Les artifices tendant à prouver l’attraction s’écroulent. [1]
Des expériences qui confondent les obstinés et soumettent les incrédules, ayant démontré que l’air écrase le globe terraqué parce qu’il est, plus encore qu’une poignée de laine, composé d’un amoncellement de parties intriquées et que son élasticité [2] le pousse naturellement à se dilater, j’entreprends d’examiner les artifices des partisans de l’attraction. [3]Force expériences font clairement voir que ce n’est pas l’horreur du vide [1][4] qui arrête la montée de l’eau dans les machines hydrauliques, mais la nécessité d’équilibrer les poids.
Le fonctionnement de la pompe [2][5][6] doit être examiné en premier, car c’est le principal argument de ceux qui, pensant en avoir fini avec notre sentence et que rien ne peut être opposé à la leur, [Page 63 | LAT | IMG] ont donné au cœur le titre de pompe vitale. De même, disent-ils, que le piston aspire l’eau en montant et l’expulse en descendant, de même le cœur aspire le sang en l’attirant pendant la béance de la diastole, puis l’éjecte pendant la contraction de la systole. [7]
Les ingénieurs font si communément mention des pompes, qu’ils appellent aspirantes, que ce nom parle aux oreilles de tout le monde ; mais bien qu’on les utilise fort souvent pour puiser les liquides, personne n’a encore identifié le véritable agent ou la cause authentique du mouvement fluide dans ces machines si couramment employées.
Ceux qui les conçoivent, comme tous ceux qui s’intéressent à l’hydraulique, [3][8] ont pensé que l’ascension du piston puise l’eau et la fait monter, et que l’horreur du vide [1] contrarie sa tendance naturelle à s’écouler vers le bas ; mais je démontre comme suit qu’ils raisonnent de travers.
L’air comprime partout le globe terraqué non seulement par son poids, comme nous l’avons prouvé, mais surtout par la très puissante poussée de son élasticité intrinsèque. En tout lieu où l’amas des parties de l’air agira avec la même force sur les eaux qui lui sont soumises, il sera donc vrai qu’elles s’équilibrent à la même hauteur. Si la poussée de l’air était inégale, il faudrait que les surfaces des eaux diffèrent en élévation, montant plus haut là où la pression de l’air est plus légère ; et ce jusqu’à ce que la masse de l’eau, avec l’air qui appuie sur elle, équilibre son poids avec celui d’un air plus lourd.
Il t’est facile d’apprendre cela en observant la mécanique d’un seau. [9]
[Page 64 | LAT | IMG] Prends-en un de forme cylindrique (A) et remplis-le d’eau au moins jusqu’à mi-hauteur, puis pose à sa surface un couvercle en forme de disque (BCD), dont le centre est perforé (D, pour y faire pénétrer verticalement un tube de verre DE), et dont le pourtour (BCD) jouxte la paroi du seau en restant capable de monter et descendre, tout en empêchant l’eau d’en déborder. Si tu alourdis franchement le disque en y plaçant des poids (FF), il s’enfonce en comprimant l’eau qui est au-dessous de lui, tout autour du trou (D), laquelle s’engouffrera dans le tube perpendiculaire (DE), jusqu’à atteindre, sous l’effet de la poussée, le point (G) d’équilibre des charges.
Telle est la force qui fait monter l’eau dans une pompe.
Quand la pompe est encore au repos, avant que le piston ne soit introduit dans son tube, la poussée [Page 65 | LAT | IMG] que l’élasticité de l’air exerce sur l’eau n’étant pas moindre dedans que dehors, les deux niveaux de l’eau sont égaux, à l’extérieur et à l’intérieur du tube ; mais quand un piston y est ajusté puis tiré vers le haut, il soulève aussi en même temps la colonne perpendiculaire d’air qui est dans le tube et emporte entièrement la charge qui s’y trouve, et l’eau, que comprime alors plus rudement la poussée inchangée de l’air extérieur qui la surplombe, se précipite dans le refuge aisément accessible que lui offre le tube ; et elle s’y élève jusqu’à atteindre la hauteur de trente-deux pieds, où son poids s’équilibre enfin avec celui de l’air ambiant ; car la règle du contrepoids (si nous en croyons les données expérimentales) ne permettra pas à l’eau qui jaillit dans le tube ou dans la pompe d’atteindre un niveau supérieur à celui-là, si haut que vous en éleviez le piston. [4]
Tu admireras aussi le même phénomène avec le mercure : dans un tube ou dans une pompe, sa colonne ne monte pas plus haut que vingt-sept pouces au-dessus de la surface de la cuve qui le contient ; car une telle colonne de mercure pèse à peu près aussi lourd qu’une colonne d’eau de trente-deux pieds.
Si fort qu’on tire un piston vers le haut, il ne fait monter l’eau dans un tube au-dessus de trente-deux pieds, ni le mercure au-dessus de vingt-sept pouces. Ainsi l’horreur du vide, qui se trouverait dans les plus hauts lieux de la Nature, n’impose-t-elle pas aux liquides de lui obéir ; et ainsi la poussée de l’air, dont la minime capacité à équilibrer les poids s’épuise vite, n’écrase-t-elle pas le monde terraqué sous l’effet de son élasticité illimitée. [5]
Puissent donc les fontainiers remarquer, comme tous les ouvriers qui espèrent tirer avantage du [Page 66 | LAT | IMG] siphon recourbé [6][10] pour faire monter les eaux d’un lieu à un autre plus élevé, qu’ils s’y échineront en vain si l’altitude du mont dépasse trente-deux pieds au-dessus de la source. Le même jugement ferme et irrévocable vaut pour la hauteur atteinte par ce qu’ils appellent des pompes aspirantes. Je laisse de côté les autres pompes, en particulier celles dont le godet plonge dans l’eau pour la puiser à la manière d’un seau, sans limite de hauteur hormis celle qu’impose la force qu’on applique sur le godet, mais ce mécanisme n’a rien à voir avec l’horreur du vide ou la pesanteur de l’air. [7]
Étant donné que, pour presser l’eau à monter, une pompe n’exerce pas une attraction, mais fait varier la pesanteur élastique de l’air ambiant, il n’y a aucune raison de nous attarder plus longtemps à réfuter les arguments que nos contradicteurs tirent de cette machine pour démontrer que le cœur agit par attraction.
