Texte
Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre ix  >

[Page 26 | LAT | IMG]

Nombreux avantages de la découverte[1]

Elle peut faciliter l’explication de nombreuses maladies du corps humain, que jusqu’à ce jour nous avons été contraints soit d’ignorer, soit de n’évoquer qu’en termes obscurs.

  1. La voie nouvelle est déjà manifestement établie comme la plus courte, grâce à laquelle pissent si rapidement et copieusement les grands buveurs qui, comme Promachus, [2][3][4] engloutissent quatre mesures de vin, ou qui, tel Bonose [5] qui buvait comme personne, ne sont pas nés pour vivre mais pour boire. [1][6][7] Plus longue en effet est la voie qui passe par le foie, le cœur, les artères émulgentes[8] les reins et la vessie, même si Aquapendens[9] avec les veines de l’estomac qui gagnent le foie, [10] et Le Pois [11] ou Conring[12] en passant par la rate, [13] se sont échinés à en trouver une plus courte. Cependant, le premier est mort avant la découverte de la circulation, [14] et les deux autres n’ont fait qu’imaginer des voies dont ils n’ont pas pu démontrer l’existence anatomique[2]

  2. Dans le diabète légitime, la vessie évacue la boisson telle et peu de temps après qu’elle a été absorbée, comme l’ont enseigné Galien [15] en plusieurs endroits, Trallianus[16] Aetius [17] et d’autres, et comme en atteste l’expérience. [3][18] Amatus Lusitanus, 2e centurie guérison lxxxxiv, relate la guérison d’un Romain, grand buveur de vin pur, qui fut atteint de diabète : il rendait sans délai dans ses urines tout ce qu’il avait bu, tel qu’il l’avait avalé. [4][19][20] Saxonia, 2e partie des Leçons pratiques, chapitre xxxv, a vu un gentilhomme vénitien qui, pendant plusieurs années, avait bu trente-quatre verres de vin au cours de chaque repas, en les expulsant aussitôt. [5][21] Trincavellius, au livre x de sa Pratique, chapitre xi, [Page 27 | LAT | IMG] écrit qu’un diabète apparut chez un homme qui souffrait de fièvre maligne et ne buvait rien d’autre que de l’eau glacée ; tout le liquide qu’il avalait passait dans ses urines, conservant intacts sa couleur, sa consistance, son goût et son odeur. [6][22] Zacutus Lusitanus, observation lxxi, livre ii de la Pratique médicale admirable, raconte celle d’un homme qui buvait du vin pur sans aucune retenue, capable de vider plusieurs immenses coupes en peu de temps ; mais quoi qu’il bût, il le pissait illico sans que ni l’odeur, ni le goût, ni la couleur en soient altérés ; et chose absolument incroyable, il avalait en l’espace d’une heure 20 livres d’eau, et rendait le même volume d’urine, parfaitement limpide et telle qu’il l’avait bue  [7][23] Salmuth, centurie ii, observation xci, a connu un homme qui après avoir ingurgité un grand volume de vin de Neustadt le rejetait tout cru dans l’urine, identique en substance, couleur et odeur (mais il n’a pas voulu y goûter). [8][24] Quand j’étais à Padoue, [25] l’éminent praticien Benedictus Silvaticus [26] m’a raconté s’être vu vider une urine qui avait la couleur et l’odeur du vin qu’il avait bu. Je n’en veux plus donner d’exemples autres que le mien car, pour ma part, ayant éprouvé depuis peu les assauts d’une lithiase urinaire, [27] qui me torturent de temps en temps, à la manière d’un bourreau (pour parler comme Érasme) [28] quand j’ai bu un peu de vin du Rhin, dans un but diurétique, il est ressorti peu après très clairement dans mon pot de chambre, en conservant exactement sa substance et sa couleur, et il y est resté tel pendant quelques jours. Les praticiens pourront travailler tant qu’ils voudront sur l’intempérie des reins, le relâchement de leurs voies excrétrices, l’affaiblissement de leur capacité à attirer ou à retenir, jamais ils n’expliqueront, sauf à prendre en compte le court chemin nouveau dont nous parlons, comment les boissons passent si vite dans les conduits corporels sans se mêler au sang ni subir un changement de substance. [9] [Page 28 | LAT | IMG]

  3. Nous cherchons depuis longtemps déjà à savoir comment du lait ou du chyle se mêle à l’urine de certaines personnes. [29] Nicolaüs Florentinus, en son 5e discours, traité x, chapitre xxi, a vu dans le château d’Itri un jeune trentenaire qui pissait en abondance toute la journée et dont l’urine produisait un sédiment blanc, semblable à du lait caillé, qui occupait la moitié inférieure de l’urinal. [10][30] Schenck rapporte que Petrus Sphererius l’a avisé du cas d’un Polonais, vu à l’hôpital du Saint-Sacrement, souffrant (pensaient-ils) d’une ulcération des reins, [31] qui rendait son urine blanche et épaisse, semblable à du lait, et dit qu’il a lui-même très souvent observé cela. [11][32][33] Pour que vous ne considériez pas que cette matière laiteuse est du pus, [34] Félix Plater, au livre iii de ses Observations, page 836, met en avant qu’il a lui-même constaté de fort longue date que son urine était laiteuse sans guère en éprouver d’inconvénient, et qu’en la laissant reposer, se déposait la valeur d’une ou deux cuillers d’une matière blanche semblable à du lait fort épais. [12][35] Sur l’épouse de M. Du Bourlabé, dont l’urine contenait quelque chose de laiteux, ressemblant à du pus véritable, par sa blancheur, et par sa substance unie et déliée, mais sans suspicion d’inflammation rénale, Ballou, au second livre de ses Consiliorum medicinalium, consultation xxxix, contre l’avis prononcé par des médecins plus anciens que lui, a déclaré qu’un abcès tapi dans le mésentère [36] était peut-être la cause de l’urine laiteuse, et nous ne sommes guère éloignés de cette opinion. [13][37] Après cette soigneuse étude, je passe outre les remarques qu’Actuarius[38] Præv. Urin., livre i, chapitre ii, et Theophilus [39] ont faites sur l’urine blanche, bien qu’elles puissent avoir trait à notre sujet. [14]

  4. Il nous est facile de voir pourquoi les néphrétiques sont promptement soulagés par la prise de médicaments lithontriptiques, [40] ou [Page 29 | LAT | IMG] comment les stimulants vénériens, [41] les légumes, etc. parviennent rapidement et sans ralentissement jusqu’aux artères émulgentes et spermatiques, [42] car s’ils cheminaient par les voies plus longues qu’on tenait précédemment pour admises, les vertus de ces remèdes s’émousseraient aisément. [15]

  5. Nous ne nous interrogeons plus sur la raison pour laquelle, après qu’on les a absorbés, les médicaments diurétiques transmettent leur odeur et leur couleur à l’urine, comme on le constate, entre autres, avec la térébenthine, [43] la casse, [44] le genièvre. [45] Au livre i de Urinis, chapitre xx, Actuarius relate là-dessus l’élégante histoire de son esclave à qui il avait ordonné d’avaler un trochisque amer mêlé d’oxymel [46] qu’un malade un peu délicat et chagrin rechignait à prendre, et qui, le lendemain, pissa noir sur le bord de la route, en craignant la mort avant de se rappeler la potion qu’il avait dû boire la veille. [16]

  6. Tout le monde pourrait désormais deviner pourquoi et comment quantité de choses qu’on avale avec les aliments sont expulsées dans les urines : [47] Alexander Benedictus a raconté l’histoire de la jeune Vénitienne qui avait avalé une épingle à cheveux longue de quatre travers de doigt, laquelle deux ans plus tard et sans dommage, est sortie de la vessie avec l’urine, enveloppée de matière calculeuse ; [17][48] et parmi d’autres, Schenck, livre iii, observation x, Sanctorius, livre xiv de sa Methodus vitandorum errorum, chapitre xi[49] Paré, livre xxiv, chapitre xix, l’ont commentée. [18][50] Claudinus, Responsio Medicinalis xxxx[19][51] Langius, dans ses Épîtres, page 745, [20][52] ou Sanctorius, cité plus haut, [18] s’échinent à découvrir des voies de passage, mais quel que soit leur choix, elles sont longues et jamais à l’abri de provoquer des blessures ; tandis que la nôtre est très courte et n’est pas aussi périlleuse, et ce jugement vaut pareillement pour ce que d’autres en ont écrit. Rien n’est plus trivial que la présence de poils dans l’urine. Tulpius, livre ii, observation lii en a rapporté un cas récurrent chez le fils d’un conseiller [Page 30 | LAT | IMG] de Horn qui, environ tous les quatorze jours, pissait pendant quatre jours, avec notable dysurie, des poils longs d’un doigt entier. [21][53][54] Nic. Florentinus en a lui aussi vu d’une telle taille, et Schenck a soigné une femme qui voyait sortir de sa vessie des mèches de poils. [22] Zacutus, au livre ii de sa Pratique admirable, observation lxiii, a constaté l’expulsion de poils longs d’une palme, épais et durs comme des soies de porc. [23] Dans ses observations adressées à Horst[55] Hildanus soutient certes qu’il ne s’agit que d’humeurs, mais son effort s’avère vain puisque de véritables poils avalés avec les aliments se distinguent aisément d’humeurs rôties dans l’urine. Ils sembleraient tenir du miracle si nos voies récemment mises au jour ne faisaient venir dans ces parties du corps les matières rejetées par l’urine qu’on lit ici et là chez d’autres auteurs : racines de persil, au témoignage de Julius Alexandrinus ; [56] champignons, chez Nic. Florentinus ; mouches, au rapport de Zacutus, livre ii de sa Pratique admirable, observation ci ; graines d’anis après en avoir mangé dans un repas, charbons et graines d’alkékenge, selon Hildanus dans ses Observationes ;  [24][57] épis d’orge dans Plutarque, au livre viii de Symposiaques, problème ix ; [25] et une arroche entière qu’une jeune fille d’Amsterdam avait mangée à table, comme Jan van Horne, anatomiste de Leyde, [58][59] l’a récemment observé. [26]

  7. Nous discernons en outre maintenant plus clairement pourquoi dans l’hydropisie [60] le ventre se distend parfois aussitôt après avoir bu, comme je l’ai vu il y a peu de temps chez un de mes intimes amis : cela tient à la réplétion de l’espace péritonéal où sont tapies les glandes lactées. Il n’est pas non plus difficile d’expliquer comment les diurétiques viennent à bout de l’hydropisie, en l’évacuant par l’urine.

  8. J’en viens finalement à l’atrophie [61] des parties, principalement [Page 31 | LAT | IMG] thoraciques, qui aspirent le chyle des glandes lactées : l’atrophie comprime le réservoir du chyle [62] et ralentit sa distribution ; engendrée par les inflammations et les autres tumeurs, elle provoque l’obstruction. Nous avons vu cela sur un cadavre humain où, à l’exception d’un foie sain, l’atrophie consumait tout, avec des poumons flasques et bigarrés, comme du marbre, des bubons dans l’aine, une gangrène d’un pied et d’autres signes de très profonde altération corporelle. Une glande lactée était saine, mais l’autre était rouge, comme enflammée et phlegmoneuse. Comme le foie, de nombreux lactifères mésentériques étaient sains, mais ceux du thorax n’étaient pas aussi pleins et gonflés de chyle. [27] À l’instar des chaumes qui restent après une immense moisson, je reporte à une autre occasion bien des commentaires sur les utilités de ce qui vient d’être découvert.


