Présentation des " Giornate di museologia medica "

A l'occasion du congrès de la " Società Italiana di storia della Medicina " en collaboration avec la
" Società Italiana di Storia dellà OdontoStomatologia " les organisateurs avaient choisi comme sujet des communications : Le Collezioni di Odontoiatria ( Les collections odontologiques ). Pour ces journées de " museologia medica ", les 6 et 7 novembre 2014, en la Dental School de l'Università degli studi di Torino au Lingotto de Turin, il fut organisé une exceptionnelle exposition temporaire au Musée de la " Collezione storia di odontoiatria " de l'Université. L'ASPAD y fut invitée par son conservateur, Valerio Burello, pour présenter cinq remarquables importants coffrets de dentisterie et une évocation de la technique des aurifications.

Programme des 25 communications du congrès

(Cliquez sur les photos pour les agrandir)

Le musée dentaire de Turin, à proximité de la célèbre piste de l'usine FIAT au Lingotto

 

EXPOSITION TEMPORAIRE AU MUSÉE

Pour cet événement les collections permanentes habituelles avaient été un peu déplacées. On était accueilli par un superbe ensemble, très expressif, de quatre grands santons dans la tradition des scènes animées napolitaines, intitulé " Il cavadenti " (L'arracheur de dents). La scènette était inspirée d'une peinture de l'artiste vénitien Pietro Longhi. Réalisation récente de 1993 en papier mâché, carton et tissus par Antonio Testa (1904-2000), collection Marino Cocco et Alberto Raviola de Turin.

Scène " il Cavadenti " d'après Pietro Longhi par Antonio Testa

 

Tout à coté était exposé dans une grande vitrine un exceptionnel " five drawers dental case " en palissandre par John D. Chevalier de New York, son " operating set N° 7 ", ca. 1850. Ensemble exceptionnel avec sept espaces de rangement équipés d'une instrumentation remarquable.
Plateau central avec instruments en acier poli manches ivoire et nacre, deux miroirs argentiques à armatures dorées agrémentées d'améthystes avec viroles en vermeil. Tiroir de gauche garni d'instruments à manche en camé, cypraecassis ruffa (coquillage des mers du sud) viroles or. Tiroir de droite avec instruments à manche d'ivoire. Les deux contre-tiroirs occupés par une importante instrumentation à manches d'ébène. Tiroir central du bas avec un ensemble complet de daviers acier poli forme américaine.

John D. Chevalier, d'origine suisse, installé depuis 1833, fut le premier coutelier à se spécialiser dans l'instrumentation et les équipements dentaires. Sa production instrumentale était réputée pour son exceptionnelle qualité d'acier. Il fut l'initiateur, dès 1840, de ce type de coffrets pour un rangement idéal d'une instrumentation de plus en plus importante. Ces " five drawers dental cases " par leur présentation étaient aussi destinés à impressionner la clientèle en cabinet. De même, ces importants coffrets produisaient tous leurs effets lors de déplacements pour des soins chez des particuliers à une époque où les dentistes n'étaient pas complémement sédentarisés. Ces coffrets, dont il ne reste que de rares exemplaires, revenaient instrumentés à plus de 400 $ or, une petite fortune d'alors.
Pour plus d'informations sur ce coffret :  expo63.htm
 

	" Five drawers dental case " " Operating set n°7 " par John D.Chevalier à New York, ca 1850

   

Dans une autre vitrine on trouve, à l'occasion de cette exposition temporaire, différents coffrets dentaires :
Un ensemble dentaire des années 1770 qui se présente sous la forme d'un livre recouvert de cuir vert et garni sur trois niveaux de son velours de soie d'origine. Cet ensemble est un des premiers coffrets d'un tout nouveau concept avec son rangement compact sur trois niveaux. Instrumentation complète pour soins et chirurgie de haute qualité en acier, viroles argent sur manche ébène, ronce de noyer et corne. Cette instrumentation est reprise précisément dans le célèbre ouvrage de J.B. Gariot.
Pour plus d'informations sur ce coffret : expo89.htm
 

