par Rafael Mandressi,
CNRS, Centre Alexandre-Koyré
rafael.mandressi@cnrs.fr
Liste des ouvrages numérisés
Docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris, membre de l’Académie royale des sciences et de l’Académie française, commissaire général pour les épidémies et secrétaire perpétuel de la Société royale de médecine, professeur d’anatomie au Jardin du Roi et à l’École vétérinaire d’Alfort, premier médecin de la reine Marie-Antoinette en 1789, membre de la Commission temporaire des arts et médecin des hôpitaux sous la Révolution, auteur de nombreux mémoires sur des sujets aussi variés que l’anatomie des oiseaux, la position des testicules chez le fœtus, le jaune de l’œuf ou l’anatomie du cerveau, auteur également de plus de cinquante éloges historiques de savants français et étrangers, de plusieurs articles médicaux dans l’Encyclopédie méthodique, d’ouvrages aussi ambitieux et marquants que le Traité d’anatomie et de physiologie (1786) et d’un Plan de constitution pour la médecine en France présenté à l’Assemblée nationale en 1790, co-traducteur et éditeur scientifique d’un ouvrage italien sur les Lieux et les dangers des sépultures.
Telles sont quelques-unes des principales rubriques de la liste de titres et travaux que l’on pourrait dresser si on voulait schématiquement rendre compte du parcours hors du commun de Félix Vicq d’Azyr, médecin, anatomiste, homme de lettres, homme des institutions aussi, né le 23 avril 1748 à Valognes, en Normandie. Un parcours qui s’étend sur une trentaine d’années, dès son arrivée à Paris en 1765 pour faire des études de médecine, jusqu’à sa mort le 20 juin 1794. Trois décennies au cours desquelles Vicq d’Azyr produisit une œuvre vaste, diversifiée et souvent novatrice, en même temps qu’il progressait dans la construction, sous l’Ancien régime, d’une solide carrière scientifique que la Révolution fragilisa quelque peu, sans pour autant y mettre un terme.
D’après ses biographes[1], dans ses premières années parisiennes Vicq d’Azyr s’est activement investi dans l’acquisition non seulement d’une formation médicale mais aussi d’une culture scientifique plus large, en fréquentant les hôpitaux, les cabinets d’histoire naturelle, les cours publics d’anatomie, de botanique, de pharmacie et de chimie au Jardin du Roi et au Collège Royal, ainsi que des cours privés – de physique, de chirurgie, d’histoire naturelle, de chimie, d’anatomie – parmi les très nombreux existant à Paris à cette époque[2].Il fut notamment l’élève du médecin et chirurgien Antoine Petit (1722-1794), qui était depuis 1769 professeur d’anatomie au Jardin du Roi. Petit eut une influence décisive dans la place centrale qu’allait occuper par la suite l’anatomie dans l’ensemble du travail intellectuel de Vicq d’Azyr. « L’anatomie physiologique, dit Moreau de la Sarthe, devint pour lui une science de choix, et lui inspira cet intérêt plus vif qui s’empare de la pensée, et fait d’un genre de connoissances celui auquel les autres sont sans cesse rapportés par un esprit actif et prompt à saisir tout ce qui peut étendre ou éclairer le sujet qui le captive[3] ».
Une anatomie physiologique, c’est-à-dire une anatomie entendue comme le fondement de la physiologie. Cette conviction, que Vicq d’Azyr dit tenir d’Albrecht von Haller (1708-1777), est à la base, d’un point de vue méthodologique, de ce qu’il propose dans son Plan d’un cours d’anatomie et de physiologie. Ce Plan, publié dans le Dictionnaire de médecine de l’Encyclopédie méthodique, fut élaboré par Vicq d’Azyr pour un cours qu’il fit à la Faculté de médecine de Paris en 1780, et offre une synthèse de ses idées sur la nature des connaissances anatomiques et physiologiques et de leurs rapports réciproques. Si l’anatomie, dit-il dans ce document, peut être enseignée séparément de la physiologie, « comme, en physique, on peut examiner les différentes parties d’une machine, sans rechercher quels en sont les usages », enseigner la physiologie sans l’anatomie ce serait, en revanche, « s’éloigner des connoissances qui peuvent seules être les bases d’une saine théorie[4] ». Autrement dit, « l’anatomie précède, et la Physiologie vient après », et « le professeur qui n’enseignera que la Physiologie n’offrira à ses élèves qu’un roman stérile et dangereux[5] ».Il faut donc « réunir ces deux études, et les faire marcher d’un pas égal, de sorte qu’elles se servent de l’une à l’autre de preuve et de complément », car l’anatomie n’est que « le squelette de la science », et « c’est la physiologie qui lui donne du mouvement : l’une est l’étude de la vie, l’autre n’est que l’étude de la mort[6] ». De ce fait, on ne saurait se satisfaire de la seule dissection de cadavres ; « de même que les vérités anatomiques sont fondées sur l’observation, les vérités physiologiques sont fondées sur l’expérience. C’est sur les animaux vivans que les essais de ce genre doivent être tentés[7] ». Aussi à l’anatomie humaine et à la physiologie théorique devaient s’ajouter la physiologie expérimentale, qui impliquait le recours systématique à la vivisection, et l’anatomie comparée, une autre « source féconde où le physiologiste puisera des connoissances utiles[8] ». Ainsi conçu, ce cours ne devait donc pas suivre « un plan simplement anatomique », mais une division organisée selon « les usages ou fonctions des parties », dont les principales étaient l’ossification, l’irritabilité, la circulation, la sensibilité, la respiration, la digestion, la nutrition, les sécrétions et la génération[9].
Voilà, esquissées en guise d’introduction à la liste détaillée des points à aborder dans le développement du cours, un faisceau de propositions fondamentales dans la pensée scientifique et médicale de Vicq d’Azyr. On en trouve parmi ses écrits d’autres exposés, plus étoffés, notamment dans le premier volume du Traité d’anatomie et de physiologie (1786), un ouvrage qui, quoique inachevé, constitue peut-être en la matière le mieux articulé de ses textes théoriques et méthodologiques. Mais le Plan de 1780 a l’avantage de rappeler que cette pensée s’est élaborée en grande partie en relation avec ses activités d’enseignement, auxquelles Vicq d’Azyr attribuait une importance déterminante dans le perfectionnement des connaissances[10]. Aussi, outre sa carrière au sein des principales institutions scientifiques françaises de son temps, il importe de suivre les avatars de celle qu’il tenta de mener, avec un succès inégal, en tant qu’enseignant. Il s’agit là de deux faces, étroitement liées par ailleurs, d’une seule et même trajectoire à la fois sociale, professionnelle et intellectuelle qui commença à se tracer dès le début des années 1770.Vicq d’Azyr s’engagea très tôt, en effet, dans l’enseignement. Après être entré en licence à la Faculté de médecine en 1772, il y ouvrit l’année suivante, pendant les vacances, un cours gratuit d’anatomie humaine et animale. Or à la rentrée universitaire, un problème fut suscité par son refus de modifier les horaires de ses leçons pour laisser la place dans l’amphithéâtre aux professeurs de la Faculté, qui devaient enseigner aux mêmes heures que lui[11]. Malgré son succès, le cours de Vicq d’Azyr fut donc supprimé à cause de cet incident, que Moreau de la Sarthe qualifie de « prétexte frivole » motivé par une « persécution » due à « des intérêts étrangers à la science[12] ». Privé de cet espace, Vicq d’Azyr poursuivit son enseignement en ouvrant, en octobre 1773, un cours privé rue de la Pelleterie, interrompu à son tour par des problèmes de santé dont les symptômes – « un crachement de sang considérable[13] » – suggèrent « une tuberculose pulmonaire sans doute au début de son évolution[14] ».
Cette maladie, qui entraîna la suspension forcée de ses travaux d’enseignement, le fit également s’éloigner de la capitale et regagner la Normandie le temps de sa convalescence. Les conséquences de cette retraite furent pourtant fructueuses, car Vicq d’Azyr sut « profiter du voisinage de la mer[15] » pour faire des recherches sur l’anatomie et la physiologie des poissons qui allaient, l’année suivante, lui ouvrir les portes de l’Académie royale des sciences. Il avait déjà présenté à l’Académie, en 1772 et 1773, deux mémoires sur l’anatomie des oiseaux, auxquels viendraient s’ajouter un troisième en 1774, puis un quatrième, en 1778, sur l’organe de l’ouïe de ces animaux[16]. Dans son travail sur les poissons, Vicq d’Azyr en proposait une classification en trois groupes selon leurs caractères anatomiques généraux (cartilagineux, anguilliformes et épineux), il étudiait leur structure osseuse, leurs muscles, leurs viscères et leur sensibilité, et procédait à des remarques comparatives avec les reptiles, les oiseaux et les quadrupèdes. Ces recherches donnèrent lieu à deux nouveaux mémoires offerts à l’Académie des sciences[17], où Vicq d’Azyr fut finalement admis, dans la classe des anatomistes, le 13 mars 1774, quelques semaines seulement après avoir été reçu, le 27 janvier, docteur en médecine.Ainsi au début de l’année 1774, c’était grâce à l’anatomie animale et comparée, à laquelle il s’était intéressé surtout sous l’influence d’un autre de ses maîtres, Louis Daubenton (1716-1799), que Vicq d’Azyr accédait au statut d’académicien et accomplissait par là une première étape significative dans sa carrière scientifique. Celle-ci serait pourtant considérablement marquée – et accélérée à plusieurs égards – à partir d’événements qui eurent lieu à peine quelques mois plus tard.