1.

Thomas Bartholin se référait à deux sources antiques.

2.

Thomas Bartholin revenait sur les idées de Fabrice d’Aquapendente (mort en 1619) et de Charles Le Poix (mort en 1633), exposées dans les notes [2][4], Historia anatomica, chapitre ii.

V. notes [33], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie, pour une référence à l’avis de Hermann Conring (mort en 1681) sur la question, et [20], Dissertatio anatomica, chapitre xi, pour le vas breve, vaisseau imaginaire qui unit l’estomac à la rate.

3.

Au xviie s., le diabète ne se définissait encore que comme une polyurie : « évacuation copieuse d’urine dans laquelle la boisson passe aussitôt après qu’on l’a prise sans être changée, crue et comme de l’eau », {a} selon la description du diabète dit légitime (diabetes legitimus), donnée par Arétée de Cappadoce au ier s., qui était tenu pour une affection rare. Son lien avec le sucre n’a été pressenti qu’en 1659 par Thomas Willis. {b}

Au travers de nombreuses citations, Thomas Bartholin allait affiner ces notions et montrer la confusion nosologique qui régnait encore (surtout avec les méfaits du vin). Il commençait par trois références antiques :

4.

Curationum medicalium Centuriæ septem [Sept Centuries de guérisons médicales] d’Amatus Lusitanus, loc. cit., pages 233‑234, {a} In qua agitur de Diabetis curatione [Sur la guérison du diabète] :

Qvi meratioris vini potui indulgebat Romanus, et chretami, id est fœniculi aut petroselini marini dicti, muria conditi largiore victu vsus est : in diabetem affectionem lapsus fuit. Nam quicquid bibebat simul et quale assumebat per vrinam reddebat : et intenissime sitiebat. […]
Scholia.

Diabetes transitus vrinæ continuus est, aut verius potionis non mutatæ, vt lienteria cibi, à renum intemperie calida, cùm siti inexpleta eueniens affectus : qui rarò venit, ut eum Gale. bis tantum vidisse testetur. Nos autem alterum nouimus in hanc affectionem ob largiorem farciminis piperati esum incurrisse : qui quoque facilè fuit recuperatus, et sanitati restitutus. Fit autem affectio hæc, vt dixi, ex renum retentricis facultatis imbecillitate, attractricis autem tanto robore, vt totum corpus ob ingentem calorem exhauriat. Iustè igitur renum passio et affectus Diabetes appellatur : quia sic affecti renes ad se corporis totum humorem attrahunt […].

[Un Romain qui buvait du vin tout pur et se nourrissait en abondance de chretamus, c’est-à-dire de fenouil ou de ce qu’on appelle du persil marin confit dans la saumure, {b} fut atteint de diabète : il rendait dans son urine tout ce qu’il buvait tel qu’il l’avait absorbé, et il souffrait d’une soif très intense. (…)

Commentaire.

Le diabète est une émission continue d’urine, ou plutôt de la boisson inchangée qu’on a absorbée, telle qu’est la lientérie {c} pour les aliments solides. Il est dû à une intempérie chaude des reins et s’accompagne d’une soif insatiable. C’est une affection rare, puisque Galien atteste ne l’avoir vue que deux fois. Nous en avons aussi rencontré un autre cas, provoqué par une consommation excessive de saucisse poivrée, et la simple correction de cet abus a entraîné la guérison. Comme je l’ai déjà dit, cette affection résulte d’une incapacité des reins à retenir les liquides associée à un très grand pouvoir de les attirer, en sorte qu’une chaleur très intense assèche la totalité du corps. C’est donc à juste titre qu’on parle de passion des reins et de diabète, parce que les reins ainsi affectés attirent à eux toute l’humeur que contient le corps (…)].


  1. Publiées entre 1551 et 1566, réédition de Bordeaux, 1620, vnote Patin 2/232.

  2. Fenouil et persil étaient deux plantes dites apéritives (vnote Patin 4/436). Leur rapport de cette mixture avec le diabète est obscur.

  3. V. notule {h}, note [16], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i.

5.

Hercules Saxonia (Ercole Sassonia) Prælectionum practicarum Pars secunda, chapitre De Diabete, paragraphe Pronostica, loc. cit., page 224 : {a}

Vera Diabetes est semper periculosa deducitque patientes, vel ad febrem marasmoden, vel saltem ad marasmum senilem : sed eos, qui intemperanter bibunt, deducit etiam ad iecoris obstructiones insignes, fluxus hepaticos uniusculusque speciei, et tandem in iecoris inflammationes, vt ego obseruaui in quodam nobili Veneto, qui hoc morbo laborauit, qui cùm multum supra modum biberet, citò omnia excernebat : tandem ex hoc morbo quem diuturnum satis habuit, obiit anno suæ 43. Laborauit autem toto vitæ suæ tempore hoc morbo ; nam in prandio biberat triginta phialas vini.

[Le diabète véritable est toujours dangereux, menant les patients à la fièvre marastique, ou du moins au marasme sénile ; {b} mais chez ceux qui boivent immodérément, il provoque de remarquables obstructions du foie, avec des flux hépatiques d’un genre particulier, pour finir par des inflammations du foie. J’ai observé un gentilhomme de Venise qui en souffrait : il buvait excessivement en éliminant rapidement tout ce qu’il ingurgitait ; il avalait trente-quatre verres de vin au cours de chaque repas. Ce mal chronique dont il a souffert sa vie durant l’emporta en sa 43e année d’âge]. {c}


  1. Opera practica (Padoue, 1639, vnote Patin 1/8160).

  2. Vnote Patin 27/446 : cachexie diabétique liée au défaut d’insuline.

  3. Association probable d’un diabète (potomanie) et d’une cirrhose alcoolique ; mais l’alcool peut aussi provoquer une pancréatite chronique, avec destruction des glandes (îlots de Langerhans) qui produisent l’insuline.

6.

La Pratique de Vittore Tricavelli {a} est le titre abrégé de ses 12 livres de Prælectiones de Ratione curandi omnes humani corporis affectus [Leçons sur la manière de soigner toutes les affections du corps humain]. Le chapitre cité, De incontinentia vrinæ, et de affectu, qui διαβητης dicitur [De l’incontinence d’urine et de la maladie qu’on appelle diabète], figure dans ses Opera omnia. {b} Il y détaille deux cas de diabète observés à Venise, dont Thomas Bartholin signalait le second (tome premier, page 300, 2e colonne) :

Alter verò vir erat, et ille quidem nobilissimus frater Reverendissimi Cardinalis Pisani, hic cum febre laboraret, et ea satis maligna, atque sitis, quæ neque etiam multa erat, esset impatiens, bibere nolebat, nisi gelida ferè esset aqua, et reliqua, quibus in potu vtebatur, quæ quidem iubebat in puteis demissa urceis perpetuò seruari, unde ad eam imbecillitatem renes deuenere, ut potus omnino immutatus mingeretur, seruans eundem colorem, consistentiam, saporemque, et odorem. Vtebatur autem primum propter febrem iuleb rosacco diluto ex aqua, et vrina, quæ paulò post a potu mingebatur, eadem omnino videbatur, quæ prius erat in cyatho, antequam biberetur, eundemque referebat colorem aspicientibus, et odorem olfacientibus, sed et quidam, qui illi ministrabant, gustare, voluere, qui affirmarunt, neque in sapore vllam factam immutationem, neque hic vehementissima siti vrgebatur, quamuis et ipse sitiret, neque oris tanta ariditate, sicuti Abbatissa, neque præcordijs vllum æstum percipiebat, qui tamen et ipse ex eo morbo interijt, et procul dubio omnis istius morbi ratio ex nimia instrumentorum vrinæ, refrigeratione ortum habuit.

[Le second cas était celui du très noble frère du révérendissime cardinal Pisani : {c} atteint d’une fièvre assez maligne, il souffrait d’une soif peu intense, mais ne voulait boire d’eau que si elle était presque glacée ; il ordonnait que tout autre liquide qu’il absorbait fût mis dans des cruches qu’on avait plongées longuement au fond d’un puits ; survint une faiblesse des reins telle que ce qu’il buvait passait dans les urines sans avoir subi le moindre changement de couleur, de consistance, de goût et d’odeur. Pour sa fièvre, il prit d’abord du julep rosat {d} dilué dans l’eau, et l’urine qu’il émettait peu après était exactement semblable à ce sirop tel qu’il était dans le verre avant qu’il l’eût avalé : même couleur pour ceux qui la miraient, même odeur pour ceux qui la sentaient ; certains de ceux qui le soignaient ont même voulu la goûter, et affirmé qu’elle avait exactement le même goût. {e} Bien qu’il souffrît de soif, elle n’était pas très violente et il n’avait pas la bouche sèche comme avait l’abbesse, {f} et il ne souffrait d’aucune chaleur de poitrine. Il mourut néanmoins de ce mal dont la cause a sans doute été le froid excessif des liquides qui produisaient l’urine].


  1. Médecin vénitien mort en 1568, vnote Patin 18/407

  2. Venise, héritiers de Melhior Sessa, 1599, trois tomes in‑8o.

  3. Issu d’une famille patricienne de Venise, Luigi Pisani (1522-1570) a été créé cardinal en 1565.

  4. Vnote Patin 24/8170.

  5. Dommage : sans cette prise de sirop (julep), ces personnes dévouées auraient pu se rendre compte que l’urine était sucrée.

  6. La première malade décrite par Tricavelli.

7.

Abraham Zacutus Lusitanus, Praxis medica admiranda [Pratique médicale admirable], observation intitulée De Diabete, Diabetis historia mira, eiusque curatio [Du Diabète. Histoire admirable d’un cas et sa guérison], loc. cit., pages 244‑245 : {a}

Diabetes, lethalis propemodum est affectus : in quo colliquantur corpus, vrina cum nimio ardore excernitur, viscera vri videntur, pertinax sitis super sitim inexplebiter exercet, ut licèt potum assumere conentur, nunquam satientur, propterea quòd epotum per lotium citissimè excernitur. Rarus affectus. Gal. bis vidit, lib. 6. de loc. 3. Rabbi Moses nunquam. Alij semel viderunt. Ego quinquies. Tres periêre. Duo hac curati viâ euasêre. Horum vnus ætate florens ita squallidos habeat Renes, vt folia Nymphææ illis imposita, momento temporis Chartæ Pergamenæ instat durissima redderentur. Alter meracioris vini potui nimium indulgens, paruo tempore, plures ingentésque calices exiccabat, clamosâ siti oppressus, sed quicquid bibebat, illicò odore, sapore, colore inalteratum mingebat, et quod omnem fidem superat, intra horæ spatium 20. libras aquæ ebibens, eundem potum, qualem hauderat, limpidissimum, per vrinam excernebat.

