Texte : Clypeus
de Guillaume de Hénault,
alias Jean Pecquet (1655),
2e de cinq parties

Note [2]

Jean Pecquet (dans le dernier paragraphe, expérience i, de sa Nova Dissertatio) et Jean ii Riolan (dans un paragraphe inintelligible de son appendice de la réponse à Charles Le Noble, v. sa note [7]) ont parlé de la rate comme d’un second foie, mais sans aller jusqu’à en faire un lieu de sanguification.

La rate, comme le foie, produit des cellules sanguines au cours de la vie fœtale et lors de certaines maladies survenant après la naissance (hématopoïèse extramédullaire). Dans le chapitre xxxiii (pages 133‑134), De Liene, livre ii de son Anthropographie, {a} Riolan a résumé ce qui avait été écrit avant lui sur la sanguification splénique :

Inter Recentiores Vesalius, censet Lienem instar alterius Hepatis opitulari ad sanguinis confectionem, sed quomodo id fiat, non exponit. Varolius clarius id officium declarauit, videlicet crassiorem et sordidiorem chyli portionem ad truncum venæ Portæ delatam, per ramum Splenicum à Liene trahi et exugi, quam insita proprietate in sanguinem alterius speciei conuertit, multis partibus nutriendis idoneum et accommodatum.

Hanc opinionem sequutus videtur Bauhinus, multisque rationibus probauit. Vlmus verò edito eleganti libello de Liene, huius visceris aliam actionem profert, quam tuetur et mordicus retinet. Rossetus lib. de vsu Anastomoseon vasorum Cordis, à Rondeletio, vtriusque communi præceptore olim in Monspeliensi Academia publicatam fuisse testatur. Inter tam varias et discrepantes doctissimorum Medicorum sententias de Lienis officio, non ausim Palæmonis vices agere.

Non nostrum inter vos tantas componere lites :
Et vitulâ tu dignus, et hic.

Cuiusque opinio probabilibus nititur argumentis, quæ sigillatim conuellere, et laboriosum opus est, ac inuidiosum, atque receptam in scholis Galeni opinionem improbare nefas est videtur ? Sed cùm ipse Galenus ab Hippocrate et Aristotele dissentire non vereatur, cur nobis non licebit meliorem sequi et amplecti opinionem ? quum magnitudo nostræ professionis vnicuique liberum permittat arbitrium.

[Parmi les auteurs modernes, Vésale {b} pense que, comme un second foie, la rate vient à son aide pour fabriquer le sang, mais n’explique pas comment cela se fait. Varole {c} a plus clairement exposé cette fonction : la portion du chyle qui est la plus épaisse et la plus impure est transportée dans le tronc de la veine porte, d’où, en passant par sa branche splénique, elle est attirée et sucée par la rate, qui a la propriété innée de la convertir en un sang d’une seconde espèce, apte et propre à nourrir de nombreuses parties du corps.

Bauhin {d} semble avoir suivi cette opinion et l’a étayée de nombreux arguments. Toutefois, Umeau, dans l’élégant opuscule qu’il a publié de Liene, propose une autre action pour ce viscère ; il la défend et revendique mordicus, {e} mais Rousset, dans son livre de usu Anastomoseon vasorum Cordis, témoigne que Rondelet, qu’ils ont jadis eu tous deux pour professeur à l’Université de Montpellier, lui a enseigné cette hypothèse. {f} Devant les avis si variés et divergents de forts savants médecins sur la fonction de la rate, je n’oserais pas agir à la manière de Palémon :

Non nostrum inter vos tantas componere lites :
Et vitulâ tu dignus, et hic
. {g}

Chacun fonde son opinion sur des arguments probables, qu’il est laborieux et mesquin de démolir un par un, et ne semble-t-il pas défendu de contredire celle de Galien qu’on a apprise à la faculté ? Pourtant, puisque ledit Galien a osé n’être pas d’accord avec Hippocrate et Aristote, pourquoi ne nous serait-il pas permis de suivre et adopter un meilleur avis que le sien ? La grandeur de notre profession est de laisser chacun exercer son libre arbitre]. {h}


  1. Opera Anatomica vetera et nova (Paris, 1649, vBibliographie).

  2. V. note [21], seconde Responsio de Riolan, première partie, pour André Vésale.

  3. V. note [8‑2], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre iii, pour Constant Varole.

  4. V. note [7], première Responsio de Riolan, chapitre i, pour Caspar Bauhin.

  5. V. notes Patin 6/1152 et 2/1154 pour François Umeau (Ulmus) et son livre « sur la Rate » (Paris, 1578), où il imaginait que la rate élaborait le sang à partir du chyle, mais pour le cœur et non pour le foie.

  6. « Sur l’Utilité des anastomoses des vaisseaux cardiaques [chez le fœtus] » de François Rousset (Rossetus, l’inventeur de la césarienne chez la femme vivante, vnote Patin 7/159), Paris, Dionysius Duvallius, 1603, in‑8o de 100 pages.

    V. note [16], Appendice de la lettre de Riolan à Le Noble, pour Guillaume Rondelet (Rondeletius).

  7. « Il ne m’appartient pas de juger un si grand différend entre vous. Vous méritez tous deux une génisse [le premier prix] » : Virgile, Bucoliques, églogue iii, conclusion de Palémon pour régler une dispute entre deux autres bergers.

  8. Galien pensait que la rate ne pouvait pas produire de sang. Il est tout de même délicieux de lire cela sous la plume de Riolan, dont un argument favori était de brandir l’autorité de Galien.

    V. note [39], seconde Responsio, première partie, pour d’autres rêveries de Riolan sur le rôle de la rate dans la sanguification.



Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Clypeus
de Guillaume de Hénault,
alias Jean Pecquet (1655),
2e de cinq parties, note 2.

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(Consulté le 08/12/2025)

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