Présentation par Micheline RUEL-KELLERMANN
Docteur en chirurgie dentaire et en psychopathologie clinique et psychanalyse
Membre titulaire de l’Académie nationale de chirurgie dentaire
Secrétaire générale de la Société française d'histoire de l’art dentaire (SFHAD)
micheline@ruel-k.net
Selon son sous-titre, cet ouvrage moderne & à la portée de tout le monde est dédié à Messieurs les Prévôts des Marchands et Échevins de la ville de Lyon. Il paraît vingt ans après Soins faciles pour la propreté de la bouche et pour la conservation des dents de Bourdet.
Avec ses 95 pages, il est lui aussi, une sorte de « livre de poche », et tient la promesse de la Préface : Je serai le plus bref qu’il me sera possible, j’éviterai de me servir des termes de l’art ignorés des particuliers ; j’éviterai les répétitions, à moins qu’elles ne soient de la dernière importance ; (…) Heureux, si voulant prouver mon zèle à mes semblables, je peux les convaincre que je n’ai en vue que leur utilité & leur soulagement dans les maladies qui affligent leurs dents ! Je trouverai mon travail & mes veilles trop bien récompensés si je suis parvenu au but que je me suis proposé dès le commencement de cet Ouvrage (p. 10).
Un autre ouvrage est annoncé, qui ne semble pas avoir vu le jour : Je traiterai plus à fond cette fâcheuse maladie [l’érosion] dans l’ouvrage que je promets, où j’enseignerai à ceux qui voudront apprendre de bonne foi & à fond l’art du Dentiste, la manière de remédier à cette défectuosité (p. 77). Ceux qui désireront approfondir cette matière pourront consulter l’ouvrage que je donnerai incessamment (p. 79).
Dans son premier ouvrage publié anonymement à Genève, sans nom d’éditeur en 1773 : Réfutation d’un nouveau Traité d’odontalgie, (cinquante-neuf pages d’une sévère critique de l’œuvre de Pierre Auzebi, parue en 1771), il dit exercer depuis trente ans ; on peut donc supposer qu’il est né dans les années 1720 ; Hoffmann-Axthelm dit vers 1726. Après des études à Paris, il est reçu expert dentiste, le 29 octobre 1767. Dès 1768, il figure dans l’almanach de la ville de Lyon : « Hébert, dentiste, rue vis-à-vis hôtel la Monnaie ». Les Archives Municipales attestent en 1769 de la « nomination de Jean Hébert, membre du Collège Royal de Chirurgie de Paris, en qualité de chirurgien-dentiste de la ville, avec faculté d’en prendre le titre dans tous les actes qu’il contractera, de la faire inscrire sur son enseigne avec les armes de cette ville et communauté à la charge néanmoins par lui de ne pouvoir exiger dans aucun cas et sous aucun prétexte, aucun honoraire de la part de la ville et encore à la charge par lui de traiter et opérer gratuitement les pauvres. » (1)
En 1771, Il s’installe rue Neuve et fait valoir son titre de « Dentiste pensionné de la Ville ». Il est également membre de l’Académie de Villefranche.
En 1774, il complète son titre : « Breveté de la Ville et du Consulat pour le soulagement des pauvres ». Il est place des Terreaux, maison Allemand.
En 1778, il est au café anglais, entrée par la rue Ste Catherine. Il publie le Citoyen Dentiste. L’almanach de 1782 et 1783 ne le mentionne plus. Bregot du Lut et Péricard le font donc mourir vraisemblablement en 1782 (2).
Mais, en 1784, réapparaît le nom de Hébert, suivi de la mention « l’aîné ». Jean Rousset suppose qu’il s’agit de « Jean, Gauthier Hébert, qui assistera, le 2 mars 1789, à l’assemblée pour la nomination des chirurgiens chargés de la rédaction des Cahiers du Tiers-État. Nous croyons qu’il pourrait s’agir de son fils aîné ou plutôt de son frère, si la date de réception maintenue, 1767, est exacte. » (3)
Mathieu Hébert inscrit comme élève en chirurgie à l’Hôtel-Dieu en 1775, est présumé être son fils (4).