[Le diabète est une maladie presque toujours mortelle, où le corps se liquéfie, l’urine est émise avec une ardeur excessive, les viscères paraissent se consumer, et se manifeste une soif opiniâtre, extraordinaire et insatiable, {b} telle que, bien qu’ils boivent en quantité, les malades ne sont jamais désaltérés, car ce qu’ils boivent est éliminé à toute vitesse dans les urines. C’est une affection rare : Galien n’en a rapporté que deux cas, dans le chapitre iii, livre vi des Lieux affectés ; {c} Rabbi Moses {d} n’en a jamais vu, et d’autres seulement quelquefois. Pour ma part, j’en ai vu cinq cas, dont trois mortels et les deux autres ont survécu. {e} Le premier, à la fleur de l’âge, avait les lombes si desséchés que les pétales de nénuphar qu’on y appliquait devenaient en un instant aussi durs que du parchemin de Pergame. {f} Le second s’adonnait à la boisson excessive de vin tout pur, dont il vidait avec grande rapidité plusieurs immenses coupes, torturé par une soif retentissante, mais il pissait immédiatement tout ce qu’il buvait sans changement d’odeur, de goût et de couleur ; {g} et chose absolument incroyable, il avalait en l’espace d’une heure 20 livres d’eau, {h} et rendait le même volume d’urine, parfaitement limpide et telle qu’il l’avait bue].


  1. Lyon, 1637, vnote Patin 7/68.

  2. V. supra note [3].

  3. Insistance louable sur la soif (polydipsie), qui est (avec la polyurie, la polyphagie et l’amaigrissement) un des signes cardinaux du diabète sucré par carence profonde en insuline.

  4. Moïse Maimonide, médecin érudit de Cordoue au xiie s.

  5. Contrairement à aujourd’hui, le diabète était une maladie tenue pour très rare, et Hippocrate ne l’a pas décrite. Peu remarqué par les historiens, ce phénomène ne me paraît pas avoir été expliqué.

  6. Bergame est une ville de Turquie (Bergama, l’ancienne Troie) où aurait été inventé le parchemin. On utilisait la fleur de nénuphar en applications externes « dans les inflammations, et pour décrasser et adoucir la peau » (Chomel, 1741).

  7. Il est inconcevable que du vin rouge colore les urines en rouge.

  8. Huit à dix litres.

8.

Philip Salmuth, Observationum medicarum centuriæ tres posthumæ [Trois Centuries posthumes d’observations médicales], {a} loc. cit., pages 105‑106, observation intitulée Lienteria qvasi urinalis [Quasi-lientérie urinaire] :

Si qvando crudus cibus per intestina rejicitur, lienteria indigitatur. Qvidni etiam, si prorsus immutatur, per vias urinarias rursus emittitur ? Contigit hoc præcipui cuidam viro. Is enim vino Neustadiano, (quod â pede anserino nomen habet) se crebrius ingurgitans, illud per urinam crudum planè in substantiâ, colore, et odore, (gustare nolui,) rejiciebat.

[La lientérie {b} se caractérise par l’expulsion fécale de l’aliment cru. Pourquoi ne pas employer le même terme quand les voies urinaires expulsent la boisson inchangée ? C’est ce qui est particulièrement arrivé à un homme qui, après avoir ingurgité un grand volume de vin de Neustadt {c} (qui porte le nom de patte d’oie) le rejetait tout cru dans l’urine, identique en substance, couleur et odeur (je n’ai pas voulu y goûter)]. {d}


  1. Brunswick, 1648, vnote Patin 5/1179.

  2. V. notule {h}, note [16], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i.

  3. Neustadt an der Haardt est une ville de Rhénanie-Palatinat célèbre pour ses vignobles (ce qui lui vaut aujourd’hui le nom de Neustadt an der Weinstraße).

  4. L’observation liii de la même centurie (page 82), intitulée Diabetes in febre malignâ [Diabète au cours d’une fièvre maligne], ne manque pas d’intérêt car il s’agissait d’un cas mortel d’une maladie qu’on disait nouvelle :

    In eandem qvoqve febrem, (erat namqve eo anno admodum freqvens, multos jugulabat, unde et vulgus novum morbum, Die newe Krananckheit eam vocabat) Cyriacus Hildebrandt bibliopegus Dessaviensis incidebat, qvi valdè siticulosus multum bibebat. Sed potum omnem, prout acceptus erat, protinus, et è vestigio per urinam reddebat, nihil omninò suâ qvalitate immutatum, nec qvantitate diminutum, neqve qicqvam à naturâ concoctum. Sexto die moritur.

    [Cyriacus Hildebrandt, relieur à Dessau, fut atteint de cette fièvre (très fréquente cette année-là et qui tua beaucoup de gens, si bien que le peuple l’appelait « la nouvelle maladie », Die neue Krankheit). Étant fort assoiffé, il buvait énormément, mais il rendait sur-le-champ dans ses urines toute la boisson qu’il absorbait sans qu’elle ait en rien été modifiée en qualité comme en quantité, ni naturellement digérée. Il mourut au septième jour].


9.

Ni la douteuse expérience personnelle de Thomas Bartholin ni tout ce qu’il a relaté d’autre dans le point ii de son chapitre ne peuvent convaincre que le nouveau réservoir du chyle assure le passage rapide et direct des liquides ingérés dans les reins. V. notes Patin :

10.

Nicolaus Florentinus, Sermo quintus de membris naturalibus [Cinquième Discours sur les parties naturelles] (Venise, Junte, 1533), {a} dernières lignes du dernier traité, chapitre intitulé De pilis qui minguntur cum vrina [Des poils pissés avec l’urine], {b} page 248 vo :

Et ego vidi in castro Itri comitatus fundorum iuuenem trigenarium qui omni die mingebat vrinam multam in qua residebat sicut lac coagulatum album ad quantitatem medij vrinalis propter substantiam vrinæ quæ supereminebat illi qui inde nullum percipiebat nocumentum : sed sanus degebat.

[J’ai moi-même vu dans le château d’Itri {c} un jeune trentenaire du comté de Fondi qui pissait en abondance toute la journée et dont l’urine produisait un sédiment blanc, semblable à du lait caillé, qui occupait la moitié inférieure de l’urinal. Il n’en ressentait aucune incommodité et demeurait en bonne santé]. {d}


  1. V. notule {b}, note Patin 21/1187.

  2. Thomas Bartholin allait disserter plus loin sur la présence supposée de poils dans les urines, en citant de nouveau ce chapitre de Florentinus (v. infra note [22]).

  3. La ville d’Itri et le comté de Fondi se situent dans le Latium (Lazzio).

  4. Il pouvait s’agir d’une authentique chylurie due à une fistule joignant les glandes lombaires du chyle aux voies urinaires.

11.

Troisième des Observationum medicarum rariorum libri vii [Sept livres d’observations médicales fort rares] de Joannes Schenckius (Johann Schenck von Graffenberg), {a} observation xxviii, {b} In renis exulceratione, urina lactea ac crassa animadversa [Urine laiteuse et épaisse observée dans une ulcération du rein], page 487 :

Polonus quidam exulceratione renum laborans, in Nosocomio S. Spiritûs, subinde urinam lactis instat albam ac crassam reddidit, quam sæpius ego contemplatus sum. A Petr. Sphererio animadversum.

[À l’hôpital du Saint-Esprit, {c} un Polonais souffrait d’ulcération des reins, provoquant l’émission d’une urine blanche et épaisse, ressemblant à du lait, comme j’ai très souvent observé. Fait remarqué par Petrus Sphererius]. {d}


  1. Édition posthume de Lyon, 1644, vnote Patin 6/72.

  2. L’observation xxvii, Sanus quidam, urinam multam cum sedimento lactis coagulati instar, dimidij urinalis quantitate, sine incommodo excernere solitus [Homme sain accoutumé à émettre, sans autre inconvénient, une grande quantité d’urine avec un sédiment semblable à du lait coagulé, dont le volume égalait la moitié de l’urinal], est celle de Nicolaus Florentinus, transcrite dans la note [10] supra.

  3. Probablement l’ospedale Santo Spirito, à Rome.

  4. Petrus Sphererius, médecin de Florence, fut aussi archiatre de Mayence.

12.

Troisième et dernier des trois livres des Observationum de Felix Platerus (Plater), {a} médecin de Bâle (1536-1614), loc. cit., Mictio Lactea, sine incommodo, diu durans [Miction laiteuse de longue durée, sans inconvénient] :

Contingit mihi, dum adhuc puer essem, ut frequenter ardor inter mejendum me infestaret, quod tamen, ob pudorem nemini patefacere ausus eram. Postea adultior factus, cùm in Gallia versarer, rariùs eâ molestiâ divexabar. In Virili ætate in matrimonio viventi, aliud accessit : Sub vesperam, cùm urinam reddebam, erat ea, quæ primùm prodibat, valde turbida, et veluti lactea, quæ quiescens nonnihil, materiam albam lactis crassioris instar, in fundo, cochlearis unius vel duorum mensurâ deponebat, quæ cùm urinâ agitatâ, confusâ, eam trubidam reddebat, accedente interdum ardore et stranguriâ quadam, inter migendum : Quod accidens plus quam per viginti annos, citra alium renum aut vesicæ affectum duravit, magisque frigoris tempore, me afficiebat. Dubius qualis hæ esset materia, eam quandoque exsiccavi, tuncque Sal quoddam repræsentabat pellucidum, in fibras scissum, quod gustui salsum erat. Metuens ego ne calculi essent præludia, cùm in comitiis Imperii, Spiræ essem, Anno 1570. cum primario Imp. Maximil. tunc temporis Medico, Cratone, ea de re contuli, qui calculum renum subsecuturum judicabat, mihique sano et alacri, atque ad multos Principes praxeos causâ vocato, terrorem incussit. Verùm Dei gratiâ, nihil inde mali secutum, sed jam penè quadraginta ab eo tempore annos, neque hoc accidenti aliisve renum aut vesicæ morbis infestor.

[Étant encore enfant, il m’est souvent arrivé d’éprouver des brûlures en urinant, mais par pudeur, je n’avais osé en parler à personne. Devenu adulte et vivant en France, cette gêne ne m’incommoda plus que très rarement. Ayant atteint l’âge mûr et m’étant marié, il me vint autre chose : le soir, quand je pissais, mon premier jet d’urine était fort trouble et comme laiteux ; néanmoins, en la laissant reposer, il se formait un sédiment de matière blanche, semblable à du lait fort épais, dont le volume équivalait à une ou deux cuillers, et quand je remuais l’urine, une fois mélangée, elle devenait trouble ; il m’arrivait parfois d’éprouver des brûlures en pissant et une certaine strangurie. {b} Cela m’a duré plus de vingt années, surtout par temps froid, mais sans autre symptôme rénal ou vésical. Me demandant ce que pouvait être cette matière, je l’ai de temps en temps laissée sécher, faisant alors apparaître un sel transparent, qui se divisait en fibres et était salé quand je le goûtai. Craignant qu’il ne s’agît là des prodromes d’un calcul et étant à la diète de Spire en 1570, {c} j’en parlai avec Crato, alors premier médecin de l’empereur Maximilien, {d} qui jugea que cela pourrait annoncer la survenue d’un calcul rénal, ce qui me frappa de terreur, alors que j’étais gaillard et en bonne santé, et appelé à soigner de nombreux princes. Néanmoins, par la grâce de Dieu, rien de tel ne m’a affligé et, bientôt quarante ans plus tard, je n’ai souffert d’aucune autre maladie des reins ou de la vessie]. {e}


  1. Bâle, Ludovicus König, 1641, in‑8o.

  2. Émission de l’urine goutte à goutte.

