Les thèses et synthèses de l’École supérieure de pharmacie de Paris

par Philippe GALANOPOULOS
Bibliothèque Interuniversitaire de Santé

Octobre 2013

 Liste des ouvrages numérisés

La thèse de pharmacie est une création ancienne. En province, elle existe au moins depuis le début de l'époque moderne. À Montpellier notamment, depuis le XVIIe siècle et jusqu'à la création de l'École supérieure de pharmacie en l'an XI, les candidats à la maîtrise ont conservé l'habitude de soutenir une thèse « pour dernier examen ». À Paris, en revanche, cette pratique semble beaucoup plus récente ; la thèse stricto sensu n’apparaît véritablement qu’autour de 1815 et ne concerne, jusque dans les années 1830, qu'un ou deux candidats par an. De plus, les premières thèses soutenues à l’Ecole supérieure de pharmacie de Paris n’ont pas toujours donné lieu à un tirage spécifique ; bon nombre de candidats choisissaient alors de publier directement leur travail dans le Journal de pharmacie.

Avant la Révolution, c’est le mot « specimen » qui sert à désigner l’ancêtre de la thèse. On parle aussi de « synthèse », anciennement nommée « carte imprimée ». L'origine de la carte imprimée, baillée à chacun des maîtres apothicaires appelés à juger le chef-d'œuvre de l’apprenti (ou examen pratique), remonte très vraisemblablement à l'époque médiévale. Si nous ignorons ce qu'étaient exactement ces cartes aux XVe et XVIe siècles, une première mention en est faite, en 1631, dans le Concordat passé entre la faculté de médecine et les gardes jurés et maîtres apothicaires de Paris. Dans l’article 4 de ce Concordat, on peut lire : « pour ce qui est du Chef-d’Oeuvre, lesdits Gardes envoyeront la carte d’iceluy [l’apprenti] ausdictz sieurs députés quinze jours avant la confection d’iceluy pour voir s’il y aura à corriger, augmenter ou diminuer. » La carte est de nouveau évoquée dans les statuts accordés, en 1638, à la corporation des apothicaires-épiciers de la ville de Paris. Dans l’article 11, il est une nouvelle fois question du chef-d’œuvre que l’aspirant à la maîtrise devra dispenser et faire « en la présence de tous les maîstres, à chacun desquels sera laissé une carte imprimée dudit Chef-d’œuvre, pour cognoistre si toutes choses y seront bien observées. »

Il faut attendre la fin des années 1770, et la création du Collège de pharmacie de Paris (1777), pour voir le terme de « synthèse » s'imposer et remplacer celui de specimen ou de carte. La plus ancienne carte connue date de 1703 ; elle présente cette particularité d’être non pas imprimée, mais complètement gravée. Elle est l’œuvre d’un artiste messin de premier plan, Sébastien Le Clerc, qui l’exécute pour l’apothicaire Claude-Joseph Geoffroy. Cette carte porte le titre de Specimen et se compose du texte de trois préparations, surmonté d’une estampe figurant la Guérison d’Hippolyte. Quant à la synthèse la plus ancienne qui nous soit connue, elle date de 1719 et porte le nom de Michel Seguy. C'est une simple plaquette composée de 2 feuillets. À la fin du XVIIIe siècle, les Syntheses pharmaceuticae, utriusque Pharmaciae, è Codice medicamentario Parisiensi depromptae sont généralement imprimées dans le format in-4 et comptent environ une dizaine de pages de texte. Quelques-unes cependant prennent une autre forme, rappelant les cartes imprimées des siècles précédents. Ces synthèses ne sont que la reproduction servile des articles du Codex medicamentarius seu Pharmacopoea Parisiensis – ce qu'elles resteront d'ailleurs tout au long du XIXe siècle.