Une épizootie affectant les « bêtes à corne » se déclara en mai 1774 dans la région de Bayonne, et s’étendit très rapidement à l’ensemble du Sud-Ouest de la France. Devant l’ampleur du phénomène qui dévastait les provinces méridionales du royaume, Anne-Robert-Jacques Turgot (1727-1781), Contrôleur Général des Finances de Louis XVI depuis le 24 août, fit appel à l’Académie royale des sciences, lui demandant de désigner un médecin et un physicien afin de bien identifier la maladie, de proposer des mesures pour la combattre efficacement, et de mettre en pratique tous les moyens nécessaires à l’endiguement du fléau. L’Académie chargea Vicq d’Azyr de cette double fonction ; il fut nommé commissaire et envoyé sur place le 25 novembre de cette année. Sa mission, définie par l’Académie, consistait à « faire des observations sur la nature du virus pestilentiel, sur les phénomenes de sa communication, sur la maniere de rendre à l’air & aux surfaces infectées leur pureté naturelle ; enfin sur les remedes capables de combattre & de prevenir l’Epizootie[18] ».Pour mener à bien la tâche qui lui avait été confiée, Vicq d’Azyr parcourut deux ans durant les régions affectées – la Gascogne, la Guyenne et la Picardie pendant l’hiver 1774-1775, la Normandie, la Flandre et l’Artois l’hiver suivant – et déploya une double activité, scientifique et administrative, en combinant les recherches sur le terrain pour identifier les causes et les voies de transmission de la maladie, aux mesures sanitaires que lui suggéraient ses observations, la lecture des principaux travaux disponibles sur le sujet (les écrits de Fracastor, Lancisi, Ramazzini, Chirac, Helvétius, entre autres[19]) et l’expérience qu’il acquérait sur le terrain au fur et à mesure que sa mission avançait.
Ainsi il décida de procéder à l’inoculation du bétail, il prit des dispositions préventives concernant l’isolement des paroisses contaminées, émit des avis et des instructions relatifs à la purification des étables, aux moyens à employer pour préserver les animaux sains de la contagion, à la désinfection des cuirs des bestiaux morts de l’épizootie, et finit, toujours soutenu par Turgot, par faire appel à la force publique pour appliquer et faire appliquer les mesures de police sanitaire, dont « la méthode, peut-être trop désastreuse, de l’assommement[20] » – l’abattage systématique de tous les animaux malades, voire ceux tout simplement exposés à l’infection –, qui suscita la colère des paysans malgré l’indemnisation qu’on décida de leur accorder.Vicq d’Azyr fit face à l’épizootie en commissaire et en administrateur, mais aussi en anatomiste qu’il était : il procéda, dans les étapes initiales de son travail, à de nombreuses dissections et « expériences » pratiquées dans des hôpitaux vétérinaires qu’il fit établir, sur des bestiaux expressément achetés à cet effet. Ces recherches visaient à caractériser le plus rigoureusement possible la maladie, à définir si elle présentait les mêmes traits essentiels (symptômes, lésions, mode de contagion) d’une région à une autre, et à déterminer « si le virus épizootique peut être adouci ou dénaturé ; comment il se communique, et quels sont les avantages de l’inoculation de cette maladie[21] ». Mais Vicq d’Azyr profita aussi de la politique d’abattage massif des animaux pour se livrer à d’autres expériences physiologiques, « faites sans ordre, et suivant que les circonstances y ont donné lieu et les ont favorisées ». Des expériences (sur la sensibilité et l’irritabilité, sur les muscles, les bronches des fœtus ou le mouvement péristaltique des intestins) auxquelles on n’avait soumis jusqu’alors « que des quadrupèdes d’une taille moyenne, tels que les chiens » ; il ne fallait donc pas « négliger l’occasion de les répéter sur des animaux plus forts et plus robustes, tels que sont les grands quadrupèdes domestiques ». Ainsi, expliquait-il plus tard, « j’ai fait tous mes efforts, au milieu de cette calamité publique, pour tirer au moins quelque parti des sacrifices très-dispendieux que la prudence du Gouvernement avoit jugés nécessaires[22] ».
L’épizootie fut finalement vaincue à la fin de l’année 1776. L’épisode s’avéra crucial pour Vicq d’Azyr, à plus d’un titre. Il contribua d’abord à réaffirmer et à développer le programme de recherche en anatomie comparée amorcé en 1772-1773 avec les mémoires sur les poissons et les oiseaux, ainsi qu’ un autre de 1774 sur les quadrupèdes, présenté, tout comme les précédents, à l’Académie royale des sciences[23]. La mise par écrit d’une synthèse des principaux axes de ce programme n’arrivera cependant que quelques années plus tard, en particulier dans le Traité d’anatomie et de physiologie. La médecine vétérinaire et la médecine sociale et préventive, mises naturellement au centre des préoccupations de Vicq d’Azyr par les deux ans passés à la tête du combat contre le fléau, eurent en revanche une expression immédiate dans un ouvrage qu’il fit paraître chez Mérigot l’aîné dès son retour à Paris en 1776 : l’Exposé des moyens curatifs et préservatifs qui peuvent être employés contre les maladies pestilentielles des bêtes à cornes.Il s’agit d’un épais volume de plus de 700 pages qui recueille un ensemble hétérogène de textes et documents produits pendant la campagne contre l’épizootie[24]. Des trois parties qui composent le livre, la première traite des « moyens curatifs » ; y sont rassemblées les instructions que Vicq d’Azyr rédigea à ce sujet à l’intention des syndics et des soldats, ses observations sur les moyens de reconnaître l’existence de l’épizootie, la description des expériences réalisées, des traitements appliqués et de leurs résultats, un état des lieux de la littérature vétérinaire qu’il a compulsée et un exposé détaillant les « remèdes employés et conseillés contre l’épizootie actuellement régnante ». La seconde partie est consacrée aux « moyens préservatifs », et réunit aussi, pour l’essentiel, des avis et des instructions publiés par Vicq d’Azyr au cours de son action contre la maladie, tandis que la troisième contient les ordres émanant du gouvernement : les principaux arrêts et ordonnances parus en France depuis le commencement du XVIIIe siècle concernant les maladies épizootiques (1714, 1739, 1745, 1746, 1771), dont ceux émis à partir de décembre 1774[25].
Placé au début de l’ouvrage, un mémoire dans lequel est établi un parallèle entre la « maladie pestilentielle des bêtes à cornes » et la peste humaine introduit, au croisement de l’anatomie comparée et de la médecine vétérinaire, l’idée d’une médecine comparée – l’étude comparative des maladies humaines et animales – que Vicq d’Azyr défendra par la suite, non seulement en termes théoriques mais également par des propositions concrètes en matière de réorganisation des études médicales. Sur le plan scientifique, le projet d’une médecine comparée imprègne par exemple l’orientation générale des premiers volumes de la section médicale de l’Encyclopédie méthodique, publiés sous sa direction à partir de 1787 – il en rédigea, avec Jean Huzard, plusieurs articles sur la médecine vétérinaire.Quant au versant institutionnel, le document le plus éloquent est le Nouveau plan de constitution pour la médecine en France, présenté à l’Assemblée Nationale en 1790, inspiré par Vicq d’Azyr et généralement attribué à sa plume. « Pourquoi séparer la Médecine des animaux de celle de l’homme ? Ne sont-ce pas les mêmes principes à appliquer ? & pour connoître en quoi ces deux parties de la même science se ressemblent ou diffèrent, ne faut-il pas qu’on les rapproche ? » interroge le rédacteur du Nouveau plan, avant de recommander notamment le transfert de l’École vétérinaire d’Alfort à Paris, dans le but de l’établir près de la Faculté de Médecine, ou, « ce qui vaudroit mieux encore », de l’y intégrer ; « aussitôt les Médecins & les Chirurgiens s’y rendront en foule ; ils en suivront les cours ; ils feront marcher de front l’une & l’autre étude ; les Professeurs de l’un & l’autre enseignement, se communiqueront leurs projets, leurs travaux ; leurs connoissances s’accroîtront par ce commerce réciproque ; la Physique animale y gagnera beaucoup ; les jeunes gens s’accoutumeront à étendre le cercle de leurs idées, & toutes les branches de la Médecine, s’éclairant l’une l’autre, se perfectionneront à la fois[26] ».
Ces propositions, inscrites dans une vision unitaire de la médecine que Vicq d’Azyr s’était forgée lors de l’expérience des épizooties, sont aussi le fruit des années passées, dans la décennie de 1780, à l’École vétérinaire d’Alfort comme professeur d’anatomie comparée. Après son éviction de l’amphithéâtre de la Faculté en 1773, il n’avait repris l’enseignement public qu’en 1775, au Jardin du Roi, lorsque Antoine Petit, malade, le désigna comme son remplaçant. Or ce fut encore une situation provisoire : contrairement aux espérances de Vicq d’Azyr, le choix de Petit ne fut pas confirmé par Buffon (1707-1788), intendant du Jardin, qui en mai 1777 nomma Antoine Portal (1742-1832) à ce poste. Ainsi lorsque Petit prit sa retraite, en novembre 1778, ce fut Portal, déjà professeur d’anatomie au Collège Royal depuis 1774, qui prit sa place.On confia ensuite à Vicq d’Azyr deux cours à la Faculté de médecine, l’un d’anatomie et de physiologie en 1780[27], l’autre de pathologie en 1781, mais la charge d’enseignement qu’il conserva le plus longtemps dans une institution publique fut cette chaire d’anatomie comparée à l’École d’Alfort, qu’il occupa de 1780 à 1788. Arrivé à Alfort peu après la mort du fondateur de l’École, Claude Bourgelat (1712-1779), il y eut à sa disposition des moyens dont il n’avait pas bénéficié jusqu’alors pour la conduite de ses recherches. De ces années-là datent, notamment, les quatre mémoires sur l’anatomie du cerveau présentés à l’Académie royale des sciences (les trois premiers en 1781 et le quatrième en 1783), ainsi que le Traité d’anatomie et de physiologie (1786), « son ouvrage favori » selon Lafisse[28], qu’il dédia au roi[29].