  3. Dernière diète impériale qui eut lieu dans cette ville de Rhénanie-Palatinat, et au cours de laquelle fut signé un traité de paix entre les couronnes germanique et hongroise.

  4. Johann Crato von Crafftheim (1519-1585), premier médecin de Maximilien ii (empereur de 1564 à 1576), vnote Patin 2/845.

  5. Il s’agissait probablement d’une affection métabolique bénigne avec présence chronique de sels dans l’urine. Crato n’avait pas tout à fait tort de craindre la survenue d’une lithiase, mais Plater eut la chance d’y échapper.

13.

Tome 2 des Consilium medicinalium de Guillaume de Baillou (Guillielmus Ballonius, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris mort en 1616), {a} De purulentis urinis [Des urines purulentes], loc. cit., pages 275‑279 :

Vxor D. Du Bourlabé, ab annis multis excernit vna cum vrinis nescio quid quod cum meiitur toti vrinæ confunditur ; vbi paulùm resedit lacteum quid est et referens albore, æqualitate et læuitate verum pus. Quæstio an pus sit. Nephritin passa non est, nisi semel tantum quod ab annis decem viderimus, idque nuper. Et cum afflicta fuisset, dolorésque cessauissent, quæsitum est an non in corpore ipsius renis lapis impactus foret, qui olim tales vrinas promouisset, nunc verò apertam nephritin attulisset.

Qui senior Medicus erat pus ex eo colligendum putauit, quod fœtorem haberet, si quidem pus esset. […]

Fortè de ægra hac hoc dici posset, quemadmodum obseruatum est vlcus, et abscessum renum fluoris muliebris causam esse, ita quis dubitat quominus aut latens mesenterij abscessus, aut alia in parte, eiusmodi vrinarum lactearum causa sit, et quod si ea materia vteri viam appeteret, vasaque subiret ρουν γυνακεον causaretur.

[Depuis de nombreuses années, l’épouse de M. Du Bourlabé émet en pissant je ne sais quelle matière qui se mêle à la totalité de son urine : le sédiment en est un peu laiteux, et ressemble à du véritable pus par sa blancheur, et par sa substance unie et déliée, mais en est-ce bien ? Depuis dix ans que nous la voyons, elle n’a pas souffert de néphrite, hormis une seule fois, voilà peu ; et puisqu’elle en avait été tourmentée et que les douleurs avaient traîné, nous nous sommes demandé si une pierre ne s’était pas accrochée dans le corps même du rein, ayant jadis provoqué de telles urines et maintenant une néphrite patente.

Un médecin plus ancien que moi a pensé que, s’il s’agissait de pus, cette humeur devrait avoir une odeur fétide. {b} (…)

On peut probablement dire de cette malade que, de même qu’on envisage une ulcération et qu’un abcès des reins provoque un écoulement vaginal, chacun n’en doute pas moins qu’un abcès tapi dans le mésentère ou dans une autre partie soit la cause de ces urines laiteuses, et que si cette matière atteignait l’utérus et s’insinuait dans ses vaisseaux, elle provoquerait un flux génital]. {c}


  1. Paris, 1649, vnote Patin 19/17.

  2. Une telle odeur ne paraissait pas présente dans le cas étudié.

  3. Même traduit avec soin, le sens de ce dernier paragraphe est obscur car il fait intervenir un écoulement génital que l’observation ne rapportait pas. Comprenant je ne sais comment que Baillou retenait le diagnostic d’abcès du mésentère, Thomas Bartholin adhérait à cette hypothèse, en dépit d’urines laiteuses présentes depuis plusieurs années.

14.

Rien non plus n’a vraiment retenu mon attention dans :

En somme, le point iii de ce chapitre ix ne me semble pas autoriser de conclusion claire ; pour expliquer les urines laiteuses, les références citées ont oscillé entre présence :

15.

Les néphrétiques sont ceux qui souffrent de coliques homonymes, tels Thomas Bartholin ou Érasme (v. supra note [9]).

Pour servir son raisonnement sur la distribution plus rapide des médicaments grâce à la communication directe du réservoir lombaire avec les reins, Bartholin recourait à deux exemples dont la naïveté prêtait alors déjà à sourire :

16.

De Iudiciis venenarum et liuidarum, atque nigrarum vrinarum [La manière de juger les poisons et les lividités, et les urines noires] est le titre de ce chapitre d’Actuarius, {a} avec cette anecdote tome premier, pages 227‑229 :

Accessi ad quendam curatione indigentem, secutusque me est seruus meus, ea pharmaca deferens, quæ collatura existimaueram ægroto. atque inibi manus capiens pharmacum (erat enim trochiscus amarus) miscui cum eo tantum oxymellis, quantum satis esse putaui, atque infudi deferuente aqua, vt liquidius et facilius ad bibendum esset pharmacum, idque ægroto præbui. ille verò calicem labris admouens, postquam sensit medicamenti insuauitatem, atque adeò amarus ipse factus, et cætera superbus et morosus, quique ad medicamenta capienda non facilè medico obsequeretur, volui etiam ipse ludere, atque redarguere abominationem medicinæ, quæ ingenita ei erat ab animæ mollitie. Itaque vbi dixissem molesti nihil tolerare debere virum quenquam, nisi ad vtilitatem comparandam, dedi seruo pharmacum ad bibendum, dixique id non mediocriter collaturum esse corpori. Seruus acceptum calicem, manuque labris appositum, euacuatum ostendit, vbi sanè quàm libenter ebibisset medicamentum. quo facto illinc discessimus. Ipse profectus sum quo decreueram : seruum verò misi ad amicum quendam ob rem aliquam necessariam, iussique vt celerrimè reuerteretur. Erat iter eò (vt arbitror) triginta stadiorum. obedientem reperi, atque celeriter reuersum. Sed vbi ad meiendum coactus esset, ei visum est nigrum meiere : mihique retulit idipsum malum, atque causam nesciens, magnopere contristatus est. Iussi itaque vt postera die in matula ostenderet vrinam. Sic itaque egit, etiam euentum discere expectans, verberaturque ne fortè ignorata causa, repente moreretur. Ego quoque inspecta vrina nigra, primò miratus sum, oblitus pharmaci quod nuper dederam, neque quartanam in eo affuisse considerans, neque melancholiam : solummodo tamen, videbam temperaturam eius vergentem ad quendam purum humorem nigrum. Sed hanc solam non credidi fuisse causam facti, nulla altera reddita causa. Postquam verò recordatus fui medicinam quam exhibueram intellexi rem, atque risi : iussique puerum confidere, ita vt ei nihil mali expectandum esset. Vrina autem plurimum tincta erat nigrore : quoniam, vt puto, non sæpius vsus fuerat ea medicina. Postea verò die vrina apparuit veneta : et die quæ hanc sequuta est, mutata est ita vrina, vt ad eam quæ secundum naturam est, concessisse spectaretur. Fortasse à principio non fuisset tincta vrina tam facilè ab ebibito pharmaco, nisi etiam labor maximopere adiuuisset, quòd ita facile medicamentum distributum fuisset, et vigentem materiam atque abundantem attraxisset. Horum ergo vniuscuiusque meminisse oportet, atque accidentia considerare, siue à pharmacis oriantur, præsertim quæ humores eiusmodi commouent, siue à cibis et potibus simili colore affectis. Veruntamen hæc ipsa in corporibus sanis contingentia, aut parum, aut nihil mali significant. in ægrotantibus verò longo tempore maximè ab humoribus melancholicis salutaria et ægritudines soluentia existunt.

[Je visitai un malade requérant mes soins, accompagné de mon esclave qui portait les médicaments que je comptais employer. Je choisis un trochisque {b} amer, le mêlai à la quantité requise d’oxymel {c} et diluai le tout dans de l’eau bouillie pour que le remède fût plus facile à boire. Je présentai la potion au patient qui en perçut l’amertume en approchant la coupe de ses lèvres. Orgueilleux et chagrin, il en fut fort contrarié, disant qu’il ne se plierait pas facilement à la volonté d’un médecin en avalant ses médicaments ; en badinant, je voulus récuser l’abomination du remède en la disant être le fruit de son imagination et de sa mollesse d’âme ; et puis, après avoir dit que nul ne devait endurer un désagrément sans en tirer quelque profit, j’ordonnai à mon esclave de boire le remède, qui lui ferait grand bien ; il porta la coupe à ses lèvres et la vida ; le malade en fit alors autant bien volontiers et nous prîmes congé de lui. Passant à d’autres occupations, j’envoyai mon serviteur chez un ami pour quelque affaire à régler avec lui, en lui ordonnant de revenir le plus rapidement possible. La distance à parcourir était (me semble-t-il) de trente stades. {d} Il m’obéit et revint vite, mais quand lui vint l’envie de pisser, il vit que son urine était noire. Il me fit part de cette anomalie dont il ignorait la cause et qui le préoccupait énormément. Je lui demandai de m’apporter son pot de chambre le lendemain ; ce qu’il fit, impatient d’apprendre le diagnostic, dans la crainte d’avoir pu être frappé d’un mal inconnu et d’être menacé de mort subite. J’avais oublié le médicament que je lui avais récemment fait prendre et m’étonnai d’abord de cette urine noire, ne le sachant souffrir ni de fièvre quarte ni de mélancolie ; j’avais seulement vu que son tempérament était enclin à quelque pure humeur noire, mais sans croire que cela pût être en cause, en l’absence de toute autre indisposition. Toute l’affaire s’éclaircit et j’en ris quand je me fus souvenu du médicament que je lui avais dernièrement administré, et lui dis d’être bien sûr qu’il ne lui arriverait rien de fâcheux. Son urine était fort noire parce que, pensai-je, il n’avait pas très souvent recouru à cette potion. Le lendemain, l’urine était bleu azuré, et le surlendemain, elle avait retrouvé sa couleur naturelle et tout était rentré dans l’ordre. Peut-être le médicament n’aurait-il pas si aisément teinté ses urines s’il n’avait pas dû accomplir un violent effort physique, lequel avait d’autant favorisé la dispersion de la potion et attiré dans les reins sa puissante et abondante substance. Chacun doit donc se rappeler qu’un tel phénomène peut survenir et que la couleur d’un remède, d’un aliment ou d’une boisson peut diffuser quand les humeurs sont mises en mouvement de la sorte. Chez les gens en bonne santé, cela n’est pourtant qu’un incident engendrant peu ou pas d’inconvénient ; mais chez ceux qui ont été longtemps malades, surtout s’ils sont affectés de mélancolie, ce peut être salutaire en contribuant à soigner leurs maux].


  1. Sept livres de Urinis, v. supra note [14].

  2. Vnote Patin 7/1374.

  3. Vnote Patin 24/8170 pour l’oxymel.

  4. Environ 5,5 kilomètres.

Juste avant sa référence à Actuarius, Thomas Bartholin avait cité trois médicaments réputés diurétiques :

17.

Alexander Benedictus, {a} Anatomice sive historia corporis humani [Anatomie ou description du corps humain], livre ii, chapitre ix, De mesenterio et venis eius [Le mésentère et ses veines], pages D ij ro‑ vo, {b} sur les veines du mésentère :

Qui harum uenarum orificia inter intestina ampliora putant in uiuente, quæ in cadauere delitescant, longe decipiuntur ; arbitrant enim ciborum frusta per easdem fibras tenuissimas attrahi posse, putantque uirginem ætate nostra Venetiis dum hæc conderemus, quæ crinalem acum quatuor digitorum longitudine, quam inter dentes dormitura continebat, incauteque per somnum deglutiuit, per urinam post menses x. demisisse maximis cruciatibus, quam in uesica collectis uiscosis humoribus lapidem circa sese inuolutum rotundauit gallinacei oui magnitudine, et à uenis prius mesentericis acum haustam esse contendunt, nec quas uias inuenerit natura ignorant.