Les soufflets n’aspirent pas l’air, ils ne font que recevoir celui qui les a pénétrés de l’extérieur. [8][11][12] Il n’est pas fort heureux d’arguer que le cœur se remplirait par un phénomène de succion ou d’attraction, car les soufflets n’attirent ni ne sucent l’air, mais le poussent à entrer sous l’effet d’une force extérieure.
L’air qui reste tapi dans les interstices d’un soufflet replié ou fermé possède la même élasticité que l’air ambiant qui l’entoure, et si on ne les met pas en mouvement, l’un et l’autre reposent en équilibre ; quand tu écartes ses flasques, le peu d’air qu’il contient se détendrait sous l’effet de sa dilatation spontanée (comme a prouvé la vésicule de carpe) [13][14] si l’air extérieur, comme tout fluide contenu dans un entonnoir et tout proche de sa sortie, ne subissait pas alors une très puissante poussée qui [Page 67 | LAT | IMG] le contraint à entrer dans le soufflet pour l’équilibrer.
La force de la dilatation aérienne, qui tient à son élasticité propre, ne s’exprime pas tant qu’une cause extérieure ne la réveille pas. Celui qui me parlera de l’attraction que le feu engendre dans les éolipyles [15] ou les ventouses [16] n’aura pas non plus l’heur de me convaincre ; et pour que tu comprennes comment je le contredis, voici ce que je pense des effets de la chaleur.
Nul ne doute que l’air se dilate à la moindre chaleur, mais d’une manière différente de celle qui provoque parfois sa dispersion, parce que sa dilatation spontanée affaiblit la puissance de sa vertu élastique comme le prouvent les expériences de la vésicule de carpe et du vide dans le vide ; [17] mais en vérité cette dilatation provoquée par le chauffage, qui ne provient pas de l’air lui-même, renforce son élasticité quand la chaleur augmente, et la réduit peu à peu quand elle diminue.
Le thermomètre montre que la chaleur augmente non seulement la masse de l’air, mais aussi celle de l’eau. Quand on maintient la main ou une braise au contact direct de l’ampoule supérieure d’un thermomètre, [18] l’eau qu’elle contient descend : c’est une solide preuve que la poussée engendrée par la dilatation de l’air, qui se trouve aussi à l’intérieur de l’ampoule, surpasse celle de l’eau, qu’elle chasse vers le bas.
La chaleur n’augmente pas seulement le volume de l’air, mais aussi celui de l’eau, comme le montre aisément l’expérience qui suit : [19] au milieu du tube du thermomètre, veuille mettre en suspension [Page 68 | LAT | IMG] une petite quantité d’eau (C), de manière qu’une bulle d’air l’empêche de descendre ; le chauffage de l’ampoule supérieure (A) non seulement pousse vers le bas l’eau qui est en C (sous l’effet soit de la dilatation de l’air qui est en A, soit de la raréfaction des parties aériennes de l’eau qui descend), mais augmente sa taille, en la faisant passer d’à peine deux à près de trois graduations.
Je ne formule aucune loi sur le mouvement de l’eau qui est en C, car j’ai observé qu’il lui arrivait très souvent de rester suspendue à bonne distance de l’eau qui émerge du réservoir B, mais en dépit de toute ma diligence, je ne suis pas parvenu à la réduire. [9]
Quand l’air s’est refroidi en A, l’eau C a reflué vers le haut : la chaleur ayant augmenté son élasticité, l’effet inverse s’observe quand elle se dissipe. [Page 69 | LAT | IMG]
Comment la chair et le sang font intrusion dans une ventouse. La chaleur chasse d’une ventouse la plus grande partie de l’air qui y est répandu. La flamme s’éteint quand on appuie ensuite fortement la ventouse sur la peau, l’air extérieur ne pouvant plus y pénétrer, car le verre empêche peut-être le mouvement des esprits ignés qu’il contient. [10][20][21] Ensuite, la chaleur que provoquait ce mouvement s’atténue, l’air contenu dans la ventouse refroidit, il se détend en perdant la force que la chaleur lui avait procurée, et la poussée de l’air extérieur surpasse la sienne ; cet air du dehors, comprimant de manière égale la peau qui entoure l’espace enclos par la ventouse, y fait pénétrer la chair et le sang (à la manière des liquides dans les pompes).
Ajoutons-y que les particules d’air contenues dans l’ampoule de verre n’ont pas une moindre propension que celles du dehors à se dilater sous l’effet de l’élasticité, et font saillir la chair et le sang qui leur sont soumis sous la forme d’une enflure. Lorsque l’air enfermé dans la ventouse aura commencé à refroidir et que, de ce fait, sa pression aura diminué, l’air qui s’est égaré dans les pores cutanés [22] en sera libéré et, du fait de sa propre élasticité, fera à son tour saillir la peau.
Certains disent néanmoins que, la neige ou tout objet froid mis au contact de la ventouse la détache de la chair ; et qu’au contraire, l’application d’un linge chaud, comme les chirurgiens ont coutume de faire, augmente l’attraction qu’exerce la ventouse en empêchant que le refroidissement ne diminue l’élasticité de l’air qu’elle contient.
