de Paulus Mengacius, gentilhomme de Gubbio], consultation xxxiiii, pages 106‑107 :
Illustrem Iuuenem temperationis biliosæ et sanguineæ, quæ ut exponitur, post luculentum peponum vsum in Mense Augusti, et vini meracioris immoderationem, dolore fixo in hipochondrio sinistro in regione coli, cum ardore, siti, vigilijs, et febricula assidua, quem auxilia calida non soluunt, sed adaugent, et esculentis, et potulentis calidioribus irritatur, ex diro dolore laborare, qui ab affecta parte cholicus nuncupatur, ex inflammatione a sanguine bilioso genita : […] in præsenti casu, ea autem parte afficitur, quæ ventriculi fundo insternitur, hinc ad sinistrum hippocondrium contendens lieni assistens.[M’est soumis le cas d’une illustre jeune femme de tempérament bilieux et sanguin qui, après avoir mangé quantité de melons au mois d’août et bu du vin pur sans modération, a été prise d’une douleur fixe de l’hypocondre gauche, dans la région du côlon, avec chaleur, soif, insomnie et fièvre continue. Les remèdes chauds ne soulagent pas les symptômes, mais les aggravent, comme font les aliments et les boissons de même qualité. Cela signe une colique de la partie affectée, liée à une inflammation provoquée par un sang bilieux. (…) dans le présent cas, la partie atteinte est celle que couvre le fond de l’estomac, au contact de l’hypocondre gauche, à proximité de la rate].
L’administration de divers remèdes, fondée sur de savants raisonnements, permit la guérison de ce qui pourrait correspondre à la perforation d’un ulcère gastrique.
Je remets dans l’ordre chronologique de leur parution les trois références que Thomas Bartholin citait sur l’anatomie, alors encore très mystérieuse, du canal de Wirsung.
Ductus hic venarum lactearum maxima, magno sibi cum meatu biliario communi, hiatu ab intestino jejuno satis conspicuè incipit, secundum corporis latitudinem et pancreatis longitudinem, calami scriptorii ferè crassitiem adæquans, extenditur : in cadavere nihil quicquam, dum aperitur, continet, aliarum lactearum more, quæ tamen omnes, ob exiguitatem, et quod membranis quibus fulciuntur, nimis sint similes, inanitæ disparent, visumque nostrum effugiunt ; hic verò, propter magnitudinem et quia per carnem, à qua facilè discernitur excurrit, satis est conspicuus : in animali vivo, aliquot post pastum horis, aperto, albo humore impletus tumet, ligaturâ constrictus, intestinum versus intumet magis, ultra verò statim inanitur.[On voit assez clairement que ce très grand canal {b} des veines lactées commence au niveau de l’intestin grêle par un orifice qu’il partage en grande partie avec le méat biliaire. Il se déploie sur toute la longueur et la largeur du corps du pancréas, et son calibre égale presque celui d’une plume à écrire. Quand on l’ouvre chez le cadavre, il est absolument vide, comme sont les autres lactifères, lesquels échappent à notre vue, en raison de leur exiguïté et des membranes auxquelles ils adhèrent, qui leur ressemblent beaucoup et dont il est vain de vouloir les séparer ; en revanche, le lactifère du pancréas est assez visible en raison de sa taille et parce qu’on le distingue bien de la chair pancréatique dans laquelle il chemine. Il est gonflé chez un animal vivant, quand on l’ouvre quelques heures après l’avoir nourri, et plein d’une humeur blanche ; {c} et si on le lie, il enfle du côté de l’intestin, mais s’aplatit en amont]. {d}
- Chapitre intitulé Venarum lactearum usus : quis pancreatis : et gladularum mesenterii usus : chymosis rudior sanguinificatio : quid chymus : sanguinis in jecore uterino præparatio : naturæ circa alimentum ordo [Utilité des veines lactées ; ce qu’est celle du pancréas et des glandes du mésentère ; la chymose est plus grossière que la sanguification ; ce qu’est le chyme ; la préparation du sang dans le placenta ; ordre de la nature concernant l’aliment].
- De Back a curieusement tenu le mot ductus [canal] pour masculin (hic) puis féminin (maxima), en parlant du canal de Wirsung qui draine le chyme que les lactifères ont mené dans le pancréas.
- Confusion entre le chyle et le suc pancréatique (que personne n’avait alors bien caractérisé).