Enfin, où notre Hébert aurait-il exercé avant d’être expert ? Jean Rousset suppute : « Hébert a certainement eu une grande réputation ou un moment de vogue, car il est cité par l’abbé Pernetti dans ses Recherches pour servir à l’histoire de Lyon, assez curieusement d’ailleurs, puisqu’il dit qu’il exerçait à la fois la médecine et la chirurgie, ce qui est manifestement faux, car ni le Collège des Médecins, ni la Communauté des Maîtres en Chirurgie ne l’auraient toléré ». Cette œuvre de l’abbé Pernetti étant datée de 1767 et l’auteur disant « tout récemment », on peut admettre qu’Hébert, comme Auzebi, était déjà à Lyon avant sa réception en 1767. »
L’ouvrage comprend trois chapitres principaux, suivis de recettes de poudre dentifrice ou de formules d’opiat.
Le citoyen dentiste ou l’art de seconder la nature pour se conserver les dents et les entretenir propres. Ouvrage moderne, à la portée de tout le monde.
Ce premier chapitre est le plus personnel et le plus intéressant.
Dans ses généralités, l’essentiel y est dit. L’auteur souligne que les dents de lait ne sont rien aux dents secondaires quant à leur constitution, ainsi qu’à leur conformation naturelle : les premières peuvent être venues fort mauvaises, en raison des difficultés des premiers temps de la naissance, & les secondes fort bonnes : de même les premières fort bonnes, & les secondes fort mauvaises : ces accidents dépendent de l’état du sujet lors des germinations, & des différentes maladies dont il peut être attaqué dans le temps du développement des différents germes (p. 12-13).
Concernant le bon arrangement des dents, il critique sans nuance un Maître de l’Art (M. Bourdet, dentiste de Louis XV), et lui fait dire qu’il est inutile d’aider la nature dans ses opérations, (…) & de ne point ôter les dents de lait avant qu’elles ne soient ébranlées, et bien sûr, il s’engage à prouver le contraire (p. 13). Puis il attaque l’Auteur moderne (le sieur Auzebi, Dentiste à Lyon) qui assure « que l’on peut en tirant une dent de lait, intéresser la membrane vésiculaire & le cordon dentaire, ce qui serait cause que le germe de la dent serait en danger d’en être détruit. » (…) Il ignorait, lorsqu’il a écrit, que le germe des dents secondaires n’a aucune connexité avec celui des premières ; qu’ils sont chacun enfermés dans un alvéole particulier (p. 14). Et de déclarer : Un Maître en l’Art qui veut écrire pour instruire ne doit jamais rien aventurer : il faut, & il doit avoir répété ses observations quantité de fois, avant que de les annoncer comme préceptes ! p. 15).
Dans le sillage de Bunon et de ses successeurs, il s’adresse aux pères et mères : Il ne faut pas attendre la fin de la régénération des dents pour accoutumer les enfants à en avoir soin ; il est nécessaire de leur inculquer de bonne heure (p. 16). Et directif et un peu sentencieux, il ajoute : Lorsque la régénération commencera, faites entendre à l’enfant qu’il entre dans une classe d’hommes plus raisonnables, piquez le d’honneur, autant que sa raison le comportera, & lui apprenez que la nature lui donne des secondes dents plus fortes, plus robustes que les premières, mais que c’est pour la vie, & que leur bonté, leur durée dépendent beaucoup de l’attention que l’on prendra à les aider à venir en bon ordre & bien rangées : qu’il est nécessaire qu’il se prête aux soins que l’on jugera à propos pour cet effet. Enseignez lui alors qu’après s’être rincé la bouche à l’ordinaire, il faut passer le doigt indicateur sur toutes les dents, de haut en bas à la mâchoire supérieure, & de bas en haut à l’inférieure ; faites lui concevoir qu’outre que cette opération les aidera à venir bien droite, elle procurera maints bons effets ; que ce soin coopérera à polir l’émail encore délicat & tendre, & lui donnera un éclat plus vif ; qu’il sera plus lisse, plus égal & plus uni ; que plus elles auront toutes ces qualités, moins le tartre, ainsi que les vapeurs de l’estomac, pourront s’attacher dessus ; que, par ce moyen, les gencives se gorgeront moins, & se détacheront plus difficilement du collet des dents, ainsi que des interstices (p. 18-19).
Tout est résumé dans ces préceptes. Reste à choisir le dentiste : Songez qu’il faut que ce soit un honnête homme, expérimenté dans son art & non avide de gain, enfin honnête dans toute l’acception du terme (p. 20).