J’ignore en vérité dans quelle intention ils m’objectent cela car l’expérience m’a maintes fois convaincu du strict contraire : [Page 70 | LAT | IMG] j’ai très souvent mis de l’eau froide ou même de la neige sur la peau où je posais une ventouse, mais l’air qu’elle contenait s’est alors densifié si rapidement qu’il a sur-le-champ soulevé la chair, non sans provoquer une très vive douleur ; mais elle a disparu et l’enflure a diminué aussitôt que j’ai couvert la ventouse avec un linge très chaud. Il n’est pas étonnant que les chirurgiens recourent au même procédé de réchauffement pour ne pas provoquer de douleur trop violente ou ne pas induire une saillie excessive des chairs, ou même pour que le sang ne s’épanche pas en trop grande abondance. [11]
Ne va pas non plus penser que je n’ai appliqué la ventouse que sur des corps vivants, je l’ai fait avec le même résultat sur des cadavres, et même sur des liquides : poses-en donc une à la surface d’une marmite d’eau qui bout sur un feu bien nourri ; quand tu auras éteint le feu et que l’eau aura tiédi, tu seras très étonné de la voir monter dans la ventouse ; et si tu poses dessus un linge mouillé d’eau froide, voire de la neige ou de la glace, tu la verras se remplir plus encore, sous l’effet de la contraction supplémentaire de l’air qu’elle contient, provoquant la diminution de son élasticité.
Comment l’eau pénètre dans un éolipyle qu’on a chauffé. Placés dans un feu bien nourri, l’éolipyle perd la plus grande partie de l’air qu’il renferme ; et lorsque le peu d’air qu’il contient encore a refroidi et perdu de sa force élastique, et qu’on plonge le petit canal qui forme la queue de la machine dans l’eau, elle s’y rue non sans grande impétuosité, comme en atteste le bruit éclatant qu’elle produit alors. [12][23]
Ainsi l’argument de l’attraction [Page 71 | LAT | IMG] qui s’appuyait sur l’effet de la chaleur s’écroule-t-il aussi. [13]
D’autres manières dont l’air dispose pour sortir de l’éolipyle sont proposées et expliquées. Un autre moyen permet de remplir les éolipyles, qui est la succion. S’il est confirmé, un très solide argument contre l’impulsion que je défends est que, comme tout le monde le pense, quand nous suçons, l’air est entraîné en arrière vers la gorge. Je prends donc la liberté d’élucider ce profond mystère.[24]
Mets-toi dans la bouche la queue d’un éolipyle, de manière à établir une intime continuité de l’air contenu dans ces deux cavités. Tant que tu ne bouges pas la langue et ne gonfles pas la poitrine, l’air (c’est-à-dire celui de ta bouche et celui de l’éolipyle) reste en repos en respectant la loi de l’équilibre ; mais si tu bouges la langue ou la poitrine, l’air se mobilisera nécessairement dans les deux cavités. Cherchons maintenant, s’il te plaît, à comprendre comment l’un ou l’autre de ces deux mouvements permet de vider l’air de l’éolipyle.
Utilise seulement soit la dilatation de tes poumons, en gonflant la poitrine, [14] soit la succion de ta seule langue, en la collant contre le palais, comme il vient à l’idée de n’importe qui.
Dans le premier cas, toute la poitrine se distend, sans qu’en même temps ne s’insinue le moindre souffle d’air (extérieur à la bouche et à l’éolipyle) par les lèvres serrées ou par les narines. Le thorax élargi ouvre à l’air éolipylaire [15] un espace plus vaste que la cavité contiguë de la bouche. Disposant de place, l’air de la bouche se répand en direction de la poitrine, ce qui rend son élasticité moindre que celui qui est enfermé à l’intérieur de l’éolipyle ; lequel, [Page 72 | LAT | IMG] percevant alors qu’il n’est plus contenu par aucune contrainte, se dilate et se répand hors de l’éolipyle, tant que la poussée plus faible de la bouche le lui permet.
Dans le second cas, toute la langue se colle à la voûte entière du palais, ainsi qu’à la queue de l’éolipyle, dont l’orifice se place sur le milieu de la langue qui la sépare du palais, et où son appui très serré creuse un sillon ; en sorte que c’est cette force de succion, en agissant dans l’espace qui s’ouvre à l’air éolipylaire, bien qu’il ne soit pas vide, mais empli des particules d’air piégées dans les anfractuosités des téguments de la langue et du palais, qui provoque la dilatation du dit air (je veux parler de l’air éolipylaire) sous l’effet de son élasticité, et l’invite ou incite spontanément à sortir (c’est-à-dire à passer de l’éolipyle dans la cavité buccale) ; sans qu’il soit contraint à jaillir en y étant attiré, comme le pensent nos contradicteurs.
Quand, par l’un ou l’autre procédé, autant d’air qu’on voudra se sera écoulé hors de l’éolipyle, s’il est subitement [16] plongé dans l’eau, elle sera pressée d’y pénétrer sous l’effet de l’air ambiant qui se trouvera alors plus dense que dans la machine ; et ce jusqu’à ce qu’elle trouve le repos, après que les forces des deux airs, intérieur et extérieur, se seront équilibrées.
C’est par le même procédé que tu as jadis tété ton lait, et que bien souvent les enfants d’un grand buveur percent furtivement ses tonneaux pour y puiser à l’aide d’un chalumeau, ou les vident avec un siphon : [17] l’écoulement des liquides est dû à la poussée de l’air ambiant, et proportionné à l’aspiration de la bouche ou de la gorge.