- Bartholin jugeait cette expérience impossible (v. infra) ; elle voulait prouver que le chyle pénètre dans le canal pancréatique après les repas.
Cujus orificium amplo hiatu in intestinum duodenum aperitur, juxta meatus bilarii ingressum, cum quo nonnunquam eodem osculo jungitur, frequentius vero, quod cum Autore deprehendi, diverso sed vicino circulo copulatur. Valvula ante exitum sita extrorsum spectans, quæ stylum ex duodeno adactum in sinum novum non admittit, unde in animali vivo ligatura constrictus intestinum versus intumescit magis, ultera verò statim inanitur, si crediumus Iac. Baccio, quod experimentum difficile est, ante enim quam separetur ductus impeditior, vel ligetur, exspirat animal. Inde totum Pancreatis corpus meatus perreptat, utrinque infinitos dispergens ramulos, donec angustioribus, sed ordinatis surculis et recto ductu sensim taciteque lienem versus terminetur. Lienem autem non ingreditur, licet id se observasse fidem mihi Folius fecerit : fortassis id præter naturam, nec debuisse videtur, quia ante obliterantur rami ordinato defectu, quam lienem tangant, et cavitas deficit versus intestina eminens. In qua quidem capacitate, humor conspicuus est nullus, nisi quod immissus stylus flavo plerunque biliosoque colore tingatur, parietibus ejusdem simili tinctura infectis, ut bilis hic contineri ordinaria naturæ lege videatur, quod ad oculum pleno bilis vase in biliosa diarrhæa Venetiis quoque Ioannes van Horn amicus vidit. Unde novi ostenti.[Son orifice s’ouvre largement dans le duodénum, à côté de celui du canal biliaire. Ils partagent parfois la même embouchure, mais plus souvent, comme je l’ai vu avec son découvreur, {b} leurs ostiums sont voisins mais distincts. Une valvule regardant vers l’extérieur les recouvre, qui empêche de faire pénétrer un stylet depuis le duodénum dans ce conduit nouveau. Si nous en croyons Jacobus de Back, sa ligature chez un animal vivant enfle sa partie dirigée vers l’intestin, mais il s’affaisse en amont. Il s’agit pourtant là d’une expérience difficile car l’animal meurt avant qu’on ait dégagé le canal de Wirsung et pu le ligaturer. Il parcourt le corps du pancréas sur toute sa longueur, en dispersant de part et d’autre une infinité de petites branches de plus en plus étroites, mais en suivant un trajet rectiligne, jusqu’à se terminer peu à peu et insensiblement non loin de la rate. Il n’y pénètre pourtant pas, bien que Folli {c} m’ait affirmé avoir observé le contraire : peut-être s’agissait-il d’une communication contre nature, qui ne doit pas exister naturellement, parce que les ramifications du canal s’épuisent avant qu’il n’atteigne la rate, que les intestins séparent du pancréas. La lumière du canal ne contient aucune humeur ; toutefois un stylet qu’on y a introduit en ressort très souvent jaune, en prenant une teinte bilieuse, qui donne aussi sa couleur aux parois du dit canal. Il semble donc normalement contenir de la bile, comme mon ami Jan van Horne {d} l’a vu de ses propres yeux à Venise, dans un cas de diarrhée bilieuse, et voilà un nouveau prodige].
- V. note [5], lettre d’Adrien Auzout à Jean Pecquet.
- Bartholin a dit quelques lignes plus plus haut avoir en personne assisté à la démonstration du canal par Johann Georg Wirsung, à Padoue en 1642.
- Cecilio Folli, v. note [3‑2], Experimenta nova anatomica, chapitre vi.
- V. note [49], lettre de Sebastianus Alethophilus à Pecquet.