Coffret livre dentaire ca 1770

Nous avons pu examiner un autre coffret dentaire ayant appartenu au Dr Lesaing (1775-1851), éminent praticien de Nancy. Il fut exécuté par L.Henry autour de 1820, coutelier de la chambre des pairs, qui publia en 1825 son " Précis pour les instruments de chirurgie ", avec notamment deux planches d'instruments relatifs à l'art dentaire. Ce très beau coffret en acajou est équipé sur deux niveaux d'une remarquable instrumentation en acier, ébène, ivoire, vermeil, argent et or. D'une rare qualité de facture ce coffret est le seul connu restant de ce grand coutelier.
Pour plus d'informations sur ce coffret :  expo19.htm
 

Coffret du Dr Lesaing par L.Henry à Paris, ca 1820

Un autre grand coffret par Grangeret ca.1805, était aussi exposé : Coffret en acajou flammé, gainé de son velours olive d'origine avec deux niveaux d'instruments dentaires et d'oto-rhino-laryngologie par Pierre François Grangeret, membre d'une dynastie de couteliers des rois de France et de l'Empereur Napoléon qui exerçaient rue des Saints Pères à Paris.
Le plateau supérieur est instrumenté de 22 pièces pour nettoyages et soins opératoires, avec manches ivoire incrustés d'écus empire or, viroles et embouts or. Présence de trois canules de Belocq et de sondes opératoires ORL dorés et or. Le niveau inférieur est occupé d'instruments de chirurgie dentaire par quatre daviers, deux grands élévateurs, deux clefs de Garengeot et par un remarquable pélican de Grangeret complet de ses accessoires. Quelques cautères de fonds de gorges et fosses nasales avec leurs spéculi de protection. Tous ces instruments de haute coutellerie utilisant l'acier, l'ivoire, l'ébène et l'or.
Cet ensemble prestigieux, destiné à une certaine clientèle devait appartenir à un praticien de qualité. Les initiales J.G. sur le couvercle du coffret peuvent faire penser à J.Gariot, praticien français de la maison royale d'Espagne.
Pour plus d'information sur ce coffret : expo90.htm

 

	Coffret par P.F.Grangeret à Paris, ca 1805

Un autre coffret se trouvait en vitrine : Coffret de dentisterie par Georges Lüer à Paris ca.1850.
C'est un très exceptionnel ensemble, chef d'oeuvre de coutellerie médicale, certainement destiné à des concours d'expositions universelles.
Il est en marqueterie et loupe de thuyas avec instrumentation sur deux niveaux. La qualité des aciers, leur finition haute coutellerie, le choix des différentes agates pour les manches, l'esthétique raffinée de leurs formes agrémentées de viroles et d'embouts en vermeil en font des instruments remarquables. Pour les manches, en plus de l'ivoire et de la nacre gravée de rinceaux décoratifs, Georges Lüer a su sélectionner dans la famille des quartz des agates magnifiques de qualité comme de la cornaline, des jaspes, de la sardoine, des calcédoines et de l'agate rubanée. Naturellement le côté fonctionnel prioritaire d'une instrumentation dentaire de très haute qualité n'a pas été éclipsé par la virtuosité du maitre coutelier.
Pour plus d'informations sur ce coffret : expo59.htm

 

Coffret dentaire par Georges Lüer à Paris, ca 1850

 

Les organisateurs de cette exposition temporaire ont voulu consacrer tout un espace pour " l'aurification " avec une trousse instrumentale et un présentoir d'aurifications illustrant la technique. Il provient du musée A.P.Préterre (1821-1893) à Paris. Les aurifications sont des obturations dentaires effectuées avec des blocs ou feuilles d'or pur soigneusement tassés pour obtenir une auto adhésion compacte parfaite. Ce présentoir est destiné à la promotion de cette nouvelle technique importée par la communauté parisienne des dentistes américains. Avec ces véritables aurifications les praticiens de l'époque pouvaient alors constater l'excellente qualité de ce procédé.
A côté se trouve une trousse d'aurification de la maison DeTrey de Zurich vers 1900. Cet ensemble pour aurifications qui a appartenu au Dr Barthélémy de Nancy était destiné à des obturations de qualité difficiles à bien réaliser. Technique qui nécessitait de nombreux fouloirs spéciaux pour tasser différentes présentations d'or pur adhésif et cohésif après les avoir purifiées par un passage à la flamme sur plaque de mica. Pour empêcher la salive la pose de la digue était indispensable.
Pour plus d'informations sur les aurifications : expo21.htm