Ainsi donc s’écroulent les principaux artifices que nos contradicteurs avaient mis en avant pour établir l’attraction : si en effet le cœur attirait, il devrait s’acquitter de cette tâche de la même façon qu’un piston de pompe, un soufflet, une ventouse ou enfin une bouche qui hume ; [Page 73 | LAT | IMG] mais puisqu’il est clair qu’un liquide ne pénètre par attraction ni dans une pompe, ni dans un soufflet, ni dans une ventouse, ni dans la bouche de celui qu’on dit sucer, je pense qu’il est faux de dire que le cœur est doté d’une faculté attractive. [18]
« La nature a horreur du vide » est un principe aristotélicien {a} que René Descartes {b} a repris, mais que Blaise Pascal a rejeté dans la préface des ses Expériences nouvelles touchant le vide…, {c} en commentant la découverte d’Evangelista Torricelli : {d}
« Cette expérience ayant été mandée de Rome au R.P. Mersenne, {e} minime à Paris, il la divulgua en France en l’année 1644, non sans l’admiration de tous les savants et curieux ; par la communication desquels étant devenue fameuse de toutes parts, je l’appris de M. Petit, intendant des fortifications et très versé en toutes les belles-lettres, qui l’avait apprise du R.P. Mersenne même. Nous la fîmes donc ensemble à Rouen, ledit sieur Petit et moi, de la même sorte qu’elle a été faite en Italie, et trouvâmes de point en point ce qui avait été mandé de ce pays-là, sans y avoir pour lors rien remarqué de nouveau.Depuis, faisant réflexion en moi-même sur les conséquences de ces expériences, elle me confirma dans la pensée, où j’avais toujours été, que le vide n’était pas une chose impossible dans la Nature, et qu’elle ne le fuyait pas avec tant d’horreur que plusieurs se l’imaginent.
Ce qui m’obligeait à cette pensée était le peu de fondement que je voyais à la maxime si reçue que la Nature ne souffre point le vide, qui n’est appuyée que sur des expériences dont la plupart sont très fausses, quoique tenues pour très constantes ; et des autres, les unes sont entièrement éloignées de contribuer à cette preuve, et montrent que la Nature abhorre la trop grande plénitude, et non pas qu’elle fuit le vide ; et les plus favorables ne font voir autre chose, sinon que la Nature a horreur pour le vide, ne montrant pas qu’elle ne le peut souffrir. »
- V. note [13], Dissertatio anatomica, chapitre viii, pour les quelques philosophes qui ont âprement débattu sur l’horror vacui, que Jean Pecquet préférait appeler metus vacui [peur du vide], mais ma traduction a préféré le terme consacré d’« horreur du vide ».
- V. infra note [12].
- Paris, 1647 (v. notule {f}, note [18], Dissertatio anatomica, chapitre viii), Au lecteur, 2e et 3e pages.
- À Florence, v. notule {c}, note [6], Dissertatio anatomica, chapitre viii.
- V. notes [4] de la lettre de Pierre de Mercenne pour Marin Mersenne (1599-1648), et Patin 36/469 pour Pierre Petit (1594-1677).
Pompe {a} (Furetière) :
« Machine pour élever des eaux. Elle est composée d’un tuyau renforcé, qu’on appelle le corps de pompe. On appelle le pot d’une pompe, l’endroit par où entre l’eau pressée par le piston. {b} Il y a au bas une soupape qui s’ouvre pour laisser entrer l’eau, et qui se ferme pour l’empêcher d’en sortir. Elle a aussi un piston qui s’abaisse et qui s’élève par le moyen d’une manivelle qu’on appelle brimbale. Il y a des pompes aspirantes qui élèvent l’eau à 32 pieds {c} par le seul poids de l’air ; d’autres qui agissent par compression, qui l’élèvent à toutes sortes de hauteurs. La plus belle de toutes les machines hydrauliques est la pompe inventée par Ctesibius, qui lui a donné son nom latin organum Ctesibicum. » {d}
- Pompê ou antlion en grec, antlia en latin.
- Embolos, embolus.
- Environ 10,4 mètres, v. infra note [4].
- « Machine de Ctésibios », ingénieur d’Alexandrie au iiie s. av. J.‑C., père de l’hydraulique (v. infra note [3]).
Hydraulique (Furetière) :
« Science qui enseigne la conduite des eaux, et le moyen de les élever, tant pour les rendre jaillissantes, que pour autres usages. […] Ce mot d’hydraulique signifie “ eau sonnante ”, parce que dans la première invention des orgues, où on n’avait pas encore eu l’idée d’y appliquer des soufflets, on se servait d’une chute d’eau pour y faire entrer le vent, et les faire sonner. […] Ce mot vient du grec hydraulis, qui est composé d’hydor, aqua [eau], et d’aulos, tibia, flûte, ou instrument de musique. »
Exemple théorique (étant donné ses dimensions) de la pompe aspirante (v. supra note [2]) dont le piston ne peut faire monter l’eau au-dessus de 10,4 mètres (32 pieds), qui équivalent aux 760 millimètres (27 pouces) de mercure de la pression atmosphérique.
Autrement dit, une pompe ferait monter les liquides sans limite de hauteur si l’horreur du vide agissait (mais elle n’existe pas, v. supra note [1]), ou si la pesanteur et l’élasticité de l’air étaient infinies (mais elles n’exercent heureusement sur la Terre qu’une pression de 780 millimètres de mercure, soit 104 kilopascals).
V. note [1], Dissertatio anatomica, chapitre vi.
L’élévation des godets des roues hydrauliques (norias) recourt en effet à un principe tout à fait différent de celui des pompes aspirantes. Jean Pecquet n’a pas jugé bon de parler des pompes refoulantes (refluantes) qui mettent à profit la descente du piston (systole) et l’aide d’une soupape pour chasser l’eau dont sa montée (diastole) a rempli le tube.
Composé de deux panneaux articulés rigides (dénommés « flasques », comme les flancs d’un canon), joints par un morceau de cuir (« peau » ou « quartier »), un soufflet (follis en latin) est un « instrument qui sert à souffler en attirant le vent, et puis en le comprimant pour le faire sortir par un trou étroit avec violence ». Bien qu’Antoine Furetière fût un scrupuleux lexicographe, il n’établissait pas la nuance que Jean Pecquet s’acharnait à instaurer entre l’attraction, qui fait intervenir une force alors inexplicable, semblable à celle de l’aimant, et l’élasticité, qui crée un vide relatif, expliqué par la dilatation de l’air.
Jean Pecquet voulait prouver que la chaleur dilate à la fois l’air et l’eau (que le calibre très fin du tube rend visible), mais convenait que, dans sa curieuse expérience, la descente de l’eau en suspension dans le tube était inconstante.
