Texte
Jean Pecquet
Dissertatio anatomica
de circulatione sanguinis
et motu chyli
(1651)
Chapitre xi  >

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et motu chyli (1651) : Chapitre xi

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=0031

(Consulté le 22/05/2025)

 

[Page 76 | LAT | IMG]

Le mouvement du chyle. [1]

Il est pareillement montré que le chyle pénètre dans les veines lactées,
puis est poussé, mais non aspiré, dans le cœur
.

Après avoir expliqué le mouvement du cœur, celui qui fait avancer le chyle pourra être aisément démontré.

Tout le monde sait que l’estomac digère les aliments, dont le chyle est exprimé quand ils parviennent aux intestins ; [1][2][3] lequel passe, par les petits pores [4] que la nature y a ouverts, [Page 77 | LAT | IMG] au travers de la paroi intestinale, et se retire ensuite dans les veines lactées[5] Quant à savoir si les intestins imitent un tamis ou une éponge, leur double paroi (qui leur est particulière) n’agit pas comme l’un ou l’autre, mais comme l’un et l’autre : la nature a tissé leur paroi superficielle en un fin écheveau de filaments très menus, ressemblant indéniablement à un crible ; mais dans sa prévoyance, elle a tapissé leur couche profonde, dont la substance est très molle, d’un enduit admirable, qui la rend ridée ou, si tu préfères, spongieuse ; en sorte que la partie grossière des aliments passe son chemin sans lui nuire, mais que le suc plus subtil, séparé des déchets, est tamisé dans les veines lactées. [2][6]

Les expériences précédemment décrites [3] ont montré le chemin du chyle ; il faut maintenant chercher à savoir s’il est poussé ou entraîné.

Le chyle n’est pas attiré[7]

Si tu lies les veines lactées dans le mésentère ou dans la cavité thoracique, [8] leur turgescence, sous le blocage, du côté tourné vers les intestins, ruinera toute idée que le chyle y soit attiré ou sucé. [4][9]

Tu ne diras donc pas non plus que les lactifères puisent le chyle à la manière dont agissent les sangsues : en effet, elles n’attirent pas le sang, mais ne le puisent pas autrement que nous le faisons quand nous plongeons un chalumeau dans une fontaine ou dans un tonneau et faisons monter le liquide en l’aspirant avec la bouche ou les poumons : les sangsues piquent les veines cutanées et, en élargissant leur ventre (c’est-à-dire en se distendant comme font les poumons), elles se gorgent du sang qu’elles envoient dans leur estomac qui est capable de se dilater. [5][10]

Le chyle est donc propulsé dans les lactifères ; [6] mais [Page 78 | LAT | IMG] on en vient alors à se demander s’il s’agit d’une action des intestins qui leur est particulière ou d’origine extérieure.

La contraction des intestins.

Quand le chyme, ou suc extrait des aliments, [7][11] s’écoule de l’estomac dans les intestins, il les fait enfler en tendant leurs fibres complaisantes, à la manière d’un ressort ; si bien qu’après s’être élargis sous l’effet de cette impulsion, ils retrouvent ensuite leur état naturel, en se resserrant de proche en proche depuis l’estomac jusqu’à l’anus. J’en conclus que si cette contraction est particulière aux intestins, comme aux autres viscères membraneux, leur dilatation est d’origine extérieure. Il existe néanmoins une autre contraction, que nous avons dite impétueuse et qu’on provoque en piquant, par le fer ou par l’acidité ; et il existe aussi une autre dilatation, qui n’est pas externe mais naturelle, quand l’intestin, après s’être rétréci et resserré, retrouve l’expansion spontanée qui lui convient.