À partir de quatorze ans, et pour toute la vie, il faudra : se gratter la langue tous les matins. (…) se servir d’une cuiller à café fort mince, ou d’un morceau de baleine approprié à cet usage, ou encore d’un morceau de petit ressort de montre, mince, bien liant & point tranchant. (…) L’on prendra un cure-dent de plume médiocrement fort ; d’abord on se servira de l’extrémité ronde pour détacher adroitement le limon muqueux qui se sera formé la nuit sur le corps des dents, (…) ayant soin d’essuyer le cure-dent après chaque dent nettoyée. (…) L’on se servira de l’autre extrémité pointue pour ôter des interstices des dents le limon, ou le reste des aliments (…). Il faudra avoir grand soin de ménager les sommités des gencives. (…) Ensuite, l’on passera une racine préparée bien douce & bien humectée sur toutes les dents, (…) ou bien une petite éponge fine, bien nettoyée ; (…) on se rincera la bouche avec de l’eau, (…) dans laquelle on aura mis une cuiller à café de l’une des liqueurs dont on trouvera la composition ci-après, suivant la nécessité (p. 21-23).
Je recommande sur-tout, que l’on se donne de garde, autant que du poison, de ces spécifiques composés au hasard, débités par les Charlatans, les empiriques, par les parfumeurs, ainsi que par une quantité de gens qui n’ont d’autre intérêt que de vendre, sans se mettre en peine des désordres que causent leurs drogues (p. 25).
À propos du tartre, il précise : comme il y a différents tempéraments, il y a aussi différentes qualités de tartre ; il en est qui ne forme qu’une vapeur noire ou verte sur les dents, sans jamais acquérir d’épaisseur, d’autre qui est blanc tirant un peu sur le jaune fort épais quelquefois, & qui acquiert de la consistance ; c’est le plus ordinaire ; d’autre encore qui est brun tirant sur le noir, assez épais & qui acquiert aussi à la longue de la dureté, il devient fort puant (p. 27).
Son action est insidieuse : il s’insinue petit à petit sous la gencive, s’y prolonge, la détache des dents, pénètre dans l’alvéole entre le périoste (que souvent il détruit) & la racine. (…) Il parvient jusqu’à son extrémité inférieure, où il intercepte le nerf nourricier. (…) La dent privée de nourriture s’ébranle : le tartre augmente toujours, le périoste, s’il n’est détruit, s’enflamme ; alors il s’établit une suppuration, imperceptible dans son commencement, ensuite assez abondante, de couleur verdâtre, laquelle flue par l’extrémité de la dent délabrée. La dent ébranlée sort peu à peu de l’alvéole, & enfin tombe victime de la mal-propreté, presque toujours saine & entière mais chargée de tartre infect (p. 28).
Et de déclarer sans ambages : Il faut donc surmonter ce vieux préjugé enfanté dans des temps d’ignorance, l’abandonner comme faux & sans vraisemblance, & si absolument, vous ne voulez pas avoir recours aux instruments (chose presqu’impossible) soyez donc tous les jours d’une attention scrupuleuse à enlever le tartre qui se sera formé pendant la nuit ; encore vous en préserverez vous difficilement, car outre les causes externes qui le produisent lesquelles sont en grand nombre, il y en aura une infinité d’internes à combattre que vous ne pourrez prévoir. Faire visiter sa bouche, est donc une nécessité indispensable, au moins une fois par année, pour les personnes bien constituées, (…) & l’instrument entre ses mains sera le sauveur de bien des dents, lesquelles périraient d’un mal habile ou d’un Charlatan. Ces sortes de gens, dont il n’est que trop, sur-tout dans les grandes villes, sont les fléaux de l’humanité (p. 30-31).
Il faut encore être à l’égard des dents, comme en tous les temps de la vie où il s’agit de la santé, un peu son médecin soi-même (p. 31). Il est absolument nécessaire de passer le cure-dent entre toutes les dents après les repas pour enlever les aliments qui pourraient s’y être introduits, ensuite se rincer la bouche, (…) il sera même très bon de se servir de la dernière gorgée de vin après le repas pour fortifier les gencives ; on la laissera à cet effet quelques secondes les baigner, & si l’on craint l’odeur du vin, l’on pourra ensuite passer de l’eau dans la bouche afin d’en ôter le goût (p. 34).
Tout comme Bourdet, il va inciter à faire le maximum de soins par soi-même, entre autres : scarifier les gencives avec un cure-dent bien pointu (p. 35). Si ces soins ne réussissent pas, (…) c’est alors que l’on se doit apercevoir que ces accidents sont au-dessus de son savoir, & qu’il faut absolument recourir à l’Artiste (p. 36).
De la Germination des dents, de leur Développement, leur Accroissement, de leur Sortie & de leur Chute. Lesquels n’ont été approfondis & traités que très-imparfaitement jusqu’à présent. Ouvrage instructif & très-intéressant à tout le monde.