Depuis l’Antiquité jusqu’au milieu du xxe s. qui les a mises au rebut, les ventouses (v. note [4], résumé de la Dissertatio anatomica) ont été employées de multiples façons. Celle dont Jean Pecquet explique ici les mécanismes était la plus communément utilisée de son temps : on enflammait un morceau d’étoupe attaché au fond de la petite cloche de verre, dont on appliquait fermement la base sur la peau ; le vide relatif créé par la flamme l’éteignait rapidement et provoquait une saillie de la chair circonscrite par la ventouse. Dans les années 1770, les « esprits ignés » de l’air sont devenus l’oxygène.
Même sans y associer de piqûres ou de scarifications cutanées, la pose d’une ventouse visait à provoquer un épanchement de sang dans le derme, sous la forme d’un hématome comparable à celui que provoque une contusion, ce qui lui a valu le nom plus tardif de « saignée capillaire ».
René Descartes avait alors donné une très claire (mais incomplète) description illustrée de l’éolipyle dans le Discours quatrième, Des Vents, pages 189‑191, de son Discours de la Méthode pour bien conduire la raison et chercher la vérité dans les sciences. Plus la Dioptrique, les Météores et la Géométrie, qui sont les essais de cette Méthode : {a}
« Toute agitation d’air qui est sensible se nomme vent, et tout corps invisible et impalpable se nomme air. Ainsi lorsque l’eau est fort raréfiée et changée en vapeur fort subtile, on dit qu’elle est convertie en air, nonobstant que ce grand air que nous respirons ne soit, pour la plus < grande > part, composé que de parties qui sont fort différentes de celles de l’eau, et qui sont beaucoup plus déliées. {b} Et ainsi l’air étant chassé hors d’un soufflet, ou poussé par un éventail, se nomme vent ; nonobstant que ces vents plus étendus qui règnent sur la surface de la mer et de la terre, {c} ne soient ordinairement autre chose que le mouvement des vapeurs qui, en se dilatant, passent d’un lieu où elles sont en quelque autre où elles trouvent plus de commodité de s’étendre. En même façon qu’on voit en ces boules nommées éolipyles {d} qu’un peu d’eau s’exhalant en vapeur fait un vent assez grand et assez fort à raison du peu de matière dont ils se composent. Et pource que ce vent artificiel nous peut beaucoup aider à entendre quels sont les naturels, il sera bon ici que je l’explique. ABCDE est une boule de cuivre ou quelque autre matière, toute creuse et toute fermée, excepté qu’elle a une fort petite ouverture en l’endroit marqué D ; {e} et la partie de cette boule ABC étant pleine d’eau, et l’autre, AEC, étant vide, c’est-à-dire ne contenant que de l’air, on la met sur le feu ; {f} puis la chaleur agitant les petites parties de l’eau, fait que plusieurs s’élèvent au-dessus de la superficie AC, où elles s’étendent et s’entrepoussent en tournoyant, et font effort pour s’écarter les unes des autres en la façon ci-dessus expliquée. Et pource qu’elles ne peuvent ainsi s’écarter qu’à mesure qu’il en sort quelques-unes par le trou D, toutes les forces dont elles s’entrepoussent conspirent ensemble à chasser par là toutes celles qui en sont les plus proches, et ainsi elles causent un vent qui souffle de là vers F. Et pource qu’il y a toujours de nouvelles parties de cette eau qui, étant enflées par la chaleur au-dessus de cette superficie AC, s’étendent et s’écartent l’une de l’autre, à mesure qu’il en sort par le trou D, ce vent ne cesse point que toute l’eau de cette boule ne soit exhalée, ou bien que la chaleur qui la fait exhaler n’ait cessé. »
- Leyde, Jan Maire, 1637, in‑4o de 413 pages.
- Précieuse définition de l’air, qui a depuis été dénommé gaz.
- Le « globe terraqué » cher à Jean Pecquet.
- On attribue l’invention de l’éolipyle à Héron d’Alexandrie, au ier s. de notre ère (v. note Patin 7/1181).
- La figure, à laquelle les lettres font référence, montre que cet orifice est muni d’un petit bec, que Pecquet appelle la queue de l’éolipyle.
- Contrairement à Pecquet, Descartes n’explique pas comment on a fait entrer de l’eau dans l’éolipyle et, en conformité avec Aristote, il définit le « vide » comme un espace rempli d’air, et non vide de toute matière, ainsi que l’a découvert Blaise Pascal, fidèlement suivi par Pecquet (v. supra note [1]) : pour eux, la création d’un vide partiel dans l’éolipyle, par chauffage ou aspiration de l’air qu’il contient, était le moyen le plus efficace d’y faire pénétrer de l’eau.
Le vide et non quelque hypothétique attraction (semblable à celle d’un aimant) provoquait les effets de la chaleur que Jean Pecquet avait observés sur le thermomètre, les ventouses et l’éolipyle.
Jean Pecquet omet ici de préciser que la mise en action des muscles inspiratoires ne provoque d’aspiration dans la bouche que si les narines sont bouchées et les lèvres serrées autour de la queue de l’éolipyle (dont il ne dit pas non plus qu’il est froid, rempli d’air et vide d’eau).
« Éolipylaire » est ma traduction néologique de l’adjectif æolipilaris, néolatinisme savant que je n’ai vu que sous la plume de Jean Pecquet.
Jean Pecquet sous-entend par l’adverbe subito que, pour la réussite de l’expérience, le transfert doit être immédiat : la queue de l’éolipyle a beau avoir un canal très fin, il ne faut pas l’exposer plus d’un très bref instant à l’air ambiant si on veut éviter qu’il ne soit aspiré dans la machine ; le mieux devait être de la laisser directement tomber, queue en bas, dans une bassine d’eau que l’expérimentateur avait placée juste au-dessous de sa bouche.