Le Traité d’anatomie et de physiologie devait être une véritable somme anatomique, un grand tableau du vivant allant des plantes jusqu’à l’homme. Vicq d’Azyr se proposait de le brosser non pas de façon exhaustive, mais en choisissant « parmi les corps vivants […] ceux dont les différences fournissent les caracteres les plus remarquables », pour « en former une suite de genres anatomiques auxquels les especes intermédiaires et les travaux déjà faits puissent se rapporter[30] ». La publication de l’ouvrage était prévue sous la forme de cahiers de planches en format in folio, contenant six planches coloriées et six autres représentant les mêmes figures mais « avec le trait seulement et les lettres de renvoi », accompagnées de plusieurs pages d’explications. La description des organes qui devait précéder les illustrations et les discours qui devaient les suivre seraient publiés séparément, eux aussi dans des cahiers in folio. De ce vaste projet, ne virent la lumière que deux discours et cinq cahiers de planches des « organes contenus dans la Boëte osseuse du Crâne » avec leurs explications, plus un « Tableau des fonctions, ou caractères, propres aux corps vivants » et un « Vocabulaire anatomique », le tout réuni dans un livre de 234 pages.À peine entamé donc, au regard de l’étendue des matières qu’il devait embrasser, le Traité offre néanmoins, notamment dans les deux « Discours » sur l’anatomie, une synthèse des recherches effectuées jusqu’alors par Vicq d’Azyr ainsi que de ses vues théoriques et méthodologiques. Le premier discours s’ouvre par des propos sur les difficultés que présente l’étude de l’anatomie, et sur les obstacles qui s’opposent aux progrès de cette science – « ses recherches sont non-seulement dépourvues de cet agrément qui attire, elles sont encore accompagnées de circonstances qui repoussent ; des membres déchirés et sanglants, des émanations infectes et mal saines, l’appareil affreux de la mort, sont les objets qu’elle présente à ceux qui la cultivent[31] ». À ces considérations liminaires fait suite une discussion sur « les moyens propres à faire connoître la structure et le jeu des organes », que Vicq d’Azyr réduit à quatre : la dissection anatomique, la vivisection animale, « l’observation exacte de leurs phénomenes, soit dans l’état de santé, soit dans celui de maladie, et l’histoire des changements que ce dernier apporte dans leur tissu » – l’anatomie pathologique[32].
Chacun de ces moyens a des limites plus ou moins contraignantes et sévères quant à leur efficacité et leur fiabilité dans l’obtention des connaissances. Vicq d’Azyr les passe en revue, en faisant état, tout d’abord, du paradoxe de l’anatomie cadavérique, qui tente de capturer le vivant par l’exploration de corps morts : « un corps froid, inanimé, privé de la vie, n’offre que des fibres sans ressort, des vaisseaux relâchés et vuides. […] tout est insensible, tout est muet ; le muscle ne se roidit plus sous l’instrument qui le blesse ; le nerf est déchiré sans exciter ni trouble ni douleur ; toute connexion, toute sympathie sont détruites, et les corps des animaux dans cet état sont une grande énigme pour celui qui les disseque[33] ». Si l’anatomiste, en revanche, se décide à interroger la nature en se livrant à des expériences sur des animaux vivants, ce ne sont plus « cette immobilité, ce silence qui caractérisent un entier abandon de la vie » qui rendent sa tâche ingrate, mais « un état tout-à-fait opposé, dans lequel la souffrance et la crainte ne laissent pas un moment de repos » ; dès lors, « les vérités qu’il découvre sont cruelles à arracher, et difficiles à reconnoître ». En effet, « parmi des flots de sang et des convulsions, au milieu des cris aigus et des angoisses, comment ne pas se tromper sur le siege du sentiment ? Qui pourroit se flatter, dans un bouleversement aussi général, de retrouver les traces des mouvements naturels[34] ? ». Quant à « l’observation exacte et assidue des phénomenes que présentent les diverses fonctions organiques considérées dans l’état ordinaire de la vie », il est malaisé « d’isoler ceux qui appartiennent à chaque viscere, tant les connexions des parties qui composent les corps animés sont multipliées entr’elles ! » Des problèmes analogues se posent lorsqu’il s’agit de « la comparaison des visceres sains avec ceux qui sont malades », car « il n’y a aucune région du corps humain qui ne réponde à plusieurs organes, parmi lesquels il est souvent difficile de reconnoître celui qui est affecté ou qui a été la source du mal[35] ».De ces quatre voies d’accès à la compréhension du vivant, toutes imparfaites mais en même temps capables de fournir des connaissances utiles, Vicq d’Azyr empruntera les deux premières ; c’est en effet par la dissection anatomique et les expériences tentées sur les animaux qu’il procédera, « avec la plus grande réserve », dit-il, à élever son « édifice ». Or cette annonce n’en est pas une véritablement, puisque Vicq d’Azyr avait commencé à élever l’« édifice » de ses recherches depuis longtemps. Un « édifice » anatomophysiologique, dans lequel l’étude des fonctions organiques – des « effets physiques plus ou moins composés » – impliquait d’en « examiner la nature par tous les moyens que fournissent l’observation et l’expérience[36] ». L’entreprise, toutefois, n’en restait pas moins gouvernée par la morphologie et, plus encore, par la comparaison. À la base de l’« édifice » de Vicq d’Azyr et structurant sa cohérence, se trouve l’anatomie comparée.
Si, « parce qu’elle nous intéresse de plus près », la description de l’homme doit être faite la première et doit être la plus étendue, si c’est l’homme qu’il faut « étudier avec le plus de soin et le plus long-temps », il ne faut pas pour autant le considérer seul ; « on doit le rapprocher des autres animaux ». Isolé, l’homme « ne paroît pas aussi grand ; on ne voit pas aussi bien ce qu’il est » ; les animaux, sans l’homme, « semblent être éloignés de leur type, et on ne sait à quel centre les rapporter[37] ». Ainsi l’anatomie comparée apparaît chez Vicq d’Azyr sous un jour doublement anthropocentrique : de par sa finalité d’une part, puisque la connaissance des animaux doit permettre d’éclairer, par la méthode comparative, celle de l’homme ; d’autre part parce que celui-ci occupe, au sein de l’ensemble des « corps organisés et vivants », une place centrale, il est le « type » auquel l’étude de l’anatomie des animaux doit renvoyer pour devenir pleinement intelligible. Autrement dit, l’anatomie comparée représente, en tant que programme de recherche, le prolongement nécessaire de celui de l’anatomie humaine, qu’elle englobe certes, mais auquel elle demeure, en dernière analyse, subordonnée quant aux objectifs poursuivis.Or l’anthropocentrisme est chez Vicq d’Azyr plutôt un horizon qu’un principe organisateur des recherches. Il s’agit pour lui d’étendre, d’abord, le champ de l’anatomie en s’attaquant à celle des animaux, qu’il juge, à la différence de l’anatomie humaine, lacunaire ; ceux qui l’ont cultivée, dit-il, « peu versés en l’art de la dissection, n’ont considéré qu’une seule classe [des] parties [des animaux], ou qu’une seule classe de leurs organes », omettant souvent par ailleurs d’en donner une description pour se contenter de dire « ce qu’ils y ont vu ou cru voir de merveilleux[38] ». Cela ne concerne cependant que « l’anatomie simple », c’est-à-dire celle qui « s’exerce sur des objets qu’elle considere seuls et sans aucune relation avec ceux dont ils sont environnés ». L’anatomie comparée « en montre les rapports ». Mais cette science est loin d’avoir fait de grands progrès, estime Vicq d’Azyr. Elle « existe à peine », grâce notamment aux travaux de Daubenton sur « la forme générale et extérieure du squelette et des grands visceres des quadrupedes[39] ».
Il existe pourtant « une autre espece d’anatomie comparée, dont toutes les parties correspondent à celles de l’anatomie humaine. L’on n’a point encore décrit les articulations, les ligaments, les muscles, les vaisseaux, les nerfs, les glandes, ni la structure interne des visceres considérés dans les différentes classes d’animaux[40] ». C’est le travail auquel Vicq d’Azyr s’est attaché depuis plusieurs années et qu’il se propose de poursuivre : disséquer et décrire avec le plus grand soin des individus considérés à différents intervalles dans le système des êtres, en vue d’établir entre eux des comparaisons d’organes ou de groupes d’organes, méthode qui est à ses yeux la mieux à même de mettre en lumière le mécanisme et l’usage des parties.Ceci est bien illustré par la comparaison de deux espèces d’organes, les uns placés à la surface du corps des animaux et les autres dans ses grandes cavités : « ces organes se correspondent […] et les uns ne peuvent éprouver de grands changements, ni de grandes variétés sans que les autres y participent ». Ainsi par exemple, « les especes qui se nourrissent de chair, parmi les quadrupedes et les oiseaux, ont les doigts aigus et les mâchoires fortement armées ; mais leurs estomacs sont peu robustes ». À l’inverse, « les animaux dont les aliments se tirent des substances végétales ont […] les extrémités des doigts enveloppées d’ongles épais ; leurs dents sont applaties dans leurs faces supérieures, formées par des feuillets et dépourvues d’angles saillants et de pointes ; mais leurs estomacs et leurs intestins sont plus musculeux et plus étendus ». Il semble donc, conclut Vicq d’Azyr, « qu’il y ait une opposition entre les organes extérieurs et les intérieurs destinés à ces usages ; que plus les uns ont de fatigue à essuyer, moins il reste aux autres de travail à faire, et qu’ainsi, par une sorte de compensation, cette fonction exige à-peu-près, dans tous, eu égard à leur volume, une même somme d’efforts et de mouvements[41] ».