[Ceux qui estiment que les orifices des veines qui parcourent les intestins sont plus amples chez les sujets vivants et qu’elles s’affaissent chez le cadavre, se trompent complètement. Ils jugent en effet que ces filaments peuvent attirer les fragments des aliments, et méditent sur la jeune fille que nous avons enterrée ces temps-ci, à Venise : elle s’était endormie en serrant entre ses dents une épingle à cheveux longue de quatre travers de doigt, et l’avait avalée par mégarde pendant son sommeil ; dix mois plus tard, l’épingle descendit par les voies urinaires en provoquant de très vives douleurs ; une fois dans la vessie, des humeurs visqueuses s’y étant agglutinées se sont enroulées sur elles-mêmes pour former une pierre qui a atteint la taille d’un œuf de poule. {c} Ces gens prétendent que l’épingle a d’abord été absorbée par les veines mésentériques, et disent ne pas ignorer quelles voies la nature aura inventées pour ce faire]. {d}


  1. Alessandro Benedetti (Vérone 1452-Venise 1512), professeur de médecine à Padoue, puis médecin des armées de la Sérénissime (Éloy).

  2. Sans lieu, Eucharius, 1527, in‑8o.

  3. Comme d’autres commentateurs de cette histoire (v. infra note [18]), Thomas Bartholin en enjolivait merveilleusement le récit : la jeune fille était morte dans de vives souffrances et l’ouverture de son cadavre avait trouvé l’épingle dans la vessie.

    Benedictus a bizarrement donné ailleurs une moins rude version du sort que subit la malade (v. infra note [18‑1]).

  4. Au début et à la fin de sa relation, Benedictus a voulu morigéner ceux qui n’éprouvaient pas de difficulté à expliquer le cheminement de l’épingle depuis l’estomac jusqu’à la vessie.

18.

Thomas Bartholin renvoyait à trois auteurs qui ont repris avec plus ou moins d’exactitude l’observation d’Alexander Benedictus (v. supra note [17]).

  1. Observation de Johann Schenck, {a} intitulée Acus in calculis e vesica extractis depacta [Épingle à cheveux dans les calculs extraits de la vessie], page 474 :

    Virgo illa, quæ acum crinalem devoraverat, oui magnitudine gallinacei lapide in vesica genito, humoris mucidi circa acum sensim accretione, ad vltima ferè tabem redacta, patefactâ ceruice, magno impetu, lapidis ingens pondus in sellam demisit. Alex. Benedictus lib. 22. capt. 36. de medend. morb.

    Anno Domini 1566. Laurentij Collo duo liberi, aclculorum extrahendorum artfices experientissimi, calculum extraxerunt, nucis iuglandis crassitie, in quo medio acus ei planè, quâ sutores suere solent, similis, depacta visebatur. Calculoso nomen erat Petrus Coquinus, viâ Galandeâ ad plateam Malbertinam ; puto illum adhuc superstitem viuere. Carolo ix. Regi propter rei monstrificæ nouitatem calculus ille, me præsente, oblatus est ; quem mihi à Chirurgis illis dono datum, diligenter in secretioribus capsulis asseruo. Pareus lib. 24. cap. 19.

    [Une jeune fille avait avalé une épingle à cheveux, laquelle, parvenue dans la vessie, s’y était peu à peu enrobée d’une humeur corrompue, provoquant la formation d’une pierre qui avait la taille d’un œuf de poule. Après avoir atteint le stade presque ultime du tabès, {b} ladite jeune fille découvrit la pierre dans le col de sa vessie et, au prix d’un grand effort, elle se libéra de son énorme fardeau en allant à la selle. Alex. Benedictus, livre xxii, chapitre xxxvi]. {c}

    Paré, livre vingt-quatrième, chapitre xix : {d} « L’an mil cinq cent soixante-six, les enfants de Maître Laurent Colot, hommes bien expérimentés en l’extraction des pierres, {e} en tirèrent une de la grosseur d’une noix, au milieu de laquelle fut trouvée une aiguille, de quoi coutumièrement les couturiers cousent. Le malade se nommait Pierre Cocquin, demeurant en la rue Galande, près la place Maubert à Paris, et est encore à présent vivant. La pierre fut présentée au roi {f} en ma présence, avec ladite aiguille que lesdits Colot m’ont donnée pour mettre en mon cabinet, laquelle je garde et ai encore de présent en ma possession, pour mémoire de chose monstrueuse. »


    1. Observationes, Lyon, 1644, v. supra note [11].

    2. Cachexie, v. note [5], Dissertatio anatomica, chapitre v.

    3. Autre mention de cette observation par Benedictus dans ses 30 livres des Omnium a vertice ad calcem morborum signa, causæ, indicationes et remediorum compositiones… [Signes, causes, indications thérapeutiques de toutes les maladies, des pieds à la tête, avec les compositions des remèdes…] (Bâle, 1539, in‑4o), loc. cit., page 848.

      La transcription qu’en a donnée par Schenck est strictement fidèle à l’original de Benedictus et contredit sa précédente narration (v. supra note [17]), puisque la malade n’est plus enterrée, mais expulse heureusement sa pierre après qu’elle a failli la tuer.

    4. J’ai ici repris le texte français original d’Ambroise Paré que Schenck a fidèlement traduit en latin : Œuvres (Paris, 1628, vnote Patin 15/7), livre vingt-cinquième, Des Monstres, page 1026, chapitre xv, Des Pierres qui s’engendrent au corps humain.

    5. Vnote Patin 17/455 pour la longue lignée chirurgicale des Colot qui ont brillé dans l’art de la cystotomie pendant les xvie et xviie s.

    6. Charles ix a régné de 1560 à 1574.

  2. Methodi vitandorum Errorum omnium qui in Arte Medica contingunt Libri Quindecim… [Quinze livres de la Méthode à suivre pour éviter toutes les erreurs qui se rencontrent en l’art médical…] de Sanctorius, {a} loc. cit., colonne 899, chapitre intitulé Declaratur, quid intelligi debeat per vasa communia [Est expliqué ce qu’il faut entendre par vaisseaux communs] : {b}

    Denique vt animaduertas, multas esse vias in viuentibus apertas, quæ in cadauere non possunt inueniri : audias historiam pluribus quoque notam : Contigit Venetiis puellæ acum magnum deglutienti, ut post aliquot menses acus in vesicam descenderet ; vbi cum constitisset, calculus circa illum est adauctus, et tandem à lithotomo fuit transpositus : quis ex cadaueris sectione inuenire posset locum in iecore, quà magnus acus posset sine læsione transire ? vbi nec venæ capillares, nec fibræ conspiciuntur ; sed solum vniforme et similare parenchyma, nihilominus in viuis alio modo res se habet.

    [Enfin, comme vous remarquerez, de nombreuses voies sont ouvertes chez les sujets vivants, qu’on ne peut retrouver chez les cadavres. Je vous livre une observation que de nombreux auteurs ont citée : il advint à Venise qu’une petite fille avala une grande épingle, qui descendit dans sa vessie quelques mois plus tard ; tandis qu’elle y était arrêtée, un calcul s’agrégea autour de l’aiguille, qu’une lithotomie finit par extraire. {c} En ouvrant un cadavre qui pourrait trouver dans le foie un endroit par où une grande épingle aurait pu passer sans entraîner de dégâts ? On n’y voit en effet ni très fines veines ni filaments, mais seulement un parenchyme uniforme et homogène ; {d} il peut cependant en aller autrement chez les gens vivants].


    1. Santorio Santorio, professeur de médecine à Padoue ; Venise, 1630, vnote Patin 6/8.

    2. Le terme, hérité de Galien, est expliqué au début du chapitre :

      […] hæc conditio per vasa communia conueniat reuulsioni per se, quia nisi essent communia, nihil euacuaretur ; propterea euacuantur humores ; quia retrahuntur ad vasa, per quæ possunt fluere, et hæc sunt communia.

      [(…) la qualité assurée par les vaisseaux communs correspond à la révulsion proprement dite, parce que s’ils n’étaient pas communs, rien ne serait évacué ; ils expulsent donc les humeurs, parce qu’elles se retirent dans des vaisseaux qui leur permettent de s’écouler, et ceux-là sont communs].

      En conclusion du chapitre, Sanctorius déclare que les vaisseaux communs sont des veines, et non des artères.

    3. Troisième version de l’histoire : la patiente aurait été heureusement guérie par une cystotomie, sans mourir de sa pierre ni l’avoir spontanément évacuée.

    4. Bien que le foie soit traversé par une grande abondance de vaisseaux, sanguins et biliaires, presque tous sont affaissés et invisibles à l’œil nu quand on examine ses tranches.

  3. Outre ce que Schenck a emprunté aux Œuvres d’Ambroise Paré (v. supra première notule {d}), l’observation d’« Alexandre Benedict » figure sur la même page, mais dans le précédent chapitre (xiv), Exemple des choses monstrueuses qui sont advenues en maladies accidentales :

    « Davantage au dit chapitre, dit qu’à Venise une fille avala une aiguille, laquelle, deux ans après, elle jeta en urinant, couverte d’une matière pierreuse, amassée alentour de quelques humeurs gluants. » {a}


    1. Cela est conforme à la seconde relation de Benedictus, donnée par Schenck dans la première citation supra.

19.

Réponse intitulée In qua de Vermibus, necnon de acu deglutita per quinque annos in corpore retenta, ac tandem per urinam excretis in puero quodam Hebræo sermo habetur [Où il est question des vers et de l’épingle qu’un enfant juif a expulsés dans ses urines après qu’ils sont restés pendant cinq années dans son corps], pages 125‑126, {a} où Iulius Cæsar Claudinus {b} raisonne avec une certaine pertinence sur les corps étrangers urinaires issus de la vessie :

Vermes per vrinas eiectos viri in arte Medica clarissimi […] inter medendum, obseruarunt, pariter et acum non modo capitatam, sed etiam sutoriam materia lapidea circumcirca oblinitam per eamdem prorsus regionem excretam non tantum Langius, ac Paræus, sed et Alexander Benedictus monimentis fide dignis tradiderunt, id quod Andreas Ceratus Parmensis Medicus præstantiss. ac mei amicissimus, anno 1589. Venetiis obseruasse nuper mihi narrauit. Quas quidem euidentias, tu quoque Cabassi amantissime superioribus diebus in puero quodam Hebræo observasti (vt scribis) qui cum acum capitatum deglutitum quinque annos in corpore detinuisset, primo et secundo anno doloribus partium urinalium correptus, arenulas, lapillos, unaque uermes longos, rotundos, cum vrina simul eiecit, subsequentibus verò annis difficultate urinæ ferè semper molestatus, lapillos itidem, et arenulas, tandemque acum dictam eminxit, a quibus occasione aquæ Villensis assumptæ Lumbricum rotundum ad longitudinem octo, vel decem digitorum transuersorum excreuit. Quæ omnia tametsi plures, vt dixi viri de re Medicina meritissimi obseruauerint, insignem tamen habent difficultatem.