Le choix de cet exemple est pour le moins curieux : Jean ii Riolan ne s’est pas rué sur l’occasion, mais les esprits malveillants pourraient penser que Jean Pecquet n’a pas attendu d’être adulte pour apprécier les boissons fermentées ou distillées.
Ce paragraphe était plus laconique dans l’édition de 1651 (page 71) :
Atque ita dirutis, quas præcipuas in Attractionis stabilimen adversarij machinas intenderant, non est quòd diutiùs in supervacaneis immoremur.[Et ainsi démolissez-vous les principales mécaniques que nos contradicteurs avaient mises en avant pour établir l’attraction, mais il est inutile que nous nous attardions plus longtemps à ces superfluités].
Page 62, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.
Caput ix.
Intensæ {a} in Attractionis subsidium
Machinæ diruuntur.Demonstrato Experimentis pertina-
ciam obruentibus, et dubiam subju-
gantibus fidem ; ut plusquam in laneo
cumulo, intricatarum partium agge-
stus in aëre permeat, et innatus eidem
ad rarefactionem Elater contundat
terraqueum orbem ; Eorum machinas, qui Attra-
ctionem propugnant, examinandas aggredior.Non vacui metu, sed æquipondii necessitate in ma-
chinas Hydraulicas aquam intrudi, terminatus
in iisdem aquæ ascensus et Experimenta planum
faciunt.Ac primùm quidèm Antliæ munus, quod ipsi
præcipuum autumant, observandum venit. Pu-
tant enim actum de nostrâ sententiâ, nihilque fore
quod objici queat, cùm, insigni nomenclaturâ, vi-
- Sic pour : Intentæ.
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talis Antliæ titulum cordi contulêre. Sicut enim, in-
quiunt, exugit aquam exurgens Embolus, et deci-
dens retundit ; ita cor diastoles hiatu Sanguinem at-
trahendo exsorbet, quem in pressurâ systoles cogit
facessere.Tam vulgaris est Antliarum, quas quidem aspiran-
tes vocant, in mechanicis mentio, ut earundem ne-
mo munus ignoret, ubi nomen audiverit : sed utcun-
que sit frequens exhauriendis usus liquoribus, non
fuit tamen hactenùs, qui verum in tantæ utilitatis in-
strumento humidæ mobilitatis incitabulum genui-
nám-ve causam agnoverit.Arbitrati sunt Inventores, et quotquot deinceps
in Hydraulicis versati sunt, trahi aquam exugíque
ascensu Emboli, qui dum surgit, aquas excitet, et,
ut sursum ferantur contra deciduæ naturæ suffugium,
vacui acceleret metu. At rectè sapiant nec ne, se-
quentibus monstro ratiociniis.Comprimitur circumquaque terraqueus orbis,
aëris non tantùm, ut probavimus, pondere, sed et
Elateris eidem innati robustissimo connixu ; Ergo ubi
aëriarum partium aggestus in subjectas aquas aget æ-
qualiter, etiam æquum erit earundem superficies
æqualis altitudinis libramento æmulas consistere.
Quod si aëris fuerit inæqualis nisus, inæquales quo-
que necessum est aquarum superficies evadere : sicut
altiùs aqua protuberet, ubi levior aëris pressura ; tan-
diuque superficiem elevet, donec assurgens aquæ
moles unà cum eo, quem sustinet, aëre, alteri tandem
aëri, qui sit pressuræ gravioris, æquiponderet.Id et in Situlâ mechanicè te promptum est edo-
ceri.
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Habe cylindra-
ceam A, et dimi-
diam ad minus
compleas aquâ,
tùm istuc ingere
cooperculi dis-
cu BCD, cu-
jus et pervium
(hiscente perpen-
diculariter tubo
DE vitreo) sit
meditullium D,
et orbile BCD,
ambienti situlæ
mobiliter conti-
guum, exubera-
turi aliàs liquoris
eruptionem re-
moretur ; sanè, si
congesto discum
pondere FF,
deorsum oppres-
seris, protrusum
tunc subtus un-
dique circum fo-
ramen D, elementum, stantem DE, tubulum in-
gurgitabit, donec, æmulâ gravitate, æquipondij
scaturiendo punctum G, attigerit.Et hoc est ascendentis Antliam aquæ incitamen-
tum.Antequam Antliæ jam quidem in aquâ stantis,
injiciatur Embolus tubo, interiorem non minùs,
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quàm exteriorem aquam Elasticum aëris atterit pon-
dus, quo fit, ut et utrinque hoc est, intra pariter ac
extra tubum, aquæ superficies eadem consistant al-
titudine, ast ubi coaptatus est Embolus tubo, sur-
súmque extollitur, etiam simul attolit, quam per-
pendicularem sustinet, aëris columnam ; hinc grava-
men intra tubum penitus aufertur, ac tum aqua quam
acriùs perpetua incumbentis exteriùs aëris urget pres-
sura, in facilis tubi truditur refugium ; ascensura cer-
tè tandiu, donec ad duos circiter supra triginta de-
venerit pedes, illícque circumfuso aëri tandem æqui-
ponderet. Neque enim sacomatis ratio (siquidem
experientiæ credimus) scatentium sinet undarum su-
perficiem intra tubum, aut Antliam, quantumvis Em-
bolus sublevetur, altiùs sublimari.Etiam in Hydrargyro idipsum mirabere ; Hydra-
girum quippe interiùs, ab ejus, quod in vasculo resta-
gnat, superficie non altiori, quam septem et viginti
pollicum cylindro Antliam, aut tubum occupabit :
nimirum is Hydrargyri cylindriculus cum aqueâ duo-
rum supra triginta pedum circiter mole (in eodem
videlicet tubo) æquiponderat.Supra duos et triginta pedes nihil aquæ ; supra sep-
tem et viginti pollices, nihil attollitur Hydrargyri,
quantolibet Embolus exantlantis robore sursùm ver-
sùs retrahatur : Ergo nec vacui metus, qui etiam in
excelsis Naturæ succurreret, ad sequendum aquas
mobilitat ; nec aëris connixus, qui tantillâ æquipon-
derantis virtute exhauritur, infinito terraqueum or-
bem opprimit Elatere.Hinc advertant aquileges, et quotquot opificum
per intermedij montis superatum verticem aquas
Page 66, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.