Mais on peut aller plus loin, l’anatomiste « peut encore donner à ses vues un champ plus vaste ; il peut s’élever à de plus hautes conceptions » : les nerfs, le cerveau, le cervelet et les moelles allongée et épinière « ont avec l’ame des rapports inconnus ; mais, considérés dans les corps vivants des divers ordres, ils en ont entre eux qu’il est possible de déterminer ; et comparant ensuite le tableau de ces différences physiques avec celui de l’entendement ou de l’instinct, du sentiment ou des passions, des mouvements ou des besoins de chaque classe d’animaux, il semble que l’on puisse espérer d’avoir un jour quelque prise sur l’agent caché qui s’unit et qui commande à la matiere[42] ». Voilà la puissance heuristique que Vicq d’Azyr attribuait à l’anatomie comparée, qui lui permettait de caresser des projets d’une telle portée, en accord par ailleurs avec son intérêt pour le cerveau : outre les mémoires présentées à l’Académie royale des sciences quelques années avant la publication du Traité d’anatomie et de physiologie, ce n’est sans doute pas un hasard si les premiers cahiers de celui-ci – les seuls à avoir été livrés – étaient consacrés au cerveau humain.Si on doit à Vicq d’Azyr une formulation aussi vigoureuse que systématique du programme de recherche de l’anatomie comparée, étayée par des travaux anatomiques conséquents, menés notamment lors de l’épizootie et ensuite à l’École vétérinaire d’Alfort, sa contribution la plus originale fut l’introduction d’une deuxième modalité de comparaison, qui consistait à examiner « des organes des mêmes individus comparés entr’eux[43] ». Il avait avancé l’idée déjà en 1774, dans son mémoire sur « les usages et la structure des quatre extrémités dans l’homme et dans les quadrupèdes » : si l’anatomie comparée « a rendu des services si importans, s’interrogeait-il dans ce texte, ne pourroit-on pas en instituer une seconde, qui ne s’occuperoit uniquement que des rapports qu’ont entr’elles les parties d’un même individu ? »[44]. L’utilité de cette méthode était démontrée, selon lui, précisément par les résultats qu’il avait obtenus en l’appliquant à l’homme et aux quadrupèdes. Il y revient dans le Traité : « les extrémités supérieures et inférieures, observées dans la disposition des os, des muscles, des vaisseaux et des nerfs, paroissent faites sur le même moule, mais placées en sens inverse, par l’opposition de leurs saillies et de leurs angles ; c’est ainsi que j’ai tiré de mes recherches le résultat paradoxal, en apparence, mais susceptible de la démonstration la plus rigoureuse, que l’extrémité supérieure de l’homme ou antérieure des quadrupedes correspond, dans tous ses points, à l’extrémité inférieure ou postérieure du côté opposé[45] ».
Au-delà de cette constatation particulière, ou d’autres exemples qu’il donne dans le même sens – « les nerfs cervicaux peuvent être assimilés aux lombaires, les plexus axillaires aux sacrés, les nerfs diaphragmatiques aux nerfs obturateurs[46] » – le plus important sur le plan théorique est la conséquence qu’il en tire, dès 1774 : « Et si les parties qui diffèrent le plus en apparence se ressembloient au fond, ne pourroit-on pas en conclure avec plus de certitude qu’il n’y a qu’un ensemble, qu’une forme essentielle, et que l’on reconnoît partout cette fécondité de la nature qui semble avoir imprimé à tous les êtres deux caractères nullement contradictoires, celui de la constance dans le type et de la variété dans les modifications ? »[47]. Et, douze ans plus tard, dans le Traité, il insiste, laissant de côté cette fois-ci la question rhétorique : « la Nature paroît […] suivre un type ou modele général, non-seulement dans la structure des divers animaux […] mais encore dans celle de leurs différents organes[48] ». Aussi l’anatomie comparée, que ce soit à travers la comparaison d’individus différents ou d’organes différents chez un même individu, conduit Vicq d’Azyr à envisager l’existence d’une unité morphologique chez les corps organisés que l’on peut découvrir sous la diversité de leurs productions. L’anatomie peut dès lors devenir une science de l’organisation.Avant d’en arriver là, pourtant, il est nécessaire encore de développer le projet de l’anatomie comparée proprement dite, de le doter de bases méthodologiques solides et de prendre les « soins préliminaires » indispensables à son exécution. De ce point de vue, c’est à la nomenclature, à la manière de nommer qu’il faut surtout réfléchir, étant donné que c’est la description qu’il faut perfectionner et que décrire « exige de la méthode et la connoissance des termes propre à donner une idée exacte de ce que l’on a vu[49] ». D’où les longues pages que Vicq d’Azyr consacre, dans le Traité d’anatomie et de physiologie, à « la langue des sciences en général et [à] celle de l’anatomie en particulier ». Il s’agit de réformer un langage qui a été établi en fonction de l’anatomie humaine pour le rendre apte non seulement à l’anatomie animale mais, surtout, à la comparaison. Cette langue doit donc être uniforme, mais aussi claire et précise pour que ces qualités puissent être transmises aux descriptions. Les naturalistes, les chimistes, ont rénové leur vocabulaire, et ont fait avancer, du même coup, leur discipline. Car la question va bien au-delà de préoccupations procédurales ; il s’agit bel et bien d’une « étude très philosophique », d’un problème épistémologique que Vicq d’Azyr traite comme tel. L’art de raisonner, dit-il d’après Condillac, « ne peut s’exercer sans les formules dont est composé le langage ». Aussi « la base de tout l’édifice de l’esprit est la science élémentaire des mots, sans laquelle nul genre de connoissances ne peut ni s’élever, ni s’affermir[50] ».
En ce qui concerne l’anatomie, elle peut tirer parti du travail déjà accompli ailleurs, chez les botanistes par exemple, et adopter quelques principes généraux : « il faut que les noms génériques ne soient composés que d’un seul nom ; que leurs racines n’appartiennent pas à plusieurs langues ; et s’ils sont de nouvelle création, qu’ils expriment la situation, la structure ou les usages des organes auxquels ils sont attribués ». Par ailleurs, « comme un fait nouveau n’est qu’un rapport découvert entre quelques unes des parties du grand systême de la nature, il ne suffit pas d’indiquer ce fait par un mot, il faut de plus indiquer ses rapports par des adjectifs dont le sens soit bien déterminé[51] ». Or la réforme de la nomenclature anatomique doit commencer par une épuration. Celle-ci doit viser les termes qui sont impropres ou insuffisants, comme « les divisions numériques de premier, second, troisieme, etc., qui ne donnent aucune idée précise de situation ni de forme », ou « les dénominations de vraies et de fausses, de dur, de mol, de grand, de petit, de honteuses, d’ailes, de bouquet, d’accessoires, de sublime, d’humble, d’admirable, etc. Toutes ces locutions seront rejetées comme incorrectes, insignifiantes, et comme tenant à la fois de l’imperfection et du mauvais goût ». Quant aux métaphores, aux expressions « imitatives et figurées » dont même « le langage des sciences de description, le plus froid et le plus mesuré de tous les langages, ne peut se passer », Vicq d’Azyr en prône un usage modéré[52].Ce travail de nettoyage du vocabulaire, aussi salutaire soit-il, n’est pourtant qu’une partie de « l’entreprise utile » qui consisterait à « substituer à la nomenclature ancienne de l’anatomie une nomenclature entièrement nouvelle, dont les noms eussent dans les différentes classes une correspondance régulière par leur genre, par leur composition et par leurs finales[53] ». Cette tâche accomplie, on disposerait d’outils appropriés pour la description anatomique comparée, qui devrait se conformer à quelques préceptes de base, à savoir : 1° tout organe doit être décrit comme un solide géométrique, « dont on examinera d’abord à l’extérieur les faces, les bords, et les angles, et dont on considérera ensuite l’intérieur, avec les mêmes divisions » ; 2° on ne doit employer, pour les dénominations à donner aux faces, aux bords et aux angles de ces organes, « que des noms que l’on puisse appliquer à tous les animaux qui en seront pourvus » ; 3° on évitera également d’employer les mots « antérieur », « postérieur », « supérieur » et « inférieur » comme caractères de division générale des corps. À ces dénominations, insatisfaisantes parce que communes à des positions relatives des parties très différentes, on substituera « des expressions propres à chacune des grandes régions du corps des animaux » ; 4° les régions correspondantes du même organe doivent être désignées de la même manière, de même que ces organes doivent porter le même nom dans tous les animaux, « sans quoi les rapprochements que nos travaux requierent ne pourroient jamais s’exécuter[54] ».
La méthode, la théorie, l’état des lieux des connaissances, le bilan de ses propres recherches, le plan à suivre pour les mener à terme, tout y est. Les textes du Traité d’anatomie et de physiologie posent non seulement le cadre raisonné d’un espace disciplinaire, dessinent son paysage, mais donnent aussi la mesure des ambitions intellectuelles de Vicq d’Azyr, sa volonté de bâtir un empire anatomique pour dire le vivant, son goût pour les systèmes, les synthèses et les tableaux. Mais le projet esquissé dans ce premier volume du Traité en restera à ce stade, aussi bien du point de vue éditorial que scientifique. Renvoyé de l’École vétérinaire d’Alfort en 1788, il s’est vu privé des moyens de poursuivre ses recherches à l’échelle qu’il lui aurait fallu pour remplir les objectifs qu’il s’était donnés. En outre, d’autres occupations et responsabilités, d’autres ambitions aussi, réclamaient son attention.