In canibus, ovibus, hominibus et aliis stilum facile recipit, et ureteribus magnitudine non multum cedit. Quando in meatum biliarem inseritur, neque inter tunicas ejus decurrit, neque valvula adstat ; sed bilis in illum facilè remeare poterit ; licet Bartholinus (illlustrissimi Bartholini filius non minus insignis) valvulam in exitu potuisse videtur : Nullam verò stilo, vel sectione, vel inflatione explorare potuimus : sed immissâ fistulâ totum ab intestino, vel meatu biliari, usque ad extremitates capillares inflatione distentum reperimus. Si autem tunicam intestini interiorem valvulam esse velit, non multum contendemus, ejus vicem supplere facilè concedemus. In illo humor conspicuus nullus invenitur, licet in vivis dissectionibus stilo statim ad intestinum connectatur. Bartholinus bilem in illo ordinariâ naturæ lege contineri dicit, quia stilum immissum tali plerumque colore inficiat ; Et illum bile plenum, Venetiis in diarrhæa biliosâ inventum fuisse ab amico ejus, narrat. Cùm in meatum biliarem inhiat, ut in hominibus, facilè in dissectione contingere potest, ut partium commotione bilis à meatu biliari in illum refluat, uti nobis in dissectione sæpius accidisse observavimus. Atque hinc tinctura illa flava in ductus hujus parietibus enasci poterit : Quod verò in diarrhæâ biliosâ, humore tali plenus inventus fuerit, si non eodem errore accidisset ; illud fieri dicamus, quia totum venosum genus infectum fuerat, totaque massa sanguinis biliosa facta, ut in ejusmodi affectibus contingit ; natura per omnes vias humoris vitiosi expulsionem molitur, atque sic per ductum hunc etiam bilem expurgare conatur.[Chez les chiens, les moutons, les hommes et d’autres animaux, on y introduit {b} facilement un stylet et son calibre n’est guère inférieur à celui des uretères. Quand il est inséré dans le méat biliaire, le stylet ne chemine pas entre ses tuniques et ne rencontre pas de valvule. La bile pourra donc facilement y refluer, bien que Bartholin (qui n’est pas moins remarquable que son père, le très illustre Bartholin) semble penser qu’il puisse être pourvu d’une valvule, mais nous ne sommes pas parvenus à la mettre en évidence, que ce soit à l’aide d’une sonde, de la dissection ou de l’injection d’air. En revanche, en insérant un chalumeau, nous avons gonflé la totalité des canaux biliaires depuis l’intestin, c’est-à-dire depuis leur méat jusqu’à leurs plus fines extrémités. Si Bartholin veut néanmoins qu’une telle valvule existe dans la tunique interne du duodénum, nous n’en débattrons pas longuement et admettrons quelle en tient lieu. On n’y trouve {b} aucun liquide, même si, en disséquant des animaux vivants, l’insertion d’un stylet montre qu’il est en connexion directe avec l’intestin. Bartholin dit qu’il contient naturellement de la bile car elle teinte ordinairement la sonde qu’on y a introduite, et raconte qu’un de ses amis l’a vu rempli de bile dans un cas de diarrhée bilieuse observé à Venise. Puisque, chez les animaux, il s’ouvre, comme chez l’homme, dans le méat biliaire, il peut facilement arriver, comme nous l’avons très souvent observé en disséquant et manipulant ces parties, que la bile du méat biliaire y reflue, {b} ce qui pourrait expliquer la couleur jaune du canal et de ses parois. Quant au fait de l’avoir trouvé plein de bile dans un cas de diarrhée bilieuse, s’il ne s’est pas agi d’une erreur, nous dirions que tout le compartiment veineux était contaminé et que toute la masse du sang avait été rendue bilieuse, comme il arrive dans ce genre de maladie. La nature met en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour expulser l’humeur peccante, et s’efforce donc aussi de purger l’excès de bile par ce canal]. {c}
- Ce livre (v. note [22], préface de la première Responsio de Jean ii Riolan) a paru juste après l’Anatomia reformata de Bartholin, qui n’avait donc pas pu y répondre aux remarques de Highmore. Aussi le faisait-il très brièvement dans son Historia anatomica.
- Dans le canal de Wirsung.
- Plus loin, pages 46‑47, Highmore concluait, comme bien d’autres avant la découverte de Jean Pecquet, que le pancréas était là pour purifier le chyle que lui délivraient les lactifères mésentériques d’Aselli, avant qu’il ne gagne le foie. Son propos est illustré par une belle planche, dont plusieurs figures montrent (repères k k k) des petites veines imaginaires qui quittent le pancréas pour rejoindre la veine splénique et le foie par la veine porte.
Il a plus tard été bien établi que le canal de Wirsung ne charrie ni chyle (comme pensaient de Back et Highmore) ni bile (comme pensait Bartholin), mais délivre dans le duodénum le suc élaboré par le pancréas pour assurer l’essentiel de la digestion des aliments.
Vaisseau est à prendre ici dans son sens premier de ce qui possède une cavité et peut contenir quelque chose, et particulièrement un liquide.
