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An essay on the vital and other involuntary motions of animals
Edinburgh : Hamilton. 1751
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Claire Etchegaray pour le projet ANR Philomed Maître de conférences en philosophie à l’Université Paris Ouest-Nanterreclaire.etchegaray@gmail.com 07/11/2011 Lorsque Canguilhem fait l’histoire du concept de réflexe au siècle des Lumières, il note que Robert Whytt (1714-1766) a davantage contribué à l’histoire médicale par « son génie d’expérimentateur » que par ses concepts théoriques. Whytt a en effet mené et décrit avec rigueur les premières expériences sur les grenouilles spinales. Mais il a par ailleurs introduit un animisme l’empêchant de concevoir toute localisation déterminée d’un centre nerveux. Or ce sont précisément les raisons méthodologiques et les enjeux épistémologiques auxquels un tel animisme répond qui le rendent intéressant pour une histoire de l’anthropologie médicale. C’est en tant que philosophe expérimental rigoureux que Whytt en appelle au pouvoir d’un être sensitif actif (ou âme) pour rendre compte des mouvements musculaires dans An Essay on the Vital and other Involuntary Motions of Animals. Et c’est au nom d’une conception sans prévention des faits de nature, qu’il s’opposera aux thèses d’Albrecht von Haller dans ses Physiological Essays .
Formé d’abord à Edimbourg, il fut élève de George Young, lequel était très féru de méthode expérimentale et critique à l’égard de toute « hypothèse ». Il retiendra notamment la défiance de ce dernier à l’égard de la notion d’esprits animaux. Young était également membre du Rankenian Club, ce groupe de penseurs écossais qui, héritant de Berkeley, Newton et Clarke, tenaient les lois physiques pour des régularités devant être instituées par quelque principe actif immatériel. Whytt étudia aussi à Londres, Paris et Leyde même, où il s’imprégna des théories de Boerhaave. Il fut élu professeur des Institutions de médecine à Edimbourg en 1747 et d’abord connu pour son traitement de la maladie de la pierre à base d’eau de chaux. Mais ce sont ses travaux sur la respiration et la circulation, commencés dès 1739, alors qu’il était insatisfait des explications de Boerhaave, qui le conduiront à publier An Essay on the Vital and other Involuntary Motions of Animalsen 1751 et à lancer les premières attaques contre la physiologie de Haller.
Dans An Essay on the Vital and other Involuntary Motions of Animals, un ensemble d’expérimentations le conduit à expliquer le mouvement musculaire sur lequel les fonctions vitales reposent (contraction cardiaque, digestion, miction, respiration, vision et audition, etc.) par « un pouvoir (…) procédant généralement du cerveau ou de la moelle épinière, logé ensuite dans les nerfs, et par ce moyen fourni aux muscles » (section 1). Whytt pense établir expérimentalement qu’un tel pouvoir, qui s’effectue notamment par stimulus, peut s’exercer dans des conditions matérielles variables et même, à l’occasion (sur le témoignage de certains cas monstrueux), se passer des organes. Il y voit donc une « influence » simple et continue, qui ne peut se comprendre par la seule description des réactions causales mécaniques car ces dernières sont insuffisantes pour produire l’énergie déployée par les contractions musculaires à l’origine des fonctions vitales. Il pense qu’attribuer un tel pouvoir à la matière est à la fois une contradiction expérimentale et une ineptie métaphysique. La matière vivante est pour Whytt non la description d’une qualité matérielle essentielle, mais un fait de nature qui consiste en l’animation de cette dernière au travers de conditions organiques. Il affirme comme d’autres post-newtoniens que les phénomènes matériels sont expliqués par des régularités générales (des lois), à l’origine desquelles il faut postuler une causalité agissante qui, par conséquent, ne peut pas être matérielle. Mais son originalité réside dans le fait que ce « principe sentant immatériel » doit être pris en compte dans l’explication médicale elle-même – que ce soit pour expliquer les phénomènes de sympathie organique ou les phénomènes de vicariances fonctionnelles. Selon lui, en attribuant à la structure inconnue de la fibre un pouvoir inhérent d’irritabilité, les thèses de Haller assignent à la matière un pouvoir de causation impossible à fonder, et faisant le lit du matérialisme, sont un « refuge d’ignorance » (An Essay on the Vital and other Involuntary Motions of Animals, section 10, p. 239).
Sa propre position donne à l’âme un statut ambigu d’instance à la fois passive et active. Ce ne serait sans doute pas un problème si la question de la spontanéité des fonctions vitales ne croisait celle du contrôle possible de ces phénomènes (question qui elle-même se subdivise : il peut s’agir soit d’une régulation organique, soit d’un contrôle volontaire). Par exemple, dans la toux l’âme étant réceptive auxstimuli, elle réagira spontanément (c’est-à-dire involontairement) mais avec d’autant plus de conscience que les stimuli sont plus forts. Alors a-t-elle vraiment le pouvoir de réagir de manière plus ou moins forte ? Il n’est pas sûr que Whytt nous permette de comprendre que l’âme soit relativement autonome à l’égard des stimuli et non leur simple jouet.
Éléments de bibliographie :
Georges Canguilhem, La formation du concept de réflexe aux XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1955, pp.101-107.
FrançoisDuchesneau, La physiologie des Lumières. Empirisme, modèles et theories, La Haye, Boston, Londres, M. Nijhoff (Kluwer), 1982, pp.171-215.
Cristina Paoletti, La difesadell’errore. Senso commune e filosofia positiva in Thomas Brown, Bologne, Clueb, 2006, pp.61-73.
Roger Kenneth French, Robert Whytt, the Soul and Medicine, Londres, Wellcome Institute, 1969
Heinz OttoHürzeler, Robert Whytt (1714-1766) und seine physiologischenSchriften, Zürich, JurisDruckundVerlagZürch, 1973.
John P. Wright, « Metaphysics and Physiology : Mind, Body and the Animal Economy in the Eighteenth Century Scotland », Studies in the Philosophy of the Scottish Enlightenment, Oxford UP, 1990 (réimpr. 2000), pp.251-301.