Des dents de lait ou premières dents
Reprenant sans grande originalité, mais doctoralement, l’évolution des premières dents, c’est la douleur éruptive qui le fait se démarquer de ses pairs. Doit-on continuer, ainsi qu’on l’a pratiqué le plus souvent jusqu’à présent, à faire des incisions cruciales, ou longitudinales sur la surface des gencives aux endroits où les dents semblaient vouloir percer ? Non, assurément. Opérations (…) infructueuses, fausses & inutiles ; (…) L’on sera assuré de leur inconséquence, lorsque l’on examinera que c’est l’os qu’il faut ouvrir & dilater pour donner jour à la dent naissante ; (…) Il n’y a que la patience, le temps joint au régime, (…) pourra soulager l’enfant (p. 46-47). On purgera aussi la nourrice ; sur-tout ne point charger l’estomach de l’enfant, le laisser plutôt désirer, que trop le rassasier. (…) On observera encore de tenir la tête un peu haute à l’enfant, lorsqu’il sera couché, & de le lever lorsqu’il sera dans quelques grandes crises de douleurs. Et si nécessaire il faudra en venir à une petite saignée, [ou encore] faire prendre une petite cuillerée de potion rafraîchissante, & tant soit peu somnifère (p. 48).
Critique des hochets : Pour remédier aux douleurs des gencives & aider la section, ou plutôt procurer l’écartement des fibres de leur tissu, ne donnez à l’enfant aucun corps dur, lisse & inaltérable, (…) comme les hochets de crystal, de corail, d’ivoire ou d’os, [encore moins ceux proposés par Auzebi] : les hochets raboteux (p. 50). Les racines de guimauve, les bâtons de réglisse empâtent la bouche.
Hébert préconise son hochet de pain, que l’enfant peut mâchonner à volonté et en donne la recette : Il faut faire faire chez un pâtissier, ou chez un confiseur, avec de la plus fine fleur de farine, du sucre, & des œufs, de petits bâtons ronds, longs de cinq pouce environ, gros à peu près comme sont les hochets ordinaires de chrystal; (…) Il faut qu’il soient d’un jaune doré bien sec ; l’on passe un ruban dans le petit trou, & on le met au cou de l’enfant comme on faisait le hochet (p. 52).
De la régénération des dents ou de la seconde germination
Elles y travaillent à peu près de la même manière, mais moins douloureusement, parce que tout dans l’individu a acquis de la force & de l’accroissement considérable, & que l’enfant étant plus fort, est plus occupé, plus distrait ; qu’il broie presque continuellement des aliments qui ont plus de consistance (p. 62).
Et réfutant à nouveau Auzébi qui prétend que les dents de lait n’ont pas de racines, il donne son mécanisme de leur résorption : Concluons que la racine de la dent plus tendre naturellement par sa substance, que le corps émaillé de la dent, étant la première exposée au frottement d’un corps vigoureux qui augmente en force & en quantité tous les jours, & qui veut se faire place, sa dureté & son augmentation travaillent sans cesse à la destruction de cet autre corps frêle abandonné, devenu tendre par le défaut de nourriture, lequel cède aisément au frottement continuel, à la pression de celui qui le veut chasser, & tombe en deliquium, en boue, laquelle petit à petit se transude à travers l’alvéole & les bords de la gencive pour être entraînée par la salive (p. 67).
Sur la difformité des dents : il n’y en a pas de naturellement difformes, (…) ces mauvaises conformations ne viennent que des obstacles qu’elles rencontrent. (…) Premièrement des maladies de l’enfant pendant le temps de la germination ; secondement du trop peu d’espace qu’elles trouvent à leur sortie pour se placer, & de la négligence des parents à ne pas faire ôter assez tôt les dents de lait, avant que les secondaires les aient trop ébranlées (p. 74). L’érosion et l’usure peuvent en être aussi la conséquence.
Et de conclure ce chapitre en ne craignant ni la répétition, ni une certaine dureté : Je dis que de l’attention que l’on aura à la régénération des dents dépend la bonne dentition pour toute la vie ; qu’il ne faut jamais laisser des dents de lait gâtées, sous quelque prétexte que ce soit, aux enfants parce qu’elles peuvent communiquer leur carie aux dents de régénération &, qu’il ne faut avoir aucune faiblesse pour les larmes des enfants, lorsqu’il s’agit de l’extraction nécessaire de quelques dents de lait ; & qu’enfin la véritable science des parents consiste dans le choix de l’Artiste entre les mains duquel ils mettront leurs enfants, lequel doit être très expérimenté & honnête homme (p. 79-80)
Recettes d’opiats, poudre, élixir, lotions, gargarismes, etc. pour les dents
J’ai éprouvé que le vin blanc éventé, à la dose d’une cuillerée à bouche dans environ huit d’eau dégourdie en hiver, & telle qu’elle est en été, après avoir passé la nuit dans la chambre, est ce que l’on peut prendre de mieux pour se tenir les dents nettes & les gencives en bon état . Suit la recette pour éventer le vin, auquel on pourra ajouter alun calciné, iris de Florence concassé, grains de myrrhe en larmes, et miel blanc (p. 82-83).