Une initiative du Gouvernement, dans la personne de Turgot, avait été à l’origine des activités de Vicq d’Azyr lors de l’épizootie de 1774-1776 ; le Contrôleur général des finances du royaume avait soutenu l’action du jeune médecin, y compris lorsqu’il préconisa des mesures aussi radicales que l’abattage systématique des bestiaux. L’issue de l’affaire, en 1776, paraissait confirmer le bien-fondé de la ferme implication de l’État dans la lutte contre une calamité de cette ampleur. Elle montrait aussi que Vicq d’Azyr avait été à la hauteur de la tâche ; elle suggérait, enfin, que l’expérience acquise pouvait avantageusement être mise à profit pour une organisation durable et efficace des politiques de prévention, avec l’appui des autorités.Les conditions étaient réunies pour que l’administration royale accueille favorablement la création, proposée par Vicq d’Azyr, d’une Commission pour les épidémies et les épizooties dont il devait assurer la direction, assisté par six jeunes confrères parisiens de son choix. Dans le cadre des travaux de cette Commission, et « sur le simple exposé de quelques questions concernant les Epidémies » distribuées « par ordre de M. le Contrôleur général » aux médecins des provinces, ces derniers avaient envoyé des mémoires contenant « tous des faits intéressants & dignes de l’attention des praticiens ». Ce zèle et cette « abondance de bonnes observations mises sous les yeux du Ministre » firent naître l’idée d’un « nouvel établissement », une Société et Correspondance de Médecine, qui mérita « le sceau de l’autorité royale » [55].
Un arrêt du Conseil d’État du 29 avril 1776 donna naissance à la nouvelle institution. Soumise à l’autorité du Contrôleur général des finances, elle était chargée de « tenir une correspondance avec les médecins de province, pour tout ce qui peut être relatif aux maladies épidémiques et épizootiques ». Le renvoi de Turgot le 12 mai et son remplacement peu après par Jacques Necker (1732-1804) ne changea rien au soutien apporté par l’État à l’entreprise, qui consistait à mettre en place un système permanent d’information sanitaire par l’établissement d’un réseau de correspondants couvrant l’ensemble du territoire du royaume. Il s’agissait d’encourager la réalisation de « recherches sur la température & sur les maladies particulieres à chacune de ses provinces », et c’était aux « Médecins qui les habitent » que cette mission devait revenir[56].La Société et Correspondance royale de Médecine tint sa première assemblée le mardi 13 août 1776. Son existence consacrait un brillant succès de Vicq d’Azyr, qui sut exploiter les ressources qu’il avait à sa disposition pour obtenir un cadre institutionnel à la mesure de ses projets, sous le patronage royal. La publication de l’Exposé des moyens curatifs et préservatifs n’est sans doute pas étrangère à l’opération, dès lors que l’ouvrage rappelait et mettait en lumière de façon détaillée les services rendus par l’auteur dans la lutte contre l’épizootie. La participation active à la fondation de la Société du premier médecin de la reine Marie-Antoinette, Joseph-Marie François de Lassone (1717-1788), y contribua sans doute aussi. Mais loin d’être une simple concession du pouvoir ou une récompense, la création de la Société répondait à la volonté des conseillers du roi, Turgot et Necker entre autres, de « faire de la médecine un instrument du service public ». Le médecin, rappelle Jean-Pierre Peter, « est un bon observateur, c’est donc un excellent agent d’information » ; par ailleurs, « les finances royales découvrent que le mauvais état de santé des populations coûte cher à l’économie du royaume. À paysan malade, mauvaise récolte ; et pour le roi, rentrée d’impôts réduite »[57].
Le Mémoire instructif sur l’établissement de la Société est assez explicite sur cette « sorte d’alliance de la médecine et du pouvoir de l’État[58] », qu’il justifie tout en expliquant le rôle que l’institution était appelée à y jouer : « une correspondance suivie entre tous les Médecins des provinces & ceux de la capitale, […] mettant sous les yeux des Ministres le tableau des réglements utiles qui peuvent être faits dans les provinces, indiquera les moyens que l’Administration & la Médecine peuvent employer de concert pour faire cette espece de bien & pour empêcher cette espece de mal, dont les Médecins, distribués dans les campagnes, peuvent seuls appercevoir toute l’influence & toute l’étendue, & que le Gouvernement ignorera nécessairement, tant qu’il n’y aura pas entr’eux & lui une personne intermédiaire qui en soit en état d’apprécier & de faire valoir leurs observations, & dans laquelle ils puissent mettre toute leur confiance[59] ».En d’autres termes, la Société royale de médecine devait remplir avant tout une fonction d’articulation, en centralisant les informations provenant des provinces, mais aussi en y répondant à son tour aux demandes qu’on lui ferait parvenir. Car, écrit Vicq d’Azyr dans le Mémoire instructif, « il n’y a point de pays où il ne se soit introduit quelque usage dangereux ; il n’y en a point où l’on ne trouve quelque coutume salutaire établie : d’où il suit que l’on peut profiter par-tout doublement, en distribuant d’une part, & en recueillant de l’autre des vérités utiles à la société[60] ». En outre, si les « besoins publics » requéraient « la présence d’un ou de plusieurs des Médecins ordinaires de la Société, dans les provinces », deux d’entre eux, nommés par le directeur, seraient dépêchés sur place pour s’en occuper spécialement[61].
Présidée par Lassone et avec Vicq d’Azyr comme secrétaire perpétuel, la Société royale de médecine fut enregistrée au Parlement de Paris le 1er septembre 1778[62]. Ses membres se réunissaient tous les mardis, dans l’après-midi, et ses travaux consistaient « à faire un Extrait raisonné de ce que les meilleurs auteurs ont écrit sur la Médecine pratique, & à extraire en même temps les Observations & Remarques intéressants des Mémoires envoyés par les Médecins des provinces[63] ». Dès 1776, la Société publia régulièrement ses volumes d’Histoire et mémoires, imprimés in-quarto et divisés en trois parties, la première consacrée à « l’extrait raisonné de plusieurs ouvrages de Médecine », la deuxième à « l’histoire des Epidémies & Epizooties qui [auraient] régné pendant les années précédentes », et la troisième aux « Mémoires de Médecine pratique » sur d’autres objets que des épidémies[64].Le contenu de cette troisième partie indique bien que le « nouvel établissement », quoique « principalement destiné à l’étude des Epidémies & Epizooties, & au traitement de ces maladies[65] », élargit très rapidement les objets de ses recherches à l’ensemble des questions relatives à la santé publique, avec une attention particulière aux observations météorologiques, qui devaient être soigneusement et systématiquement enregistrées dans des tables – le Mémoire instructif en fournit le modèle[66]. Ainsi furent dressées des « topographies médicales », un véritable genre rendant compte de l’état sanitaire des différentes régions et localités. Dans le même esprit, la Société s’intéressa aussi à la qualité des eaux minérales, à la vente des médicaments, à « l’édilité médicale », aux problèmes liés aux exhumations et « à des recherches sur les différens genres de méphitisme[67] ».
Sur ces derniers points, Vicq d’Azyr lui-même apporta une contribution importante en publiant en 1778 la traduction d’un traité italien, l’Essai sur les lieux et les dangers des sépultures, de Scipione Piattoli (Paris, Didot). L’ouvrage traitait des mesures décidées par le duc de Modène concernant le déplacement des cimetières hors de la ville, pour des raisons de salubrité ; il avait été remis à Vicq d’Azyr par D’Alembert, et c’est à la sollicitation de ce dernier, dit-il, qu’il s’est déterminé à en publier la traduction, réalisée en collaboration avec M. Quillet, « très-versé dans la connoissance de la langue italienne[68] ». Au texte original de l’Essai, modifié dans sa disposition par l’introduction de divisions qui n’y figuraient pas et abrégé en quelques endroits, Vicq d’Azyr ajouta des notes et un discours préliminaire, contenant les règlements et les ordonnances qui en France défendaient les inhumations dans les villes et les églises, un exposé sur « la manière de purifier les lieux infectés par les émanations des cadavres en putréfaction », un autre sur les procédés à employer pour « rappeler à la vie les personnes suffoquées par ces vapeurs », et un rapport lu dans une des séances de la Société royale de médecine « sur la nécessité d’éloigner les sépultures de l’enceinte des villes, & principalement de celle de Paris ».La parution du livre vint s’inscrire dans un contexte où le débat sur ces questions, posées depuis plusieurs décennies, arrivait à maturité. Les cimetières accolés aux églises et à l’intérieur des villes étaient de plus en plus perçus comme une source de nuisances de tous ordres et un danger pour la santé publique. Déjà en 1737, le Parlement avait saisi les médecins d’une enquête sur les cimetières, qui ne fut pas suivie d’effet. Une deuxième enquête, au début des années 1760, avait conduit à un arrêt du Parlement de Paris en 1763, qui prévoyait la fermeture des cimetières existants et la création de huit autres hors et autour de la ville[69]. L’arrêt ne fut pas appliqué, mais « une véritable campagne d’opinion » se développa, « avec des pétitions des riverains des cimetières, des mémoires, des livres imprimés, surtout de médecins », les chefs de file de l’opinion[70]. Vicq d’Azyr cite, dans le « Discours préliminaire » à l’Essai de Piattoli, plusieurs ouvrages parus à cette époque soutenant les mêmes thèses[71].
Aussi dans ce dernier tiers du XVIIIe siècle, où on assiste, de la main des médecins, au « triomphe de l’air et de l’espace » et à « la perspective d’un “État hygiéniste” qui se profile[72] », l’idée de la nécessité de mettre les morts à distance des vivants s’affirme jusqu’à se traduire en actes. « La superstition, le fanatisme, les préjugés résistent en vain : leur voix est étouffée », dit Moreau de la Sarthe, qui accorde à l’ouvrage publié par Vicq d’Azyr le mérite d’avoir « contribué d’une manière efficace à l’une des plus belles époques de la police des nations modernes », en lui attribuant – sans doute exagérément – « les exhumations qui ont eu lieu dans la suite[73] ». En particulier celles du grand cimetière parisien des Saints-Innocents, dont la fermeture fut décidée en 1780, et les ossements exhumés et transférés, à partir du 7 avril 1786, aux catacombes aménagées dans les anciennes carrières extra-muros de la Tombe-Issoire, sous la plaine de Montrouge.