siphonis ansati beneficio sperant deducere, ne sit
mons ejus celsitudinis, quæ duos et triginta pedes su-
pra fontem exuperet, inani alioquin labore operam
consumpturi. Idem erit et de Antliarum aspiran-
tium, ut vocant, altitudine firmum et stabile judi-
cium ; Mitto cæteras Antlias, ac eas præsertim in qui-
bus Embolus sitularum instar aquis exhauriendis im-
mergitur, nullum enim in earum tubis ascensûs ter-
minum aqua sublevata nanciscitur, nisi quem virtutis
Embolum moventis præscribit robur, sed nec ullum
habent cum vacui metu aut aëre negotium.Cum ergo nullatenùs in Antliam Attractio-
nis incitabulo, sed circumfusi aëris Elasticâ gravi-
tate, aqua contrusa festinet, non est quòd in refel-
lendis, quæ Adversarij ex eâ machinâ inaniter ad sua-
dendam cordis Attractionem hauriunt, ar-
gumentis, diutiùs immoremur.
Folles non aspirant aërem, sed extrinsecus intrusum
excipiunt.Nec feliciùs cor in Suctionis sive Attractionis
probationem follicaverit. Folles aërem non at-
trahunt exugúnt-ve, sed intrusum externâ vi cogun-
tur excipere.Intra complicati, clausi-ve Follis latebras delites-
cens aër, ejusdem est Elateris cum exteriùs circumfu-
so ; ac si immotos utrumque continet æquilibrij
quies ; dum Follem distendis, etiam tum interior aër
(ut in cyprinâ vesiculâ planum fuit) spontaneo, pro-
indéque debiliori dilatatu raresceret, nisi exterioris
fortior virtus propiorem infundibulo extrinsecùs aë-
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rem, aut {a} et liquidum quodvis intùs ad æquilibrium
impelleret.
Aëriæ dilatationis robur à proprio languet Elatere, ab
externâ causâ firmatur.Neque mihi feliciori quis Cucurbitularum aut
Æolipilarum Attractionem ex eo, quem ignis pro-
curat, effectu eloquentiâ persuaserit ; utque faciliùs
quàm meritò repugnem, intelligas, excipe meam
circa caloris negotium, mentem.Aërem certè vel minimus, ut nemini dubium est,
calor dilatat : sed eo cum dilatatione, quâ spontè non-
numquam extenditur, discrimine, quòd spontanea
dilatatio virtutis Elasticæ robur enervet, ut vacui in
vacuo, cyprinæque vesiculæ Experimenta demon-
strant ; at verò dilatatio, quæ aëri extranea est, à calo-
ris videlicet accessu, eandem virtutem firmet, et cres-
cens augeat, languescensque sensim deprehendatur
remittere.
Aeris non tantùm, sed et Aquæ molem accessu Caloris
extendi, Thermometrum ostendit.Ita impacta superiori Thermometri ampullæ ma-
nus aut admotæ prunæ vicinia contentam deprimit
aquam ; insigni sanè argumento, dilatatum intùs aë-
rem, exterioris quem aqueo cedere descensui cogit,
robori præcellere.Nec suos duntaxat fines caloris incentivo produ-
cit aër ; etiam aquæ moles extenditur. Id expertu
facile, si pendulam medio Thermometri caule pla-
- Sic pour : ut (corrigé dans l’errata).
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ceat aquæ particulam C, in infimam sustinentis aëris
sedem reprimere ; nam admotus ignis superiori lagun-
culæ A, non inclusam C, solummodo deorsum adigit
aquam, sed et eandem (sive quem dilatat aërem A, in
descendentem C, aquam immergat, sive descenden-
tis aquæ partes aëreas ad rarefactionem excitet) ad
tertium usque putà gradum, quæ vix geminos occu-
pabat, cogit excrescere.Suspendæ in
C, aquæ legem
non præscribo ; sæ-
pius enim casu
pendulam, et ab
aquâ in vase B,
subsidente non
parum dissitam in-
veni, quàm adhi-
bitâ industriæ meæ
diligentiâ potue-
rim suspendere.Refluit aqua
sursum refriges-
cente aëre in A,
hujus nimirum E-
lastica virtus, ut
caloris æmulatur
incrementa, sic
ejusdem etiam de-
ficientis observat
vices.
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Quomodo in Cucurbitulam Caro et Sanguis
intrudantur.E Cucurbitulâ ignis accensus maximam rarefacti
aëris partem eliminat ; ac deinde extinguitur
Cucurbitulâ videlicet in externi aëris interdictum
appressâ validè cuti, ob inhibitum fortè spiritibus
igneis impediente vitro motum ; relanguescit proindè
calor quem igneorum spirituum motus sustentabat ;
frigescit demùm intra Cucurbitulam aër, et flaccidus
debilitatâ virtute, quam calor exitaverat, {a} exterioris
robore superatur ; qui denique aër exterior cutem
circùm æqualiter, præterquam inclusum sub Cu-
curbitulâ spatium, comprimens, eò (ceu liquores in
Antlias) carnem intrudit et Sanguinem.Adde partes aëreas, quæ porosi corporis latebras
occupant, nec minùs excubanti ad dilatationem Ela-
tere, quàm externæ vigilant, obsequiosam carnem
et Sanguinem in tumorem propellere. Nam, dum in-
clusus Cucurbitulæ cœperit aër refrigescere, ac
per hoc ejusdem imminui connixus, tum levatus gra-
vamine, qui carnium poris exerrat aër, cutem in tu-
berculum spontaneo erigit Elatere.At nix, inquiunt nonnulli, aut frigidum quod-
libet impactum Cucurbitulæ ejus cum carne rumpit
commercium ; et contrà superimpositum, ut assolent
Chirurgi, calidius linteum attractionem concitat, et
proinde aëris intra Cucurbitulam inclusi Elastica vir-
tus frigore non hebescit.Verùm, nescio quo id objiciunt animo, quod ad-
versari penitùs Experientiæ non semel deprehendi.
