Les premières éditions imprimées de la collection Hippocratique à la BIU Santé |
Présentation par Marie-Laure Monfort
CNRS-Paris IV
ESA 8062 "Médecine grecque"
Directeur : Jacques Jouanna
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Accès aux ouvrages numérisés Les éditions imprimées des oeuvres complètes d'Hippocrate publiées au XVIème siècle sont les premières à porter à la connaissance du public un corpus d'une soixantaine de traités médicaux attribués avec plus ou moins de certitude à Hippocrate de Cos, médecin né en 460 av. JC et mort entre 375 et 351. Avant la Renaissance, on ne connaissait d'Hippocrate que quelques traités traduits en latin au cours du Moyen Age, essentiellement diffusés par les Articellae, tandis que Galien passait pour le principal auteur ancien véhiculant la doctrine médicale grecque.
Pour une présentation générale de la Collection hippocratique, nous renvoyons aux ouvrages suivants :
- Jacques JOUANNA, Hippocrate, Paris : Fayard, 1992 (en particulier p. 527-563 : " Les traités de la Collection hippocratique : liste et présentation)
ou à l'édition américaine :
- Jacques JOUANNA, Hippocrates, translated by M. B. DeBevoise, Baltimore-London : The Johns Hopkins University Press, 1999.
Ainsi qu'à :
- HIPPOCRATE, L'art de la médecine, traduction et présentation par Jacques JOUANNA et Caroline MAGDELAINE. Paris : GF Flammarion, 1999 (Voir en particulier la bibliographie donnée p. 337-347, et l'introduction p. 13-20, pour les principaux aspects de la " question hippocratique ")
Concernant la situation d'Hippocrate à la Renaissance, il convient de se reporter à :
- Gerhard BAADER, Die Tradition des Corpus Hippocraticum im europäischen Mittelalter
et
- Vivian NUTTON, Hippocrates in the Renaissance
in Die Hippokratischen Epidemien, Verhandlungen des Vème Colloque international hippocratique, 1984, hrsg. Von G. BAADER und R. WINAU (Sudhoffs Archiv, Beiheft 27), Stuttgart: Franz Steiner Verlag, 1989, p. 409-439.
La bibliographie de référence des éditions imprimées d'Hippocrate est :
- Cinq cents ans de bibliographie hippocratique (1473-1982) par G. MALONEY et R. SAVOIE, St-Jean-Chrysostome, Québec : 1982 (abr. : MS)
Parmi les exemplaires des éditions humanistes d'Hippocrate en possession du fonds ancien de la Bibliothèque inter universitaire de médecine de Paris, on trouve les représentants des cinq éditions les plus significatives pour l'histoire du texte de la Collection, qui pour cette raison ont été numérisés en priorité. Ce sont :
(Pour accéder à l'édition numérique intégrale, cliquez sur le titre de l'ouvrage)
Dernière en date des éditions complètes de la Collection hippocratique, l'œuvre monumentale d'Émile Littré, publiée en 10 volumes parus de 1839 à 1861, offrant un texte grec revu à partir des manuscrits parisiens et sa traduction française, constitue encore aujourd'hui l'édition complète de référence.
Etant donné la taille de l'ouvrage, chaque volume est accessible séparément. Cliquez sur le volume désiré :
vol. 1 vol. 2 vol. 3 vol. 4 vol. 5 vol. 6 vol. 7 vol. 8 vol. 9 vol. 10 L'édition parue à Rome en 1525 est la première édition imprimée complète de la Collection hippocratique, mais elle offre seulement la traduction latine due à Marcus Fabius Calvus de Ravenne, et c'est l'aldine publiée l'année suivante à Venise sous la responsabilité de Jean-François d'Asola qui constitue l'édition princeps grecque.
Une douzaine d'années plus tard, l'imprimeur bâlois Jérôme Froben (1501-1563) publie une version révisée de l'aldine, dont la correction est confiée à Janus Cornarius (ca. 1500-1558), qui utilise trois nouveaux manuscrits mis à sa disposition par l'imprimeur.
En 1546, Froben édite la traduction latine de Cornarius, effectuée à partir de son édition grecque de 1538, mais avec de nouvelles améliorations du texte.
Enfin, en 1595, le médecin de Metz Anuce Foes (1528-1595) fait imprimer une édition bilingue pourvue d'abondantes annotations, mais dont le texte grec est pour l'essentiel une reprise de celui qui avait été imprimé en 1538, tandis que sa traduction latine est souvent originale.
On peut ainsi distinguer trois grandes phases dans l'histoire de la diffusion imprimée des oeuvres complètes d'Hippocrate à la Renaissance, d'abord celle des editiones principes produites en Italie dans les années 1520, qui permirent au public de découvrir de nombreux textes manuscrits pratiquement inconnus auparavant, puis vers le milieu du siècle l'époque des imprimeurs bâlois, qui menèrent à bien la correction systématique des editiones principes, et enfin une dernière phase marquée par la publication des matériaux érudits accumulés précédemment. Le passage du manuscrit à l'imprimé s'est donc effectué de manière progressive, depuis le simple changement du support de transmission des textes jusqu'à la constitution d'un nouvel ensemble de connaissances et de techniques philologiques produites au cours de la nécessaire phase de traduction des textes grecs dans la langue savante européenne moderne, le latin, ensemble destiné à entrer en sommeil jusqu'à l'émergence de la philologie allemande au XIXème siècle. Les érudits du XVIème siècle européen ont ainsi donné naissance à une vulgate hippocratique latine qui a eu cours jusqu'à son remplacement par l'édition française de Littré, et qui intéresse aujourd'hui les chercheurs spécialistes d'histoire des textes, d'histoire des idées et d'histoire des sciences .