Le mot « thèse », quant à lui, ne s’impose qu’à partir des années 1840, au moment où l’École supérieure de pharmacie de Paris se voit rattachée à l’Université. La thèse prolonge alors la tradition de la synthèse dans la mesure où elle reste encore un exercice pratique, strictement défini par les préparations formulées dans le Codex. Ce n'est que progressivement, et à l'instar de ce qui se pratiquait déjà à Montpellier depuis 1803, que les thèses parisiennes vont devenir de véritables dissertations et, pour les meilleures d’entre elles, des recherches originales. Il faut rappeler qu’avant 1840, aucun règlement ne faisait allusion à un travail de ce type. À cette époque seulement, l’usage va se trouver consacré officiellement dans l’article 20 du Règlement pour les Ecoles de pharmacie, daté du 5 février 1841 : « Les candidats qui désireront traiter une thèse spéciale communiqueront d’avance au directeur de l’Ecole le sujet de leurs recherches. Le directeur, après avoir pris l’avis de l’Ecole, pourra les autoriser à travailler dans le laboratoire, aux frais de l’établissement. Les produits obtenus seront placés dans les collections ». La thèse restait donc facultative pour les étudiants, alors même que les synthèses étaient réclamées par la loi.

Malgré ce statut, le nombre des thèses augmente assez notablement dans le dernier tiers du XIXe siècle. Dans la très grande majorité des cas, ce sont les pharmaciens de 1ère classe qui aspirent à soutenir une thèse, qui apparaît dès lors comme le couronnement de la formation universitaire. On remarque aussi dans l’ensemble des travaux déposés quelques thèses soutenues par des pharmaciens de 2e classe.

Deux autres catégories de thèses doivent être évoquées ici :

  • La thèse pour l’obtention du diplôme supérieur. Instituée par décret du 12 juillet 1878, cette thèse est obligatoire pour ceux des pharmaciens de 1ère classe, déjà diplômés, qui aspirent à ce titre et qui ne sont pas pourvus du grade de licenciés ès sciences physiques ou ès sciences naturelles.
  • La thèse pour le concours d’agrégation. À la suite du règlement du 6 février 1846, cette thèse permet le recrutement des personnels enseignants. On exige alors des concurrents la soutenance d’une thèse pour laquelle un certain nombre de sujets sont proposés six mois avant l’ouverture du concours, de manière à laisser aux candidats le temps de faire des recherches originales ou tout au moins une sérieuse monographie, bien complète au point de vue bibliographique.

Une réforme décisive intervient en 1920, lorsque les quatre écoles supérieures de Paris, Montpellier, Strasbourg et Nancy (créée après la défaite de 1870) sont transformées en facultés de pharmacie. Ces facultés ne sont pas encore habilitées à délivrer le plus haut grade universitaire, celui de Docteur d’Etat. Il faut attendre pour cela le décret du 11 août 1939, qui crée le diplôme de docteur en pharmacie, sanctionnant une expérience de recherche.

Ce dossier Medica met à la disposition des chercheurs et autres usagers distants l’ensemble des documents suivants :

  • 228 synthèses (1782-1890).
  • 503 thèses de pharmaciens de 1ère et 2ème classes (1816-1899).
  • 116 thèses pour le concours d’agrégation (1847-1914).
  • synthèses, cartes et spécimens anciens (1703-1803) : environ 52 pièces.

Ce premier ensemble sera prochainement complété par la numérisation des documents suivants :

  • thèses de pharmaciens de 1ère classe publiées dans le Journal de pharmacie (1815-1836) : environ 12 thèses.
  • thèses pour l’obtention du diplôme supérieur (1881-1914) : environ 20 thèses.

Bibliographie

Dorveaux (Paul). Catalogue des thèses soutenues devant l’Ecole de Pharmacie de Paris (1815-1889)… avec une préface de M. G. Planchon… Accompagné d’un fac-similé de la synthèse illustrée de Cheradame. Paris : H. Welter, 1891, VIII-74 p.
Dorveaux (Paul). Catalogue des thèses soutenues en province depuis la création des écoles de pharmacie jusqu’à nos jours (1803-1894), suivi d’un appendice au « Catalogue des thèses soutenues devant l’Ecole de pharmacie de Paris ». Paris : H. Welter, 1894, 117 p.
Guignard (Léon). Centenaire de l’Ecole supérieure de pharmacie de l’université de Paris (1803-1903). Paris : A. Joanin, 1904, 403 p.
Dillemann (Georges). La Faculté de pharmacie de Paris. 1882-1982. Saint-Cloud : Comarco, 1982, 207 p.
Guide scolaire et administratif de l’étudiant en pharmacie. Paris, 1885-1920.