Les Bartholin ont exposé les généralités sur les nerfs dans le premier chapitre, livret iii de leur Anatomia (v. supra note [6]), pages 449‑455 : l’idée qu’ils puissent posséder une cavité pour faire circuler les esprits animaux était héritée de Galien, mais la médecine n’y croyait déjà plus guère depuis le xvie s., tout en sachant que René Descartes s’imaginait même que la cavité des nerfs était pourvue de valvules ; toujours d’après Galien, on continuait à distinguer les nerfs en durs et mous (ce qui peut correspondre aux notions de sécheresse et d’humidité), mais en n’admettant plus trop que cela permettait de distinguer les nerfs moteurs des sensitifs.
Sur le rôle des artères mésentériques dans l’absorption du chyle, qu’il jugeait déjà aberrant, Thomas Bartholin citait trois auteurs.
« Dans ce conduit si long, si étroit, si tortueux, toutes les parties de l’aliment rencontrent nécessairement l’orifice d’un vaisseau. En effet, la circonférence de l’intestin est percée d’un nombre infini d’orifices intérieurs qui saisissent au passage la partie utile de l’aliment qui le parcourt. De cette façon il n’échappe et ne se perd aucune partie de l’humeur bonne pour la nourriture de l’animal, quand du moins la loi naturelle régit les fonctions du corps.[…] nous avons expliqué aussi {b} comment les orifices des artères qui pénètrent dans l’intestin absorbent peu de nourriture, tandis que la plus grande partie passe dans les veines. »
- Daremberg, volume 1, pages 326‑328.
- Une parenthèse de Daremberg renvoie au livre iii des Facultés naturelles, chapitres xiii‑xv.
Et quoniam vt iam declaratum est, duplex in nobis sanguis generatur, propterea ad intestina, non solum venæ sanguini venali dicatæ, sed etiam arteriæ plurima copia accedunt. Vt portionem chyli purissimam ad sanguinem arterialem generandum idoneum exsugerent, ad corque deferrent. Hanc autem meam sententiam de actione, et vsu arteriarum mesenterii iam à communi omnium opinione remotam verissimam esse ne dubites. Quoniam cum aperte constet, hunc sanguinem in sinistro cordis ventriculo generari, vt omnes etiam fatentur ; et, cum nullus sit transitus à dextro ventriculo in sinistrum, (nisi forte cum aliis vias, et quoad rationem quæ sint, et quod ad agendum pertinet, imperceptibiles somniare velimus) dicendum est materiam ad hanc generationem ab intestinis desumi, et per arterias rectà ad cor deferri. […]. Dico, cum homini duplex sanguis necessarius foret, propterea ad intestina non solum venarum, sed etiam arteriarum plurimam sobolem accedere, vt velut radices sibi conueniens alliciant alimentum ; nec mihi respondeas, tot arterias ad intestina accedere, vt illis calorem vitalem impartiantur, quando quidem plurimo calore intestina abundarent ; cuius oppositum sensus, et experientia cognouerunt ; et huius veritatis tanta fuit vis apud Galenum vt in 4. De facul. nat. et 4. De vsu partium, coactus fuerit confiteri arterias mesaraicas portionem chyli ad se ipsas ex intestinis attrahere. Et quoniam chylus prædicta vasa ingressus non adhuc omni cœnoso, ac putrescibili humido destiturus erat ; propterea per mesenterium plurimæ glandulæ distribuuntur, quæ in ductu vasorum cœnum illud sensim ex vtraque materia depascuntur. Vt inde dispositiones sanguineas gradatim acquirat, et ad alias partes inferius declarandas deferatur.[Et puisque, comme je l’ai déjà énoncé, nous élaborons deux sortes de sang, il n’arrive aux intestins que des veines qui viennent y acheter de quoi faire leur sang, mais aussi une multitude d’artères, qui y puisent la partie la plus pure du chyle pour produire un sang artériel adéquat, puis le mènent au cœur. Vous n’avez pas à douter que ma sentence sur l’action et la fonction des artères du mésentère ne soit absolument exacte, bien que fort éloignée de l’opinion commune et unanime : puisqu’il est bien clair et puisque tout le monde convient que ce sang est élaboré dans le ventricule gauche, et puisqu’il n’y a aucun passage du ventricule droit dans le gauche (sauf peut-être à rêver, comme d’autres, qu’existent des voies imperceptibles, quelles qu’en soient la raison et la fonction), force est de dire que la matière requise pour cette production est puisée dans les intestins, et menée tout droit au cœur par les artères. {a} (…) Étant donné que l’homme a besoin de deux sangs, les vaisseaux qui s’éparpillent dans les intestins en vue d’en extraire l’aliment, à la manière de racines, sont non seulement veineux, mais artériels ; et vous ne m’objecterez pas que tant d’artères parviennent aux intestins pour leur transmettre leur chaleur, puisqu’elle y est déjà surabondante, et la raison et l’expérience ne permettent pas de dire le contraire ; cette vérité s’impose avec tant de force que Galien, dans le livre iii des Facultés naturelles et dans le livre iv de l’Utilité des parties, {b} a été contraint de reconnaître que les artères mésaraïques captent une partie du chyle qui est dans les intestins. Le chyle ainsi absorbé par les artères n’a pourtant pas encore été débarrassé de sa fange putrescible et humide : de nombreuses petites glandes sont donc disséminées par tout le mésentère, afin d’extraire peu à peu cette boue qui est contenue dans ses artères comme dans ses veines ; et c’est ainsi que le chyle se dispose à la sanguification et gagne les autres parties du corps dont je parlerai plus loin]. {c}
- Varole aurait exulté s’il avait connu la découverte de Jean Pecquet.