En sa qualité de secrétaire perpétuel de la Société royale de médecine, Vicq d’Azyr était chargé de prononcer les éloges des membres disparus. Au cours des dix-sept ans d’existence de la Société, il eut ainsi à rendre hommage à plus de cinquante de ses pairs, français ou étrangers. Parmi eux, des savants de renom européen comme Haller, Carl von Linné (1707-1778) ou Pieter Camper (1722-1789), l’inventeur du célèbre « angle facial », des médecins comme Anne-Charles Lorry (1726-1783), le co-fondateur de la Société François de Lassone, Joseph Lieutaud (1703-1780), ou les Anglais John Fothergill (1712-1780) et William Hunter (1718-1783), mais aussi de chimistes comme Pierre-Joseph Macquer (1718-1784) ou le Suédois Carl Wilhelm Scheele (1742-1786), l’agronome et ingénieur Henri-Louis Duhamel de Monceau (1700-1782), ou encore Claude-Henri Watelet (1718-1786), homme de lettres qui donna à l’Encyclopédie des articles sur la peinture et la gravure, et auteur d’un Dictionnaire des beaux-arts (Paris, Panckoucke, 1788-1791).Les éloges de Vicq d’Azyr, qui occupent les trois premiers volumes des Œuvres publiées par Moreau de la Sarthe en 1805, furent aussi imprimés du vivant de leur auteur, dans des cahiers qui étaient distribués gratuitement et séparément[74]. Destinées à un public plus large que celui des membres de la Société royale de médecine, ces pièces oratoires louées par ses biographes comme des modèles d’éloquence et d’érudition, furent un instrument dont Vicq d’Azyr s’est servi pour asseoir sa réputation littéraire auprès d’autres cercles que celui du monde scientifique et médical. Appartenant à un véritable genre à part entière, commentés en tant que tels dans leur style, comparés à cet égard et en termes d’ampleur thématique ou de profondeur de vues avec ceux des secrétaires de l’Académie royale des sciences, Fontenelle et Condorcet[75], ces éloges permirent à Vicq d’Azyr de franchir un pas supplémentaire dans sa carrière : l’entrée à l’Académie française. Il posa une première fois sa candidature en 1787, au quarantième fauteuil, mais il ne fut élu qu’à sa deuxième tentative, le 12 juin 1788, au fauteuil numéro 1, où il succéda à Buffon, décédé le 10 avril de cette année. Son discours de réception, prononcé le 11 décembre, fut l’éloge de son prédécesseur, l’ancien intendant du Jardin du Roi qui en 1777 avait refusé de le confirmer au poste de professeur d’anatomie.
Dans cet éloge, peut-être le plus important de tous ceux qu’il prononça, Vicq d’Azyr prend l’exemple de Buffon pour mettre l’accent sur les liens entre la culture scientifique et les lettres, une allusion qui ne paraît pas viser uniquement une justification de sa propre présence au sein de l’Académie. Elle traduit plutôt, si on la met en relation avec d’autres de ses écrits – en particulier le reste de ses éloges – une vision des sciences marquée par l’histoire. C’était en effet en comparant, dit-il, « les grands Ecrivains dont notre siècle s’honore, avec ceux par qui les siècles précédens furent illustrés », qu’on pouvait constater comment « la culture des Sciences a influé sur l’art oratoire, en lui fournissant des objets & des moyens nouveaux ». Les progrès des sciences nourrissent ceux de l’ensemble des œuvres de l’esprit, auquel les sciences appartiennent en y occupant une place de choix : « Ce qui distingue les Ecrivains philosophes […] c’est qu’ils ont trouvé dans la Nature même, des sujets dont les beautés seront éternelles, c’est qu’ils n’ont montré les progrès de l’esprit que par ceux de la raison, qu’ils ne se sont servis de l’imagination qu’autant qu’il falloit pour donner des charmes à l’étude[76] ».Dans son « Discours sur la vie et les œuvres de Vicq d’Azyr », Moreau de la Sarthe le présente sous trois angles : comme anatomiste, comme médecin, et, « relativement à ses Éloges historiques », comme historien des sciences[77]. Il ne s’agit pas, dans ce dernier cas, d’une définition apportée par Moreau pour caractériser une partie de l’œuvre de Vicq d’Azyr dans le but d’ordonner son exposé ; elle reprend des propos de Vicq d’Azyr lui-même, qui considérait ses éloges comme une contribution à l’histoire des sciences et les composait dans cet esprit : « Pour se rendre utile, j’ai pensé que le panégyriste devoit aussi remplir les fonctions d’historien, que les véritables époques des sciences n’étoient marquées ni par les années, ni par les siècles qui divisent le temps sans donner la mesure du savoir, mais par les grandes inventions qui appartiennent aux grands hommes ; j’ai pensé qu’il fallait fixer ces époques par le tableau de ces inventions, montrer l’état actuel de chaque science, et rechercher ce qui reste à faire pour l’agrandir[78] ».
Vicq d’Azyr voit donc sa tâche d’historien d’une manière spécifique, comme témoin éclairé de la science de son temps, et affirme du même coup une spécificité des sciences en tant qu’objet d’histoire, l’état du savoir – le « tableau » des inventions – sous-tendant la périodisation et non l’inverse. Le rôle des éloges, partant de l’historien qui les produit, est pour Vicq d’Azyr celui de fournir « des matériaux pour l’histoire de l’esprit humain ». Or loin d’être une simple chronique ou une pure présentation des « résultats », les éloges doivent exposer « la marche des idées et l’enchaînement des expériences » ; « l’invention et la méthode même des inventeurs y sont tracées ; on y voit le génie sous toutes les formes et dans toutes les positions, aux prises avec la nature et avec la fortune[79] ». Aussi ce projet, dont Vicq d’Azyr souligne l’originalité – « Fontenelle lui même […] n’a point exécuté dans toute son étendue cette partie du plan que je propose[80] » –, implique de considérer les savants « dans le silence du cabinet, ou dans les opérations du laboratoire », mais aussi « les environner des contemporains qui les ont accompagnés dans la carrière ; les comparer avec ceux qui les ont précédés ; oser même prédire leur influence suivie. J’ai sur-tout cherché à saisir l’idée qui a dû être le principe de leur conduite et le mobile de leurs travaux[81] ».L’intérêt de Vicq d’Azyr pour l’histoire des sciences en général et pour celle de la médecine en particulier imprègne l’ensemble de son œuvre ; elle n’y apparaît pas sous la forme habituelle qui était la sienne dans la littérature médicale depuis la Renaissance, c’est-à-dire comme un dialogue avec les autorités dans un même espace intellectuel réunissant le passé et le présent de la discipline, les voix des anciens et des modernes se confondant dans l’élaboration d’un savoir en train de se faire. Chez Vicq d’Azyr, l’histoire de la médecine est de l’histoire, c’est-à-dire du passé, mais un passé néanmoins agissant dans la formation des connaissances et non pas radicalement en détaché. Autrement dit, l’histoire de la médecine selon Vicq d’Azyr n’est pas encore l’histoire généalogique et érudite qu’elle deviendra par la suite, au cours de la première moitié du XIXe siècle, lorsqu’elle cessa d’être une composante de la scène active du savoir et fut mise à distance du contexte de constitution des connaissances positives.
Cette manière de concevoir l’histoire de la médecine, ainsi que la place que Vicq d’Azyr réservait à son étude dans la formation des médecins, sont bien reflétées dans le Nouveau plan de constitution pour la médecine en France, de 1790. Le professeur d’histoire, stipulait ce document, « parcourera les époques mémorables de la Médecine ; il comparera les sectes en opposant leurs principes ; il déterminera quelles sont les pratiques locales, que la nature des climats exige, &, sans s’arrêter jamais à d’inutiles recherches, démêlant dans ces longs & éternels combats de la raison & de la folie, quelles sont les traces de la vérité, il fera connoître les grandes causes qui ont amené constamment des erreurs[82] ». Ce n’est pas une histoire triomphaliste, son but n’est pas d’expliquer ou de justifier le présent ; son rôle est plutôt celui d’une source d’enseignements qui pouvaient et devaient éclairer la marche du médecin en direction du progrès.
À la fin de l’année 1788, Vicq d’Azyr avait atteint le sommet de sa carrière : il venait d’être élu à l’Académie française, il était membre depuis 1774 de l’Académie royale des sciences, et animait, en tant que secrétaire perpétuel, les travaux de la Société royale de médecine depuis sa création en 1776. En 1789, il devint en outre, après la mort de Lassone en 1788, le premier médecin de la reine Marie-Antoinette. La Révolution marqua un point d’inflexion dans ce parcours ascendant, et le déstabilisa en déstructurant progressivement dans les années qui suivirent les espaces institutionnels que Vicq d’Azyr avait réussi à occuper.Cependant, en novembre 1790 la Société royale de médecine pouvait encore présenter le Nouveau plan de constitution pour la médecine en France dont Vicq d’Azyr fut vraisemblablement l’auteur ; ce texte très détaillé non seulement plaçait Vicq d’Azyr et la Société du côté des réformateurs, mais justifiait cette réforme sur la base d’une critique très sévère des études médicales telles qu’elles étaient organisées sous l’ancien régime. Ce projet, même s’il ne fut pas retenu, fut néanmoins celui qui exerça la plus grande influence parmi ceux qui virent le jour dans la période 1770-1793. Tous mettaient en avant des déficiences dans la formation des médecins, surtout d’un point de vue pratique, ainsi que des insuffisances et quelques usages peu recommandables en vigueur dans les Facultés de médecine : corruption, absentéisme ou fainéantise des enseignants, systèmes d’évaluation des connaissances des étudiants irréguliers[83].