Outre cette contraction de l’intestin, qui lui est propre, [12] il faut remarquer l’allongement et le froncement de sa membrane spongieuse car, en puisant le suc très fluide du chyme qui s’écoule de l’estomac, elle gonfle comme une éponge ; mais sous l’effet, je pense, d’une pression des parties adjacentes, ou de quelque autre cause, elle se ride aussi pour chasser le chyle en partie vers l’intérieur et en partie dans les veines lactées. [8]

Il convient aussi de remarquer que cette contraction et ce froncement des intestins succèdent à leur dilatation par un phénomène qui leur est extérieur, et qu’elles ne contribuent que fort peu, voire pas du tout, à chasser le chyle dans les lactifères, car le plus souvent elles l’empêchent plutôt d’y pénétrer. Plus l’intestin est contracté, plus ses pores sont serrés, ce qui obstrue [Page 79 | LAT | IMG] les orifices terminaux des lactifères et ne permet qu’à fort peu de liquide d’y passer. Nous avons plus haut relevé ce phénomène, en traitant de la contraction impétueuse des vaisseaux ; [13] il est commun aux autres organes membraneux, comme le montre facilement et clairement une expérience menée sur une vessie fraîchement excisée : bien qu’elle soit distendue par l’urine qui s’y est accumulée, il n’en sort pas une goutte par les trous qu’on y a percés avec une aiguille, mais elle en jaillira si on la comprime avec violence. [14]

Le mouvement péristaltique des intestins (que nous avons si souvent observé en disséquant des animaux vivants), [9] parce qu’il contracte leurs parois de proche en proche, en provoquant un froncement qui obstrue leurs méats, est incapable de chasser le chyle dans les vaisseaux lactés, à moins peut-être d’y ajouter un autre mouvement de dilatation : en même temps que la partie supérieure d’un segment se ride, son aval se distend et pourrait alors offrir un plus large accès de la nourriture ingérée aux lactifères et l’y faire pénétrer.

Étant donné que cette dilatation, produite par la progression du chyme, semble être peu efficace à bien ouvrir les petits pores par où s’enfuit le chyle, il faut absolument en venir à une compression plus vigoureuse des intestins.

La compression des intestins.

Je lui trouve deux causes principales, à savoir la respiration, et la contraction des muscles de l’abdomen et du thorax, laquelle permet surtout de satisfaire la nécessité de déféquer les excréments intestinaux et de vider la vessie, et peut-être même la vésicule biliaire. La poussée conjuguée de l’air inspiré retenu dans les poumons et de la violente contraction des muscles [Page 80 | LAT | IMG] comprime fortement les viscères ; et c’est, je pense, ce qui crée le mouvement qui permet à l’estomac d’expulser le chyme dans les intestins, puis aux intestins de chasser le chyle, ou suc blanc, dans les lactifères. [10][15][16]

Je n’invoque pas cette alternance de contraction et de relâchement que les muscles déploient pour assurer le mouvement incessant de la respiration, car il n’en existe pas de telle dans les viscères, qui soit capable de comprimer les intestins pour en faire sortir le chyle. Je n’invoque pas non plus les battements des artères qu’on voit luire autour des intestins car après qu’on les a affaissées en liant l’artère cœliaque, [17] le chyle continue à s’avancer et à gonfler les lactifères. Il reste donc à nous replier sur la puissante contraction des muscles ou sur la contrainte permanente imposée par l’expiration et l’inspiration.

Le mouvement du chyle est continu, tant que les aliments en procurent. Il exige une force de compression dont l’origine est à identifier ; mais il est presque inepte de la chercher dans la contraction des muscles, dans la mesure où elle n’est que momentanée. C’est donc à l’obligation de respirer que je dois maintenant recourir.

La respiration.

On montre comment se fait la respiration et en quoi elle contribue au mouvement du chyle. Des expériences prouvent que l’enveloppe des poumons n’est pas perméable.

La respiration se fait (comme chacun sait) par la dilatation alternée de l’air et des poumons : celle de l’air est provoquée par la chaleur des poumons qui le reçoivent, quand les muscles respiratoires se détendent ; [Page 81 | LAT | IMG] leur contraction volontaire force ensuite l’air à être chassé.

La distension inspiratoire provoque la béance des plaies thoraciques, ce qui prouve que l’enveloppe des poumons est parfaitement imperméable, du moins dans le sens qui va du dedans au dehors ; et aucun effort respiratoire, si intense soit-il, ne sera capable de forcer ce barrage.