- V. la référence 1 supra (j’ai corrigé en conséquence le numéro du premier livre cité).
- Varole, qui décrivait le fonctionnement des organes sains, séparait le chyle entre le foie pour le sang veineux, le cœur pour le sang artériel et la rate pour les déchets.
[…] Ostendit non Venas tantum, sed et Arterias mesaraicas chylum ad se manifesto trahere. […] Atque hic usus mesentericarum arteriarum præclarus est, dum Homo perfecta sanitate fungitur : præter quem nos alium quoque addimus, quoties à sanitatis limite declinaverit. Suscipiunt enim arteriæ hæ excrementa universi corporis, ut ad intestina deponant, non secus atque Venæ, per quas et attrahit Chylum Natura, et expellit similiter humores noxios è corpore ; Bilem puta, Pituitam, et Melancholiam.
[(…) Il {b} montre qu’outre les veines, les artères mésaraïques puisent manifestement le chyle. (…) Cette fonction des artères mésentériques est très claire quand l’homme est en parfaite santé, mais nous ajoutons qu’il en va différemment dans le cas contraire : les artères se chargent alors des excréments de tout le corps pour s’en libérer dans les intestins, tout comme font les veines que la nature charge à la fois d’attirer le chyle et de chasser du corps les humeurs nuisibles, comme sont la bile, la pituite et l’atrabile].
- Adriaan van de Spiegel, anatomiste flamand mort à Padoue en 1625 : v. note Patin 5/115, qui donne la référence complète de ses Opera omnia [Œuvres complètes] (Amsterdam, 1645) auxquelles j’ai eu recours ; v. notes [35]‑[37], Responsio ad Pecquetianos, 1re partie, pour l’avis critique de Jean ii Riolan sur ce livre.
- Galien.
Thomas Bartholin évoquait un très intéressant passage des Administrations anatomiques de Galien, {a} livre vii, chapitre xvi, sur les artères qui ne sont pas vides, mais pleines de sang : {b}
« D’aucuns proposent d’autres façons de disséquer, par lesquelles ils promettent de montrer l’artère vide de sang, comme s’ils pouvaient faire quelque chose plus sagement ou anatomiser plus dextrement qu’Érasistrate {c} qui, sûrement, s’il était quelque autre manière de dissection idoine et suffisante pour montrer l’artère vide, l’eût excogitée le premier : comme est la dissection des chevreaux qui commencent à téter depuis peu de temps, écrite par lui ; toutefois, si tu l’expérimentes, tu ne la trouveras véritable. Tu peux en faire l’expérience non seulement sur des chevreaux, mais sur quelque animal qu’il te plaira, contenant en son estomac une substance humide qui d’autant plus tôt serait transportée dans les artères qu’elle est < composée > de plus subtiles parties. Ils disent donc, quand le mésentère est découvert, qu’au commencement les artères sont luisantes et semblent être pleines d’air, puis après, qu’elles se voient pleines de lait. Quant à savoir si elles sont pleines d’air, n’en fais plus longue enquête, bien que plusieurs disputent avec toi en vain, d’une part et d’autre, sur cela. Or ils disent qu’elles sont pleines de lait, qui est le point auquel consiste la menterie et fausseté de leurs raisons. {d} Tu peux faire preuve en tous les animaux jeunes, et pas seulement chez les chevreaux, que leur estomac est non seulement plein de lait, mais aussi de toute humidité. Or, pour raison que c’est du lait, il n’est pas soudainement transporté dans les artères ; mais pour ce que c’est un suc humide, facilement il tomberait dans les orifices des artères qui vont en l’estomac car, pour remplir ce qui est vide, comme Érasistrate dit, à cause de la suite et consécution qui se fait à ce qui est évacué, il est attiré soudainement. Plus l’humidité est < composée > de plus subtiles parties que le lait, plus elle serait aisément transportée dans les artères. {e} Toutefois, comme j’ai dit, jamais en aucun animal nous n’avons vu l’humidité transportée dans les artères, ni aucun autre le verra qui en voudra faire l’expérience. » {f}
- V. note [1], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xx.