Les premières pages du Nouveau plan dressent en effet un véritable réquisitoire : « Nous disons qu’il n’existe pas, dans tout le Royaume, une seule École, où les principes fondamentaux de l’Art de guérir soient enseignés dans leur entier ; que notre profession est peut-être la seule où, celui qui fait, & que son expérience a formé, ne sert point de guide à celui qui s’essaie & qui a besoin d’apprendre ; que s’instruire par ses propres fautes, est la seule ressource qui reste au jeune Médecin, pour avancer dans la carrière ; que des examens faciles & presque nuls, ont tellement multiplié le nombre des Docteurs ignorans & des charlatans avides, que la fortune & la santé des Citoyens en sont menacées de toutes parts ». Le document attaque également les « vices dans l’enseignement » de la médecine, « quelques années d’étude, qui se passent à dicter ou à lire des Prolégomènes de Médecine, uniquement formés de définitions & de divisions stériles » : dans la plupart des écoles, y affirme-t-on, « on n’enseigne ni l’anatomie complette de l’homme, ni l’Art de la dissection, ni la Botanique, ni la Chimie médicale dans toute son étendue, ni la Pharmacie, ni l’Art de formuler, ni la Nosologie, ni l’Histoire de la Médecine, ni le Traité des maladies » ; on n’y dit « pas un mot des fonctions publiques du Médecin ; […] nul encore n’a professé son Art près du lit des malades », et on en sort enfin « sans avoir rien appris de ce qu’un Médecin praticien doit savoir[84] ».Or le tableau de ces « vices » était, dans ce document ainsi que dans d’autres rédigés dans le même esprit, excessivement noirci. Plutôt que la refonte complète du système des études médicales, estime Lawrence Brockliss, ces réformateurs visaient l’institutionnalisation, dans un contexte social nouveau, des développements que la formation des médecins avait connus au cours du XVIIIe siècle. Il s’agissait avant tout, en réalité, de mettre fin à un système de privilèges et de disparités locales, en le remplaçant par un autre où le niveau de l’enseignement, les possibilités d’accès à des études pratiques et les exigences scolaires seraient les mêmes dans chaque école ou faculté de médecine. Aussi les promoteurs de ces transformations « se révèlent comme des révolutionnaires sociaux plutôt que comme des réformateurs professionnels. Le système d’éducation médicale était jugé inadéquat parce qu’il faisait partie de la société d’ancien régime[85] ».
Il paraît quelque peu exagéré de ranger Vicq d’Azyr parmi les « révolutionnaires sociaux », même si le Nouveau plan traduisait tout à fait ses convictions et ses idées quant à la meilleure manière d’organiser les études médicales. Il prévoyait leur allongement de trois à six ans, la substitution des facultés existantes par des Collèges de médecine, la réforme des examens, l’introduction de l’expérience pratique pour les étudiants comme une composante forte de leur formation, la création de nouvelles chaires – histoire de la médecine, hygiène, médecine judiciaire, entre autres – l’instauration de concours pour la nomination des professeurs. Ces propositions inspirèrent celles d’autres projets analogues présentés par la suite, dont aucun n’aboutit. En septembre 1793, la Convention prit une décision radicale, en votant la suppression et la fermeture de toutes les facultés ; un mois plus tôt, le 8 août, elle avait voté la dissolution de toutes les académies et sociétés littéraires ou savantes, dont la Société royale de médecine.Il fallut attendre plus d’un an pour que l’instauration d’un nouveau système d’études médicales fût décidée. Le 27 novembre 1794, le chimiste Antoine-François de Fourcroy (1755-1809), que Vicq d’Azyr avait encouragé à étudier la médecine et qui avait partagé avec lui quelques années d’enseignement à l’École vétérinaire d’Alfort, présenta devant la Convention un Rapport et projet de décret sur l’établissement d’une École centrale de santé à Paris. Moins ambitieux que le Nouveau plan de 1790, le projet de Fourcroy en reprenait encore quelques éléments, notamment le fort accent mis sur l’enseignement clinique, ainsi que l’introduction de matières comme la jurisprudence médicale et l’histoire de la médecine. Une semaine plus tard, le 4 décembre, les conventionnels approuvaient la création de trois écoles de santé, l’une à Paris, les deux autres à Montpellier et à Strasbourg.
Mais Vicq d’Azyr, décédé en juin de cette année, ne vit rien de tout cela. À la suite de la disparition des académies et de la Société royale de médecine, qui lui ôta les espaces institutionnels dans lesquels il avait édifié sa carrière, il passa la dernière année de sa vie comme médecin des hôpitaux militaires de la République et comme membre de la Commission temporaire des arts. Au nom de celle-ci il rédigea d’ailleurs ce qui serait son dernier texte publié de son vivant, des Instructions comme il en avait tant produit auparavant, lors de l’épizootie surtout, mais cette fois-ci sur « la manière d’inventorier et de conserver dans toute l’étendue de la République tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement proposées par la Commission temporaire des arts et adoptées par le Comité d’Instruction publique de la Convention Nationale ».Parmi les objets à inventorier et à conserver dont la Commission temporaire s’est occupée, les plus proches des intérêts de Vicq d’Azyr furent sans doute les collections des cabinets de curiosités de l’Ancien Régime, réquisitionnées par la Révolution. Le plus célèbre de ces cabinets était celui qu’avait constitué le duc d’Orléans au Palais-Royal ; il comprenait en particulier une riche collection de plusieurs centaines de pièces anatomiques en cire qui y avait été adjointe par le fils du duc, le futur Philippe-Égalité, député à la Convention nationale et condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire en 1793[86]. Le cabinet d’anatomie artificielle du duc d’Orléans, mis sous séquestre, fut l’objet d’un rapport établi par le chirurgien André-Pierre Pinson et remis par Vicq d’Azyr et Hippolyte Thillaye le 19 janvier 1794. La valeur qu’on y attribuait à la collection et l’importance de veiller à sa conservation amenèrent la Commission temporaire à décider son transfert au Muséum National d’Histoire Naturelle, ce qui n’eut lieu que le 12 septembre[87] ; entre-temps, Thillaye avait été emprisonné sous la Terreur, puis remis en liberté après la chute de Robespierre, et l’anatomiste Honoré Fragonard (1732-1799), ancien directeur de l’École vétérinaire d’Alfort de 1765 à 1771[88], avait été chargé du travail de récolement et d’estimation de la collection. Vicq d’Azyr, quant à lui, était mort.
Mort d’épuisement, mort de peur, ou tout simplement mort de tuberculose, selon les versions qu’en donnent ses biographes. Ou plutôt, mort de tuberculose, peut-être aggravée par l’épuisement et la peur. Mort en tout cas, paraît-il, dans la peur de courir le même sort que quelques-uns de ses pairs, voire de ses amis – Lavoisier (1743-1794), le mathématicien Jean-Sylvain Bailly (1736-1793), Condorcet (1743-1794) –, lui qui « continuoit de voir un grand nombre de malades, sur-tout dans les classes alors proscrites, et auxquelles il étoit si dangereux de témoigner le plus léger intérêt[89] ». Dans les dernières années de sa vie, rapporte Lafisse, « les vains honneurs qu’on lui envioit, les places qu’il avoit occupées à la cour, étoient devenus pour lui une source d’inquiétude et de chagrin. […] la crainte empoisonnoit tous ses momens. Des rapports effrayans augmentoient chaque jour la terreur dont il étoit frappé. Une humeur âcre, qu’il avoit long-tems fixée au-dehors, se reporta sur l’intérieur ; l’irrégularité de son pouls annonçoit le désordre de ses organes, et sa santé dépérissoit visiblement[90] ».Aussi déjà malade, le 8 juin 1794 il dut accompagner le bataillon de sa section dans le cortège officiel lors de la fête de l’Être suprême. La fatigue, « l’ardeur brûlante du soleil » sous lequel se déroula la cérémonie, « embrasèrent sa poitrine déjà fatiguée par un long rhume[91] ». Le lendemain il alla néanmoins visiter les pauvres de sa section, et suivre la fabrication de salpêtre, dont il avait la direction. À son retour il fut saisi d’un mal de tête violent, « d’un point de côté fort aigu, et d’une fièvre qui troubla bientôt ses idées[92] ». Une « fluxion de poitrine », selon Moreau de la Sarthe – en réalité une « poussée aiguë de la tuberculose pulmonaire qu’il traînait depuis des années[93] ». Il en mourut quelques jours plus tard, le 2 messidor de l’an II, « ou 20 juin 1794 vieux style[94] ».