Ces faits sont avérés par l’expérience : si, à l’aide d’un chalumeau que tu y as introduit, tu souffles dans les bronches d’un animal vivant (tandis que tu le dissèques), tout l’air que tu pourras y pousser ne parviendra pas à faire bouger la flamme d’une bougie que tu as approchée, tant que tu n’auras pas enlevé ladite enveloppe. [11]

Il faut noter ici que les chirurgiens se trompent très souvent dans les plaies pénétrantes du thorax : [18] ils en approchent un flambeau, et si l’air mobilisé par la respiration fait vaciller la flamme, ils sauront que le poumon a été gravement touché. S’ils répugnent à me croire, qu’ils osent donc, quand ils opèrent les malades qui crachent du pus, recourir pareillement à la mobilité de la flamme pour savoir si le poumon est rompu.

J’ai parlé d’air passant de l’intérieur du poumon vers l’extérieur car aucune observation expérimentale ne m’a clairement convaincu qu’il puisse aller dans le sens inverse, c’est-à-dire de l’extérieur à l’intérieur de l’enveloppe pulmonaire. [12]

Tu n’iras pas pourtant déduire qu’elle est poreuse en voyant parfois la sanie d’une pleurésie [19][20] teinter dans les crachats ou s’écouler dans les urines : Riolan, au chapitre iv, livre iii de son Encheiridium, a eu soin de remarquer que cela ne peut se faire sans que la plèvre ne soit rompue et les poumons excoriés : soit que poumon et plèvre aient adhéré aux côtes avant la pleurésie, soit qu’ils se soient étroitement soudés l’un à l’autre quand le phlegmon a commencé à s’échauffer, tant [Page 82 | LAT | IMG] sous l’effet collant du liquide visqueux que fait sourdre l’ardeur de l’inflammation, que sous celui de la moindre amplitude du mouvement respiratoire, due à la douleur et à l’enflure. Quand le phlegmon [21] est au contact des deux membranes et se liquéfie, il induit en effet leur putréfaction. Le pus qui fait alors irruption dans le poumon peut être emporté ou bien dans les bronches pour être craché, ou bien dans le ventricule gauche du cœur en passant par la veine artérieuse[22] passant ensuite dans l’aorte, pour être très souvent entraîné dans les reins, qui le mêlent à l’urine. [13]

Pourtant, me diras-tu, s’il n’y a pas contiguïté des membranes et si la plèvre rompt, le pus ne demeurera-t-il pas dans le fond du thorax ? Je pense qu’il y restera, et non sans dommage, si on ne l’évacue pas promptement en ouvrant l’abcès.

Revenons à la respiration : les poumons se dilatent, en même temps qu’ils compriment le diaphragme [23] et le foie vers le bas. Ce dernier, en agissant à la manière d’un pilon dont le poids s’ébranle à intervalles réguliers, pousse le chyme à traverser le pylore pour passer de l’estomac dans les intestins, tout en dilatant leurs petits pores, que la substance la plus subtile des aliments emprunte pour gagner les lactifères ; cela est comparable aux enfants qui entortillent entre leurs doigts une peau d’anguille qu’ils ont remplie d’eau, y percent çà et là des petits trous à l’aide d’une aiguille très pointue, puis s’amusent à la presser pour en faire jaillir de très fins jets d’eau.

L’abaissement du diaphragme mérite un chapitre particulier car il n’est pas hors de propos d’exposer ici tout ce que nous avons compris de son mouvement. [Page 83 | LAT | IMG]

Le mouvement du diaphragme.