- Plutôt que traduire en français la version latine de Kühn, volume 2, pages 650‑649, j’ai recouru aux Administrations anatomiques de Claude Galien. Traduites fidèlement du grec en français par M. Jacques Daléchamps… (Lyon, Benoît Rigaud, 1572, in‑8o), pages 188 vo‑189 ro, dont j’ai discrètement modernisé le texte pour en faciliter la compréhension. V. note Patin 2/71.
- Les écrits d’Érasistrate, médecin grec d’Alexandrie au iiie s. av. J.‑C., ne sont connus que par ce que sa postérité (dont surtout Galien) en a relaté. Il est un des très rares médecins de l’Antiquité à avoir disséqué des corps humains (v. note Patin 23/324).
- Galien niait fermement ici ce qu’Érasistrate pensait être des « artères » vides du mésentère qui se remplissaient parfois de lait, ce qui correspond exactement aux lactifères.
V. deuxième notule {b}, note [5], première Responsio de Jean ii Riolan, 3e partie, pour une autre relation sans condamnation de cette observation d’Érasistrate par Galien, dans son traité sur la Présence de sang dans les artères.
- Annotation de Daléchamps :
« Érasistrate voulait prouver par cet exemple que les artères sont naturellement pleines d’air seul, et que si on y trouve autre chose dedans, comme aux artères du mésentère des chevreaux on y trouve du lait, aux autres, du sang, ces choses y sont tirées pour remplir ce qui est vidé, et non pas parce que naturellement il y soit contenu ; autrement, il faudrait trouver dans les artères du mésentère des chevreaux du sang, et non du lait. Galien répond que c’est mensonge de dire qu’on y trouve du lait, et que s’il y devait être attiré quelque chose pour remplir ce qui est vide, l’humidité subtile y serait plutôt attirée que le lait. »- Ce verdict sans appel de Galien peut aider à comprendre qu’il ait fallu attendre 1627 pour que soit imprimée, un an après la mort de Gaspare Aselli, sa description des lactifères mésentériques (v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i).
Ce que Thomas Bartholin appelait l’« antique erreur » (antiquus error) consistait à ignorer les veines lactées (comme avait fait Galien), ou à nier leur rôle dans la nutrition après que Gaspare Aselli eut publié leur existence en 1627 : v. note [17], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie, pour l’avis que William Harvey avait donné en 1648 sur l’inutilité des veines lactées, en disant que les veines mésaraïques avaient chez l’adulte la même fonction nutritive que les veines ombilicales chez le fœtus. Ses trois lettres de 1652-1655 ont plus tard confirmé ses doutes persistants sur les voies du chyle.
Page 7, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
CAP. III.
Chylo vehendo nec Cholidocum, nec Pancreas,
nec Mesaraicas vulgares esse
destinatas.