- Sic pour : excitaverat.
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Frigidam enim, imo et nivem applicitæ carni Cu-
curbitulæ sæpiùs imposui, sed tantâ celeritate inte-
rior aër densatus est, ut in tuberculum caro non sine
dolore gravissimo statim excreverit ; ast ubi linteo
præcalido Cucurbitulam obtexi ; mox et remissus
dolor est, et tumor imminutus. Non igitur mirum
Chirurgos, ne dolorem videlicet vehementiorem
concitent, aut nimium in tumorem elevent carnem
aut etiam abundantiori copiâ Sanguinem eliciant,
ejusmodi linteum Cucurbitulis super-injicere.Nec me vivis solùm corporibus existimes, sed et
cadaveribus eodem successu, imò etiam liquoribus
ipsis Cucurbitulam applicuisse. Et verò imponatur
aquæ æstuans igneo fervore Cucurbitula, mirabere
prorsùs vel extincto igne, vel tepefacto calore sur-
repentem intùs aquæ molem ; Et si tum imbutum fri-
gido quovis liquore linteum, aut nivem ipsam gla-
ciem-ve applicueris Cucurbitulæ, contracto rursus
interiori aëre, ac per hoc ejus Elatere debilitato,
abundantior aquæ vis Cucurbitulam intrudetur.
Quomodo in Æolipilam calefactam aqua
impellatur.Sic et circumfuso incendio plurimùm exhalant,
quem continent, aërem Æolipilæ ; túmque per
immersum caudæ canaliculum, prout refrigescit resi-
duus intùs aer, etiam Elateris relanguescente vi, su-
perans exterior aer, aquam celerat in machinam ;
nec parum, ut ex frementis evidens strepitu, impe-
tuosè.Atque hinc etiam corruit Attractoriæ sententiæ
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conflatum calore fulcimentum.
Alij aëris ex Æolipilâ eliciendi proponuntur et
explicantur modi.Est et alius, exugendo videlicet, replendarum Æo-
lipilarum modus ; validum sanè adversus impul-
sionem nostram argumentum, siquidem ratum foret,
quod hactenus omnes arbitrati sunt, Aërem, cum su-
gimus, retrò versùs ad fauces trahi. Lubet ideò recon-
ditum eventilare mysterium.Æolipilæ caudam in ore tuo include, ut contentus
utrobique aër in oris contubernio continuus fiat ; sa-
nè quandiu nec lingua movebitur, nec dilatabitur
pectus, et utrinque pariter (intra os nimirum et Æo-
lipilam) aër in quiete, æquilibrij lege perseveratu-
rus est. Sed ubi vel linguæ, vel pectoris succedet mo-
tus, etiam utrúmque necessum est aërem commove-
ri ; et quoniam alterutro saltem motu vacuatur Æo-
lipila, quânam id ratione perficiatur, placet disqui-
rere.Vel solis utêre pulmonibus, pectoris-ve follicantis
dilatatione, vel solo linguæ sugentis, ut putant, ad
palatum allisu.Priori quidem modo totum pectus distenditur,
nullâ interim per compressa labra, sicut nec per na-
rium spiracula aëris (qui sit cùm ori, tùm Æolipilæ
exterior) aurâ intus irrumpente. Distentum pectus
etiam aëri, quem Æolipilari contiguum oris includit
specus, sedem præparat ampliorem. Aër dato spatio
versùm pectus extendit sese, et ob id ejus evadit Ela-
ter debilior Æolipilari ; quod ut hic (inclusus scilicet
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Æolipilæ) persentiscit, nulliúsque se tum reprimi
connixu, rarefit, et extra Æolipilam, prout sinit de-
bilioris virtus, propagat fines suos.Posteriori verò modo, affligitur compactiùs, unà
cum Æolipilæ canaliculo, tota lingua toti palato ; tum
ad ostium canaliculi sidens obsequiosæ linguæ medi-
tullium, palatum deserit, et in lacunam asperiori ni-
xu excavatur ; sic ut ex eâ vi obnoxium Æolipilari
aëri spatium, non vacuum quidem, sed plenum aër-
culo, qui cavernosas inter linguæ, palatíque cuticu-
las remanserat, ejusdem, Æolipilaris inquam Aëris, ad
dilatationem Elaterem solicitet, et foras (hoc est ex
Æolipilâ intra oris lacunam) spontaneum alliciat, in-
vitét-ve ; non verò, ut adversarij putant, Attrahen-
do cogat erumpere.Cum ex Æolipilâ, quantum licuit utrolibet modo,
aëris effluxerit, per immersam subito aquis caudam
in machinam aqua externi aëris, qui tum densior
est interiori, tandiu pressurâ confluet, donec æquis
intùs forísque viribus æquilibrium utrique afferat
quietem.Eodem pacto quondam lactatus es ; eodem et dolia
sæpius pueri furtivo festucæ bibacis instinctu ri-
mantur ; etiam eodem siphonem liquoribus ingurgi-
tant ; exterioris nimirum aëris pondere, connixúque
liquorum concitantibus pro gutturis, oris-ve dilata-
tione, profluvium.Atque ita corruunt, quas præcipuas in Attra-
ctionis stabilimen adversarij machinas intenderant ;
Nam si cor traheret, id sane muneris vel instar antlia-
ris emboli, vel instar follium, vel instar cucurbitulæ,
vel denique instar oris pitissantis deberet perficere ;
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At cum neque liquorem in antliam aut folles, neque
in cucurbitulam, neque in os ejus, qui exsugere di-
citur, constet attractione succedere, perperam, ut pu-
to, quis dixerit esse cordi attractoriam facultatem.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.