Nam quantum ad uermes attinet, cum renes, et vesica continuo vrina, quæ ex Rufo Ephesio, et omnibus Medicinæ scriptoribus est humiditas nitrosa, ueluti abstergantur, non uidetur qua ratione in illis vermes possint generari, quoniam tantum abest, ut ex humiditate illa serosa generentur, quin potius geniti interficiantur. Ex altera autem parte, si loca illa sint præter naturam affecta, mucosa materia, eademque putrefacta conspurcata, concurratque debitum agens generationis uermium, non uideo cur non dicam tantum in illis locis, sed omnibus etiam alijs (modo causæ generantes simul coëant) uermes non possint generari.

De acu verò (vbi deglutita fuit) est difficultas, per quam viam ad partes vrinæ transmissioni inseruientes peruenire, atque tandem per illas excerni potuerit : nam si vias conspicuas, et patentes animaduerto, duo tantum occurrunt excretionis modi, ambo tamen dubij, ac incerti.

Primum est, ut per Mesaraicas ad iecur, in iecore verò per uenas cauæ ad uenas simæ partis minimè iunctas ex Gal. 4. de Vsu partium, 3. tandemque per emulgentes, renes, et vretera ad vesicam peruenerit, qui transitus et propter uenarum meseraicarum propriam angustiam, et propter uasorum Hepatis iam dictam disiunctionem, nedum imaginabilis videtur.

Secundus modus ille est, qui a Te (Vir excellentissime) propositus fuit, quod nempè ad intestina descendens Acus eadem, atque corpus vesicæ perforauerit, sicque illam ingressus, una cum urina fuerit eductus. Qui modus excretionis, historia a Dodoneo in suis Observationibus cap. 20. proposita confirmari potest, quod loci mulierem proponit, quæ cum ante decem annos acum delutijsset, tandem uentriculo terebrato acus foras prosilijt, verumtamen cum subdat ipse, uehementissimos cruciatus tum præcessisse, tum comitatos fuisse, et in casu a te proposito puer ille acum reddiderit citra dolorem, modus hic non uidetur undequaque recipiendus, et quanquam ego ex una parte in illius confirmationem ante plures annos curauerim mulierem quandam Bononiensem familiæ de Sauijs (quæ honorificè artem pharmacopæiam iamdiu exercuit) cui cum suppurata fuerit inflammatio in utero, disrupto abscessu, pus partim per uesicam, partim circa pubem facto foramine excretum fuit, nihilominus ex altera parte, quoniam interim insignibus doloribus fuit hæc patiens afflictata contra modum a te propositum facere uideor.

Quapropter, si postremo loco ad uias ipsi naturæ reconditas, et cœcas, ut dicunt, animum conuerto, casus etiam hic plenus est difficultatibus, quarum una est, quòd in itinere quantumuis recondito, ac abscondito, uix fierei potest, quin sensus aliquis deprehendatur ; Altera quod sic ejicitur, immune ab omni inquinamento esse solet ; In casu autem proposito nullius sensus mentio facta fuit, et acus materia lapidea circumsepta est educta. Quibus illud addendum quòd esto, acus per cæcos ductus ad vesicam usque deuenerit, quomodo sine doloribus saltem aliquibus eandem uesicam ingressus fuit, ibidem detentus, ac demum emissus ?

[Dans leur pratique, les plus brillants médecins (…) ont observé des vers expulsés dans les urines. Pareillement, Langius, Paré et surtout Alexander Benedictus ont rapporté, dans des ouvrages dignes de confiance, {c} le passage, exactement par la même voie, d’une épingle à cheveux, ainsi d’une aiguille à coudre. C’est aussi ce que Andreas Ceratus, très éminent médecin de Parme et mon grand ami, m’a raconté avoir observé à Venise en 1589. Vous-même, mon très cher Cabassius, {d} avez vu ces jours derniers (comme vous me l’écrivez) un enfant juif qui a gardé dans son corps une épingle à cheveux qu’il avait avalée cinq ans auparavant : pendant la première et la deuxième année il a souffert de douleurs urinaires, et éjecté des grains de sable et de petites pierres, de même que de longs vers ronds ; mais durant les années suivantes, il a très souvent éprouvé une difficulté à uriner, pissant toujours des petites pierres et du sable, jusqu’à finalement expulser ladite aiguille ; et dans ces occasions, il a bu de l’eau de Villa {e} et rejeté un ver rond, long de huit à dix travers de doigt. Bien que, comme j’ai dit, de nombreux médecins très méritants aient observé tous ces faits, leur interprétation est d’une insigne difficulté.

Quant aux vers, puisque les reins et la vessie sont perpétuellement comme lavés par l’urine, qui, selon Rufus d’Éphèse {f} et tous les auteurs d’ouvrages médicaux, est un liquide nitreux, on ne voit pas comment des vers pourraient y être engendrés car loin d’être propice à les faire naître, ce liquide séreux l’est bien plutôt à les détruire. En revanche, si ces lieux sont affectés d’un état contre nature, une matière morveuse, qui est elle-même putréfiée et corrompue, procure ce qui est requis pour engendrer des vers, et je ne vois pas pourquoi il ne s’en formerait dans ces parties, ainsi même qu’en d’autres endroits (si les conditions idoines s’y trouvent réunies).

Quant aux épingles et aux aiguilles (après qu’elles ont été dégluties) la difficulté tient véritablement à connaître le chemin par lequel elles parviennent dans les voies urinaires, jusqu’à pouvoir en être expulsées. Quand j’examine les conduits visibles et perméables du corps, je ne vois que deux trajets qui le permettraient, en convenant qu’ils sont douteux et incertains.

Le premier passe des vaisseaux mésaraïques au foie, puis des veines de sa concavité à celles de sa convexité, mais elles ne se joignent guère (selon Galien, au livre iv de l’Utilité des parties, chapitre iii), {g} puis par les émulgentes, dans les reins, et enfin par les uretères dans la vessie. Ce trajet paraît inimaginable étant donné l’étroitesse des veines mésaraïques et, comme j’ai dit, l’absence de communication entre les veines du foie.

La seconde possibilité est celle que vous avez proposée (très excellent Monsieur), à savoir que l’épingle, en descendant dans les intestins, a perforé le corps de la vessie pour y pénétrer et en être expulsée avec l’urine. L’histoire relatée par Dodoneus, au chapitre xx de ses Observationes, {h} peut confirmer cela : dix ans après qu’une femme eut avalé une épingle, elle a traversé l’estomac pour être expulsée, mais cela a été précédé et accompagné de douleurs très intenses. Dans le cas que vous me soumettez, l’enfant n’en a ressenti aucune, {i} ce qui semble rendre impossible une telle explication. Pour ma part, voilà bien des années, j’ai soigné une femme de Bologne, qui appartenait à la famille de Saviis (laquelle y exerce honorablement la pharmacie depuis longtemps) : elle avait une inflammation purulente de l’utérus ; l’abcès se rompit et du pus s’écoula à la fois par la vessie et par un orifice ouvert au niveau du pubis, avec d’intenses douleurs, et ce mode d’expulsion me semble contraire à celui que vous avez proposé.

Même à imaginer, en dernier recours, des voies que la nature nous a cachées et qu’on dit aveugles, votre observation soulève bien des difficultés : une d’elles est que, si dissimulé et obscur soit-il, ce passage peut difficilement être emprunté sans qu’on ait la moindre notion de son existence ; une autre est qu’une telle expulsion se soit faite sans qu’aucun symptôme ait été ressenti, car vous n’en avez mentionné aucun, alors que quand elle a été rejetée, l’épingle était entourée de matière pierreuse. Si une épingle peut silencieusement gagner la vessie par des voies aveugles, je me demande comment elle peut y pénétrer, y demeurer et enfin en être expulsée sans aucune douleur].


  1. Responsionum et consultationum medicinalium tomus unicus [Tome unique de Réponses et consultations médicales], Venise, Hieronymus Tamburinus, 1607, in‑fo.

  2. Giulio Cesare Claudini, vnote Patin 6/359.

  3. V. notes [17] et [18] supra pour les observations d’Alexander Benedictus et d’Ambroise Paré, et [20] infra pour Johannes Langius.

  4. Claudinus répondait au cas que lui avait soumis Bernardinus Cabassius, son confrère de Carpi (province de Modène).

  5. Source thermale italienne proche de Lucques.

  6. Médecin grec du iie s., vnote Patin 4/1090.

  7. Chapitre v du dit livre dans Daremberg (volume 1, pages 284‑285).

  8. Observation de Rembert Dodoens (vnote Patin 25/1019) intitulée Aerea acus perforato stomacho extrinsecus truditur [Expulsion d’une épingle en bronze après qu’elle a perforé l’estomac], Medicinalium observationum exempla rara [Exemples rares d’observations médicales], Leyde, 1585, pages 155‑156.

  9. En dehors de la gêne urinaire liée à la lithiase vésicale.

20.

Epistolarum medicinalium volumen tripartitum [Recueil de lettres médicales en trois parties] de Johannes Langius (Johann Lange), {a} dont les pages 745‑746 appartiennent à la lettre xl du livre ii, intitulée De puris per lotium, ex pulmonis, epatis, renum, aliorumque viscerum vomica erumpentis per meatus reconditos expurgatione… [Purgation de pus par voie urinaire, expulsé sous la forme d’une vomique {b} du poumon, du foie, des reins ou d’autres viscères, en empruntant des conduits cachés…] et cite Mésué {c} sur la pleurésie :

Post abscessus in lateribus pectoris eruptionem, sanies per pulmonem quibusdam cum tussi excreatur. at quibus in pectoris cauitatem destillat, his vel per venam chylim in partem epatis concauam defluit, et inde per intestinorum venulas cum alui excrementis effluere potest. Si vero de pectore ad partem epatis couexam defertur, inde per venas emulgentes ad renes et vesicam erumpere potest. Nil igitur adeo mirum, mulierem Venetam acum crinalem, qua cirri capillorum intorquentur, quatuor digitorum longitudine, quam obdormiscens in ore detentam deglutiuerat, decimo tandem mense eminxise. Et altera in gynæcio ducis Iuliacensis virgo, dum sese adornaret, perterrita, ingemiscens acus quinque quas in ore mordicus tenuerat, deglutiuit, et per vrinas illæsa easdem reddidit. Credant igitur obsecro vromantes Galeno nostro, qui : Nos vero, inquit, pulmonis vomicam per vrinam, thoracis autem per intestina et aluum expurgari vidimus.

[Certains, après la rupture d’un abcès situé dans les côtés de la poitrine, crachent du pus par le poumon en toussant ; mais chez d’autres, il dégoutte dans la cavité du thorax, puis s’écoule par la veine du chyle vers la partie concave du foie et peut ensuite être éliminé avec les fèces, en passant par les petites veines des intestins. Si pourtant il passe de la poitrine dans la partie convexe du foie, il peut sortir par les reins et la vessie, par l’intermédiaire des veines émulgentes. Il n’y a donc guère à s’étonner de cette Vénitienne qui s’endormit en tenant dans la bouche une épingle longue de quatre doigts, qui lui servait à tenir ses cheveux, et l’avala puis la pissa dix mois plus tard ; ni de cette autre jeune fille qui, à la cour du duc de Juliers, tandis qu’elle se faisait belle, tomba dans la frayeur et les gémissements, disant avoir avalé cinq aiguilles qu’elle tenait en les mordant entre ses dents, et qui les rendit dans son urine sans en subir d’inconvénient. {d} Je supplie donc les uromanciens de croire ce qu’en a dit notre Galien : {e} Nous-mêmes avons vu, dit-il, une vomique du poumon être expulsée par l’urine, et une vomique du thorax l’être par les intestins dans les fèces].