Ad intestina qvi Chylum transire concedunt, qvod
multorum fuit placitum, illudqve verissimum, illa
vasa admittere debent, qvæ seu in mesenterio, seu
intestinis primis conspiciuntur. In primis intestinis seu
duodeno occurrit Cholidochus porus, et ductus Pancre-
atis Virsungianus. Cholidocum, seu Chylodochum a-
Page 8, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
mat Gassendus in App. de Nutr. Anim.destinatum ob
situs commoditatem, non tam egerendæ choleræ, qvam
ingerendo chylo. Verum enimverò, trajectio chyli in
nonnullis fit animalibus, cholidocho destitutis. Imò val-
vula adest in exitu meatus, vel potius obliqvus ductus in-
gressum prohibens, vetansqve in distributione hac nutri-
tium succum excrementis misceri. Præterea observatur
in mesenterio distributus chylus satis copiosè, et termi-
num finesqve cholidochi præteriisse. Nihil est Riolani in
Anthrop. Nov. necessitas, obstructis tenuibus et mesen-
terio ; nam ex istis obstructionibus potius mors seqvetur
et atrophia, imò in volvulo, ubi circa cœcum fit obstru-
ctio, experientia N. Fontani, vel ipsum cœcum obstruit I-
leum observante Hildano, vel planè Ileon convolvitur, ut in
dissectis vidit Panarolus, cur cita mors seqvitur ? Cur nulla
per Cholidochum chyli tractio ? Abscessus autem in me-
senterio et colo, uxorem Mengacii strangulavit apud Læl.
à Fonte in Cons. In ductu Virsungiano valvula obstat, si-
ve interior intestini tunica valvulæ æmula, qvæ ne sty-
lum qvidem ex intestino admittit, nisi accedente vi,
multò minus seu bilem ex cholidochi vicinia, ut contra
me suspicatur Highmorus lib.1. Anat. Disq. part.2. c.8. : sive
chylum, qvod experimento, me judice, impossibili, indu-
ctus J. Bachius {a} de Cord. Sect.2. c.3. defendit. De qva opi-
nione videnda Anatome nostra Reformata.In Mesenterio hactenus nota occurrunt tria vasorum
genera, nervi, arteriæ et venæ. Nervi nullos meruerunt
- Sic pour : Baccius.
Page 9, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
calculos, qvia sensui tantum dicati sunt et obscuro mo-
tui, adhæc exiles sunt in mesenterio, absqve humiditate, nec
cavi. Arterias mesaraicas exsugere chylum distribuen-
dum voluerunt Galenus lib4. {a} Us. Part. c.17. sed modicum
tantum, Varolius l. {b} Anat. c.4. Spigelius, sed in sano tan-
tum statu. Cæterum qvanqvam Erasistratus in hædis
lactantibus viderit arterias lacte turgidas, arteriæ tamen
non fuerunt, sed venæ lacteæ per nebulam ipsi observatæ.
In arteriis enim chylus visus nunqvam, nec eo munere de-
fungi debent, si qvidem ex certissimis Circulationis de-
monstrationibus nutritium sanguinem intestinis adve-
hunt, nihil revehunt sive ad cor sive lienem. Igitur in Ve-
nis Mesaraicis acqvieverunt jam à Galeni temporibus fe-
rè omnes, qvi et ipsi, difficultatibus hinc inde obsiti, in
varias sententias scinduntur. Qvidam eas dividunt, ut a-
liæ sanguinem, chylum aliæ vehant. In tempore alii di-
scrimen ponunt, ut alio tempore sanguinem, chylum alio
deducant. Sunt tandem qvi eodem tempore easdem et
sanguinem perferre, et revehere chylum credant, qvem-
admodum in fluminibus contrarias subinde ferri aqvas
observamus. Sed nulli ex illis Naturæ institutum un-
qvam sunt asseqvuti. Nos tantum credimus, qvantum
manibus palpamus, oculisqve videmus. At in venis me-
saraicis nunqvam visus fuit chylus, sive dilutus, sive pu-
rus, sed constans semper et in omnibus sanguis. Reve-
hendi vero ex hepate sanguinis officio, miserè exciderunt
venæ, siqvidem et ligaturæ in vivis et valvularum situs
- Sic pour : lib.4.
- Sic pour : lib.3.
Page 10, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
demonstrent per eas reduci sanguinis reliqvias ad
hepar, nihilqve remeare. Nec cum Riolano credimus, ne-
cessitatis tempore in omnimodâ obstructione lactea-
rum, hac chylum perferri. Cessabit potius, ut dictum, nu-
tritio, et atrophiâ marcescet animal. Et qvid ad chylo-
sum intestinorum fluxum reponet ? Harvejo autem o-
culatissimo in Anatomicis condonare non possumus an-
tiqvum errorem, qvum opus non sit vasa confundere,
qvæ distinxit natura, sciamusqve diversum esse vasorum
umbilicalium usum in embryone et adulto, nec deniqve
mesaraicas venas chylo impleri videamus, si aliunde in-
fluxus impediatur.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.