Suivent des recettes : un élixir avec du citron, une poudre dentifrice à base de coquilles d’œufs bien pilés, une autre avec des coquilles d’huîtres, de celles de dessous, une formule d’opiat à base d’os de seiche, un opiat anti-scorbutique avec du talc de Montmartre calciné.
La description minutieuse de la façon de préparer les Racines termine l’ouvrage : Prenez des cannes de jonc d’Hollande, qui servent à faire des chaises ou fauteuils, & se vendent chez les épiciers. (…) Ensuite les tremper dans un vase plein d’eau. (…) Vous gratterez avec un couteau toute l’écorce. (…) Puis, avec un marteau vous battrez les deux bouts sur quelque chose de solide jusqu’à ce que vous les voyiez suffisamment effilés, & suffisamment fins ; vous les ferez sécher en les mettant debout & à l’ombre, ensuite les battrez encore à sec légèrement. Si elles ne sont pas unies en dessus, vous les gratterez avec un morceau de vitre & égaliserez les bouts effilés avec des ciseaux : ces barbes ou effilures doivent avoir trois ou quatre lignes de long, il faut qu’elles soient bien douces & fort fines (p. 95).
Certes inspiré de Bourdet et des autres, et prompt à réfuter ou à critiquer, Hébert par sa déclaration au milieu de l’exposition de ses théories sur la régénération des dents résume bien l’apport de chacun à l’édifice odontologique : Ce n’est point ici la place de faire l’examen des auteurs qui ont écrit avant moi sur les dents. Je dirai seulement que ce qu’ils ont dit m’a beaucoup abrégé d’ouvrage, & que plusieurs m’ont enseigné le chemin que je devais tenir, lequel, sans leurs écrits, m’aurait tenu bien plus de temps à chercher, & quoiqu’il y ait plusieurs systèmes que je n’adopte pas & que je n’approuve nullement, je ne puis cependant taire que je leur ai obligation ; ce qui me fait répéter avec assurance, que l’un perfectionne les découvertes de l’autre (p. 70).
Hébert réussit ainsi à faire une œuvre personnelle : des remarques judicieuses et clairement énoncées. C’est indiscutablement l’œuvre d’un homme expérimenté qui ne mâche pas ses mots quand il fustige la malhonnêteté ou l’incompétence de certains. Les conseils didactiques de propreté sont assortis de détails particulièrement précis, mais sans doute trop complexes pour être suivis à la lettre. D’autant que le ton directif, sévère, est parfois un rien culpabilisateur. L’empathie s’efface derrière la nécessité et le but recherché, ne sera peut-être pas obligatoirement atteint.
[1] Archives Municipales : BB 337, 1769. [2] Breghot du Lut et Péricard. Catalogue des Lyonnais dignes de mémoire, Techener, Paris 1839, p. 146. [3] Archives Municipales : HH 70, 2 mars 1789. [4] Archives Hospitalières FHD 4, p. 136 « Mathieu Hébert, 22 ans, fils de M. Hébert chirurgien dentiste demeurant chez son Sr Père dans cette ville », le 8 novembre 1775.
ENRIORE (Christine JARRIX). Pierre Auzébi et Jean Hébert. Dentistes Lyonnais au XVIII e siècle. Thèse Chirurgie Dentaire, Lyon 1978 ; n° 42 12 78 43. HOFFMANN- AXTHELM Walter. History of Dentistry, Chicago, Berlin, Rio de Janeiro and Tokyo, Quintessence Publishing Co., Inc. 1981, PERNETTI. Recherches pour servir à l’histoire de Lyon ou les Lyonnais dignes de mémoires. Lyon, Duplain, 1767, t. II, p 91. ROUSSET Jean. L’Art dentaire à Lyon au XVII et XVIII e, Annales Odonto-Stomatologiques, 1962, vol. 19, p. 217-253. Vifs remerciements au Docteur François Emptoz, conservateur du Musée dentaire de Lyon pour la communication de ces précieux documents.