Ce schéma retraçant l'histoire des premières éditions imprimées d'Hippocrate est bien connu des spécialistes, qui savent d'ailleurs qu'il ne rend pas entièrement compte d'une réalité bibliographique beaucoup plus complexe. L'historien des textes doit en effet aussi prendre en considération de multiples éditions partielles généralement négligées par les chercheurs, et qui ont été établies dans des conditions encore mal connues, ainsi que quelques ouvrages plus volumineux ayant également contribué à faire connaître Hippocrate à l'Europe savante moderne, comme l'édition latine complète imprimée par Cratander en 1526, qui mêle aux traductions de Calvus nouvellement parues celles plus anciennes d'autres érudits tels que Guillaume Cop (ca. 1460-1532), Niccolo' Leoniceno (1428-1524), Andrea Brenta (MS 100 - BIUM 22), ou l'édition vénitienne bilingue de Mercurialis, datant de 1588 et reposant en majeure partie sur les éditions frobéniennes, bien qu'elle annonce la collation de nouveaux manuscrits (MS 557 - BIUM 33) , ou encore l'étonnant lexique intitulé Oeconomia Hippocratis de Foes, publié en 1588, qui préfigure ses commentaires publiés en 1595 (MS 556 - BIUM 11). Si la valeur historique des deux premières éditions italiennes n'a pas à être démontrée, il est peut-être utile de rappeler que les deux éditions suivantes, dues à Cornarius, ont eu pour effet de fixer une tradition grecque et une interprétation latine de la doctrine d'Hippocrate, restée pratiquement inchangée jusqu'à nos jours, tandis que les annotations publiées par Foes livraient l'essentiel du matériel érudit utilisé pour la correction des editiones principes.
Sans sous-évaluer les autres éditions hippocratiques contemporaines, la communication numérique de l'édition Littré et des cinq principales éditions humanistes de la Collection hippocratique par la Bibliothèque interuniversitaire de médecine de Paris est donc la première étape d'une entreprise visant à fournir aux chercheurs les ressources documentaires les plus utiles au développement de leurs travaux en matière d'édition de textes médicaux anciens, et dans la perspective plus générale d'une histoire des textes en voie de constitution.
En effet, on sait que les premières éditions imprimées, qui à la fin du Moyen Age ont assuré la transmission du patrimoine scientifique dans les langues grecque et latine, ont aujourd'hui la même valeur documentaire scientifique que les manuscrits récents, dans la mesure où la plupart de ces éditions furent établies à partir de manuscrits réputés perdus ou mal identifiés. Le meilleur exemple de telles recherches dans le domaine hippocratique est sans doute celui qui fut donné par André Rivier pour la tradition du De morbo sacro dans une étude de 1962 visant à établir les relations de dépendance entre manuscrits anciens et premiers imprimés, autrement dit à intégrer ces premières éditions imprimées dans le stemma des témoins utilisés pour l'établissement du texte. L'approche traité par traité, privilégiée par la recherche hippocratique contemporaine du fait du volume des documents scientifiques virtuellement disponibles, est propice à des comparaisons précises et méthodiques à mener sur une quantité de variantes textuelles dont il s'agit d'identifier l'origine et d'évaluer la pertinence.
Les corrections apportées aux textes manuscrits par les érudits de la Renaissance, dont les travaux ont permis la conservation d'un patrimoine de premier ordre, sont désormais admises comme parties intégrantes d'une très longue tradition, mais il reste à les distinguer avec exactitude des multiples autres facteurs qui contribuent soit à assurer à ces oeuvres une signification, soit au contraire à la leur enlever quand la transmission s'accompagne d'une mutilation. La question générale alors posée est celle de la place qui reviendrait aux apports historiques et scientifiques de la philologie humaniste, que celle-ci soit appréciée comme simple avatar dans l'histoire de la lecture ou comme moment constitutif d'une science des textes, mais dans tous les cas il vaut la peine de favoriser des recherches fructueuses, dont les résultats permettent déjà de mieux comprendre les conditions dans lesquelles la médecine grecque est parvenue jusqu'à nous.
Pour ces questions nous renvoyons aux travaux d'André RIVIER (Recherches sur la tradition manuscrite du traité hippocratique " De morbo sacro ", Berne : Francke, 1962, p. 147-168) et de Paul POTTER (" The editiones principes of Galen and Hippocrates and their relationship " in Text and Tradition : Studies in ancient medicine and its transmission, presented to Jutta Kollesch, K.D. Fischer, D. NICKEL, P. POTTER edd., Leiden : Brill, 1998, p. 243-261.)
Pour correspondre avec l'auteur : mlmonfort@wanadoo.fr