Quand les poumons aspirent l’air, ils se gonflent peu à peu et descendent vers la partie médiane du diaphragme qui est attachée à l’épine dorsale. À son pourtour, la susdite partie est composée de fibres charnues, mais celles de son centre sont tendineuses et poussent vers le bas en comprimant les organes qui sont suspendus au-dessous de lui, avec un abaissement du foie et un bondissement de l’estomac. En avant, toutefois, la partie médiane du diaphragme s’attache au sternum et aux extrémités cartilagineuses des fausses côtes, et l’inspiration déplie les fibres membraneuses du centre, en tirant obliquement vers le haut les fibres charnues de son pourtour et la région antérieure du poitrail. Ainsi le gonflement des poumons abaisse-t-il les parties postérieures du diaphragme, en même temps qu’il soulève très puissamment ses parties antérieures. [14][24]

N’en déduis pourtant pas que les muscles qu’on appelle respiratoires contribuent en quoi que ce soit à ce mouvement car une fois entièrement réséqués (en épargnant toutefois les intercostaux et le diaphragme), [15] les cartilages du sternum étant mis à nu et la cavité de l’abdomen étant ouverte, l’animal n’en respire pas moins bien que si on n’avait pas du tout lésé la masse entière des dits muscles (comme je l’ai observé à maintes reprises en disséquant).

Voilà ce qu’il faut comprendre de l’inspiration. Dans l’expiration, les parties antérieures du diaphragme et le sternum s’abaissent, en même temps que ses parties postérieures s’élèvent, en entraînant bien sûr le foie et l’estomac qui lui sont suspendus, et que le diaphragme se fronce, en relâchant les fibres tendineuses de son centre et musculeuses de son pourtour.

Avant d’en finir avec ce discours sur le diaphragme, [Page 84 | LAT | IMG] je voudrais seulement te faire remarquer que ses prolongements charnus, qui sont comme appendus au-dessus des reins, se cachent sous le réservoir du chyle, [25] si bien qu’ils ne peuvent se tendre sans tendre aussi ledit réservoir, en le forçant à chasser le chyle qu’il contient. En voilà assez sur le diaphragme, venons-en à réfuter les objections qu’on oppose à notre opinion que la respiration est le moteur du chyle dans les lactifères.

Réfutation des objections contre la respiration.

La respiration étant aveugle, pourquoi donc, me diras-tu, agirait-elle autrement qu’en poussant pêle-mêle dans les lactifères les aliments, tant digérés qu’encore crus, les sucs purifiés et les déchets ? [16] Voici ce que je te répondrais si, dans le tri des opinions courantes, je ne m’étais donné pour règle de ne tenir pour raisonnable que celle qui est fondée sur l’arbitrage de l’expérience : l’estomac étant entièrement dépourvu de lactifères, il n’en sort pas directement de chyle ; [26] ce que l’estomac délivre aux intestins est complètement digéré ; il s’agit donc d’un chyle parfait, qui n’est plus mêlé à la moindre matière crue.

La vérité me force pourtant à reconnaître qu’il n’est pas rare que des aliments sortent de l’estomac avant d’avoir été complètement digérés, puisqu’il s’en précipite jusqu’à l’anus ou à la vessie, lesquels ne peuvent migrer de l’estomac dans la vessie autrement qu’en passant par les veines lactées. [17][27][28]

De plus, qui a bu sans modération du vin pur émet presque aussitôt une urine abondante, mais parfaitement limpide et dénuée de toute coloration ; [Page 85 | LAT | IMG] je pense pourtant que tout ce liquide se serait épaissi et teinté s’il s’était mélangé à la masse entière du sang. De même, les eaux minérales séjournent très brièvement dans le corps après qu’on les a bues ; l’urine prend l’odeur et la couleur des asperges environ un quart d’heure après qu’on les a mangées, tout comme elle rougit sous l’effet du jus qu’on tire des figues d’Inde. [18][29][30][31]

Je dirais donc qu’avant leur complète digestion, le pylore [32] permet probablement à ces liquides de gagner très rapidement la vessie parce qu’il y est pressé soit par son remplissage excessif, soit peut-être par leur effet diurétique, soit pour quelque autre raison, en passant par le chemin du chyle. [19]

Et ne m’objecte pas que ces surplus s’empressent de partir par derrière dans la rate en empruntant le vas breve, pour ensuite se rassembler dans le foie, puis monter vers le cœur, être poussés dans les artères et se jeter enfin dans les reins par les artères émulgentes : [20][33][34] la rapidité de leur transfert est tout à fait incompatible avec un si long parcours, et tant de détours, outre qu’ils les imprégneraient des humeurs auxquelles ils se mélangeraient, augmenteraient leur richesse en sels, ce que l’expérience contredit tous les jours.