[1]. Les renseignements biographiques sur Vicq d’Azyr proviennent, pour l’essentiel, de plusieurs éloges composés en sa mémoire dans les décennies immédiatement postérieures à sa mort. Parmi ces sources, on citera notamment le texte de Jacques-Louis Moreau de la Sarthe placé au début du premier des six volumes de son édition des Œuvres de Vicq d’Azyr (Paris, Duprat-Duverger, 1805, p. 1-88) et l’Éloge de Lafisse lu le 12 novembre 1797 à la deuxième séance publique de la Société de médecine, tous les deux consultables sur le site Medica. On ajoutera à ceux-ci les éloges de Jérôme Lalande (« Éloge de Vicq d’Azyr », in : La Décade philosophique, littéraire et politique, Paris, An III, 3, n° 24, p. 513-521 et 4, n° 25, p. 1-10), Pierre-Jean-Georges Cabanis (« Éloge de Vicq d’Azyr », in : Œuvres complètes de Cabanis, vol. V, Paris, Bossange frères, 1825, p. 179-216) Pierre-Édouard Lemontey (Éloge historique de Vicq d’Azyr, prononcé dans la séance publique de l’Académie Française du 23 août 1825, Paris, Didot, s. d.), et celui de Sainte-Beuve, daté de 1854 (« Vicq d’Azyr », in : Causeries du lundi, vol. 10, Paris, Garnier, s.d., p. 279-311). [2]. Jacques-Louis Moreau de la Sarthe, « Discours sur la vie et les ouvrages de Vicq d’Azyr », in : Œuvres de Vicq d’Azyr, Tome I, Paris, L. Duprat-Duverger, 1805, p. 11 ; Caroline Hannaway, « Vicq d’Azyr, Anatomy and a Vision of Medicine », Clio Medica, 25, 1994, p. 281. Sur les cours privés de médecine à Paris au XVIIIe siècle, voir Lawrence W. B.Brockliss, « Before the Clinic: French Medical Teaching in the Eighteenth Century », Clio Medica/The Wellcome Institute Series in the History of Medicine, 50, 1999, p. 71-115; et, en particulier sur les cours d’anatomie, Toby Gelfand, « The “Paris Manner” of Dissection : Student Anatomical Dissection in Early Eighteenth-Century Paris », Bulletin of the History of Medicine, 46, 1972, p. 99-130, en particulier p. 116-121. [3]. Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 12-13. [4]. Félix Vicq d’Azyr, Œuvres, op. cit., tome 4, p. 35. [5]. Ibid., p. 42. [6]. Ibid., p. 37. [7]. Ibid., p. 38. [8]. Ibid., p. 40. [9]. Ibid., p. 40-42. [10]. Caroline Hannaway, « Vicq d’Azyr… », p. 281. [11]. Lafisse, « Éloge de Vicq d’Azyr », p. 4-5. [12]. Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 13. [13]. Lafisse, « Éloge de Vicq d’Azyr », p. 6. [14]. Jean-Jacques Peumery, « Vicq d’Azyr et la Révolution française », Histoire des sciences médicales, 35, 2001, p. 264. [15]. Félix Vicq d’Azyr, Œuvres, vol. 5, cit., p. 166. [16]. Voir, pour chacune de ces années, Histoire et mémoires de l’Académie Royale des Sciences (Paris, Imprimerie Royale, 1776, p. 617-633 ; 1777, p. 566-586 ; 1778, p. 489-521 ; et 1781, p. 381-392). [17]. Les deux mémoires sur les poissons figurent au vol. 5 des Œuvres de Vicq d’Azyr publiées par Moreau de la Sarthe, cit., p. 165-188 et 189-222. [18]. Félix Vicq d’Azyr, Exposé des moyens curatifs et préservatifs qui peuvent être employés contre les maladies pestilentielles des bêtes à cornes, Paris, Mérigot l’aîné, 1776, « Avant-Propos », p. iii. (Livre propriété de l’École Vétérinaire de Maisons-Alfort) [19]. Voir Ibid., p. 213-233. [20]. Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 17. [21]. Félix Vicq d’Azyr, Œuvres, vol. 5, p. 2 n. [22]. Ibid., p. 2. [23]. « Mémoire sur les rapports qui se trouvent entre les usages et la structure des quatre extrémités dans l’homme et dans les quadrupèdes », Année 1774, Paris, Impr. Royale, 1778, p. 250-270. [24]. Quelques-uns de ces textes avaient déjà été publiés l’année précédente dans le Recueil d’observations sur les différentes méthodes proposées pour guérir la Maladie épizootique qui attaque les Bêtes à cornes ; sur les moyens de la reconnoître par-tout où elle pourra se manifester : Et sur la manière de désinfecter les étables, Paris, Imprimerie Royale, 1775. [25]. Voir, sur cet ouvrage, le texte de présentation de François Vallat sur le site Medica, « Médecine vétérinaire ». [26]. Nouveau plan de constitution pour la médecine en France. Présenté à l’Assemblée Nationale par la Société Royale de Médecine, s.l., 1790, p. 135-136. [27]. C’est celui dont il a publié le Plan mentionné plus haut ; voir Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 14-15. [28]. « Éloge de Vicq d’Azyr », p. 22. [29]. « Louis XVI, à qui treize états du Nouveau Monde doivent leur liberté ; les mers, leurs indépendance ; l’Europe, la paix ; la France, des monuments de justice, de bienfaisance et d’humanité ; les sciences, les lettres et les arts, un grand appui ; a daigné agréer la dédicace de cet ouvrage ». [30]. Félix Vicq d’Azyr, Traité d’anatomie et de physiologie avec des planches coloriées représentant au naturel les divers organes de l’Homme et des Animaux, Paris, François Didot l’aîné, 1786, p. 4. [31]. Ibid., p. 1. [32]. Ibid., p. 2. [33]. Ibid. [34]. Ibid., p. 3. [35]. Ibid. [36]. Ibid., p. 5. [37]. Ibid., p. 6-7. [38]. Ibid., p. 17. [39]. Ibid. [40]. Ibid., p. 17-18. [41]. Ibid., p. 7-8. [42]. Ibid., p. 10. [43]. Ibid., p. 11. [44]. Félix Vicq d’Azyr, Œuvres, vol. 4, p. 315. [45]. Félix Vicq d’Azyr, Traité d’anatomie et de physiologie, p. 11-12. [46]. Ibid., p. 12. [47]. Félix Vicq d’Azyr, Œuvres, vol. 4, p. 316. [48]. Félix Vicq d’Azyr, Traité d’anatomie et de physiologie, p. 12. [49]. Ibid., p. 45. [50]. Ibid., p. 47. [51]. Ibid., p. 48. [52]. Ibid., p. 49. [53]. Ibid., p. 50. [54]. Ibid., p. 52. [55]. Félix Vicq d’Azyr, Mémoire instructif sur l’établissement fait par le roi d’une commission ou Société et Correspondance de Médecine, s.l., s.d. [1776], p. 7. [56]. Ibid., p. 4. [57]. Jean-Pierre Peter, « Le désordre contenu : attitudes médicales face à l’épidémie au Siècle des Lumières (Poitou 1784-1785) », Ethnologie française, nouvelle série, 17/4, octobre-décembre 1997, p. 357. [58]. Ibid. [59]. Mémoire instructif…, p. 6. [60]. Ibid., p. 5. [61]. Ibid., p. 56-57 et 58. [62]. André Pecker, « La Société royale de Médecine », in : La Médecine à Paris, du XIIIe au XXe siècle, Paris, Hervas, 1984, p. 231. [63]. Mémoire instructif…, p. 53. [64]. Ibid., p. 55-56. [65]. Ibid., p. 52. [66]. Ibid., p. 60. [67]. Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 18-19. [68]. Félix Vicq d’Azyr, Essai sur les lieux et les dangers des sépultures, Paris, Didot, 1778, p. clxvj. [69]. Voir Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort ensauvagée, Paris, Seuil, 1977, coll. « Points Histoire », p. 188 et 193. [70]. Ibid., p. 190. [71]. En particulier ceux de M. Maret, Mémoires sur l’usage où l’on est d’enterrer les morts dans les églises et dans les enceintes des villes (Dijon, 1773), et de Pierre-Toussaint Navier, Réflexions sur les dangers des exhumations précipitées et sur les abus des inhumations dans les églises, suivies d’observations sur les plantations d’arbres dans les cimetières (Amsterdam et Paris, B. Morin, 1775). [72]. Voir Georges Vigarello, Histoire des pratiques de santé. Le sain et le malsain depuis le Moyen Âge, Paris, Seuil, 1993, 1999, coll. « Points Histoire », p. 183-191 (p. 183 pour le passage cité). [73]. Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 61-62. [74]. Félix Vicq d’Azyr, Œuvres, vol. 1, p. 6 n. [75]. Voir Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 66-70. [76]. Félix Vicq d’Azyr, Discours prononcé à l’Académie Française le Jeudi 11 Décembre 1788 à la réception de M. Vicq d’Azyr, (éloge de Buffon), Paris, Demonville, 1788, p. 28. [77]. Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 3. [78]. Félix Vicq d’Azyr, Œuvres, vol. 1, p. 3. [79]. Ibid., p. 1-2. [80]. Ibid., p. 3. [81]. Ibid., p. 4. [82]. Nouveau plan de constitution pour la médecine en France, p. 22. [83]. Voir Lawrence W. B. Brockliss, « Before the Clinic: French Medical Teaching in the Eighteenth Century », Clio Medica/The Wellcome Institute Series in the History of Medicine, 50, 1999, p. 71 passim. [84]. Nouveau plan de constitution pour la médecine en France, p. 2-3. [85]. Lawrence W. B. Brockliss, « Before the Clinic… », p. 91-92. [86]. Voir « Le Cabinet de cires anatomiques du duc d’Orléans », Les siècles d’or de la médecine. Padoue, XVIe-XVIIIe siècle, Milan, Electa, 1989, p. 160 ; et Michel Lemire, « Fortunes et infortunes de l’anatomie et des préparations anatomiques, naturelles et artificielles », in : Jean Clair (éd.), L’âme au corps. Arts et sciences 1793-1993, Paris, Réunion des musées nationaux – Gallimard, 1993, p. 80-81. Sur les cabinets d’anatomie, voir Rafael Mandressi, Le Regard de l’anatomiste. Dissections et invention du corps en Occident, Paris, Seuil, 2003, p. 261-267. [87]. Voir « Le Cabinet de cires anatomiques du duc d’Orléans », ibid. [88]. Voir Michel Ellenberger, L’Autre Fragonard, Paris, Jupilles, 1981. [89]. Moreau de la Sarthe, « Discours… », p. 87. [90]. Lafisse, « Éloge de Vicq d’Azyr », p. 25. [91]. Ibid. [92]. Ibid., p. 26. [93]. Jean-Jacques Peumery, « Vicq d’Azyr et la Révolution française », art. cit., p. 267. [94]. Lafisse, « Éloge de Vicq d’Azyr », p. 26.
Liste des ouvrages numérisés