Technique des aurifications

 

 

PRÉSENTATION DE L' " OPERAY MULTIBEAM "

A l'occasion de ce congrès notre conservateur Valerio Burello présenta pour la première fois un fantastique système d'éclairage reçu en don pour le musée par le Dr Emma Castagnari de Turin. Autour des années 1950 la " Ohio Chemical and Manufacture Company ", de Madison dans le Wisconsin aux USA, produisit un nouveau modèle de son système d'éclairage chirurgical sans ombre des années 1935, principalement destiné aux salles opératoires hospitalières, mais disponible aussi pour des cabinets dentaires.
Il s'agit de l' " Operay multibeam ", un éclairage " explosion proof light ". Il est constitué d'une lampe centrale équipée de deux ampoules de 200 w, entourée de sept lentilles convexes concentrant et dirigeant la lumière vers 6 grands miroirs qui eux-mêmes redirigent six faisceaux de lumière bien séparés vers la bouche (un septième faisceau directement vers la bouche) produisant un éclairage multifaisceaux sans ombre. N'oublions pas que c'est la grande époque des énormes scialytiques ronds à glaces multi-facettes pour un éclairage aussi sans ombre. Le modèle présenté fut utilisé dans les années 1960 par les Docteurs Castagnari ?Asmara en Erythrée, alors en Ethiopie, puis réinstallé ensuite dans leur cabinet de Turin. C'est quand même une fabuleuse idée, un merveilleux équipement, un magnifique éclairage !

 

Operay multibeam , explosion proof light, ca 1950

Grâce à l'efficace gestion de Valerio Burello la collection du musée s'est particulièrement agrandie ces dernières années.
Pour plus d'informations consulter le supplément de l'expo originale sur le musée : expo71.htm
 

 

Quelques vues du musée dentaire de Turin

 

CONCLUSIONS et REMERCIEMENTS

Ces journées de " museologia medica " particulièrement dédiées aux collections dentaires furent suivies par de nombreux spécialistes constatant la très grande importance de l'Art Dentaire dans les collections médicales historiques. La présentation de nombreux coffrets prestigieux a permi de confirmer l'exceptionnelle qualité de la production dentaire parmi les collections médicales. Les visites approfondies directes de l'exposition temporaire avec de nombreux dialogues et commentaires de Valerio Burello furent très suivies et donnèrent lieu à d'importants échanges entre spécialistes. Une fois de plus c'est la preuve qu'une visite vivante en " live " ne peut être remplacée par une visite virtuelle. C'est la réponse unanime de tous les participants de la nécessité et l'obligation de conserver les collections et musées toujours vivants, ouverts, non enfermés dans un ordinateur.

Visites commentées par Valerio Burello

L'ASPAD tient tout particulièrement à remercier les sociétés scientifiques d'histoire médicale de ce congrès pour leur aimable invitation à participer à l'exposition temporaire. Félicitations à tous les organisateurs de cette " Giornata di museologia medica ", à toutes les sociétés historiques participantes pour la réussite de ce congrès. Au sein de l'Université degli Studi di Torino, remercions plus spécialement le principal organisateur Valerio Burello pour l'énorme travail de préparation pour cette prestation de remarquable qualité qui fut un réel succès.

Les actes du Congrès compilés par Valerio Burello

DOCUMENTATION PHOTOGRAPHIQUE DE VALERIO BURELLO ET DE L'ASPAD
avec la très aimable autorisation de l'Université degli Studi di Torino.