Si tu suspectes que se cachent d’imperceptibles méats qui unissent l’estomac aux reins, souffre, de grâce, que je ne croie pas à leur existence tant qu’ils n’auront pas pris une taille qui cesse de les dissimuler aux regards.

J’estime donc plutôt que ces liquides s’écoulent de l’estomac par le pylore, puis sortent des intestins en empruntant les lactifères pour être poussés dans le réservoir du chyle que nous avons découvert sous le mésentère. Une partie emprunte ensuite la voie thoracique du chyle pour gagner le cœur, qui est l’officine du sang ; [35][36] une autre partie se sépare du chyle pour se rendre dans les reins qui sont placés de chaque côté du [Page 86 | LAT | IMG] réservoir du chyle, par le tronc des artères émulgentes, auquel il adhère fermement, et dont la paroi ressemble à une trémie qui convient au passage du sérum. [21][37][38]

À mes yeux, il ne se présente certainement aucune voie plus commode pour tamiser les substances qui s’écoulent très souvent de l’estomac sans y avoir été digérées, ni même s’être imprégnées de sa chaleur.

Quand l’air est excessivement chaud, l’absorption immodérée d’eau froide relâche le ventre, comme font le lait d’ânesse [39] ou encore les eaux minérales. Quand ils sont vomis, les pépins de raisin, les peaux des baies et des fruits similaires, ou les écorces des graines, tout comme les enveloppes des légumes, demeurent à l’état de crudité, quelle qu’ait été la durée de leur exposition à la chaleur de l’estomac. Avec quelle facilité les substances pourvues d’un pouvoir apéritif et laxatif ne s’en écouleront-elles donc pas sans avoir non plus été digérées ? Cela se remarque tout particulièrement avec les potions purgatives qui conservent et leur parfum et leur odeur, et parfois leur couleur, jusqu’à leur expulsion par en bas. [22][40]

Tu m’objecteras encore que le chyle continue à progresser dans les lactifères alors même que le souffle des poumons a disparu et que les mouvements respiratoires se sont entièrement éteints ; et de fait, lorsque le thorax d’un animal vivant a été ouvert et que ses poumons sont flasques, les veines lactées qu’on a liées dans le mésentère n’en demeurent pas moins gonflées pendant quelque temps.

Voilà sûrement un argument très solide contre notre opinion, mais pour le contrer, je voudrais que tu notes bien ce que j’ai très souvent observé : les lactifères qu’on a ligaturés dans le mésentère ne sont enflés que tant que le thorax de l’animal est intact et qu’il remue vigoureusement la masse de ses viscères abdominaux et tous les muscles de son corps ; mais une fois le thorax ouvert et ces mouvements abolis, les lactifères s’affaissent complètement ; à moins peut-être que la membrane spongieuse des intestins, en se contractant sous l’effet de l’air froid ou des derniers aiguillons de la douleur, [Page 87 | LAT | IMG] ne chasse dans lesdits lactifères ce qui reste du chyle qu’elle avait antérieurement recueilli.

La respiration (et telle est ma conclusion) chasse donc le chyle dans les lactifères, et ce grâce aux deux forces que sont la contraction et la compression. Par son lien avec les organes du voisinage, elle fait avancer le chyle dans les intestins comme dans les vaisseaux lactés. Elle est si contraire à la plénitude de ces conduits qu’après la mort, elle soustrait à la vue toute trace des chylifères du thorax ou des intestins, tout comme du réservoir situé au-dessus des reins.

Tels sont les remarquables faits que je devais publier sur les mouvements du chyle et du sang, et sur leurs moteurs. Il me reste à examiner ta complainte sur le siège de la sanguification, dont j’ai soustrait la charge au foie. [41]


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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