  1. Francfort, 1589, vnote Patin 17/264.

  2. V. notule {g}, note [55], Brevis Destructio d’Hyginus Thalassius, chapitre iv.

  3. Médecin persan du ixe s., vnote Patin 25/156.

  4. Cette jeune fille n’était peut-être pas de parfaite bonne foi.

  5. Une note marginale renvoie au livre vi des Lieux affectés, chapitre iv, Daremberg, volume 2, pages 684‑685.

    Les uromanciens étaient ceux qui devinent les maladies par l’examen des urines.


21.

Observationes de Nicolaas Tulp, {a} chapitre intitulé Periodicus, capillorum mictus [Émission périodique de cheveux dans les urines], loc. cit., pages 180‑181 :

Mictum capillorum, sive τριχιασιν, conspexêre Medicorum aliqui, sed admodum pauci. At quis reciprocantem ipsius periodum ? quam nobis evidentissimè obtulit filius, Consulis Hornani : afflictus quatuor ampliùs annos, ab hoc inusitato capillorum mictu, qui ipsi identidem reverberatur, quolibet decimo quarto die cum insigni urinæ difficultate, et tantâ, perturbati corporis inquietudine, ut vix se contineret in cubili.

Æquantibus singulis pilis, modò medium, modò verò digitum integrum. Sed muco ita involutis ; ut rarò sæparatim, sed plerumque prodierint conglobatim. Durante qualibet accessione dies fermè quatuor : in quibus licet continenter, et molestè redderet urinam ; transegit tamen reliquos dies, sine ullo cruciatu, ullove capillorum mictu, usque dum postliminio repeteret, consueta reciprocandi ratio.

[Quelques médecins, mais en fort petit nombre, ont constaté la présence de cheveux dans les urines, ou trichiasis, {b} mais qui a jamais rapporté sa survenue périodique ? Nous l’avons observée avec parfaite évidence chez le fils d’un conseiller de Horn : {c} la remarquable émission urinaire de cheveux qui l’affligeait depuis plus de quatre années, se reproduisait environ tous les quatorze jours, accompagnée d’une notable difficulté à pisser et d’une telle agitation corporelle qu’il ne sortait guère de sa chambre.

Chacun de ces poils égalait tantôt la longueur d’un demi-doigt, tantôt celle d’un doigt entier, mais ils étaient si enveloppés de mucus, qu’ils sortaient plus souvent agglomérés en touffes que séparément les uns des autres. Chaque épisode durait quatre jours entiers, pendant lesquels, bien qu’il fût continent, les mictions étaient pénibles. Les autres jours se passaient sans aucune douleur ni émission de cheveux, jusqu’au moment où, le délai susdit s’étant écoulé, l’accès ordinaire se reproduisait]. {d}


  1. Amsterdam, 1641, v. note [3], Experimenta nova anatomica, chapitre vi.

  2. Le mot trichiasis est plus couramment utilisé pour désigner une déviation vicieuse des cils, responsable d’une irritation du globe oculaire. Si elle a jamais réellement existé, la maladie rénale de ce nom a entièrement disparu.

  3. Horn est une ville de Rhénanie-Palatinat.

  4. Cette curiosité, que Tulp n’a pas commentée plus avant, ne correspond à aucune affection décrite dans les ouvrages modernes de pathologie.

22.

V. supra note [10] pour le chapitre de Florentinus consacré à la présence de poils dans l’urine, qui commence par cette sage remarque :

Pili qui exeunt in vrina non sunt vere pili : dixit enim Avi. qui sunt res similes capillis : et hoc ratione longitudinis et tenacitatis eorum.

[Les poils qui sortent dans l’urine ne sont pas de vrais poils : Avicenne dit que ce sont des choses qui ressemblent à des cheveux, et ce en raison de leur longueur et de leur solidité].

Dans le livre iii, De Renibus, des Observationes de Johann Schenck (v. supra note [11]), la section intitulée Renum Trichiasis [Trichiase des reins] (pages 443‑444) contient deux observations :

23.

Praxis medica admiranda d’Abraham Zacutus Lusitanus, {a} loc. cit., pages 237‑238, observation intitulée De Morbo Pilari. Trichiasis renum, historia mira, eiusque curatio [La maladie pileuse. Histoire étonnante d’une trichiase des reins, et son traitement] :

Quidam in declinante ætate constitutus, octo annorum spatio, lentam pituitam per vrinam excernens, commodâ diœtâ, vacuantibus, diureticisque vsus, vix præseruari potuit, quin filamenta longa, et alba (lumbricos diceres) per eandem viam sæpè cum mingendi difficultate excerneret. Adhibita præsidia vtilia plura, sed non profuêre : nam triduò, pilos palmi longitudine, crassos, et duros, (setas porcinas veriùs nominares) in multâ copiâ, præcedente Ischuria per vrinam detrusit, qui à mucoso humore, nimis tamen, adusto, et retorrido ortum ducebant. Visis his Balneum administratur, propinatur Serum lactis Caprini cum julapio violaceo, vel Rosaceo permixtum. Chalybis succus in vinum solutus exhibetur ad semiunciam cum duabus vnciis aquæ Alkekengi. Quibus cùm nihil proficeret, ope aquæ stillatitiæ Terebninthinæ per mensem assumptæ in totum est levatus […].

[Huit années durant, un homme parvenu au déclin de l’âge a pissé une pituite épaisse, dont on ne l’a guère prémuni en recourant à diète adaptée, aux évacuants et aux diurétiques, non sans qu’il expulse, par la même voie et avec difficulté, de longs filaments blancs (dont vous auriez dit qu’il s’agissait de vers). On administra plusieurs remèdes ordinairement utiles, mais qui furent sans effet car, en l’espace de trois jours, il expulsa une grande quantité de poils longs d’une palme, {b} épais et durs (que vous auriez très justement appelés des soies de porc), dont l’émission était précédée d’une ischurie. {c} Ils tiraient leur origine d’une humeur muqueuse, mais fort brûlée et ratatinée. Voyant cela, on lui prescrivit de prendre des bains, et de boire du petit-lait de chèvre mêlé à du sirop de violettes ou de roses ; on lui donna aussi une demi-once de suc chalybé dissous dans du vin et deux onces d’eau d’alkékenge. {d} Comme il n’en tira aucun profit, il fut entièrement guéri par de l’eau distillée de térébenthine {e} prise pendant un mois (…)].


  1. V. supra note [7].

  2. Quatre travers de doigt.

  3. Rétention passagère d’urine.

  4. Le suc chalybé est une préparation à base d’acier, et l’alkékenge, une plante, autrement nommée coqueret, réputée rafraîchissante et diurétique.

  5. V. supra note [16] pour la térébenthine.

24.

L’observation li de la centurie v des Observationes et curationes chirurgicæ de Wilhelm Fabricius Hildanus, {a} intitulée Semen Anisi, Carbones, et Pili cum urina rejecti [Semence d’anis, charbons et poils rejetés avec l’urine] (tome 2, pages 318‑326), transcrit trois lettres échangées avec Gregor Horst {b} entre 1621 et 1626, où la présence de poils dans l’urine finit par être admise après avoir été très longuement débattue.


  1. Lyon, 1641, v. note [4], Historia anatomica, chapitre iii.

  2. V. note [3], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst (1655).

L’observation d’Abraham Zacutus Lusitanus {a} (loc. cit., pages 284‑285) est intitulée De Pene Virili. Musca per urinam excreta [Sur la verge virile. Mouche expulsée avec l’urine] :

Animalia viua per penem excerni, vt Vermes, Cimices, nouum non est. Nos in viro Gonorrhæâ fœdâ laborante, et urinæ difficultate correpto, vidimus excretam per penem Muscam, quâ expulsâ, à dolore, quo antea in radice penis immaniter premebatur, leuatus est. Hic postea Ebeni decocto, et vrinam prouocantibus, conualuit.

[Il n’est pas nouveau que des animaux vivants sortent par le pénis, comme vers ou punaises. Pour notre part, chez un homme qui souffrait d’une répugnante gonorrhée avec vive gêne urinaire, nous en avons vu sortir une mouche, et dans le même temps, disparut la douleur qui le persécutait extrêmement à la racine par la verge. La décoction d’ébène {b} et les diurétiques l’ont ensuite guéri].


  1. V. supra note [23].

  2. L’aubier d’ébène « infusé dans l’eau purge la pituite et guérit les maux vénériens » (Furetière).

Je n’ai rien trouvé sur la présence de persil (apium) et de champignons (fungi) dans les urines en parcourant les ouvrages de Julius Alexandrinus (Giulio Alessandrino von Neustein, Salubrium sive de Sanitate tuenda, libri trigintatres… [Trente-trois livres de conseils médicaux ou sur la manière de protéger la santé…] (Cologne, 1575, vnote Patin 24/1020) et de Nicolaus Florentinus (v. supra note [10]).

25.

Intitulée S’il est possible qu’il se forme de nouvelles maladies et quelles causes peuvent les produire, cette question de Plutarque contient bien des extravagances, dont ces deux-ci :

« Un homme, après avoir longtemps souffert d’une rétention d’urine, rendit un épi d’orge avec ses nœuds tout formés. L’Athénien Éphébus, notre ami, jeta par l’urètre, avec une grande quantité de sperme, une petite bête velue, qui avait plusieurs pieds et qui courait très vite. » {a}


  1. Traduction de l’abbé Ricard, 1844.

26.

Dernière étrangeté de cette sidérante énumération d’histoires à dormir aujourd’hui debout, l’arroche est définie par Furetière comme étant une :

« Herbe potagère qui vient en quinze jours. Ses feuilles sont larges du côté de la tige et vont toujours en diminuant vers la pointe comme des fers de flèche. Elles sont grasses, pleines de jus, et vertes tirant sur le jaune. Ses tiges sont rouges et hautes quelquefois de quatre coudées, {a} d’où sortent plusieurs branches chargées de graine enclose dans de petites bourses. On tient que les épinards sont des espèces d’arroches. Il y a des arroches sauvages et des arroches de mer, qui ressemblent aux épinards. On appelle aussi les arroches, bonnes dames follettes ; {b} en Latin, atriplex, ou aureum olus. » {c}


  1. Environ deux mètres.

  2. C’est bien ici le cas de le dire.

  3. Je n’ai pas trouvé la trace imprimée de cette singulière observation de Jan van Horne (v. note [49], lettre de Sebastianus Alethophilus à Jean Pecquet).

27.

Ma traduction du début de ce dernier point est une interprétation contextuelle et médicalement plausible d’un latin autrement inextricable. Sans y changer un mot, Théophile Bonet, l’un des grands pionniers de l’anatomie pathologique, l’a transcrit (sans en corriger la syntaxe) dans son monumental Sepulchretum sive Anatomia practica, ex cadaveribus morbo denatis proponens historias et observationes omnium pene humani Corporis affectuum, ipsorumque Causas reconditas revelans [Sépulcre, ou Anatomie pratique tirée des cadavres morts de maladie, présentant des histoires et observations de presque toutes les affections du corps humain, et dévoilant leurs causes cachées], {a} tome premier, page 753. {b} Le commentaire de Bonet se limite à reconnaître qu’une partie du chyle (aliquem chylum) {b} passe du mésentère dans le thorax, mais sans sembler partager l’enthousiasme de Thomas Bartholin sur les conséquences pathologiques de cette nouvelle voie.


  1. Réédition de Lyon, 1700, vnote Patin 2/909.

  2. Livre ii, section vii, De Tabe in genere et Pulmonari [Du Tabès généralisé et pulmonaire], observation cxliv, Tabes à Glandularum lactearum lumbarium vitio [Tabès par altération des glandes lactées lombaires].

  3. V. note [2], Historia anatomica, chapitre viii.

a.

Page 26, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

CAP. IX.

Plurima inventi novi commoda.

Hincqve ratio multorum affectuum in corpore hu-
mano reddi facilis potest, qvos hactenus vel igno-
rare coacti sumus, vel longè per ambages repetere.

     I. Manifestum jam est et certa brevissimaqve via inven-
ta est, qva potatores, qvi cum Promacho congios vini vel
qvatuor hauriunt, vel cum Boneso,{a} qvi bibit qvantum
hominum nemo, non ut vivant nati sunt, sed ut bibant, ci-
tissimè et copiosè mejant. Longior enim vulgata via per
hepar, cor, arterias, emulgentes, renes, ureteres, vesicam,
et qvanqvam in breviori invenienda desudent Aquapen-
dens
per hepar ex ventriculi venis gastricis, et Piso Conrin-
giusquve
per lienem ; tamen ille inventâ circulatione fine suo
excidit, hi verò vias conceptas ex ignenio, monstrare non
possunt, ad sensum.

     II. In Diabete legitima {b} potus talis per vesicam reddi-
tur qvalis fuit assumptus, idqve brevi interpositá morà. Do-
cet id Galenus passim, Trallianus, Aetius aliiqve et testatur
experientia. Amatus Lusitanus Cent.2. Cur.94. Roma-
ni cujusdam meminit, qvi vini meracioris potui indul-
gens in diabetes lapsus est, et qvicqvid bibisset, statim et
qvale sumpsisset, per urinam reddiderit. Saxonia part.2.
Præl. Pract. c.34. {c} vidit Nobilem Venetum, qvi in prandio
per aliqvot annos biberat triginta qvatuor phialas vini ci-
tò tamen omnia excreverit. Trincavellius l.10. Prax. c.11.


  1. Sic pour : Bonoso.

  2. Sic pour : legitimo.

  3. Sic pour : c.35.

b.

Page 27, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

qvendam scribit febre maligna laborantem, cum nihil bi-
beret, nisi aqvam gelidam, in Diabetes incidisse, ut potus
omninò immutatus redderetur, servans eundem colo-
rem, consistentiam, saporem, atque odorem. Zacutus Lusi-
tanus
lib.2. Prax. Adm. Obs.71. narrat de qvodam meraci-
oris vini potu nimium indulgente, parvo tempore plures
ingentesqve calices exsiccasse, sed qvicqvid bibisset, illicò o-
dore, sapore, colore inalteratum minxisse, et, qvod o-
mnem fidem superat, intra horæ spacium 20. libras aqvæ
ebibentem, eundem potum qvalem hauserat, limpidissimum
per urinam excrevisse. Salmuth Cent.2. Obs.95. {a} virum no-
vit, qui vino Leustadiano se crebrius ingurgitans, illud
per unirnam crudum planè in substantia, colore et odore
(sed gustare se noluisse) rejiceret. Patavij mihi referebat
Benedictus Sylvaticus {b} summus Practicus, vidisse se me-
jentem vinum rubrum eo colore et odore, qvo hauserat.
Externa nolo exempla, qvia in meipso nuper sum exper-
tus in calculosis insultibus, qvi me per vices carnificis in-
star (ut cum Erasmo conqverar) torqvent, potum exigua
mensura vinum Rhenanum, tanqvam diureticum, brevi
post clarissimum in matula prodiisse, colore et substantia
persimile, taleqve per aliqvot dies immutatum manis-
se. Laborent qvantum velint Practici in renum intempe-
rie, viarum laxitate, attractricis vel retentricis imbecillita-
te, nunqvam tamen se expedient, nisi breves has vias habu-
erint perspectas, per qvas sine substantiæ mutatione aut
sangvinis miscelâ, cito meati transeunt assumpta.


  1. Sic pour : 91.

  2. Sic pour : Silvaticus.

c.

Page 28, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

     III. Jam demum asseqvimur, unde in qvibusdam
lac seu chylus cum urina redditus. Vidit Nicolus {a} Flo-
rentinus
Serm.5. tr.10. c.21. in castro Itri juvenem trigena-
rium, qvi omni die mejebat urinam multam, in qva resi-
debat sicut lac coagulatum album, ad qvantitatem me-
dii urinalis, præter substantiam urinæ, qvæ illi superemi-
nebat. Schenckius refert animadversum fuisse à Petro
Sphererio, Polonum qvendam exulceratione (ut puta-
bant) renum laborantem in Nosocomio S.S. subinde u-
rinam lactis instar albam et crassam reddidisse, sæpius à
se visam. Ne verò hanc lacteam materiam de pure inter-
preteris, prodeat Felix Platerus, qvi lib.3. Observ. p.m.
836 in se ipso expertus est longo tempore sine noxâ ullâ
aut incommodo urinam lacteam, qvæ qviescens nonni-
hil materiam albam lactis crassioris instar in fundo, coch-
learis unius vel duorum mensurâ deponebat. De uxore
D. Du Bourlabé, qvæ cum urinis quid mejebat, lacteum, et
referens albore, æqvalitate et levitate verum pus sine Ne-
phritidis suspicione, contra seniorum Medicorum decre-
tum statuit Ballonius lib.2. Consil. Med. 39. forte laten-
tem subesse mesenterii abscessum, urinæ lacteæ causam,
qvod à mente nostra parvo distat intervallo. Alia qvæ de
urina alba producuntur ab Actuario l.1. Præv. Urin. c.2. et
Theophilo, qvanqvam ad rem nostram trahi possent, da-
to studio prætervehor.

     IV. Promptum nobis videre, cur nephreticos exhi-
bita remedia lithontriptica statim subinde sublevent, vel


  1. Sic pour : Nicolaus.

d.

Page 29, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

qvo modo Venerem stimulantia, legumina, etc. brevi
mora et sine impedimento viarum ad arterias emulgen-
tes deveniant et spermaticas, qvia in consueto et hacte-
nus recepto itinere longiore, virtus alioqvin remedio-
rum facilè hebesceret.

     V. Nec amplius dubitamus, cur hausta Diuretica
in urinis odorem et colorem imprimant, ut de Terebin-
thinâ, Cassiâ, Junipero, aliisqve notum. In qvam rem e-
legans extat apud Actuarium lib.1. de Jud. Urin. c.20. hi-
storia servi ejusdem, qvi sumpto, heri jussu, trochisco a-
maro oxymelle mixto, qvem morosus æger et delicatu-
lus aversabatur, in itinere nigrum mejebat metu mortis,
nisi medicamenti hausti memoria recurrisset.

     VI. Qvomodo, et qvia expedita, cum cibis de-
glutita multa, simul per urinas sint reddita, nemo est qvi
non divinare possit. Virginis Venetæ historia apud Ale-
xandrum Benedictum
, Schenckium l.3. Obs.9. {a} Sanctorium
l.14. Meth. Vit. Err. c.11. Paræum l.24. c.19 aliosqve extat
consignata, qvæ acum crinalem qvatuor digitos longam
deglutiverat, eandemqve citra noxam post biennium ex
vesica calculosâ materiâ involutam cum urina reddidit.
Torqvent se in viis indagandis Claudinus in Resp. Med.
40. Langius in Epist. p.745. Sanctorius l.d. sed qvacunqve
elegerint, et longæ erunt et à vulnere nunqvam immu-
nes. Nostra autem perbrevis, nec ita periculosa. Idem de
aliis esto judicium. Nihil mictione pilorum tritius. Peri-
odicam observavit Tulpius l.2. Obs. c.52, in filio Consulis


  1. Sic pour : 10.

e.

Page 30, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

Hornani, cui qvolibet XIV. die mictus pilorum æqvanti-
um digitum integrum per 4 dies supervenit cum insigni
urinæ difficultate. Ejus magnitudinis et vidit Nic. Flo-
rentinus
. Fasciculos pilorum ex vesica excretos fœminæ
habuit Schenckius. Pilos palmi longitudine crassos et du-
ros instar setarum porci excretos vidit Zacutus l.2. Prax.
Adm. Obs.63. Disputat qvidem Hildanus in Obs. ad Hors-
tium
omnes fieri ex humoribus, sed irrito de singulis co-
natu, qvum veri pili et cum cibis assumpti ab assatis hu-
moribus facilè discernantur. Miraculo vicina videntur,
nisi nostræ viæ nuper repertæ ad partes vocentur, qvæ pas-
sim apud alios leguntur per urinam rejecta, nempe apij
radices, teste Julio Alexandrino, fungi apud Nic. Floren-
tinum
, muscæ, referente Zacuto l.2. Prax. adm. Obs.101. Se-
men anisi post pastum sumptum, et carbones, et grana al-
kekengi, notante Hildano in Obs. Paleæ hordeaceæ, apud
Plutarchum l.8. Symp. probl.9. et olus integrum in cœna
à virgine Amstelodamense comestum, qvod nuper ibi-
dem Jo. van Horne Anatomicus Leydensis observavit.

     VII. Patet præterea nobis jam oculatioribus, cur hy-
drops interdum hausto potu statim distendat ventrem,
qvod in amico meo intimo non ita pridem observavi,
nempe ob peritonæi tunicam, cui glandulæ lacteæ im-
mersæ latent, impletam. Nec difficile explicatu est, qvo-
modo per diuretica Hydrops sæpe terminetur, perqve uri-
nas solvatur.

     VIII. Deniqve unde atrophia partium, præsertim tho-

f.

Page 31, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

racicarum, qvæ ex glandulis lacteis chylum sugunt. Pre-
mitur subinde Receptaculum lacteum et διαδοσιν {a} chyli
remoratur, obstruitur, et inflammationes aliosqve tumo-
res patitur. Vidimus id in cadavere humano, in qvo ad
atrophiam omnia, excepto hepate sano, vegebant, flacci-
dis pulmonibus et marmoris instar variegatis, buboni-
bus in inguine, gangrænâ in pede et aliis pessimi habitus
indiciis. Sana erat altera glandula lactea, rubra altera qva-
si inflammata et phlegmonodes. Unde hepar qvi-
dem sanum et multæ mesaraicæ lacteæ, at thoracicæ la-
cteæ non ita plenæ aut tumentes chylo. Plura de inventi
novi utilitatibus in aliam differo occasionem, ut ex im-
mensa segete stipulam relinqvam.


  1. Sic pour : διαδοσις.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Thomas Bartholin, Historia anatomica sur les lactifères thoraciques (1652), chapitre ix

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=1029

(Consulté le 09/12/2025)

Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.